ARCEP, 1 décembre 2005, n° 2005-1009
ARCEP
se prononçant sur un différend opposant Western Télécom à France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Paul Champsaur
Membre :
M. Douffiagues, M. Bridoux, M. Curien, M. Feneyrol, Mme Toledano
Avocat :
Me M. Benhaim
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre») ;
Vu la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et notamment son article 133 ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 34-8 et L. 36-8 ;
Vu l'arrêté du 17 juin 1998 autorisant la société Western Télécom à fournir le service téléphonique au public ;
Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu la décision n° 99-528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;
Vu la décision n° 03-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 2 octobre 2003 portant modification de la décision susvisée ;
Vu la décision n° 02-1191 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 décembre 2002 complétant la décision n° 02-593, en date du 18 juillet 2002, établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications;
Vu la décision n° 03-907 du 24 juillet 2003 établissant pour l'année 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;
Vu la décision n° 05-0571 de l'Autorité en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 9 juin 2005, présentée par la société Western Télécom, RCS Paris B 402 876 759, dont le siège social est situé 88, avenue Kléber - 75116 Paris, représentée par Maître Marie M. Benhaim, avocat au barreau de Paris : 41, avenue Foch - 75116 Paris ;
La société Western Télécom, dans sa saisine au fond en date du 9 juin 2005, demande à l’Autorité de trancher un litige conformément à l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques. Elle demande de :
- constater l'échec des négociations entre Western Télécom et France Télécom,
- constater que France Télécom pratique des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents,
- constater que sur le trafic international, France Télécom pratique le ciseau tarifaire sur certaines destinations,
- constater l'absence de voie de contournement sur ces mêmes ou autres destinations,
- auditer les comptes de France Télécom pour déterminer les prix orientés vers les coûts, abstraction faite des avantages mutuels que France Télécom et ses partenaires étrangers pourraient se consentir par le biais des mécanismes de compensation,
- faire injonction à France Télécom de communiquer les prix les plus bas et lui faire injonction de démontrer que ces derniers sont orientés vers les coûts,
- fixer les nouveaux prix non discriminants et orientés vers les coûts que France Télécom sera tenue d'appliquer à Western Télécom,
- réintégrer le marché du transit international dans la liste des marchés pertinents.
I. Rappel des faits
Western Télécom indique que dans le cadre de son activité, elle est interconnectée au réseau de France Télécom et lui achète du transit et de la terminaison internationale à des prix "confidentiels" qui font l'objet de négociations permanentes.
Western a constaté que les prix pratiqués par France Télécom étaient d'une part, discriminants et non orientés vers les coûts, d'autre part, que France Télécom pratiquait un ciseau tarifaire pour certaines destinations dont certaines n'offraient pas de voies de contournement possible.
- L'interconnexion avec France Télécom
Western Télécom précise que le processus permettant de fournir à ses clients une communication téléphonique internationale de bout en bout prévoit que l'appel du client est acheminé dans le processus d'interconnexion entrante jusqu'à ses équipements. Après traitement par le système d'information, l'appel est acheminé jusqu'au commutateur international de France Télécom. Western Télécom souligne que les coûts de cette première opération sont entièrement à sa charge.
Western Télécom indique que France Télécom achemine l'appel jusqu'au commutateur international de l'opérateur étranger qui termine l'appel chez son abonné par une opération de double transit. Western Télécom précise que cette prestation fait l'objet d'une facturation sur la base de tarifs se rajoutant aux coûts de la première partie de l'acheminement de l'appel.
- Les prix sont discriminants et non orientés vers les coûts
Western Télécom rappelle que la pratique de négociation des prix est courante et a fait l'objet de nombreux échanges avec France Télécom. Western Télécom estime que l’addition des coûts des composants de sa prestation, interconnexion entre les deux commutateurs internationaux et terminaison locale, est souvent très inférieure aux prix pratiqués.
- Le ciseau tarifaire et l'absence de voies de contournement
Western Télécom précise qu'elle a identifié neuf destinations pour lesquelles France Télécom a offert à ses clients utilisateurs (prix de détail) des tarifs inférieurs à ceux offerts ou facturés à Western Télécom (prix de gros).
Western Télécom souligne que certaines destinations, en particulier le Maghreb, n'offrent pas de voies de contournement.
II. Sur l'échec des négociations
Western Télécom indique que le 19 octobre 2004, elle a sollicité France Télécom sur les difficultés relatives à l'exécution des contrats de gros et évoqué la possibilité d'un dialogue sur la décision du Conseil de la Concurrence relative au "fixe mobile". Western Télécom précise que le 9 novembre 2004 une réunion s'est tenue avec la DIVOP au cours de laquelle a été évoquée la possibilité de compenser les griefs relatifs aux liaisons louées contre des avantages sous la forme d'échéancier sur les retards de paiement de Western Télécom. Western Télécom indique qu'une seconde réunion s'est tenue le 17 mars 2005 au cours de laquelle ont été examinés les litiges en cours.
Western Télécom souligne que malgré de nouvelles plaintes et relances assorties de demandes de règlement amiable, France Télécom l’a menacée de suspension de service après avoir refusé définitivement toute demande de transaction par un courrier en date du 16 mai 2005.
III. Les griefs
Western Télécom estime que les tarifs de transit international de France Télécom ne sont pas transparents, sont discriminants et non orientés vers les coûts.
- Les tarifs de France Télécom sont discriminants
Western Télécom rappelle que les prix pratiqués par France Télécom ont fait l'objet de nombreuses négociations établissant une discrimination tarifaire entre les opérateurs. Western Télécom constate que les accords d'interconnexion entre France Télécom et les opérateurs étrangers sont confidentiels, ce qui est contraire à l'obligation de transparence imposée à France Télécom.
- Les tarifs de France Télécom ne sont ni transparents ni orientés vers les coûts
Western Télécom note que les prix facturés par France Télécom pour une vingtaine de destinations internationales démontrent que le coût du tronçon liant ses commutateurs internationaux à ceux des opérateurs étrangers ne peuvent être supérieurs à un ½ centime d'euro.
Western Télécom indique que dans cinq cas le prix total facturé par France Télécom à Western Télécom est égal ou inférieur à un centime et comprend tant le tronçon international que le coût de terminaison locale, Espagne (0,77 centimes), USA (0,9 centimes), Suède (0,93 centimes), Canada (0,95 centimes), Argentine (1 centime). Western Télécom estime que le tronçon international ne peut coûter plus cher que la terminaison locale et ne peut être supérieur à ½ centime d'euro.
- Cas du Maroc fixe
En se fondant sur le catalogue d’interconnexion de Maroc Télécom, Western Télécom indique que le prix de l'interconnexion en double transit est de 5,5 centimes d’euro.
Ainsi, elle estime qu’en vertu du principe d’orientation vers les coûts, le tarif qui devrait lui être facturé se situe à environ 6 centimes d'euro. Or, Western Télécom rappelle que France Télécom lui facture un tarif de […] pour cette destination.
- Cas de l'Algérie fixe
Se fondant sur une décision du 3 juin 2003 de l’Autorité de Régulation pour les Postes et Télécommunications Algériennes, Western Télécom rappelle que, le tarif d'interconnexion entre un opérateur alternatif et Algérie Télécom s’élève à 3 centimes d'euro, alors que France Télécom facture pour cette destination entre […].
Western Télécom estime que ce tarif n'est pas orienté vers les coûts et que si ce tarif représentait approximativement les coûts de France Télécom, elle ne pourrait pas revendre au détail cette destination au prix de 9 centimes d'euro, ce qui est le cas en l’espèce.
- Cas du Maroc Mobile, de la Biélorussie, de la Somalie, de la Kirbatie, de la Corée du Nord, de la Guinée Bissau, de Cuba et de Guantanamo
Western Télécom indique que lorsque France Télécom fournit un client final en direct (activité de détail), son prix inclut la collecte et la terminaison. Elle estime que ces deux composantes doivent être prises en considération lorsque France Télécom facture Western Télécom.
Western Télécom souligne que pour chacune de ces destinations, France Télécom revend à un prix de détail inférieur à celui qu'elle facture à Western Télécom en ajoutant au prix de la terminaison celui de l'interconnexion entrante qui fait l'objet d'une facture séparée.
Western Télécom estime d'une part, que le prix de détail doit obligatoirement inclure une marge brute positive, d'autre part, que les tarifs supportés par Western Télécom sont supérieurs aux coûts vers lesquels ils devraient être orientés.
Western Télécom constate que France Télécom ne respecte pas ses obligations puisque les tarifs ne sont pas transparents, sont discriminants et non orientés vers les coûts.
- Sur la pratique du ciseau tarifaire et sur l'absence de voies de contournement pour les pays du Maghreb
Western Télécom indique qu'il ressort de l'étude de la facture d'un Call Shop que celui-ci bénéficie sur le tarif annoncé d'une remise de […] par France Télécom. Cette dernière rajoute à cette remise une remise supplémentaire de […] sur les seuls appels internationaux, l'ensemble de ces deux remises s'applique au prix catalogue entreprises de France Télécom.
Western Télécom souligne que France Télécom octroie également une remise supplémentaire de […] qui n'apparaît pas sur les factures, ce qui met en évidence une ristourne globale de[…]. Elle indique que cette remise de […] rend ainsi France Télécom fautive de la pratique du ciseau tarifaire car le tarif de détail de l’opérateur historique est alors inférieur à la somme du tarif de gros et des coûts propres de l'opérateur alternatif.
Western Télécom précise que ces griefs sont d’autant plus préjudiciables qu’aucune voie de contournement réelle ne s’offre à elle pour quelques destinations. Ainsi, elle note que sur la destination du Maghreb, le meilleur taux de succès des connexions est de 50 % sur le réseau de France Télécom et ce tant pour l'activité de gros que celle de détail.
Western Télécom constate que, sauf à passer par l'activité de détail de France Télécom, il est parfois techniquement impossible de joindre le Maroc ou l'Algérie pendant une ou deux heures voire une ½ journée ou une journée. Elle indique que seule la connexion de France Télécom "détail" aboutit de façon stable à un succès moyen de 50 %.
En outre, Western Télécom indique que pendant ces périodes, les taux de succès de France Télécom "activité de gros" sont très inférieurs. Western Télécom souligne que les coupures longues ou les périodes de forte dégradation sont inacceptables pour les "call-shops" qui constituent une partie importante de sa clientèle.
IV. Le préjudice subi par Western Télécom
Western Télécom indique que d'octobre 2000 à mars 2005, France Télécom lui a facturé la somme de […] au lieu d'un montant qui aurait dû être plus ou moins de la moitié de ce montant. Western Télécom indique qu’elle va demander la réparation du préjudice subi du fait de cette surfacturation devant le Tribunal de Commerce.
Western Télécom considère qu'à ce préjudice se rajoutent d'autres demandes telles que :
- la pratique anticoncurrentielle du ciseau tarifaire et la fermeture de l'accès aux voies de contournement sur le marché du fixe vers mobile d'avril 1999 à janvier 2001,
- la concurrence déloyale par le biais du Win Back,
- le non-respect des clauses contractuelles par le retard délibéré dans la livraison des liaisons louées,
- les pratiques discriminatoires par la tarification des mobile box et du transit international.
Vu le courrier de l'adjoint au chef du service juridique en date du 16 juin 2005 portant désignation des rapporteurs ;
Vu le courrier de l'adjoint au chef du service juridique en date du 17 juin 2005 adressé à la société Western Télécom lui demandant des informations ;
Vu le procès-verbal de la réunion en date du 21 juin 2005 fixant le calendrier de dépôt des mémoires ;
Vu les observations en défense enregistrées le 22 juillet 2005 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, Directeur exécutif chargé des affaires réglementaires ;
I. Sur le rappel des faits
France Télécom souligne que la demande de Western Télécom est sans fondement mais vise à éviter le paiement des sommes dues à France Télécom au regard de ses obligations contractuelles. France Télécom considère que Western Télécom ne conteste pas bénéficier des services souscrits auprès de France Télécom qui a exécuté régulièrement ses propres obligations contractuelles.
1.1. Sur le tarif des prestations de hubbing de France Télécom
France Télécom rappelle que Western Télécom a souscrit plusieurs contrats : d'interconnexion en date du 7 juin 1998, de hubbing en date du 30 avril 2000, de liaison Turbo DSL en date du 21 juillet 2003 et de liaison Interlan en date du 9 juillet 2004.
France Télécom indique que compte tenu des difficultés financières de Western Télécom à partir du mois d'octobre 2000, le Tribunal de Commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire convertie en octobre 2002 en plan de continuation. Compte tenu des difficultés de Western Télécom à respecter ses engagements financiers, France Télécom a été contrainte de déclarer au passif de Western Télécom la somme de […] correspondant à l'ensemble des prestations fournies.
France Télécom rappelle que dans le cadre du plan de continuation, Western Télécom a déjà tenté de s'exonérer de ses obligations contractuelles en tentant d'imposer unilatéralement à France Télécom un nouveau mode de paiement, à compter de juin 2004, au moyen de billets à ordre dont le seul objectif était de contourner l’application des délais contractuels de paiement. France Télécom indique qu'elle a informé le 4 octobre 2004 Western Télécom de son désaccord sur ce mode de paiement au motif que cette pratique allait accroître les délais de paiement.
France Télécom souligne qu'à la suite d'une réunion du 9 novembre 2004, Western Télécom a proposé un échéancier portant sur les arriérés au titre des créances échues en cours de plan de continuation arrêtés à la somme de […]. France Télécom indique que Western Télécom n'invoquait pas les pratiques discriminatoires de France Télécom à l’origine de la situation financière difficile mais se contentait de rappeler l'existence d'un unique différend portant sur des retards de délais de livraison de liaison Turbo DSL.
France Télécom indique que le 2 décembre 2004 Western Télécom a réaffirmé son souhait d'obtenir une négociation sur les montants retenus dans son précédent courrier et a confirmé les deux seules problématiques objet de discussion avec France Télécom :
- pour France Télécom : l'allongement des délais de paiement,
- pour Western Télécom : les délais de livraison des liaisons louées.
France Télécom précise que dans ce même courrier, Western Télécom s'engageait à solder l'échéancier proposé en anticipation, dans l'hypothèse où elle parvenait à obtenir une levée de fonds.
France Télécom souligne que compte tenu de l'arriéré cumulé et de la situation financière de Western Télécom, elle a souhaité obtenir de Maître Bouychou, commissaire à l'exécution du plan, une autorisation pour négocier l'échéancier. Ce dernier a encouragé les parties à trouver une solution négociée permettant un rapprochement entre les deux sociétés.
Dans ces conditions, France Télécom a donc adressé une proposition de règlement échelonné à Western Télécom le 25 février 2005 proche de la proposition initiale de Western Télécom. France Télécom précise que Western Télécom a répondu à cette proposition le 3 mars 2005 en ne contestant nullement sa dette.
France Télécom indique qu’à compter du 3 mars 2005, la position de Western Télécom a toutefois subitement et radicalement changé en soulignant qu'elle était fondée à exiger des délais de paiement de 105 jours et en revendiquant un préjudice dû aux retards de livraison et d'un abus de position dominante de la part de France Télécom.
France Télécom indique qu'une réunion s'est tenue le 17 mars 2005, à la demande de Western Télécom, afin de faire état des préjudices subis. France Télécom indique que lors de cette réunion Western Télécom a précisé que sa situation financière ne lui permettait plus de faire face à son échéancier et a souhaité obtenir réparation du préjudice subi dû aux pratiques discriminatoires de France Télécom.
C'est dans ce contexte que France Télécom a, après envoi d'une ultime mise en demeure du 17 mai 2005 pour un montant de[…], assigné le 23 juin 2005 Western Télécom en référé provision devant le Tribunal de Commerce de Paris afin d'obtenir le recouvrement des sommes dues et de prendre toutes mesures pour ne pas amplifier le montant des créances.
Faute de réponse à la mise en demeure du 17 mai 2005, France Télécom a informé le 24 juin 2005 Western Télécom de la résiliation du contrat « Hubbing Access France » au 1er juillet 2005.
