Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-18.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 février 2014), que, par un protocole d'accord du 4 décembre 2003, la société Groupe Caillé (la société Caillé) a acquis 60 % des parts de la société Car, dont MM. X... et Y... étaient dirigeants, avant d'en devenir salariés et d'en détenir chacun 20 % ; que, selon l'article 8 du protocole, en cas de départ de MM. X... et Y... de la société Car à l'initiative de la société Caillé, celle-ci s'engageait à racheter irrévocablement, pour un montant de 200 000 euros, les 20 % des titres de la société Car détenus par chacun d'entre eux ; que, le 31 mars 2010, les sociétés Caillé et Car ont été mises en procédure de sauvegarde ; que, le 27 octobre 2010, les procédures de sauvegarde ont été converties en procédures de liquidation judiciaire ; qu'un plan de cession de la société Car a été arrêté le 9 novembre 2010, MM. X... et Y... étant licenciés le même jour ; que, le 19 juillet 2011, ces derniers ont assigné la société Caillé en paiement à chacun d'eux de la somme de 200 000 euros ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que l'article 8 du protocole d'accord du 4 décembre 2003 qui prévoyait que « dans le cas où MM. Jean-Pierre X... et Yann Y... quitteraient le groupe Car à l'initiative du groupe Caillé (licenciement), le groupe Caillé s'engage à racheter irrévocablement pour un montant de 200 000 euros les 20 % des titres du groupe Car détenus par chacun d'eux », devait s'analyser en une promesse unilatérale d'achat assortie d'une condition suspensive qui, comme telle, devait être considérée comme une créance postérieure dès lors que l'option avait été levée après l'ouverture de la procédure collective ; qu'en se bornant à relever que la clause avait institué une indemnité de rupture qui comme telle, ne saurait être considérée comme une créance privilégiée, sans user de son pouvoir de requalification, la cour d'appel qui n'a pas tranché le litige conformément aux règles de droit qui étaient applicables, a violé les articles 12 du code de procédure civile, 1134 du code civil et L. 622-17 du code de commerce ;
2°/ que le juge doit respecter le principe de la contradiction et qu'il ne peut relever d'office un moyen de pur droit sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la créance litigieuse s'analysait en une indemnité de rupture, ce qui excluait en soi son caractère privilégié, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions des parties ; qu'en l'espèce il est constant que la société Caillé n'a jamais contesté que la créance dont se prévalait M. Y... fût bien une créance née postérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en considérant, pour juger l'inverse, que le fait générateur, c'est-à-dire notamment l'acte qui lui donne naissance, était survenu antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu les termes du litiges au mépris de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'au cas présent, pour juger que la dette de la société Caillé n'était pas née pour les besoins de la procédure ou en contrepartie d'une prestation, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'« à l'évidence » la dette de la société Caillé n'avait pas été contractée pour les besoins de la procédure ; qu'en statuant ainsi sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait sa décision et sans examiner ni s'expliquer, fût-ce de manière sommaire, sur les éléments versés aux débats par M. Y..., qui établissait que c'est pour des besoins stratégiques de la procédure de sauvegarde qu'il a semblé à la société Caillé que sa survie passait par le sacrifice de la société Car, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le liquidateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce lors de la mise en liquidation judiciaire de la personne morale représente le débiteur pour les actions à caractère patrimonial ; qu'en l'espèce, pour estimer que l'article 8 du protocole d'accord signé le 4 décembre 2003 ne pouvait jouer dès lors que ce n'était pas la société Caillé qui avait pris l'initiative de licencier M. Y... mais le liquidateur judiciaire, M. A..., la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 641-9 et L. 641-10 du code de commerce ;
6°/ que le protocole d'accord signé le 4 décembre 2003 prévoyait en son article 8 que la société Caillé s'engageait à racheter irrévocablement pour un montant de 200 000 euros les 20 % des titres de la société Car détenus par M. Y... si ce dernier quittait la société Car « à l'initiative du groupe Caillé (licenciement) », ce dont il résultait que la cause du licenciement était indifférente ; qu'en jugeant néanmoins, pour refuser le bénéfice de cette clause à M. Y..., que les licenciements étaient consécutifs à la liquidation judiciaire de la société Caillé intervenue quelques jours plus tôt et qu'ils étaient devenus inéluctables du fait de la situation de la société Car, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du protocole et a, dès lors, violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, sans nier que la créance invoquée par MM. X... et Y... fût née après le jugement d'ouverture de la procédure collective, l'arrêt, après avoir constaté que cette créance avait pour fondement une clause prévoyant qu'en cas de licenciement à l'initiative de la société Caillé, leurs droits sociaux leur seraient rachetés à un prix convenu, retient « qu'à l'évidence la prétendue dette » de la société Caillé « n'a pas été contractée pour les besoins de la procédure », faisant ainsi ressortir que la créance de MM. X... et Y... fondée sur la clause litigieuse n'était pas utile aux besoins du déroulement de la procédure collective ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches, la cour d'appel a exactement déduit le rejet de la demande en paiement de la valeur de leurs droits sociaux formée par MM. X... et Y... ; que le moyen, qui est inopérant en ses première, deuxième, troisième, cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.