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Décisions

Cass. crim., 25 septembre 1997, n° 96-82.818

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. Lucas

Avocat :

Me Foussard

Caen, ch. corr., du 16 févr. 1996

16 février 1996

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60, 405 du Code pénal ancien, des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'escroquerie et lui a infligé six mois d'emprisonnement avec sursis ainsi que 60 000 francs d'amende ;

" aux motifs que le prévenu ne peut sérieusement soutenir n'être poursuivi que pour le seul dossier Y... ; que la prévention a visé, outre le dossier Y..., des escroqueries commises dans des dossiers médicaux non identifiés, au vu des aveux passés par le prévenu et réitérés devant le juge d'instruction, quand bien même les dossiers concernés n'ont pu être retrouvés, les organismes sociaux n'ayant procédé à cet égard que par sondages ; que X... a reconnu avoir pratiqué des surcotations illicites sur des appendicectomies pratiquées en 1987 par Z... ; que si ces déclarations ont été par la suite contestées et minimisées, il convient de relever que dans sa déclaration à la police, X... a rappelé que courant 1987, il s'était rendu compte de la surcotation systématique de certains actes effectués par Z..., chirurgien, et qu'il en avait d'abord parlé à celui-ci et au docteur A... puis à ses collègues anesthésistes, et qu'il avait à partir de ce moment-là cessé de pratiquer des surcotations sur ce type d'interventions ; que ces éléments ont été confirmés par X... devant la cour ; qu'en effet, celui-ci a déclaré que devant le développement de tels comportements, il avait dénoncé ce système auprès du docteur A... ; qu'enfin il sera rappelé que devant le juge d'instruction, X... avait néanmoins admis quelques surcotations entre le 24 juillet 1987 et le 19 septembre 1987 ; que le jugement entrepris qui a relaxé X... sur le seul dossier Y..., sans examiner le surplus de la prévention, sera réformé ;

" alors que, premièrement, le jugement, pour être motivé, doit constater les éléments de l'infraction ; que l'arrêt attaqué, loin d'avoir statué au vu des faits de l'espèce, s'est contenté de faire référence à certaines déclarations, fort imprécises, du docteur X... ; que faute d'avoir constaté et énoncé des faits précis, susceptibles de recevoir une qualification pénale, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

" alors que, deuxièmement, et en tout cas, un simple mensonge ne constitue pas une manoeuvre caractérisant l'escroquerie ; qu'ainsi, la simple surcotation portée sur des actes médicaux destinés à des organismes de sécurité sociale, constitue une erreur ou un simple mensonge, lorsqu'aucun élément extérieur n'est de nature à leur donner force et crédit ; que faute de constater par quels éléments extérieurs, le docteur X... aurait donné force et crédit aux surcotations qu'il a pu pratiquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" alors que, troisièmement, l'escroquerie suppose l'existence de manoeuvres, une remise, et elle ne peut être retenue que si les manoeuvres ont été déterminantes dans la remise ; qu'en se bornant à faire état de surcotations illicites, sans s'expliquer sur l'existence d'une remise, ni a fortiori constater que la surcotation illicite a été déterminante de la remise, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées " ;

Vu lesdits articles,

Attendu que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison de divers faits qu'il qualifie délit, qu'autant qu'il constate l'existence des circonstances exigées par la loi pour que ces faits soient punissables ;

Attendu que, pour déclarer X..., médecin anesthésiste dans une clinique chirurgicale, coupable d'escroquerie, les juges du second degré relèvent que le prévenu a rempli des feuilles de soins, en utilisant des coefficients de cotation supérieurs à ceux prévus par la nomenclature officielle, avant de les adresser à la Caisse primaire d'assurance maladie en vue d'obtenir la rémunération de ses actes ;

Qu'ils ajoutent qu'en donnant force et crédit à ces documents, par l'apposition de sa signature, l'intéressé a amené les organismes sociaux à lui verser des sommes supérieures à celles auxquelles il pouvait prétendre, en vertu des règles applicables en matière d'assurance maladie, si les prestations avaient été correctement déclarées ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'inobservation par un médecin, lors de la fixation de ses honoraires, de la nomenclature générale des actes professionnels et de la tarification interministérielle correspondante, dans un document soumis à vérification et à discussion de la part de l'organisme social destinataire, ne constitue ni un faux, ni, a fortiori, une manoeuvre frauduleuse constitutive d'une escroquerie, mais seulement la contravention de cinquième classe prévue par les articles L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et 1er du décret du 28 juillet 1988 pris pour son application, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du principe susvisé ;

Que dès lors la cassation est encourue ;

Et attendu que les faits poursuivis, à les supposer démontrés, sont couverts par l'amnistie ;

Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 16 février 1996 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.