France Télécom indique que le 12 juillet 2005, le Tribunal de commerce a condamné Western Télécom au paiement de la somme de 70.815,62 euros à titre de provision, correspondant à l'exécution d'un précédent jugement du 1er octobre 2002 par lequel le Tribunal avait arrêté un plan de continuation sur 10 ans en vertu duquel la créance de France Télécom devait être payable en 9 annualités avec un taux de remboursement progressif dont l'échéance d’octobre 2004 était de 70.815,62 euros. Pour le reste des créances, le Tribunal n’a pas considéré qu’il y avait lieu à référé dans l’attente d’un jugement au fond.
France Télécom indique que la facture totale des impayés pour les différentes prestations livrées à Western Télécom s’établit comme suit :
[…]
[…]
[…]
[…]
1.2. Sur le préjudice subi par France Télécom
France Télécom rappelle qu'elle a procédé à la facturation des prestations qu'elle fournissait au titre des différents contrats avec Western Télécom, qui n'avait jusqu'alors pas contesté les montants facturés.
France Télécom considère que ce n'est que lorsque Western Télécom a eu des difficultés financières qu'elle a invoqué des pratiques anticoncurrentielles de la part de France Télécom pour s'exonérer de ses obligations.
S'agissant du hubbing, France Télécom indique qu'elle n'est pas le fournisseur exclusif de Western Télécom qui a choisi d'autres opérateurs pour cette prestation. France Télécom souligne qu'elle ne peut donner droit à une surfacturation des prestations de hubbing alors que les tarifs ont été négociés avec Western Télécom.
II. La demande de Western Télécom est irrecevable
France Télécom estime que la demande de Western Télécom ne respecte pas les conditions de recevabilité fixées par le CPCE.
2.1. Le litige relève du juge des contrats
France Télécom considère qu'il n'y a pas échec des négociations au sens du CPCE pour des prestations que Western Télécom a librement consenties et qui n'ont donné lieu à aucun commentaire jusqu’à ce que Western Télécom connaisse des difficultés financières.
France Télécom souligne qu'aucun litige n'existait sur la tarification des prestations de hubbing jusqu'au mois de mars 2004. Elle précise que la demande de Western Télécom n'est pas fondée sur un désaccord concernant l’exécution des conditions contractuellement fixées entre les parties mais repose sur la soi-disant constatation de pratiques anticoncurrentielles qui ne sauraient relever de la compétence de l'Autorité.
France Télécom considère que Western Télécom n'a pas de motif sérieux à son encontre pouvant justifier un refus de paiement. France Télécom réfute les observations de Western Télécom qui tente de s'exonérer de ses obligations contractuelles. France Télécom estime que s'il y a litige, il relève du droit des contrats dont elle réclame une simple application au titre des droits et obligations contractuels librement souscrits par Western Télécom.
2.2. Sur la fixation de nouvelles conditions tarifaires pour les prestations d'acheminement à l'international au regard de l'absence de contrainte résultant de l'analyse des marchés
France Télécom rappelle que par deux décisions du 17 mars et 28 juin 2000, l’Autorité a autorisé France Télécom à retirer 28 destinations internationales de son catalogue. La décision n°00-1109 du 27 octobre 2000 approuvant le catalogue pour l’année 2001 a permis la suppression de l’ensemble des destinations internationales du catalogue d’interconnexion pour cette année.
France Télécom indique que dans son projet de décision relatif au marché de la téléphonie fixe de juin 2005, l'Autorité a estimé que les tarifs des prestations de transit international ne nécessitent aucune mesure d'encadrement visant à imposer une obligation d'orientation vers les coûts ou de transparence.
France Télécom estime donc que Western Télécom ne peut réclamer que l'Autorité fixe pour l'avenir des conditions équitables d'ordre technique et financier pour ces prestations au regard du caractère non pertinent du marché considéré. France Télécom constate qu'en présence d'un marché concurrentiel aucune contrainte ne peut être envisagée, sous réserve qu'il ne soit pas observée d'entrave à une concurrence loyale.
France Télécom estime donc que les demandes de Western Télécom n'ont pas de portée dès lors que le marché du transit international ne fait pas l'objet d'une régulation ex-ante. France Télécom considère que l'Autorité violerait les dispositions du CPCE si malgré l’analyse du marché de la téléphonie fixe qu’elle conduit, elle décidait de lui imposer de telles obligations, soit dans le cadre du présent litige pour les conditions techniques et tarifaires des prestations de gros d'échange de minutes de trafic international, soit de façon plus générale hors la présente procédure.
France Télécom note qu'en fondant son analyse sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles de la part de France Télécom et en saisissant le Tribunal de Commerce, Western Télécom confirme l'absence de portée de sa saisine devant l’Autorité.
2.3. Les demandes de Western Télécom ne visent pas la fixation des conditions techniques et tarifaires que l'Autorité devrait fixer
France Télécom considère que les demandes de Western Télécom sont sans lien avec l’objet de la procédure de règlement de différend. France Télécom indique que Western Télécom confond la réglementation qui s'appliquait dans l'ancien cadre et les conditions tarifaires que France Télécom doit proposer aux opérateurs au regard de la situation du marché constatée.
France Télécom estime qu'il n'appartient pas à l'Autorité de constater au titre de l'article L. 36-8 du CPCE l'existence d'une pratique anticoncurrentielle et qu'elle n'a pas pour mission d'en sanctionner les effets dans ce cadre.
2.4. Sur la recevabilité de la demande de Western Télécom
France Télécom rappelle que l'article 9 du règlement intérieur de l'Autorité impose de ne considérer comme soumises à l'instruction que les saisines complètes. France Télécom estime que la saisine déposée par Western Télécom n'est pas complète car le 17 juin 2005 il a été demandé à Western Télécom de transmettre ses statuts signés et un extrait Kbis disposant d’une valeur légale.
France Télécom souligne que les délais d'instruction ne pouvaient courir tant que la saisine n'était pas complétée.
III. Sur l'absence de portée des arguments de Western Télécom sur la discrimination et la surtarification
France Télécom dénonce les affirmations de Western Télécom et indique que l'offre de « Hubbing Access France » est une offre de gros de transit international permettant aux opérateurs d'acheminer leur trafic vers l'ensemble des destinations internationales. Cette offre adresse principalement les opérateurs ayant un volume de trafic suffisant vers l'international. France Télécom indique qu'elle permet aux opérateurs de se raccorder directement sur les commutateurs de transit internationaux de France Télécom situés sur les sites de Bagnolet, Pastourelle et Reims et d'acheminer leur trafic vers les destinations internationales proposées par France Télécom.
France Télécom souligne que lorsqu'elle ne dispose pas de capacités de transit vers certaines destinations internationales ou que les capacités existantes sont saturées, elle achète des prestations de transit à des opérateurs internationaux. Elle indique que de nombreux fournisseurs sont présents sur le marché du transit international ce qui lui permet de diversifier ses sources d'approvisionnement et de proposer des tarifs optimisés vers chaque destination internationale.
France Télécom précise que les tarifs de l'offre « Hubbing Access France » sont revus et diffusés mensuellement aux opérateurs, qui bénéficient ainsi des meilleurs accords négociés par France Télécom avec des fournisseurs tiers vers plus de 500 destinations internationales.
3.1. Sur les tarifs de France Télécom pour l'acheminement du trafic international
France Télécom souligne que ses contrats avec les opérateurs, y compris pour la mise en œuvre des prestations liées à son offre technique et tarifaire d'interconnexion, donnent lieu à des négociations.
- Des tarifs limités par la pression concurrentielle
France Télécom rappelle que le marché du transit international est très concurrentiel et de nombreux opérateurs proposent des offres compétitives vers la plupart des destinations qui sont sensiblement équivalentes à celles qu'elle propose. France Télécom considère que Western Télécom peut également s'approvisionner auprès de ces opérateurs.
France Télécom indique qu'elle ne peut pratiquer des tarifs excessifs mais doit ajuster de façon permanente les tarifs de son offre de transit international et s'approvisionne auprès d'opérateurs tiers afin que ses clients opérateurs bénéficient des conditions tarifaires et techniques les plus avantageuses.
- Des tarifs cohérents avec les coûts encourus
France Télécom précise qu'elle offre du transit vers plus de 500 destinations et que le tarif est inférieur à 1 centimes d'euro pour un nombre très réduit de destinations et qu'il n'est donc pas possible d'en déduire que le tarif du "tronçon international" est de ½ centimes d'euro pour chaque destination. France Télécom rappelle que le coût du transit international varie selon les destinations et dépend de nombreux facteurs, notamment du mode de transmission utilisé, de la distance, de la technologie de transport, du nombre des fournisseurs de transit présents sur ces destinations et surtout du volume de trafic et des capacités dont France Télécom dispose vers chaque destination internationale.
France Télécom indique que le coût du transit est lié au volume de trafic écoulé et aux capacités de transmission vers une destination : plus la capacité des équipements de transmission est importante, plus le coût du transit ramené à la minute est faible. France Télécom indique qu'en revanche lorsque les volumes de trafic échangés avec une destination sont faibles, la capacité des liaisons est moindre et le coût du transit ramené à la minute est plus élevé.
France Télécom précise que le coût dépend aussi de la situation géographique du pays concerné et de sa distance. Ainsi pour les destinations les plus lointaines, les coûts de transmission sont plus élevés car il faut ajouter des équipements de transmission. France Télécom souligne que le coût dépend aussi du mode de transmission utilisé et que vers certaines destinations internationales, le satellite qui est plus cher que le câble a un impact sur le coût du transit.
Dès lors, France Télécom indique qu'il n'est pas possible de considérer que le coût du transit est identique pour toutes les destinations internationales. France Télécom précise que les cinq destinations évoquées par Western Télécom sont très spécifiques et que le niveau de tarif pratiqué s'explique par les volumes importants de trafic échangés ou les accords particuliers signés par France Télécom qui lui permettent de pratiquer des tarifs compétitifs.
- Sur l'absence de ciseau tarifaire
France Télécom estime que les comparaisons économiques effectuées par Western Télécom ne sont pas pertinentes car le marché de gros du transit international présentant de nombreuses possibilités de substitution à l'offre de France Télécom, n'est de ce fait pas régulé. France Télécom en déduit que le test de ciseau tarifaire doit être réalisé en tenant compte de la situation d'un opérateur efficace s'approvisionnant rationnellement sur la marché, ce qui ne conduit en aucun cas à la prise en compte systématique de l'offre de gros de France Télécom. France Télécom indique que les offres des opérateurs concurrents sur le marché du transit international doivent aussi être considérées afin de refléter une réalité économique.
France Télécom considère que seule une comparaison entre ses tarifs de détail et les tarifs de gros est pertinente et que l'offre Internationale privilégiée évoquée par Western Télécom ne peut être prise en compte car il s'agit d'une offre spécifique et limitée aux téléboutiques. France Télécom précise que ce produit spécifique a été développé pour répondre aux besoins des téléboutiques et des call shops mais ne concerne qu'un nombre limité de clients. France Télécom indique que des remises sur les offres internationales peuvent être proposées sous certaines conditions et vers certaines destinations mais que la réduction n'est pas de […] pour l'ensemble des destinations et qu'aucune réduction n'est appliquée sur 7 des 9 destinations évoquées par Western Télécom.
France Télécom souligne que les chiffres transmis par Western Télécom dans le cadre de sa saisine sont erronés car ils ne prennent pas en compte le coût de la connexion ou crédit temps.
France Télécom indique ainsi que pour les communications de détail est appliqué un prix minimum par appel, le crédit temps, donnant droit à une durée forfaitaire de communication, soit un coût de connexion, puis la communication est tarifée à la seconde sur la base d'un prix exprimé en minute. France Télécom précise que la prise en compte du crédit temps modifie sensiblement les prix moyens des communications de détail. Western Télécom a également écarté la surcharge de 0,006 €/minute appliquée vers les opérateurs mobiles, ce qui modifie également les tarifs moyens vers le Maroc et l’Algérie. Enfin, le tarif de détail vers l’Algérie est faux car le tarif moyen est […] et non […], comme invoqué par Western Télécom.
France Télécom précise que les tarifs affichés par Western Télécom pour l'offre Internationale Privilégiée sont erronés pour 7 des 9 destinations citées. France Télécom indique que les réductions proposées par rapport aux offres de détail ne s'appliquent pas uniformément pour l'ensemble des destinations et que la réduction de […] n'est pas accordée systématiquement.
France Télécom rappelle que les tarifs de gros de l'offre « Hubbing Access France » de France Télécom évoluent régulièrement et les grilles tarifaires sont actualisées et diffusées chaque mois aux opérateurs clients de l'offre et que Western Télécom s'est appuyée sur les tarifs des mois de mars et avril 2005 pour sa démonstration alors qu'elle disposait des tarifs publiés en juin 2005. Les calculs que Western Télécom a effectués démontrent l’absence de ciseau tarifaire. En outre, pour la plupart des destinations citées le trafic de Western Télécom est nul ou marginal.
3.2. Sur l'existence d'une solution alternative
- Western Télécom dispose de voie de contournement
France Télécom rappelle que Western Télécom est interconnectée sur 5 commutateurs de transit de France Télécom situés en Ile de France afin d'acheminer le trafic issu des clients de la boucle locale de France Télécom ayant composé le préfixe de présélection 1655 attribué à Western Télécom.
France Télécom indique que Western Télécom dispose actuellement de 18 BPN d'interconnexion utilisés pour collecter du trafic entrant sur son réseau. Elle n'a pas demandé d'interconnexion pour du trafic sortant direct et achemine le trafic à destination du RTC de France Télécom via un opérateur de transit.
France Télécom précise que pour le trafic collecté par Western à destination de l'international, Western Télécom lui achète à partir d'un nœud d'échange international de trafic des minutes vers l'étranger. France Télécom souligne que Western Télécom n'est pas interconnectée à France Télécom pour son trafic sortant national et utilise les prestations d'un autre opérateur, à qui elle pourrait éventuellement remettre son trafic à destination de l'international dans la mesure où il est possible qu'il dispose d'une offre propre.
France Télécom note que la plupart des opérateurs nationaux sur le marché de gros disposent de leur propre connectivité internationale. Western Télécom a donc la possibilité d'utiliser l'interconnexion dont elle bénéficie d'un opérateur tiers pour accéder à d'autres offres de transit vers l'international.
France Télécom précise que pour le Maroc et l'Algérie, qui sont les principales destinations où le trafic de Western Télécom est concentré, d'autres opérateurs français tels que Cegetel et 9Télécom et des opérateurs internationaux tels que Telefonica, Telecom Italia ou Portugal Telecom proposent des offres de transit disponibles depuis la métropole. France Télécom indique que ces opérateurs peuvent proposer des conditions tarifaires et techniques équivalentes à celles de France Télécom pour ses offres de gros.
France Télécom souligne que pour certaines destinations proposées dans le cadre de l'offre « Hubbing Access France », elle achète des prestations de transit à d'autres opérateurs internationaux, soit parce qu'elle ne dispose pas de capacités vers ces destinations, soit parce que les capacités existantes sont saturées. Elle utilise ainsi régulièrement les offres de transit de Telefonica, Portugal Telecom et Worldcom pour acheminer son trafic entre la métropole et le Maroc ou l'Algérie.
S'agissant des solutions alternatives qui pourraient être utilisées par Western Télécom, France Télécom a procédé à une analyse de la répartition du trafic entrant dans le réseau de Western Télécom et acheminé sur les liens ou BPN d'interconnexion. France Télécom note qu'une première mesure effectuée au mois de juin 2005 sur 18 liens d'interconnexion montre que le trafic international représente 40 à 45 % du trafic total entrant dans le réseau de Western Télécom.
France Télécom indique qu'entre le 20 juin et le 30 juin, avant la coupure du contrat « Hubbing Access France », la part du trafic international varie entre […] et […] selon les jours avec une moyenne de […] sur la période. France Télécom souligne que cette même analyse, à partir du 1er juillet 2005, date de la coupure du contrat « Hubbing Access France », ne permet pas de constater des changements et qu’entre le 1er juillet et le 10 juillet 2005, le trafic total est sensiblement constant et la part du trafic international varie entre […] et […]sur la période avec une moyenne de […].
Ainsi, France Télécom ne constate aucune diminution du trafic vers l'international ce qui aurait dû être le cas si Western Télécom n'avait pas trouvé de solution alternative pour acheminer ce trafic. Western TELECOM a donc réussi à se maintenir sur le marché malgré la coupure de l’offre Hubbing.
- Sur la fiabilité des voies de contournement de l'offre de gros de France Télécom France Télécom rappelle que pour tout commutateur ayant des faisceaux d'interconnexion, il est calculé des indicateurs d'efficacité pour chaque réseau avec lequel il est relié, ces indicateurs d'efficacité sont scindés en plusieurs types selon le sens du trafic et le mode d'interconnexion. Un appel est dit efficace lorsqu’il aboutit à une réponse ou à un décrochage de l’appelé.
France Télécom a mesuré l'efficacité des appels à destination de l'Algérie, entre janvier et juin 2005, comparée à celle des opérateurs tiers et à l'activité de détail de France Télécom :
- […]d'efficacité entrante pour Western Télécom
- […]d'efficacité entrante pour les opérateurs tiers
- […]d'efficacité entrante pour l'activité de détail de France Télécom.
France Télécom note que les appels inefficaces représentent une part importante du total des appels mais sont essentiellement dus à une non-réponse de l'appelé ou à des erreurs de numérotation relativement fréquentes vers l'international et non à un problème d'acheminement ou de congestion du réseau.
France Télécom constate que les chiffres transmis par Western Télécom sont différents : le 7 juin 2005, le taux d'efficacité mesuré par France Télécom était de […] pour ses offres de détail et de […] pour le trafic de Western Télécom.
France Télécom indique que les trafics de détail et de gros empruntent parfois des routages différenciés pouvant expliquer que la qualité de service mesurée sur les offres de détail et sur les offres de gros de France Télécom ne soit pas toujours identique.
France Télécom précise que les informations transmises par Western Télécom sont erronées car :
- les opérateurs proposent une qualité de service équivalente à celle proposée par France Télécom sur l'offre « Hubbing Access France »,
- France Télécom achète pour certaines destinations des prestations de transit à certains opérateurs internationaux car elle ne dispose pas de capacités vers ces destinations ou les capacités existantes sont saturées.
3.3. Sur la suspension de paiement des factures dues
- Sur le préjudice subi par Western Télécom
France Télécom rappelle que si un abus de position dominante peut effectivement constituer un comportement fautif de nature à engager la responsabilité de son auteur, il est nécessaire d'apporter la preuve de l'attitude fautive. En outre, France Télécom note que les problématiques invoquées par Western TELECOM sont connexes au litige (tarifs fixe vers mobile, Win Back).
- Sur le paiement sans délai des prestations de hubbing
France Télécom estime que l'éventuel préjudice subi par Western Télécom ne l'empêche pas de s'acquitter du paiement des factures émises dans le cadre de l'exécution du contrat « Hubbing Access France ».
France Télécom considère que le tarif contractuel appliqué jusqu'alors ne fait aucunement débat même si Western Télécom en demande la révision pour l'avenir. France Télécom estime que c'est à l'Autorité de confirmer la position prise dans d'autres différends et d'enjoindre à Western Télécom d'acquitter l'ensemble de prestations régulièrement facturées par France Télécom au titre de la prestation de hubbing.
France Télécom rappelle que les dispositions du contrat du 20 avril 2000 pour l'accès aux commutateurs internationaux liant les parties prévoient que les montants contestés deviennent immédiatement exigibles à compter de la notification du rejet par lettre recommandée avec avis de réception faite par France Télécom.
Pour ces motifs, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes de Western Télécom et requiert de l'Autorité qu'elle constate que c'est en infraction des accords liant les parties que Western Télécom s'est affranchie du paiement des prestations fournies par France Télécom au titre du contrat « Hubbing Access France ».
Vu les observations en réplique enregistrées le 16 août 2005 présentées par la société Western Télécom ;
I. Sur la recevabilité de la demande de Western Télécom
Western Télécom note que France Télécom soulève de nombreux arguments d'irrecevabilité et que ceux présentés à l’Autorité, lors de l’examen de la demande de mesures conservatoires, n'ont pas été retenus dans la décision de l'Autorité en date du 30 juin 2005 se prononçant sur cette dernière.
1.1. Sur la compétence du juge de l'exécution du contrat
Western Télécom rappelle que cet argument relatif à l'irrecevabilité des demandes au fond avait été évoqué dans le cadre des mesures conservatoires mais n'a pas été retenu par l'Autorité.
- Sur l'échec des négociations
Western Télécom estime qu'il y a bien échec des négociations puisque dès le 19 octobre 2004, Western Télécom sollicitait de France Télécom une discussion sur l'exécution des contrats de gros ainsi que sur la décision du Conseil de la Concurrence relative au "fixe mobile". Western Télécom rappelle que deux réunions se sont tenues, le 9 novembre 2004 et le 17 mars 2005 afin d’évoquer les litiges en cours.
Western Télécom souligne que France Télécom a réfuté ses arguments relatifs aux demandes de trafic international en la menaçant de suspendre le service après avoir refusé définitivement toute demande de transaction.
- Le litige résulte d'un désaccord sur les conditions contractuelles
Western Télécom note que les observations de France Télécom sont erronées puisque le contrat inclut dans son champ d'application la fixation des tarifs applicables. Western Télécom estime d'une part, que les tarifs pratiqués par France Télécom ne respectent pas les dispositions légales et réglementaires, d'autre part, qu'il y a bien désaccord sur l'exécution des conditions contractuelles relevant de la compétence de l'Autorité.
- Le désaccord est antérieur à la saisine de l'Autorité et se poursuit à la date de la demande
Western Télécom considère que la sur-tarification faite par France Télécom est antérieure à la saisine de l’Autorité et s'applique encore à la date de la demande. Western Télécom, contrairement à ce que prétend France Télécom, souligne que les conventions qu'elle soumet aux opérateurs alternatifs sont contraires à la réglementation qui lui est applicable notamment au regard des obligations d’orientation des tarifs vers les coûts, de transparence et de non discrimination.
1.2. Sur la fixation de nouvelles conditions tarifaires relatives aux prestations d'acheminement international
- La réglementation applicable à France Télécom
Western Télécom indique que l'Autorité a confirmé que le marché du transit international n'est pas passé d'un régime de régulation ex-ante avec contrôle des tarifs a priori à un régime de libre concurrence dénué de toute obligation pour France Télécom. En outre, Western Télécom rappelle qu'à la date de la demande de Western Télécom devant l'Autorité, le marché reste soumis aux obligations de transparence, de non-discrimination et d'orientation vers les coûts. Western Télécom considère que France Télécom ne peut prétendre n'être soumise à aucune obligation sur ce marché.
Western Télécom souligne que c'est compte tenu des observations figurant dans l'analyse des marchés de l'Autorité de décembre 2004 qu'elle demande, dans le cadre du présent litige, la réintégration du marché de transit international dans la liste des marchés pertinents.
- La demande de Western Télécom dans le temps
Western Télécom indique que, contrairement aux observations de France Télécom, elle est légitime à réclamer pour l'avenir la fixation de nouvelles conditions tarifaires pour les prestations d'acheminement à l'international. Western Télécom considère donc que sa demande reste légitime pour l'avenir jusqu'à ce qu'une éventuelle décision libère France Télécom de ses obligations.
Pour le passé, Western Télécom précise être consciente de l'importance de l'investigation nécessaire à la fixation des tarifs qui auraient dû s'appliquer pour les destinations internationales et pour l'ensemble de la période de temps couvrant les relations commerciales entre les parties. Dès lors, Western Télécom souligne qu'elle limite sa demande aux 25 destinations les plus importantes représentant 80% de son chiffre d'affaires (à savoir : Maroc mobiles, Algérie Mobiles, Tunisie Mobiles, Maroc, Tunisie, Algérie zone 4, Algérie zone 3, Algérie zone 2, République démocratique du Congo mobile, Mali Mobile, Turquie, Sénégal mobiles, Turquie mobiles, Maroc-Casblanca, Espagne mobiles, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire mobiles, Italie mobile, Roumanie mobiles, Belgique mobiles, Angola mobiles, Cameroun,
Cap-vert, Royaume Uni mobiles), et pour une période de trois ans antérieurement à la date de la saisine. Elle demande à l'Autorité de constater que les tarifs appliqués par France Télécom pour le transit international sont non transparents, discriminants et non orientés vers les coûts. Western Télécom demande à l'Autorité de fixer les tarifs de transit international qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ou le pourcentage de sur-tarification opéré par France Télécom.
1.3. Les demandes de Western Télécom relèvent de la compétence de l'Autorité
Western Télécom indique qu'elle demande à l'Autorité de préciser les conditions équitables, d'ordre technique et financier dans lesquelles France Télécom doit et devra assurer l'accès au service du transit international.
1.4. Sur la recevabilité de la demande de Western Télécom
Western Télécom estime que l'Autorité a respecté les obligations de son règlement intérieur et que sa demande est recevable.
II. Sur les griefs de Western Télécom contre France Télécom
2.1. Sur les prix pratiqués par France Télécom
Western Télécom considère que les prix pratiqués par France Télécom ne sont pas transparents, sont négociés opérateur par opérateur et ont fait l'objet de négociations constantes. Western Télécom estime que ces négociations démontrent une discrimination tarifaire entre les opérateurs.
Western Télécom souligne ne pas être en mesure d'établir, avec précision, les prix que devrait retenir France Télécom afin qu'ils soient conformes aux obligations qui s'imposent à elle mais peut établir que ces prix ne sont pas orientés vers les coûts sur une dizaine de cas.
Western Télécom précise qu'elle achète un grand nombre de minutes vers le Maghreb et constate une sur-tarification sur les destinations du Maroc et de l'Algérie :
- pour le Maroc et l'Algérie "fixes" les coûts supportés par France Télécom sont inférieurs aux prix pratiqués,
- pour les neuf autres destinations ainsi que pour l'Algérie "fixe" : les prix pratiqués par France Télécom directement au détail (incluant la marge brute de France Télécom) sont inférieurs ou légèrement supérieurs aux prix auxquels France Télécom vend les minutes vers ces destinations à Western Télécom ; cette pratique constitue un ciseau tarifaire.
Western Télécom considère que si le prix de gros était orienté vers les coûts, le prix de détail devant inclure une marge brute ne pourrait pas être inférieur ou légèrement supérieur au prix de gros.
- Démonstration à partir des éléments de coût
Western Télécom indique que dans le cas du Maroc et de l'Algérie "fixe", les prix orientés vers les coûts ne peuvent être significativement supérieurs aux coûts spécifiques directs :
- à une terminaison internationale, tronçon entre 2 commutateurs internationaux
- à la terminaison locale.
Evaluation du coût du tronçon entre les deux commutateurs internationaux
Western Télécom rappelle ses précédentes écritures et indique que l'analyse des prix facturés par France Télécom pour une vingtaine de destinations internationales démontre que le coût du tronçon liant ses commutateurs internationaux à ceux des opérateurs étrangers ne peut être supérieur à ½ centime d'euro.
Western Télécom note que France Télécom sans en apporter la preuve soutient que ces tarifs ne peuvent être généralisés. Western Télécom souligne que les prix facturés pour l'Argentine et la Suède contredisent les affirmations de France Télécom. Western Télécom précise que dans ces deux cas, le coût du tronçon international ne peut être supérieur à un ½ centimes d'euro au maximum et que par rapport à l'Algérie et au Maroc, les volumes sont inférieurs, les distances supérieures et l'accès géographique plus difficile.
Cas du Maroc fixe et de l'Algérie fixe
Western Télécom rappelle ses précédentes observations fondées sur une comparaison entre d’une part le catalogue d’interconnexion de Maroc Télécom fixe et la décision de l’ARPT algérienne et d’autre part le tarif facturé par France Télécom pour ces deux destinations. Elle en conclut que France Télécom ne peut respecter son obligation de contrôle tarifaire.
- Démonstration par les prix (ciseau tarifaire)
Western Télécom rappelle que lorsque France Télécom fournit un client final en direct, son prix inclut la collecte et la terminaison, composantes qui doivent être prises en compte lorsqu'elle facture Western Télécom.
Western Télécom indique que pour chacune des destinations, Maroc mobile, Algérie fixe, Algérie mobile, Biélorussie, Somalie, Kirbatie, Corée du Nord, Guinée Bissau, Cuba et Guantanamo, France Télécom revend à un prix de détail inférieur à celui qu'elle facture à Western Télécom en ajoutant au prix de la terminaison celui de l'interconnexion entrante qui fait l'objet d'une facturation séparée. Western Télécom estime donc que dès lors que le prix de détail doit obligatoirement inclure une marge brute positive, il en résulte que le coût est inférieur à ce prix. Western Télécom considère que les tarifs qu'elle supporte sont largement supérieurs aux coûts vers lesquels ils devraient être orientés.
Western Télécom confirme ses premières observations selon lesquelles il ressort de l'étude de la facture d'un call-shop, que la […] bénéficie sur le tarif annoncé, d'une remise de […] par France Télécom à laquelle s'ajoute une remise supplémentaire de […] sur les seuls appels internationaux, et que, selon une pratique courante, France Télécom octroie une remise supplémentaire de […]. Western Télécom précise que le tarif pratiqué par France Télécom pour l'Algérie fixe et mobile est de […] et que ce tarif ressort de la proposition de France Télécom à un call-shop. Western Télécom indique que la possibilité pour France Télécom de pratiquer ces tarifs démontre que les tarifs supérieurs ne sont pas orientés vers les coûts sauf à ce qu'elle vende à perte.
Western Télécom estime que France Télécom est en mesure de pratiquer des tarifs beaucoup moins importants que ceux facturés à Western Télécom qui ne sont pas orientés vers les coûts et discriminants.
Western Télécom rappelle d’une part que ces griefs lui sont préjudiciables d’autant plus qu'elle ne dispose pas de voie de contournement, et que d’autre part, le recours à d'autres opérateurs offrant des services internationaux à partir de la France conduisent à des taux de succès parfois inférieurs de moitié à ceux de France Télécom.
Western Télécom estime que France Télécom s'attribue par le biais du ciseau tarifaire et en privilégiant son trafic sur cette destination, des avantages préférentiels contraires à ses obligations.
Western Télécom note que dans ses observations, France Télécom précise que Western Télécom aurait, hormis pour les cas du Maroc, de l'Algérie et de Cuba, un trafic quasi nul ou marginal, ce qui n'est pas le cas. Western Télécom observe qu'elle ne peut apporter de preuve des sur-tarifications de France Télécom mais peut démontrer la sur-tarification opérée par France Télécom sur les autres destinations internationales notamment sur ces 25 destinations représentant 80 % de son chiffre d'affaires.
Sur le fait de ne pas prendre en considération les tarifs les plus récents, Western Télécom précise que ses demandes concernent tant le passé que le présent et qu'il appartient à l'Autorité de déterminer si France Télécom a respecté ses obligations.
2.2. La situation financière de Western Télécom résulte du préjudice lié à la sur- facturation
Western Télécom considère que la sur-facturation implique une dégradation de sa trésorerie et explique ses difficultés à payer les montants contestés dans l'attente de la décision à intervenir au fond. Western Télécom constate pour l'exercice 2004 :
- un chiffre d'affaires constant mais avec une tarification de France Télécom corrigée de 50 % à la baisse sur les tarifs internationaux,
- un chiffre d'affaires augmenté de 20 % en considération d'une meilleure compétitivité liée à cette même baisse de tarification.
Western Télécom indique que l'excédent brut d'exploitation passerait de […] pour la situation observée en 2004 à […] dans la première hypothèse et à […] dans la seconde hypothèse. Western Télécom précise que dans l'hypothèse d'une sur-tarification moindre de l'ordre de 30 %, son compte d'exploitation deviendrait équilibré, ce qui démontre le préjudice subi par Western Télécom.
III. Sur l'absence de voies alternatives pour Western Télécom
Western Télécom avait fait appel à […] qui n'est pas en mesure, à court ou moyen terme, de faire suite à ses demandes. Quant aux tests d'interconnexion avec […], ils ont échoué. Western Télécom souligne que des discussions sont en cours avec […].
3.1. L'architecture réorganisée de Western Télécom n'est pas économiquement viable
Western Télécom souligne qu'après plus d'un mois de coupure de ses services par France Télécom, elle n'a pas trouvé de solutions alternatives puisqu'elle n'a pu, ni en terme de négociation, de tests, de raccordement, s'adjoindre de nouveaux prestataires. Elle précise que la situation d'écoulement de son trafic à l'international est considérablement précaire.
Western indique qu'antérieurement à la coupure, elle confiait à […] son trafic fixe vers mobile ainsi que quelques destinations à l'international. Western Télécom précise qu'afin de pallier la coupure de France Télécom elle a dû procéder aux opérations suivantes :
- dégager de la capacité sur […] en transférant son trafic fixe vers mobile vers […] qui ne souhaite pas traiter le trafic international de Western Télécom ;
- confier à France Télécom "détail" les consommations vers le Maghreb ;
- confier à […] sur la capacité ainsi dégagée, les destinations autres que Maghreb, […] étant pratiquement le seul opérateur selon l'architecture actuelle de Western Télécom à pouvoir traiter les appels internationaux.
Ainsi, Western Télécom souligne que sur les […] de trafic vers mobiles que traitait […] au mois de juin, Western Télécom a dû en transférer […], de façon à dégager la capacité permettant de traiter une partie du trafic international traitée auparavant par France Télécom « gros ». De même les destinations internationales, autres que le Maghreb, ont été transférées à […] en juillet (soit […] minutes au total traitées en juillet, contre […] en juin) alors que France Télécom "gros" en traitait en juin […]. Western Télécom indique qu'il n'a pas été possible pour des raisons de qualité et de capacité, de faire traiter par […] la totalité des destinations vers le Maghreb, ce qui l'a conduite à équilibrer sa charge pour ces destinations de moitié entre France Télécom "détail" et […].
Western Télécom souligne que les […] que France Télécom traitait en juin ont été envoyées à hauteur de […] vers France Télécom "détail" aboutissant ainsi à un surcoût supérieur à […] en moins d'un mois.
Western Télécom considère que cette sur-tarification la conduit à subir une exploitation déficitaire et non économiquement viable qu'elle est contrainte de poursuivre pour assurer la continuité du service à sa clientèle, et qu’elle sera amenée à vendre à perte si cette situation devait perdurer.
3.2. L'architecture réorganisée de Western Télécom n'est pas techniquement viable
Western Télécom indique que ne disposant que de […] pour son trafic international, elle se trouve fragilisée dès lors que toute défaillance de cette dernière ne pourrait être supplée par une autre option conduisant à priver ses clients de leur accès téléphonique.
Western Télécom souligne que la coupure de l'accès au réseau de France Télécom ne lui permet pas d'assurer les obligations imposées par l'article D. 98-4 du CPCE inséré par le décret du 26 juillet 2005. Elle précise qu'elle est dans l'incapacité financière de continuer son exploitation en passant par France Télécom détail et dans l'impossibilité d'assurer à ses clients une garantie de continuité de services.
Western Télécom précise que l'analyse de France Télécom, faite postérieurement à la coupure de service, sur le contenu du trafic qui lui été confié dans le cadre d'interconnexion des clients de Western Télécom doit être rejetée puisque les informations utilisées sont confidentielles et ne concernent que Western Télécom et ses clients.
3.3. La demande de Western Télécom relative au rétablissement de l'accès au réseau
Western Télécom demande à l'Autorité d'ordonner à France Télécom soit le maintien du service qui aura été rétabli par la décision de la Cour d'Appel, soit le rétablissement du service de transit international qu'elle lui fournissait avant la coupure, si la Cour d'Appel devait confirmer la décision de l'Autorité sur les mesures conservatoires.
Pour ces motifs, Western Télécom demande à l'Autorité de :
- constater l'échec des négociations entre Western Télécom et France Télécom,
- constater que France Télécom pratique des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros et notamment que les tarifs appliqués par France Télécom pour le transit international depuis 2003 et jusqu'à la décision à intervenir et pour les 25 destinations (Maroc mobiles, Algérie Mobiles, Tunisie Mobiles, Maroc, Tunisie, Algérie zone 4, Algérie zone 3, Algérie zone 2, République démocratique du Congo mobile, Mali Mobile, Turquie, Sénégal mobiles, Turquie mobiles, Maroc-Casblanca, Espagne mobiles, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire mobiles, Italie mobile, Roumanie mobiles, Belgique mobiles, Angola mobiles, Cameroun, Cap-vert, Royaume Uni mobiles) représentant 80 % du chiffre d'affaires de Western Télécom sont non transparents, discriminants et non orientés vers les coûts,
- fixer les tarifs sur ces destinations qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ou déterminer le pourcentage de sur-tarification opéré par France Télécom,
- constater l'absence, pour Western Télécom de voies alternatives ou de voies de contournement, à court terme, économiquement et techniquement viables,
- le cas échéant, auditer les comptes de France Télécom ou utiliser tout moyen probant à sa disposition pour déterminer les prix orientés vers les coûts abstraction faite des avantages mutuels que France Télécom et ses partenaires étrangers pourraient se consentir par le biais des mécanismes de compensation, de manière à fixer les nouveaux prix non discriminants et orientés vers les coûts que France Télécom sera tenue d'appliquer à Western Télécom,
- si le rétablissement du service n'a pas été ordonné par la Cour d'Appel, ordonner à France Télécom le rétablissement du service à des prix orientés vers les coûts et non discriminatoires,
- si le rétablissement du service a été ordonné par la Cour d'Appel, ordonner son maintien à des prix orientés vers les prix et non discriminatoires,
- réintégrer le marché du transit international dans la liste des marchés pertinents ou à tout le moins, prendre acte de la "réaction négative" de Western Télécom, opérateur alternatif, sur le projet de décision de l'Autorité concluant à l'absence de nécessité de maintenir une réglementation ex-ante sur le marché de gros du transit international.
Vu les nouvelles observations enregistrées le 7 septembre 2005 présentées par la société Western Télécom ;
Dans ses nouvelles observations, la société Western Télécom transmet l’arrêt en date du 17 août 2005 de la Cour d'Appel de Paris qui a enjoint à France Télécom de reprendre les prestations permettant l'accès de la société Western Télécom au trafic international, ainsi qu’un courrier de France Télécom en date du 19 août 2005.
Compte tenu des éléments nouveaux intervenus depuis le dépôt de sa demande et notamment la coupure des services de transit international de France Télécom, Western Télécom conclut aux mêmes demandes que dans ses observations en réplique et demande également à l'Autorité :
- compte tenu du rétablissement du service ordonné par la Cour d'appel, d’ordonner son maintien jusqu'à l'intervention d'une décision définitive,
- d’ordonner à France Télécom de pratiquer des tarifs non discriminatoires et orientés vers les coûts sur ces prestations,
- de rejeter l'ensemble des demandes de France Télécom.
Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 8 septembre 2005 souhaitant un délai supplémentaire pour transmettre ses secondes observations en défense ;
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité en date du 9 septembre 2005 adressée aux parties accordant un délai à France Télécom pour transmettre ses secondes observations en défense ;
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité en date du 12 septembre 2005 adressée aux parties leur transmettant le questionnaire du rapporteur et fixant au 23 septembre 2005 la clôture des réponses ;
Vu les nouvelles observations en défense de la société France Télécom enregistrées le 15 septembre 2005 ;
I. Sur la présentation des faits effectuée par la société Western Télécom
1.1. Western Télécom ne peut prétendre subir un surcoût pour des prestations qu'elle n'acquitte pas et dont elle demande l'annulation devant d'autres instances
France Télécom note que Western Télécom revendique devant les instances qu'elle a saisies un préjudice lié au surcoût qu'elle encourt sans préciser que celui-ci est inexistant puisqu'elle refuse d'acquitter la différence liée à ce surcoût ainsi que toute contrepartie pour des prestations livrées et pour lesquelles France Télécom encourt un coût réel.
France Télécom indique que bien que le montant des créances de Western Télécom au 1er septembre 2005 s'élève à […] et que le juge des référés a reconnu la légitimité contractuelle de France Télécom à en réclamer le versement, Western Télécom n'envisage pas de contrepartie financière aux services qu'elle consomme et souhaite obtenir l'exonération de ses créances. Par conséquent, France Télécom considère que cette situation permet à Western Télécom de bénéficier de ses prestations dont elle a obtenu la prorogation par la Cour d'Appel dans l'attente de la décision au fond de l'Autorité.
France Télécom souligne que malgré la suspension des paiements par Western Télécom, elle assure de nouveau ses prestations au titre du contrat de hubbing.
1.2. Sur le tarif de la prestation de hubbing
- Western n'a jamais remis en cause l'offre de hubbing ni dans son principe, ni dans ses tarifs antérieurement à sa saisine
France Télécom souligne que Western Télécom ne peut affirmer avoir négocié ou eu l'intention de négocier sur la base de ses demandes actuelles dès lors que ses demandes exprimées en 2003 à France Télécom étaient tout autre, comme le démontre les tarifs cibles demandés par Western Télécom.
France Télécom souligne que sur le marché du transit international, un opérateur choisit plusieurs fournisseurs et les met en concurrence, généralement sur une période mensuelle, sur la totalité des destinations. Chaque mois il choisit son fournisseur destination par destination.
France Télécom indique que le caractère négocié des tarifs de son offre hubbing, auquel Western Télécom adhérait au regard de l'envoi de ses listes de tarifs cibles, existe depuis 1998 puisque son principe a été présenté à l'Autorité en vue de la sortie du catalogue du transit international par courrier du 22 février 2000. France Télécom précise que la comparaison entre les montants mentionnés par Western Télécom dans ses tarifs cibles et les "price list" communiqués par France Télécom démontre que Western Télécom n'a pas remis en cause le mode de négociation. Elle émettait en effet chaque mois jusqu'en avril 2005 une liste d'objectifs de tarifs dont les niveaux ne correspondent pas avec la présente demande.
France Télécom estime que les questions soulevées par Western Télécom sont équivoques à double titre car :
- l'évolution de la réglementation en matière d'interconnexion ne sera effective qu'avec la décision fixant les remèdes à l'issue de l'analyse des marchés pertinents de la téléphonie fixe,
- les niveaux tarifaires cibles transmis par Western Télécom jusqu'au mois de mai 2005 ne reflètent ni un désaccord, ni une contestation concernant leur orientation vers les coûts.
France Télécom indique que si Western Télécom était convaincue que la fixation des tarifs entre les parties ne respectait pas la réglementation en vigueur, il est étonnant qu’elle ait continué à accepter sans réserve le principe d'une telle offre pendant des années et qu'elle souhaite aujourd'hui que soit reconnu le non-respect des dispositions de l'article L. 34-8 du CPT par le biais d'un arbitrage sur les conditions tarifaires.
- Western Télécom a choisi l'offre de hubbing car elle présente le meilleur arbitrage en terme de coûts
France Télécom rappelle que l'Autorité a approuvé dans da décision n° 00-119 du 27 octobre 2000 le catalogue d'interconnexion de France Télécom et notamment la suppression de l'ensemble des destinations internationales du catalogue d'interconnexion 2001. France Télécom constate que malgré la sortie du catalogue, cette offre a perduré et que Western Télécom en avait connaissance, comme le confirme le courrier que France Télécom lui a adressé le 4 juillet 2003.
France Télécom indique que l'existence d'une concurrence sur le marché a conduit à une réduction des tarifs, les tarifs de marché pour les opérateurs étant inférieurs aux coûts complets sur les appels internationaux. France Télécom précise que les opérateurs, compte tenu de cette concurrence, ont recherché la baisse de leur achat de terminaison par la multiplication des fournisseurs et une mise en concurrence dynamique. C'est dans ce cadre que France Télécom a développé depuis 1998 une offre de hubbing en liaison avec les mécanismes du marché tant pour le fournisseur que pour le client.
France Télécom note que Western Télécom a choisi d'envoyer son trafic à travers son offre de hubbing et non sur l'offre d'interconnexion, car l'utilisation de cette offre lui a permis de bénéficier de tarifs plus attractifs qu'une offre approuvée et définie pour plusieurs mois comme c'était le cas au travers du catalogue d'interconnexion.
France Télécom estime que Western Télécom ne peut prétendre que France Télécom ne respecterait pas ses obligations en matière d'interconnexion dès lors :
- qu'elle n'a pas souscrit aux prestations de l'annexe 24 de la convention d'interconnexion,
- qu'elle a souscrit à une offre de hubbing dont la révision des tarifs au moins mensuellement lui permet sur un marché concurrentiel de bénéficier, a contrario de ce qu'elle soutient, d'une tarification plus intéressante que celle associée à une offre nationale d'interconnexion, dont l'intérêt est d'offrir une garantie à terme sur un tarif, mais qui ne tient pas compte du profil dynamique de ce marché et d'une mise en concurrence permanente des fournisseurs.
France Télécom indique qu'en développant parallèlement à son offre approuvée au titre du catalogue d'interconnexion une offre de hubbing plus en prise avec la réalité du marché, elle a cherché à minimiser les coûts de la prestation et donc son tarif à destination des clients opérateurs.
1.3. La démonstration de Western Télécom concerne des faits non soumis au litige
France Télécom considère que l'action de Western Télécom est orientée vers la constatation d'un non-respect règlementaire et non pas sur la détermination des conditions équitables entre les parties. France Télécom note que Western Télécom ne demande pas la fixation de conditions équitables sur le plan technique et tarifaire mais de conditions conformes aux respect des dispositions réglementaires. France Télécom indique que la demande de Western Télécom ne relève pas d'un règlement de différend mais du pouvoir de sanction dont dispose l'Autorité.
France Télécom indique que dans ses dernières observations, Western Télécom consacre l'essentiel de ses démonstrations à la comparaison des tarifs de hubbing avec diverses références telles que les tarifs de détail ou offre nationale d'interconnexion dans les pays distants.
France Télécom souligne qu’en ce qui concerne l’obligation d’orientation vers les coûts, Western Télécom affirme implicitement ne pas être dans la capacité de démontrer tant l’existence d’une vente à perte que l’existence d’une non-orientation vers les coûts.
II. Sur l'irrecevabilité de la demande de Western Télécom
2.1. Western Télécom confirme qu'aucun désaccord n'est apparu sur les tarifs du hubbing vers les 25 destinations faisant l'objet de sa demande
France Télécom souligne que les difficultés qui existaient entre les parties ne portaient pas sur la tarification de l'offre de hubbing mais sur la capacité de Western Télécom à faire face à des créances qu'elle ne contestait pas. France Télécom note que Western Télécom cite une rencontre du 9 novembre dont l'objet était les liaisons louées et des courriers de décembre 2004 à mars 2005 dans lesquels Western Télécom ne conteste pas les tarifs de hubbing. France Télécom indique que ce n'est que le 19 avril 2005 que Western Télécom évoque un non-respect de France Télécom de ses obligations. France Télécom souligne que les pourcentages réclamés dans ce courrier n'ont pas de rapport avec les tarifs cibles envoyés le 27 avril 2005 par Western Télécom qui souhaitait justifier la suspension de ses paiements. France Télécom estime donc qu'il ne peut y avoir échec de négociations pour des prestations que Western Télécom a librement consenties et qui n'ont pas donné lieu à des observations, jusqu'à ce que cette dernière connaisse des difficultés financières.
S'agissant des prestations de hubbing, France Télécom souligne qu'il n'y avait pas de litige jusqu'au mois de mai 2005 et que par conséquent Western Télécom ne peut faire constater un désaccord sur la période passée, ni pour le mois de mai puisqu'elle a indiqué des niveaux de tarifs souhaités pour ce mois éloignés de ses prétentions objets de sa saisine initiale. Ainsi, si désaccord il y a, il ne pourrait porter que sur le mois de juin.
France Télécom indique qu'aucun échange fourni à l'appui de la saisine de Western Télécom ne traduit un désaccord sur l'exécution des conditions contractuellement fixées entre les parties mais que les seuls éléments fournis visent à démontrer le non-respect par France Télécom d'obligations réglementaires dont Western Télécom avait connaissance depuis longtemps et qui n'ont fait l'objet d'aucune remarque lors de la souscription.
France Télécom constate qu'il ressort de la saisine de Western Télécom et de ses dernières observations qu'elle limite le périmètre de ses demandes à 25 destinations particulières alors que pour la majorité d'entre elles Western Télécom n'apporte aucune démonstration.
France Télécom rappelle les décisions de l'Autorité n° 00-489 et n° 00-1092 affirmant que les conditions de recevabilité doivent être appréciées "à la date de la demande", ce qui devrait conduire au rejet des demandes de Western Télécom sur ces 25 destinations.
2.2. Western Télécom ne peut réclamer pour le passé la modification des tarifs de l'offre de hubbing
France Télécom indique que, dans ses observations des 16 août et 8 septembre 2005, Western Télécom demande à l'Autorité de réviser de façon rétroactive le tarif des prestations de hubbing depuis 2003. France Télécom prend acte de la reconnaissance par Western Télécom de l’absence de contestation sur la période précédent 2003.
En ce qui concerne la rétroactivité du tarif, France Télécom renvoie à la jurisprudence administrative selon laquelle un règlement comportant un effet rétroactif est entaché d'une incompétence ratione temporis. France Télécom estime donc que le principe de non rétroactivité suppose qu'il ne peut être fait droit à une demande concernant une prestation dont les conditions ont été définies par un acte réglementaire pour la période considérée ou qui résultent d'une situation juridique ou contractuelle établie. France Télécom estime que la prestation fournie par Western Télécom pour le passé est placée sous l'empire des conditions contractuelles définies entre les parties.
2.3. Sur la fixation de nouvelles conditions tarifaires pour l’avenir pour les prestations d'acheminement à l'international au regard de l'absence de contrainte résultant de l'analyse des marchés
France Télécom rappelle le contenu du projet de décision relatif aux marchés de la téléphonie fixe notifié à la Commission européenne le 29 juillet 2005 qui lève toute régulation sur ce marché.
France Télécom estime donc que Western Télécom ne peut réclamer à l'Autorité la fixation pour l'avenir de conditions équitables d'ordre technique et financier pour ces prestations sur le fondement d'obligations qui ne s'appliqueront plus dans le nouveau cadre réglementaire. France Télécom considère que l'Autorité ne respecterait pas les dispositions du code si elle venait à imposer de telles obligations à France Télécom au titre de la présente saisine.
France Télécom prend acte que Western Télécom considérerait légitime l'extinction de ses demandes pour la période à venir dès lors qu'une décision définitive serait prise par l'Autorité ne fixant pas d'obligation en matière d'interconnexion pour le transit international.
2.4. Les demandes de Western Télécom ne visent pas à la fixation des conditions techniques et financières
France Télécom considère que les demandes de Western Télécom n'ont pas de lien avec la procédure de règlement de différend et méconnaissent les pouvoirs dont dispose l'Autorité au titre de l'article L. 36-8 du CPCE.
France Télécom indique que quelle que soit la portée des dispositions réglementaires citées par l'Autorité dans son analyse des marchés de la téléphonie fixe, elles concernent le passé et ne peuvent être invoquées à l'appui d'une révision des tarifs de France Télécom. France Télécom souligne que la demande de Western Télécom visant à réintégrer le marché du transit international dans l'analyse des marchés ne peut être présentée dans le cadre de cette procédure.
2.5. La saisine de Western Télécom ne remplit pas les conditions de recevabilité permettant d'instruire la demande
France Télécom réitère que le déroulement de la procédure ne tient pas compte du fait que Western Télécom a fourni postérieurement à sa saisine des éléments permettant d'en garantir la complétude conformément à l'article 9 du règlement intérieur de l'Autorité.
2.6. Sur les obligations applicables en matière de hubbing
A titre liminaire, France Télécom souligne qu'une offre de transit international annexée aux conventions d'interconnexion a été maintenue, qui est conforme à l'ancien article L. 34-8 du CPT maintenu en vigueur à titre transitoire, dont Western Télécom a reçu communication.
France Télécom rappelle que dans les décisions de l’Autorité, adoptées dans l’ancien cadre et relatives à la désignation des opérateurs puissants sur les marchés listés à l’article L. 36-7 du CPT, France Télécom a été soumise à des obligations spécifiques en matière d’interconnexion. Cependant, l’offre de Hubing adresse le marché international et non national.
France Télécom indique que l'offre de hubbing existe depuis 1998 et cohabite avec l'offre d'interconnexion de transit vers l'international faisant l'objet d'une régulation ex-ante jusqu'à 2001. L’Autorité a alors été informée, lors des discussions en vue de la sortie du catalogue d'interconnexion de l’offre de France Télécom, de la création de l’offre hubbing (ex DIAL) sans que cela suscite de constat de manquement aux obligations réglementaires de France Télécom.
France Télécom considère que, quand bien même cette offre devrait répondre aux obligations de l'article L. 34-8 II à V du CPT, l'absence d'un contrôle de cette offre ne conduirait pas par essence à une méconnaissance de la part de France Télécom des dispositions réglementaires applicables en matière d'interconnexion.
France Télécom souligne que l'offre de hubbing n'est pas incompatible avec les principes d'orientation vers les coûts mais permet de prendre en compte les prix d'approvisionnement sur le marché afin de proposer des tarifs plus attractifs que les tarifs "à terme" de l'offre d'interconnexion approuvée par l'Autorité jusqu'en 2001.
III. Sur l'absence de portée des arguments de Western Télécom sur la discrimination et la surtarification dont elle serait l'objet
3.1. L'offre de hubbing se distingue des offres du marché national de l'interconnexion
France Télécom rappelle que l'offre de hubbing est distincte de son offre de transit vers l'international qui jusqu'en 2001 faisait l'objet d'une publication au catalogue d'interconnexion. France Télécom indique que cette offre n'est pas disponible sur l'ensemble du territoire mais seulement en trois nœuds du réseau international situés sur les sites de Bagnolet, Paris-Pastourelle et Reims.
France Télécom souligne que cette offre de gros permet aux opérateurs présents sur l'un des trois points d'échanger leurs minutes téléphoniques par destination internationale quelle que soit l'origine desdites minutes, qu'elles proviennent de l'étranger en transit ou de France. France Télécom indique qu'ils sont utilisés par les opérateurs français et étrangers comme des plaques tournantes permettant de choisir en temps réel et par arbitrage en fonction des tarifs proposés, qui évoluent rapidement selon la demande, la route d'acheminement de leurs communications internationales. Il s’agit ainsi d’un marché très volatil en raison d’un fonctionnement au jour le jour et d’une abondance de l’offre d’opérateurs français ou étrangers.
France Télécom estime donc que les méthodes en vigueur sur le marché national de l'interconnexion, sur lequel visibilité, stabilité, prévisibilité et transparence sont exigées, sont incompatibles avec les pratiques concurrentielles en vigueur pour le hubbing et par les opérateurs clients tels que Western Télécom.
France Télécom indique que l'offre de transit international prévue au catalogue est conçue de façon à appliquer les exigences en vigueur sur le marché national de l'interconnexion. France Télécom rappelle que jusqu'en 2001, ses tarifs étaient fixés semestriellement ou annuellement après approbation préalable de l'Autorité.
France Télécom précise que l'offre de transit international garantit aux opérateurs un approvisionnement stable dans le temps et des prix à terme. En revanche, les tarifs mondiaux sont essentiellement orientés à la baisse, par conséquent une offre catalogue ne peut rivaliser avec les offres du marché volatil précité soumis à concurrence. C'est pourquoi elle n'était guère utilisée pour les communications vers l'international. France Télécom note que Western Télécom n'a pas demandé à en bénéficier et constate que sa saisine ne porte pas sur l'offre inscrite à la convention d'interconnexion mais sur l'offre de hubbing.
3.2. Sur les coûts de l'offre de hubbing de France Télécom
- Une orientation vers les coûts induite par l'intensité concurrentielle du marché du transit international
France Télécom rappelle d'une part, que Western Télécom utilise ses prestations depuis plusieurs mois sans payer ses factures, d'autre part, que la prestation d'acheminement d'une communication depuis la France jusqu'à l'étranger, si elle constitue une charge comptable importante ne peut constituer une préjudice dès lors que le tarif de la prestation est légitime.
France Télécom indique que compte tenu de l'intensité concurrentielle très forte du marché, d'une capacité de transport globalement surabondante et bradée par les transporteurs, son offre de hubbing a dépassé depuis longtemps le seuil de récupération des coûts moyens incrémentaux pour se rapprocher de la seule récupération des coûts variables directs.
- Une intensité concurrentielle qui renforce l'impact des impayés
France Télécom souligne qu'en 2000 ses principaux concurrents sur l'interconnexion internationale au départ de la France semblent être : C&W, Colt, Facilicom, MCI/Worldcom, Primus, Siris. France Télécom précise que cette concurrence a conduit à une baisse continue des tarifs de sorte que les coûts de terminaison représentent désormais la quasi-totalité du tarif de hubbing. France Télécom indique que les impayés ont donc un poids élevé dans l'équilibre économique de la vente. Ce constat est corroboré par les garanties importantes réclamées par les opérateurs proposant leurs services sur ce marché, en raison des marges très faibles réalisées sur ce marché.
Western Télécom n’a pas l’opportunité de trouver une solution de contournement. Toutefois cette absence d’opportunité n’est pas due, comme cet opérateur l’affirme à l’inexistence réelle de moyen de contournement, mais plus vraisemblablement aux garanties ainsi exigées par les concurrents de France Télécom sur ce marché. France Télécom estime qu'une tarification éloignée des coûts et du standard de marge de ce type d'activité conduirait les clients à se porter sur des offres concurrentes.
France Télécom confirme qu'il y a des alternatives à son offre et que le volume de trafic sur l'Algérie présente des variations de volumes selon des facteurs de l'ordre de 2,5 entre août 2004 et mai 2005 qui s'expliquent par les choix des opérateurs qui changent fréquemment de fournisseurs et ne confient le trafic à France Télécom que si elle fournit les meilleures conditions du moment.
3.3. Les tarifs de l'offre de hubbing de France Télécom n'encourent aucune critique
France Télécom rappelle que son offre de hubbing est indivisible puisque sa souscription permet de bénéficier de l'ensemble de la grille tarifaire et non de quelques destinations, il appartient ensuite à l'opérateur client d'utiliser une route ou de l'acheter ailleurs compte tenu des nombreuses possibilités de substitutions et d'arbitrages sur la place internationale.
France Télécom note que parmi les sept destinations (Biélorussie, Somalie, Kirlbatie, Corée du Nord, Guinée Bissau, Cuba et Guantanamo) hors Maghreb sur lesquelles Western fonde sa démonstration, seules deux sont achetées par Western Télécom et ne représentent que 0,02 % de son trafic total et une charge mensuelle d'environ 100 euros HT.
France Télécom souligne que Western Télécom appuie sa démonstration sur onze destinations dont sept destinations qui ne font pas partie des vingt cinq destinations objet des dernières demandes présentées à l’Autorité. France Télécom estime donc que :
- Western Télécom a abandonné ses prétentions sur 7 des destinations sur lesquelles elle concentre sa démonstration,
- la liste des 25 destinations choisies dans ses dernières demandes, si elle renvoie à une part majoritaire du chiffre d'affaires de Western Télécom, ne fait référence à aucune démonstration qui laisserait supposer que sur ces destinations spécifiques pourrait exister un préjudice à son égard.
- L'analyse des coûts des destinations Maroc et Algérie par Western Télécom est sans portée
France Télécom tient à rappeler que l'acheminement depuis le commutateur en France jusqu'à celui situé dans le pays de destination diffère selon les destinations et que certaines d'entre elles font appel à un câble sous-marin et d'autres à l'usage d'un satellite. France Télécom souligne que par destination les coûts d'acheminement peuvent donc varier.
France Télécom indique que contrairement aux affirmations de Western Télécom, cette prestation couvre au minimum la traversée d'un commutateur en France et celle d'un conduit de transmission longue distance comparable à une prestation dont le coût moyen incrémental est connue et constitue une valeur de référence permettant de minorer le coût de l'acheminement à destination du Maghreb, à savoir la terminaison intra-CA en France dont le tarif est de 0,55 centimes d'euro par minute.
En ce qui concerne le second paramètre relatif à la terminaison locale, France Télécom souligne que seuls les opérateurs alternatifs détenteurs d'une licence en Algérie peuvent bénéficier des prestations du catalogue d'interconnexion d'Algérie Télécom. Or, France Télécom ne dispose d'aucune licence dans ce pays et n'a pas la possibilité d'achat alternative vers le réseau fixe algérien car il n'y a pas d'opérateur fixe concurrent à Algérie Télécom. Par conséquent, France Télécom souligne que les conditions tarifaires fixées par Algérie Télécom sont plus élevées que celles figurant au catalogue national algérien. France Télécom précise que les tarifs moyens d'achat de la prestation de terminaison tous moyens confondus vers l'Algérie fixe sont de […] la minute à rapprocher au tarif de gros proposé à Western Télécom en mai 2005 qui était de […] la minute vers l'Algérie fixe. France Télécom constate que la part de chiffres d'affaires net pour rémunérer la prestation de son acheminement est donc faible.
France Télécom indique qu'il en est de même pour le Maroc où les charges de la terminaison internationale vers le réseau fixe marocain sont d'environ […] la minute et du tarif proposé à Western Télécom en mai 2005 qui était de […] la minute ne permettant pas de dégager une marge satisfaisante.
France Télécom considère que Western Télécom n’apporte aucun élément de preuve ni de démonstration pour étayer ses demandes. Le raisonnement développé par France Télécom est quant à lui réplicable aux autres destinations citées par Western Télécom. Ainsi, pour la Côte d'Ivoire, le meilleur tarif d'achat de la prestation de terminaison est de […] la minute qui est à comparer au tarif de l'offre hubbing proposé à Western Télécom en mai 2005 fixé à […], ce qui laisse une faible marge à France Télécom pour rémunérer sa prestation de transit.
France Télécom constate que les tarifs de gros de hubbing de France Télécom sur les destinations visées par Western Télécom ne permettent pas de recouvrer normalement ce qui pourraient constituer les coûts moyens incrémentaux du réseau international et les revenus dégagés sont juste suffisants à couvrir les coûts variables directs. Par conséquent, la demande de Western Télécom d'appliquer un tarif permettant de refléter les coûts de la prestation aboutirait à une augmentation du tarif et donc à l'éviction de France Télécom du marché de hubbing compte tenu de la forte concurrence.
France Télécom rappelle que pour le mois de juin 2005 la facture de Western Télécom indique que celle-ci a acheté environ […] à destination de l'Algérie et du Maroc fixe pour un montant non payé d'environ […] pour lesquels France Télécom a inscrit en charge certaine plus de […] au profit des opérateurs étrangers.
- L'analyse des prix de détail de France Télécom ne confirme aucune surfacturation des offres de gros vers l'international
France Télécom rappelle que l'offre de détail utilisée par Western Télécom dans sa démonstration n'est pas une offre de détail conventionnelle mais qu'il s'agit d'une offre sur mesure dénommée "Internationale Privilégiée" dédiée aux fournisseurs de service ayant pour activité principale la revente de communications téléphoniques sur leur propre site à l'usage exclusivement des particuliers. France Télécom indique que Western Télécom utilise pour ses calculs une variante dite "tarif premium" qui permet une réduction additionnelle à titre exceptionnel pour les quelques téléboutiques réalisant plus de 30k€ de chiffres d'affaires mensuel. France Télécom indique qu'il s'agit d'une offre sur mesure optimisée à destination d'intermédiaires sur le marché conçue à partir des tarifs de bases entreprises de France Télécom avec une remise en fonction du pays, certains pays n'étant pas remisés.
France Télécom précise que les chiffres produits par Western Télécom sont erronés : Western Télécom applique une remise pour un tarif qui n'en prévoyait pas, en particulier pour les destinations hors Maghreb précitées, ou une double remise pour un tarif qui n'en prévoyait qu'une.
France Télécom indique que les informations tarifaires issues de la grille "premium" de l'offre aux "call-shop" ne délivrent pas de signaux économiques plus bas que ceux de l'offre de hubbing.
France Télécom précise que sur une seule destination, l'Algérie mobile, l'offre de détail de France Télécom semble s'écarter des tarifs de gros de hubbing indiqués par Western Télécom qui affirme acheter la minute vers l'Algérie Mobile à un tarif moyen de 15€cts et rapproche ce tarif de gros des […] la minute calculés à partir de la grille "offre premium". France Télécom estime qu'en examinant la grille tarifaire de l'offre de gros de hubbing, on relève toutefois trois tarifs différents en fonction de l'opérateur mobile algérien destinataire. Ainsi, France Télécom note que Orascom détient entre 75 % et 85 % de la part de marché local et qu'en conséquence Western Télécom dispose de la capacité d'acquérir auprès de France Télécom entre 75 % et 85 % de son trafic vers les mobiles algériens à un tarif égal à celui du fixe, soit […] la minute.
France Télécom souligne que le tarif d'Algérie Télécom mobile de 15€cts n'est en vigueur que depuis mars 2005 et son poids n'est pas suffisant pour justifier que l'offre de détail vers les mobiles algériens de France Télécom soit réévaluée de façon à appliquer une majoration mobile à celle en vigueur vers les mobiles du Maroc. France Télécom estime que de ce fait, toute offre de détail assise sur les tarifs de base des communications téléphoniques vers l'international ne peut distinguer le fixe du mobile en Algérie, c'est notamment le cas de l'offre Internationale Privilégiée.
France Télécom conteste tout effet de ciseau quant au tarif de hubbing vers l'international car cette offre n'est pas un point de passage obligé pour offrir la prestation puisqu’il y a plusieurs autres fournisseurs en concurrence tant français qu'étrangers. France Télécom indique que les conditions tarifaires proposées par un opérateur dépendent des conditions auxquelles il peut accéder à la terminaison locale et sont tributaires des exigences de l'opérateur de destination, de l'avancement de la négociation ou de la contractualisation et de la possibilité d'arbitrages via un opérateur disposant d'une licence dans le pays concerné.
France Télécom estime que dans le cas d'Algérie Télécom mobile il existe des offres alternatives sur le marché international, y compris depuis des points de présence localisés en France de la part d'opérateurs disposant d'accords ou de conditions d'acheminement plus favorables. France Télécom précise que lorsque ces opérateurs ne sont pas présents en France, la pratique consiste à accéder à leur point de présence distant via un lien de transmission international au départ de la France.
France Télécom considère qu'un test d'effet de ciseau n'aurait aucun sens sauf à affirmer que son offre est la seule utilisable. France Télécom souligne qu'un test économique pertinent ne peut être effectué sans la définition préalable d'un marché, en prenant en considération, l'ensemble des offres et non la variante d'une offre sur mesure, destination par destination.
3.4. Sur la qualité de service et la permanence du réseau
- Western Télécom méconnaît les spécificités de l'offre de hubbing en matière de qualité de service
France Télécom indique que la plupart des opérateurs proposant des offres de communications internationales est interconnectée à plusieurs fournisseurs de transit international et sélectionne pour chaque destination le fournisseur proposant le meilleur tarif. France Télécom précise que les routages sont modifiés régulièrement et fonction de l'évolution des conditions proposées par leurs prestataires.
France Télécom dispose de plusieurs solutions d’acheminement qui diffèrent selon les destinations. France Télécom précise que dans certains cas elle possède ses propres ressources entre le commutateur de transit situé en France et celui du pays destinataire, ces infrastructures sont parfois partagées avec d'autres opérateurs afin de réduire leur coût et d'optimiser leur remplissage. France Télécom indique que les capacités, pour lesquelles elle supporte des coûts fixes, sont généralement utilisées en priorité pour acheminer le trafic international et qu'elle dispose dans ce cas d'accords bilatéraux avec les opérateurs des pays destinataires pour l'acheminement du trafic de terminaison locale qui représente une part importante du coût global de la prestation qu'elle fournit.
France Télécom indique que lorsque les capacités existantes sont saturées ou qu'elle ne dispose pas de ressources, elle s'approvisionne auprès d'autres fournisseurs présents sur le marché du transit international pour acheminer son trafic et achète donc la totalité ou une partie de la prestation à un opérateurs tiers.
France Télécom estime que l'offre de hubbing a été conçue pour être compétitive et s'adresse au marché du transit international. Elle choisit la meilleure source d'approvisionnement dont elle dispose vers chaque destination internationale et utilise ses propres ressources lorsqu'elles sont suffisantes ou le réseau d'un opérateurs tiers. Elle indique que dans ce dernier cas elle retient le prestataire proposant les meilleures conditions tarifaires pour répondre à l'exigence des clients qui souhaitent bénéficier des tarifs les plus bas. Elle considère que la qualité de service n'est que très peu prise en compte dans le choix de l'opérateur de transit international car l'ensemble des fournisseurs présents sur le marché proposent une qualité de service sensiblement équivalente. Le principal critère de choix est ainsi le prix.
Selon le mode de collecte du trafic, France Télécom précise qu'elle peut utiliser des acheminements différents par destination ce qui explique que l'état de la disponibilité d'une destination dépende de l'origine du trafic et non pas uniquement de sa destination. France Télécom souligne que les offres téléphoniques de détail et l'offre de hubbing ne reposent pas sur les mêmes architectures de réseau et de collecte de trafic mais que chaque mode de collecte a ses propres caractéristiques de sécurisation et que c'est à l'opérateur utilisant l'offre de hubbing d'assurer la sécurisation de ses raccordements s'il le souhaite.
France Télécom rappelle que cette architecture simplifiée a été proposée afin de garantir les tarifs optimaux de l'offre de hubbing et que sur les destinations du Maghreb qui représentent une part importante du trafic de Western Télécom, le tarif moyen de l'offre de hubbing en juin 2005 est de […]. France Télécom note que Western Télécom utilise cette offre pour le marché des téléboutiques qui se distingue du marché de la téléphonie aux entreprises. France Télécom estime que Western Télécom ne peut donc comparer la disponibilité dont elle bénéficie via l'offre de hubbing à celle dont elle bénéficie au travers de son offre de détail téléphonique pour entreprises. Ce serait comparer des offres s’adressant à des marchés différents.
France Télécom précise que Western Télécom peut bénéficier d'un niveau de sécurisation équivalent à celui offert dans les offres de base téléphonique entreprise en utilisant par exemple l'offre disponible à l'annexe 24 du catalogue d'interconnexion de France Télécom.
France Télécom souligne que les analyses qu'elle a effectuées montrent que la qualité de service mesurée sur l'activité de gros de hubbing et celle de détail visée par Western Télécom sont assez proches et sans grande disparité contrairement aux affirmations de Western Télécom.
France Télécom rappelle ses estimations de taux d’efficacité et indique que les appels correctement acheminés dans le réseau mais restés sans réponse suite à une occupation de ligne ou à une non réponse sont considérés comme inefficaces ce qui explique les valeurs de taux d'efficacité relevées qui se situent autour de 40 % pour le trafic international.
France Télécom constate que les différences d'efficacité entre les opérateurs tiers et son activité de détail s'expliquent par le fait que les taux de numéros erronés, élevés pour les communications internationales, sont plus importants dans le cas des opérateurs tiers. France Télécom indique que les problèmes d'acheminement dus à une congestion dans le réseau représentent une part relativement faible des appels inefficaces et sont uniquement constatés lors d'évènements particuliers ou sur des durées courtes.
En analysant les données vers l'Algérie du 7 juin 2005 et du 20 juin 2005, France Télécom a constaté des disparités avec les mesures qu'elle effectue régulièrement pour le suivi du trafic et s'interroge sur la qualité des éléments fournis par Western Télécom. France Télécom indique que le 7 juin 2005 à 13 heures, le taux d'efficacité mesuré par France Télécom était de […] pour ses offres de détail et de […] pour le trafic de Western Télécom. France Télécom précise que le 20 mai 2005, une légère diminution du taux d'efficacité a été constatée vers l'Algérie mais s'est traduite de la même façon sur l'activité de détail et celle de gros.
France Télécom indique que si elle dispose de plusieurs fournisseurs vers l'Algérie, le trafic de gros et de détail n'empruntant pas systématiquement les même routes, elle utilise aussi et régulièrement ses propres ressources pour transporter l'ensemble de son trafic vers l'Algérie sans aucune priorisation entre le trafic de gros et de détail, ce qui explique que les valeurs mesurées soit au final relativement proches.
- Western Télécom ne peut reporter ses obligations d'opérateur sur France Télécom au titre du décret du 26 juillet 2005
France Télécom estime que Western Télécom doit s'assurer du paiement régulier de ses factures et d'une exécution de ses contrats et que l'article D. 98-4 du CPCE ne saurait placer à la charge de France Télécom une obligation de fournir l'accès à sa prestation de hubbing international quel qu'en soit le coût et quand bien même son cocontractant s'exonérerait de ses propres obligations. France Télécom souligne que le décret du 26 juillet 2005 met à la charge de Western Télécom de trouver une alternative viable dès lors qu'il serait reconnu le bien- fondé pour France Télécom de procéder à la coupure définitive.
France Télécom précise que, bien qu'une telle alternative existait sur le marché, Western Télécom a choisi d'utiliser l'offre de détail de France Télécom en dépit des impacts financiers et malgré la présence de nombreux opérateurs pour le trafic vers l'international. France Télécom estime que Western Télécom ne peut prétendre ne pas acquitter ses créances dues au titre du trafic commuté alors qu'elle aurait renoncé à faire appel à l'offre de gros d'un tiers, compte tenu des délais de prévenance consentis par France Télécom plusieurs semaines avant la coupure de son offre.
France Télécom souhaite rappeler qu'elle a procédé à la coupure de la prestation de hubbing postérieurement à la décision de l'Autorité et ne peut être taxée d'avoir pris une décision contraire à la volonté du régulateur. France Télécom souligne que la décision prise par la Cour d'Appel de Paris ne dédouane pas Western Télécom du paiement des factures pour le trafic commuté consommé pendant la période de suspension de la prestation de hubbing, sauf à ce que Western Télécom considère qu'il revient à France Télécom d'assurer à n'importe quel coût la continuité des services alors qu'elle pouvait se tourner vers un autre opérateur.
Pour ces motifs, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes de Western Télécom formulées dans sa saisine initiale ainsi que dans ses observations des 16 août et du 8 septembre 2005. France Télécom requiert de l'Autorité qu'elle constate que c'est en infraction des accords liant les parties que Western Télécom s'est affranchie du paiement des prestations fournies par France Télécom au titre du contrat "Hubbing Access France".
Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur enregistrées le 23 septembre 2005 ;
Vu le courrier du chef du service juridique en date du 28 septembre 2005 adressé aux parties leur transmettant pour observations la décision n° 05-0571 de l'Autorité en date du 27 septembre 2005 ;
Vu la décision n° 05-0836 de l'Autorité en date du 29 septembre 2005 prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant Western Télécom et France Télécom ;
Vu les observations de la société Western Télécom enregistrées le 14 octobre 2005 relatives à la décision n° 05-0571 de l'Autorité en date du 27 septembre 2005 ;
1. Les conséquences de cette décision sur le présent litige
Western Télécom estime que la décision du 27 septembre 2005 nécessite d'être amendée car elle n'intègre pas un certain nombre d'éléments révélés dans la présente procédure, dont les effets se poursuivent à ce jour. Western Télécom demande par ailleurs à l'Autorité l'annulation ou la réformation de la décision précitée.
1.1. Sur le comportement de France Télécom jusqu'à la date du 27 septembre 2005
Western Télécom considère d’une part que jusqu'au 27 septembre 2005, France Télécom était soumise à des obligations de transparence, de non-discrimination, d'orientation vers les coûts, qu'elle n'a pas respectées, et d’autre part, que France Télécom n’a produit aucune pièce probante à l’appui de son argumentation.
1.2. La décision du 27 septembre 2005 ne tient pas compte des avantages tirés par France Télécom d'accords bilatéraux donnant lieu à des compensations sur certaines destinations
Western Télécom note que la décision prise par l'Autorité ne tient pas compte des contrats bilatéraux donnant lieu à des compensations entre France Télécom et certains pays du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne ou d'Europe de l'Est. Western Télécom observe que dans le cadre du présent litige, France Télécom a reconnu l'existence de ces contrats qui ont pour conséquence de lui faire bénéficier de conditions préférentielles par rapport à celles consenties à d'autres opérateurs.
Western Télécom indique que l'exemple retenu par France Télécom ne permet d'obtenir que partiellement les méthodes de compensation retenues avec ses co-contractants. Western Télécom note que les quote-parts y sont définies comme le prix de la minute entrante ou sortante et que dès lors deux méthodes de calcul sont possibles :
- le "Bill and Keep"
- le paiement du solde du volume de trafic sur la base des quote-parts.
Western Télécom estime que dans les deux cas, la détermination du coût de la minute livrée à un opérateur alternatif national s'établit sur des données épurées du trafic de transit. Western Télécom souligne que France Télécom admet que le transit international peut quintupler le trafic des clients français alors que ce même transit international ne génère pas de trafic entrant équivalent vers la France. Western Télécom considère que les prix pratiqués par France Télécom à son égard seraient éloignés du coût réellement supporté par France Télécom.
Western Télécom a évalué les coûts de terminaison en les comparant aux quote-parts départ (QP). Elle indique qu'elle a retenu pour valeur moyenne de QP 20 cts, moins de 1 ct pour la terminaison nationale (TN) et en retenant comme solde de trafic échangé, épuré du transit international, un volume de trafic départ (TD) supérieur de 50 % à celui du trafic arrivé (TA), TD = 1,5 TA. Soit dans le cas du "Bill and Keep" un prix inférieur à 0,65 centimes : le prix facturé par France Télécom serait 30 fois supérieur à son coût. Dans le cas du paiement des soldes de trafic : un prix inférieur à 7,4 cts, le coût ne représenterait que 37 % du prix facturé.
Western Télécom note que dans ses observations France Télécom reconnaît bénéficier, dans le cas de l'Algérie, du modèle "compta circuit" plus avantageux que celui de la compensation.
1.3. Les calculs présentés par France Télécom ne sont pas probants
Western Télécom estime que, contrairement à ce que prétend France Télécom, celle-ci pratique le ciseau tarifaire à l'égard de Western Télécom, au moins auprès de certaines téléboutiques qui constituent la principale clientèle de Western Télécom. Western Télécom considère qu'une telle pratique resterait répréhensible dans le cadre des obligations auxquelles France Télécom étaient soumises jusqu'au 27 septembre 2005.
Western Télécom conteste les calculs effectués par France Télécom dans sa réponse au questionnaire, en particulier car France Télécom s'abstient de prendre en compte le coût direct supplémentaire encouru par Western Télécom relatif à la collecte, et qu’elle calcule une moyenne.
Western Télécom souhaite indiquer que la notion de "moyenne" ne peut être retenue alors que France Télécom reconnaît que […] ont bénéficié de l'offre I Privilégié Premium pour laquelle Western Télécom a démontré que le tarif associé était inférieur au tarif hubbing augmenté des charges de collecte et ce pour 52 destinations.
Western Télécom souligne que, si elle s'était alignée sur cette offre, elle aurait généré pour ses clients une marge négative, ce qui reviendrait à considérer que l'on subventionne avec une marge négative une partie des clients par la marge positive sur les autres clients. Western Télécom précise que le calcul par "moyenne" masque l'effet ciseau tarifaire sur une partie de la clientèle et que sa démonstration ne visait pas à mettre en évidence l’entrave à la concurrence mais la non orientation vers les coûts nécessaire au ciseau tarifaire.
2. Les destinations du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne ne peuvent être considérées comme ouvertes à la libre concurrence
Western Télécom rappelle d'une part, que l'Europe, l'Amérique du nord et d'autres pays ont ouvert leur marché à la libre concurrence, d'autre part, qu'il n'y a pas dans ces pays de difficulté à s'approvisionner en terminaison locale en s'adressant à des opérateurs alternatifs qui exercent une concurrence normale conduisant à des prix orientés vers les coûts. Western Télécom indique que pour l'Afrique, le processus de libéralisation est à peine entamé et ne concerne que certains pays et bien souvent seul l'opérateur historique donne accès à la terminaison locale en la réservant de préférence aux opérateurs historiques. Western Télécom précise que les prix des destinations africaines sont donc marqués par des accords bilatéraux.
Western Télécom souligne que le courrier de France Télécom du 22 février 2000 démontre qu'elle bénéficiait d'avantages préférentiels, ce qui a conduit des opérateurs tels que Worldcom à s'approvisionner chez France Télécom et que pour certaines destinations cette dernière constitue une source quasi unique et exerce ainsi une influence significative. Western Télécom estime que les conditions d'une libre concurrence ne sont pas réunies pour ces pays.
2.1. L'accès aux destinations africaines est marqué par de fortes barrières à l'entrée et constituent l'essentiel du chiffre d'affaires de Western Télécom
Western Télécom indique que la négociation d'accords bilatéraux avec les opérateurs historiques africains n'est pas accessible à des opérateurs alternatifs modestes. Western Télécom précise qu'en se réservant les avantages des accords bilatéraux, France Télécom est en position très compétitive. Western Télécom indique que France Télécom pratique le ciseau tarifaire et que sur ces destinations France Télécom fausse le jeu de la concurrence, notamment sur le marché des téléboutiques qui constitue en majorité la clientèle de Western Télécom.
2.2. La suppression de l'ensemble des destinations internationales du catalogue d'interconnexion au vu des évolutions du marché
Western Télécom souhaite apporter les remarques suivantes :
- sur les destinations du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne il n'y a pas d'infrastructures alternatives. […] se fournit chez France Télécom ; lorsque des difficultés d'accès au réseau se produisent par l'intermédiaire de […], les mêmes difficultés existent sur le réseau de France Télécom,
- il ressort de la décision du 27 septembre 2005 que la part de marché captée par France Télécom pour les communications internationales, pour la clientèle professionnelle s'élevait à 61,5 % en 2001, 67 % en 2003 et 61,4 % en 2005. Western Télécom indique que cette part de marché n'a pas évolué à la baisse et que de surcroît, sur le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, cette part doit être plus élevée,
- Western Télécom estime que sa position n'a pas été prise en considération dans le présent litige.
Western Télécom observe que France Télécom continue de bénéficier d'avantages significatifs sur l'accès aux destinations du Maghreb et de l'Afrique Francophone et que ces avantages ne sont pas accessibles pour des opérateurs tels que Western Télécom.
Western Télécom indique que la mise en place d'un accord bilatéral avec un opérateur historique africain constitue une barrière à l'entrée du marché et que seule France Télécom en bénéficie au détriment des opérateurs alternatifs.
Western Télécom souligne que la décision du 27 septembre 2005 ne saurait permettre que, pour une partie du marché du trafic international, la concurrence ne puisse s'établir normalement et qu'en particulier France Télécom soit en mesure de pratiquer le ciseau tarifaire. Western Télécom précise que les conditions d'une libre concurrence n'étaient pas réunies avant le 27 septembre 2005 et qu'elles ne le sont pas davantage aujourd'hui.
Western Télécom conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes observations et demande également :
- de constater que France Télécom, à la date de la demande de règlement de différend, et jusqu’au 27 septembre 2005 a pratiqué des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros et notamment que les tarifs appliqués par France Télécom à Western Télécom pour le transit international depuis 2003 pour les 25 destinations représentant 80 % du chiffre d'affaires de Western Télécom sont non transparents, discriminants et non orientés vers les coûts,
- compte tenu du rétablissement du service ordonné par la Cour d’appel, d’ordonner son maintien jusqu’à l’intervention d’une décision définitive relative au présent différend,
- compte tenu du rétablissement du service ordonné par la Cour d’appel, d’ordonner son maintien jusqu’à l’intervention d’une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties.
Vu les observations de la société France Télécom enregistrées le 14 octobre 2005 relatives à la décision n° 05-0571 de l'Autorité en date du 27 septembre 2005 ;
I. Sur l’extinction des prétentions de Western Télécom en raison de la décision n°05- 0571 du 27 septembre 2005
1.1. Sur l’impossible fixation de nouvelles conditions tarifaires pour les prestations d'acheminement à l'international au regard de l'absence de contrainte résultant de l'analyse des marchés
France Télécom note que dans sa décision n° 05-0571 du 27 septembre 2005, l'Autorité confirme que les tarifs des prestations de transit international ne nécessitent pas de mesures d'encadrement visant à imposer une obligation d'orientation vers les coûts ou de transparence, ni de façon générale aucune obligation particulière. France Télécom souligne que le dispositif final de la décision visant les obligations imposées à l'opérateur puissant sur les marchés de gros exclut de son périmètre les prestations de transit international.
France Télécom estime donc que la demande de Western Télécom n'est pas fondée : l'Autorité reconnaît que pour le passé, durant les quatre années précédentes, l'absence de contrôle tarifaire sur l'ensemble des prestations d'acheminement de trafic international n'a pas soulevé d'observations des opérateurs ni d'ailleurs de Western Télécom, mais surtout qu'aucune obligation ne s'applique à ce jour sur les prestations.
France Télécom considère que la demande de Western Télécom reposant sur la modification des tarifs du hubbing n'est pas pertinente. France Télécom note que Western Télécom ne conteste pas dans ses observations du 16 août 2005 que la publication d'une décision de l'Autorité rendrait illégitime ses prétentions pour l’avenir.
France Télécom souligne que pour le passé, il ne peut être porté atteinte aux conditions contractuelles établies entre les parties qui n'ont pas été remises en cause avant le dépôt de la demande de règlement de différend déposée par Western Télécom.
1.2. La décision n° 05-0571 confirme l'irrecevabilité des demandes de Western Télécom qui visent le passé
France Télécom rappelle d'une part, que Western Télécom n'est pas fondée à demander la révision des tarifs de hubbing pour le passé, d'autre part, il a déjà été pris acte par Western Télécom de l'absence de contestation sur la période précédant octobre 2003.
France Télécom rappelle l’absence de contestation des tarifs de Western Télécom jusqu’à la fin du mois d'avril et qu’elle a négocié les tarifs cibles mensuels. France Télécom considère que si Western Télécom a réclamé en janvier 2005 une évolution sur une seule destination, cette demande visait une simple évolution sur cette destination et ne s'inscrivait pas dans la logique défendue par cette dernière devant l'Autorité ou devant le Tribunal de Commerce de Paris sur la méconnaissance par France Télécom des règles sectorielles applicables.
France Télécom estime que si l'Autorité devait intervenir rétroactivement elle serait amenée non pas à définir des conditions techniques et tarifaires entre les parties qui auraient donné lieu soit à désaccord, soit à une absence de détermination, mais substituerait de nouveaux tarifs aux anciens qui ont fait l'objet d'accord explicite de Western Télécom, contrairement à la jurisprudence administrative précitée.
France Télécom souligne que dans ses réponses au questionnaire du 23 septembre 2005, Western Télécom ajoute une nouvelle liste des destinations (52) sur lesquelles elle constaterait des incompatibilités entre le prix de détail et le prix de gros. France Télécom précise que les tarifs vers ces destinations n'ont pas fait l'objet de contestation formelle et doivent être écartés des débats.
II. Sur les prétentions de Western Télécom sur les tarifs du transit international
2.1. Western Télécom reconnaît que la présentation de France Télécom des principes tarifaires de l'offre de hubbing conduit à écarter toute critique
France Télécom note que Western Télécom reconnaît que les affirmations de France Télécom sur la tarification de son offre de hubbing conduisent de facto à considérer qu'elle aurait respecté ses obligations en matière d'interconnexion et que la position de France Télécom devant la Cour d'appel de Paris et le juge des référés aurait pu lui permettre d'obtenir gain de cause.
France Télécom souligne qu'elle n'a pas donné d'indication dans le cadre des mesures conservatoires sur la tarification de sa prestation car il lui semblait que le débat ne pouvait sans préjuger au fond porter sur ces aspects.
2.2. Sur l'incompatibilité contestable de l'offre de hubbing par rapport aux offres de détails de France Télécom
France Télécom a noté des erreurs dans les réponses fournies par Western Télécom dans le cadre du questionnaire. France Télécom constate également que Western Télécom modifie constamment le périmètre de ses revendications et étend sa position à de nouvelles destinations, sans apporter d’éléments probants.
France Télécom indique qu'en dehors de l'Algérie et du Maroc, aucune des 11 destinations citées par Western Télécom, et pour lesquelles elle avait identifié un ciseau tarifaire, ne figure parmi les 67 destinations recensées dans ses réponses au questionnaire. France Télécom note que Western Télécom évite certaines destinations sur lesquelles elle s'était appuyée pour démontrer qu'elle subissait une tarification excessive, et semble abandonner les 7 destinations précitées.
France Télécom précise qu'aucune des 67 destinations exceptés le Maroc, l'Algérie et le Cameroun ne fait partie des 25 destinations vers lesquelles elle affirme réaliser près de 80 % de son chiffre d'affaires. France Télécom souligne que pour 40 de ces destinations, le trafic de Western Télécom est nul ou anecdotique et que sur les huit premiers mois de l'année 2005, moins de 50 € HT ont été facturés dans le cadre du contrat hubbing, somme que Western Télécom n'a jamais payée.
Au regard de ces éléments, France Télécom considère que Western Télécom ne peut prétendre subir un préjudice vers ces destinations et qu’elle n'a pu démontrer qu'elle subissait une surfacturation sur les 25 destinations qui constituent la majeure partie de son chiffre d'affaires. Elle rappelle que pour ce qui est de l’Algérie, Western Télécom achemine l’essentiel de son trafic vers Orascom.
France Télécom réaffirme son désaccord sur la méthode employée par cette dernière :
- France Télécom récuse toute pertinence à un test de ciseau tarifaire reposant sur ses tarifs de gros car la prestation de transit international est offerte en concurrence et une multitude de fournisseurs présents sur le marché proposent des offres très compétitives qu'il faut prendre en compte. France Télécom indique que Western Télécom dispose de toute la capacité de s'affranchir de son offre et utilise régulièrement les offres des autres opérateurs et ne démontre pas que les capacités achetées auprès des fournisseurs tiers sont plus chères. France Télécom estime que sa prestation de hubbing ne peut être considérée comme indispensable et que dès lors un test d'effet de ciseau n'a pas de sens et doit être rejeté.
- France Télécom précise qu'un test économique pertinent ne pourrait être effectué sans une analyse et une définition préalable du marché concerné et nécessiterait la prise en compte de toutes ses offres de détail. France Télécom estime qu'il n'est pas possible de limiter l'étude à une offre sur mesure réservée à des clients particuliers et de ne considérer qu'une seule composante tarifaire appliquée dans des situations exceptionnelles. France Télécom rappelle que l'offre Internationale Privilégiée utilisée par Western Télécom n'est pas l'offre de détail standard de France Télécom mais qu'il s'agit d'une offre sur mesure à usage exclusif des téléboutiques permettant de bénéficier de réductions vers certaines destinations internationales uniquement. France Télécom indique que les tarifs de la composante Premium sur lesquels Western Télécom s'est basée permettent une réduction additionnelle de 5 % laquelle est limitée aux téléboutiques réalisant un chiffre d'affaires mensuel supérieur à 30.000 € HT.
- France Télécom indique que le principe de récupération des coûts ne peut être examiné destination par destination car l'offre de hubbing est une offre complète permettant à un opérateur l'ayant souscrit de bénéficier de l'ensemble de la grille tarifaire et non de quelques destinations. France Télécom précise que l'équilibre économique des offres vers l'international doit être regardé globalement et non destination par destination. France Télécom rappelle que Western Télécom dégage une marge nette moyenne de 3 centimes d'euro par minutes sur les 25 premières destinations représentant plus de 80 % de son chiffre d'affaires.
- France Télécom souligne que l'analyse ne peut être effectuée destination par destination et encore moins en distinguant chaque opérateur car les structures tarifaires de l'offre de gros de hubbing et de l'offre internationale Privilégiée sont fondamentalement différentes.
France Télécom rappelle que l'offre Internationale Privilégie repose sur des tarifs de détail entreprises découpés en 8 zones géographiques et que le tarif des communications est identique vers tous les pays appartenant à une même zone tarifaire. France Télécom indique que cette offre propose un tarif unique vers l'ensemble des opérateurs présents dans un pays permettant un affichage simple et clair pour le client final, qui est essentiel sur le marché de détail. France Télécom souligne que seule une différenciation du tarif entre opérateurs fixes et mobiles d'un même pays est parfois appliquée, lorsque les opérateurs mobiles imposent une surcharge particulière.
France Télécom indique que l'offre de hubbing propose en revanche un tarif différencié vers chaque opérateur présent sur chaque destination et qu'elle a été conçue dans un souci d'optimisation de tous les tarifs de transit international. France Télécom estime que la comparaison effectuée par Western Télécom n'a pas de sens pour la plupart des 67 destinations recensées et pour lesquelles elle s'est contentée d'extraire de la grille tarifaire de l'offre de hubbing le tarif vers un opérateur d'une destination particulière détenant souvent une part de marché locale minoritaire et vers lequel elle n'achemine pas ou peu de trafic. En outre, France Télécom observe que pour de nombreuses destinations où le tarif de détail est identique vers le fixe et le mobile, Western Télécom ne considère que le tarif mobile et le compare directement au tarif de détail sans considérer la composante fixe.
France Télécom a examiné quelques destinations parmi celles recensées par Western Télécom pour démontrer l'absence de portée des calculs qui lui sont opposés. France Télécom indique que c'est le cas pour les destinations Central African Rep-Space Mob1, Netherlands Mobile Call Max, Israel Paltel Mobile où le trafic acheminé par Western Télécom en 2005 est nul ou insignifiant et que ces opérateurs détiennent une part de marché local très faible.
France Télécom souligne que l'analyse menée par Western Télécom doit être complètement revue tant sur la méthode que sur les données utilisées et le tarif vers chacun des opérateurs ne peut être extrait de façon isolée sans considération de la situation nationale et des parts de marchés locales.
France Télécom indique qu'elle a noté d'autres erreurs, c'est le cas pour la destination des Iles Vierges Américaines où Western Télécom a indiqué que le tarif Premium de l'offre Internationale Privilégiée était de […] ce qui est erroné et éloigné du tarif pratiqué par France Télécom qui est de […]. France Télécom souligne que le tarif de l'offre de gros de Hubbing vers cette même destination est de […], ce qui laisse une marge conséquente à Western Télécom pour acheminer son trafic.
France Télécom conclut au rejet de l’ensemble des demandes de Western Télécom.
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 14 novembre 2005 convoquant les parties à une audience devant le collège le 29 novembre 2005 ;
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 18 novembre 2005 portant désignation de nouveaux rapporteurs ;
Vu le courrier de la société Western Télécom enregistré le 25 novembre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;
Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 28 novembre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;
Après avoir entendu le 29 novembre 2005, lors de l'audience devant le collège (composé de MM. Paul Champsaur, M. Jacques Douffiagues, Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Michel Feneyrol, et de Mme Joëlle Tolédano) :
- le rapport de Mle Aurélie Doutriaux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de Maître Marie M. Benhaim, avocat, M. Edmond Cohen, pour la société Western Télécom ;
- les observations de M. Eric Debroeck, pour la société France Télécom.
En présence de :
- MM. Edmond Cohen, Eytan Cohen, pour la société Western Télécom, Maître Marie
M. Benhaim, avocat ;
- MM. Eric Debroeck, Gabriel Lluch, Didier Dillard, Patrice Girard-Donnat, Mme Isabelle Pichon, pour la société France Télécom
- M. Philippe Distler, directeur général, Mle Aurélie Doutriaux, MM. Benoît Loutrel, Christophe Cousin, Ari Bibas, Matthieu Allard, Mmes Joëlle Adda, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;
Le collège (MM. Paul Champsaur, Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Michel Feneyrol, et Mme Joëlle Tolédano) en ayant délibéré le 1er décembre 2005, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;
Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.
Sur la publicité de l'Audience
L'article 14 du règlement intérieur susvisé dispose que "l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère". Western Télécom et France Télécom ont indiqué par courrier respectif du 25 et du 28 novembre 2005 qu'elles ne souhaitaient pas que l'audience soit publique. Par conséquent l'audience n'a pas été publique.
I – Sur la compétence de l’Autorité
Au titre de l’article L. 36-8 I du code des postes et des communications électroniques, CPCE, l’Autorité peut être saisie « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques ».
L’article L. 32 9° du CPCE dispose qu’ « On entend par interconnexion la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. Les services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties qui ont accès au réseau. L'interconnexion constitue un type particulier d'accès mis en oeuvre entre opérateurs de réseaux ouverts au public ».
Il résulte de ces dispositions que l’interconnexion aux réseaux de communications électroniques a pour objet de permettre et de garantir à tous les utilisateurs de communiquer librement entre eux par le biais d’une liaison physique et logique.
Or, il ressort des pièces du dossier que la prestation de transit international, proposée par France Télécom dans le cadre du contrat « Hubbing Access France » signé par les parties le 20 avril 2000, a pour finalité de déterminer les modalités techniques et financières d’une offre de terminaison de trafic international par accès direct aux commutateurs internationaux de France Télécom.
Il s’ensuit qu’une telle prestation doit être regardée comme une prestation d’interconnexion au sens de l’article L. 32 9° précité. Par conséquent, l’Autorité est compétente pour trancher ce litige.
II – Sur la recevabilité
Il ressort des pièces du dossier que Western Télécom a fait évoluer ses demandes au cours de la procédure. Toutefois, dans ses dernières écritures en date du 14 octobre 2005, Western Télécom précise qu’elle demande désormais à l’Autorité de :
- Recevoir les demandes de Western Télécom et les dire bien fondées
- Constater l’échec des négociations entre les deux parties ;
- Constater que France Télécom, à la date de la demande de règlement de différend, et jusqu’au 27 septembre 2005 a pratiqué des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros et notamment que les tarifs appliqués par France Télécom à Western Télécom pour le transit international depuis 2003 et pour les 25 destinations représentant 80% du chiffre d’affaires de Western Télécom « Maroc mobiles, Algérie Mobiles, Tunisie Mobiles, Maroc, Tunisie, Algérie zone 4, Algérie zone 3, Algérie zone 2, République démocratique du Congo mobile, Mali Mobile, Turquie, Sénégal mobiles, Turquie mobiles, Maroc-Casblanca, Espagne mobiles, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire mobiles, Italie mobile, Roumanie mobiles, Belgique mobiles, Angola mobiles, Cameroun, Cap-vert, Royaume Uni mobiles », sont discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents ;
- Fixer les tarifs, sur ces destinations, qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ou déterminer le pourcentage de sur tarification opéré par France Télécom ;
- Constater l’absence pour Western Télécom de voies alternatives ou de voies de contournement, à court terme, économiquement et techniquement viable ;
- Le cas échéant, auditer les comptes de France Télécom ou utiliser tout moyen probant à sa disposition pour déterminer les prix orientés vers les coûts abstraction faite des avantages mutuels que France Télécom et ses partenaires étrangers pourraient se consentir par le biais des mécanismes de compensation, de manière à fixer les prix non discriminants et orientés vers les coûts que France Télécom était tenue d’appliquer à Western Télécom ;
- compte tenu du rétablissement du service ordonné par la Cour d’appel, d’ordonner son maintien jusqu’à l’intervention d’une décision définitive relative au présent différend ;
- compte tenu du rétablissement du service ordonné par la Cour d’appel, d’ordonner son maintien jusqu’à l’intervention d’une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties ;
- Rejeter l’ensemble des demandes de France Télécom. »
France Télécom conteste la recevabilité de ce différend et demande à l’Autorité dans ses dernières conclusions de rejeter l’ensemble des demandes de Western Télécom.
1. Sur les fins de non recevoir opposées par France Télécom
a) Sur les conclusions présentées par France Télécom tendant à ce que l’Autorité constate que la saisine de Western Télécom ne remplit aucunement les conditions de recevabilité formelles permettant l’instruction de sa demande.
L’Autorité rappelle qu’en application de l’article 9 du règlement intérieur susvisé, la saisine indique lorsque le demandeur est une personne morale : « sa dénomination, sa forme, son siège social, l’organe qui la représente légalement et la qualité de la personne qui a signé la saisine ; les statuts sont joints à la saisine » et que, « si la saisine ne satisfait pas aux règles mentionnées ci dessus, le chef du service juridique ou son adjoint met en demeure le demandeur par lettre recommandée avec avis de réception de la compléter. Le délai mentionné à l’article R. 11-1 du code des postes et télécommunications ne court qu’à réception des éléments manquants ».
L’article 10 de ce même règlement intérieur précise qu’il convient de transmettre aux parties d’une part, la copie de l’acte de saisine et, d’autre part, la copie des pièces annexées à l’acte de saisine. En outre, en vertu de l’article 11 dudit règlement intérieur, les parties à un litige peuvent annexer des pièces à l’appui de la saisine ou de leurs observations. Par suite, les parties disposent de la faculté de compléter l’acte de saisine par des pièces annexes à tout moment de la procédure.
Dans ses mémoires en défense, France Télécom soutient qu’il ressort du courrier de l’adjoint au chef du service juridique du 17 juin 2005 référencé ARCEP/SJ/05.541, que la saisine de Western Télécom ne peut être considérée comme complète et recevable, et que même après communication des pièces demandées, il appartenait au service juridique d’en prendre acte et de faire débuter la procédure à la date de réception de ces pièces.
Or, il résulte des pièces du dossier que la société Western Télécom a transmis le 9 juin 2005 une saisine comportant les statuts de la société Western Télécom non signés et un Kbis n’ayant pas valeur légale mais conforme, documents transmis à France Télécom.
L’Autorité constate que la communication d’une version signée des statuts et d’un extrait Kbis ayant une valeur légale n’étant pas de nature à modifier la capacité de France Télécom à préparer ses observations en défense, et que France Télécom ne peut donc invoquer un quelconque grief.
En outre, l’Autorité constate que France Télécom a accepté l’invitation à la réunion fixant le calendrier de production des mémoires et n’a pas contesté la décision nommant les rapporteurs. Elle a ensuite respecté la procédure et le calendrier de production des mémoires fixé par l’adjoint du chef du service juridique.
Il résulte de ce qui précède que la complétude de la saisine du présent règlement de différend est avérée au jour du dépôt de la saisine et que l’instruction a été valablement engagée à cette même date.
b) Sur les conclusions présentées par France Télécom tendant à ce que l’Autorité constate l’irrecevabilité des nouvelles demandes de Western Télécom formulées dans ses observations enregistrées le 16 août et le 7 septembre 2005.
France Télécom estime dans son mémoire du 15 septembre 2005 que les conditions de recevabilités doivent être appréciées à la date de la demande, et que par conséquent, les demandes de Western Télécom enregistrées le 16 août 2005, visant à limiter ses demandes à vingt – cinq (25) destinations, doivent être rejetées.
Cependant, il ressort des dispositions du règlement intérieur, en particulier ses articles 9 et 10, que ces dernières ont pour seule fin de dresser la liste des pièces et des éléments d’information que toute saisine de l’Autorité doit comprendre, à peine de non déclenchement du délai mentionné à l’article R. 11-1 du code des postes et des communications électroniques. La disposition de l’article 9 du règlement intérieur selon laquelle "la saisine indique les faits qui sont à l’origine du différend, expose les moyens invoqués et précise les conclusions présentées" n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire que, le cas échéant, les conclusions des parties puissent être précisées au cours de la procédure.
Or, au cas d’espèce, les observations de Western Télécom déposées le 16 août 2005 n’ont pas pour objet de formuler une nouvelle demande mais de préciser le périmètre de celle-ci et de le restreindre. Ainsi, si lors de la saisine du 9 juin 2005, Western Télécom avait demandé à l’Autorité d’examiner l’ensemble des destinations du transit international offertes par France Télécom, dans son mémoire d’août 2005, elle cantonne l’objet de sa demande à 25 destinations parmi l’ensemble de celles existantes.
Il s'ensuit que les demandes de Western Télécom, visant à limiter le périmètre de ses demandes à vingt-cinq (25) destinations particulières, ne méconnaissent pas les dispositions précitées du règlement intérieur de l'Autorité.
2. Demandes de Western Télécom non recevables
a) Sur les conclusions de Western Télécom tendant à ce que l’Autorité constate que France Télécom, à la date de la demande de règlement de différend, et jusqu’au 27 septembre 2005 a pratiqué des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros et notamment que les tarifs appliqués par France Télécom à Western Télécom pour le transit international depuis 2003 et pour les vingt-cinq destinations représentant 80% du chiffre d’affaire de Western Télécom, sont non transparents, discriminants et non orientés vers les coûts
En demandant à l’Autorité d’établir que France Télécom pratique des prix discriminants, non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international, Western Télécom souhaite faire constater par l’Autorité que France Télécom ne respecte pas une des obligations qui lui sont imposées en vertu des textes.
Cependant la procédure de règlement de différends définie par l’article L.36-8 du CPCE ne vise pas à faire sanctionner le non-respect d’une obligation réglementaire mais à résoudre un refus d’accès ou d’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion, et ce, en fixant les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés.
Ainsi, la demande visant à faire constater par l’Autorité le non-respect d’une obligation par France Télécom n’est pas recevable dans le cadre d’une procédure de règlement de différends.
b) Sur les conclusions de Western Télécom tendant à ce que l’Autorité constate l’absence de voies alternatives ou de voies de contournement, à court terme, économiquement et techniquement viables
Il résulte des pièces du dossier, et notamment des dernières demandes enregistrées le 14 octobre 2005, que Western Télécom demande à l’Autorité de « constater l’absence, pour Western Télécom de voies alternatives ou de voies de contournement, à court terme, économiquement et techniquement viables ».
Il ressort des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE que le champ d’application de la procédure de règlement de différend s’applique notamment à tout refus d’accès ou d’interconnexion ou désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion. Ainsi, il incombe à l’Autorité de « préciser les conditions équitables d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».
Il s’ensuit que la demande de Western Télécom visant à faire constater par l’Autorité l’absence, pour Western Télécom, de voies alternatives ou de voies de contournement, à court terme, économiquement et techniquement viables, ne constitue pas formellement une demande recevable.
Les arguments relatifs à l’existence de telles voies sont toutefois pris en compte lors de l’analyse du marché du transit international.
c) Sur les conclusions de Western Télécom tendant à ce que l’Autorité ordonne le maintien du service ordonné par la Cour d’appel, d’une part jusqu’à l’intervention d’une décision définitive relative au présent différend, et d’autre part, jusqu’à l’intervention d’une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties
Aux termes de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité peut, afin de résoudre un différend, préciser « les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés » et « ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux » et ce « en cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques ». De telles mesures devant « rester limitées à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à l’urgence ».
L’article R. 11-1 du CPCE précise qu’une demande de mesure conservatoire « peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ».
Il ressort de l’instruction du dossier que le maintien du service de transit international a fait l’objet d’une première décision de l’Autorité le 30 juin 20051, et que Western Télécom a obtenu en appel2 de la décision de rejet de l’Autorité, le maintien dudit service jusqu’à l’intervention de la décision au fond.
Au regard des attributions confiées à l’Autorité par la procédure définie à l’article L .36-8 du CPCE, il apparaît d’une part, qu’il n’est pas possible pour l’Autorité de venir modifier dans sa décision au fond la portée de l’arrêt de la Cour d’appel, et d’autre part, que si l’Autorité peut, conformément à l’article R. 11-1 du CPCE, être saisie d’une demande de mesures conservatoires à tout moment en cours de procédure, les dites mesures n’ont d’effet que jusqu’à l’adoption de la décision au fond.
Ainsi les compétences dévolues à l’Autorité par les dispositions de l’article L.3 6-8 du CPCE ne lui permettent pas d’ordonner le maintien du service décidé par la Cour d’appel jusqu’à l’intervention d’une décision définitive relative au présent différend pas plus que jusqu’à l’intervention d’une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties.
Il s’ensuit que les demandes de Western Télécom visant ce que l’Autorité ordonne le maintien du service décidé par la Cour d’appel, d’une part jusqu’à l’intervention d’une décision définitive relative au présent différend, et d’autre part, jusqu’à l’intervention d’une décision définitive statuant sur les comptes entre les parties, sont irrecevables.
3. Demandes de Western Télécom recevables
a) Sur les conclusions de Western Télécom tendant à ce que l’Autorité fixe les tarifs depuis 2003, sur les 25 destinations qui représentent 80 % du chiffres d’affaires de Western Télécom, « Maroc mobiles, Algérie Mobiles, Tunisie Mobiles, Maroc, Tunisie, Algérie zone 4, Algérie zone 3, Algérie zone 2, République démocratique du Congo mobile, Mali Mobile, Turquie, Sénégal mobiles, Turquie mobiles, Maroc-Casblanca, Espagne mobiles, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire mobiles, Italie mobile, Roumanie mobiles, Belgique mobiles, Angola mobiles, Cameroun, Cap-vert, Royaume Uni mobiles », qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ou détermine le pourcentage de sur tarification opéré par France Télécom
Aux termes de l’article L. 36-8 I du CPCE, « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties ».
Il résulte des pièces du dossier que des discussions ont eu lieu entre les parties afin de mettre en place un échéancier à la suite des difficultés de paiement par Western Télécom des factures émises par France Télécom. Western Télécom a également invoqué l’existence de préjudices concernant plusieurs prestations fournies par France Télécom dont le transit international.
Western Télécom, dans son courrier du 19 avril 2005, estime pour la première fois qu’au regard du processus de négociation « itératif et confidentiel » des prix du transit international qui ne sont « indépendants [ni] des opérateurs [ni] des volumes », France Télécom ne respecte pas ses obligations de transparence, de non-discrimination et d’orientation vers les coûts. Par conséquent, Western Télécom conteste l’ensemble des factures relatives à ce trafic depuis le mois d’octobre 2000 ; elle estime que France Télécom n’était légitime à lui facturer que 30 à 60 % des sommes facturées selon les destinations, ce qui fait de Western Télécom la créancière de France Télécom.
Western Télécom précise son analyse dans un courrier du 21 avril 2005 en s’appuyant notamment sur la connaissance de certains coûts de terminaison locale de destinations comme l’Algérie. Western Télécom rappelle sa volonté d’arriver à un règlement amiable pour la réparation du préjudice lié à la surfacturation précitée.
Par courrier du 16 mai 2005, France Télécom indique qu’elle ne peut accepter de telles accusations, ne reposant selon elle sur aucun fondement juridique sérieux. Elle conteste les éléments fournis par Western Télécom et refuse toute négociation amiable portant sur ce point.
Parallèlement, par un courrier du 2 mai 2005, Western Télécom conteste expressément l’ensemble des factures relatives au transit international depuis le mois d’octobre 2000 et notamment les factures pour les mois de décembre 2004, janvier et février 2005. Elle maintient sa demande d’avoir et de remboursement en date du 19 avril 2005 et indique être prête à honorer les prochaines factures à hauteur de 75% des tarifs pratiqués par France Télécom, sans pour autant que cette proportion vaille reconnaissance de l’orientation des tarifs vers les coûts.
Dans sa réponse en date du 17 mai 2005, France Télécom rappelle à Western Télécom qu’elle n’a jamais contesté les tarifs du transit international depuis cinq ans, qu’elle n’a jamais contesté les factures conformément aux stipulations contractuelles, que ces tarifs ont toujours été négociés et qu’il existe une concurrence sur le marché du transit international.
En conséquence, France Télécom indique qu’elle ne peut que refuser la qualité de créancière de Western Télécom et ne peut donner suite à sa demande visant à réévaluer les prix pratiqués depuis cinq ans. Ce refus est confirmé par la mise en demeure de Western Télécom par France Télécom d’acquitter les factures impayées au titre de la prestation de transit international sous peine de résiliation du contrat « Hubbing Access France ».
Par deux courriers du 6 juin 2005, Western Télécom prend acte du refus de France Télécom de régler à l’amiable leur désaccord sur les prix du transit international, tant pour le passé que pour l’avenir, et l’informe de son intention de saisir l’Autorité du différend qui les oppose et de demander des mesures conservatoires.
Le 24 juin 2005, n’ayant pas été payée, France Télécom a annoncé la résiliation du contrat « Hubbing Access France» à compter du 1er juillet 2005.
Il s’ensuit que ces échanges de correspondances doivent être regardés comme traduisant un désaccord, au sens des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, sur les tarifs de la prestation de transit international de France Télécom, et ce à compter du 19 avril 2005.
En effet, il relève de ces échanges que la requérante a négocié les tarifs de transit international sans émettre de contestation quant à leurs niveaux tarifaires jusqu’au 19 avril 2005. La demande de Western Télécom de modifier les tarifs du transit international n’a ainsi été formulée auprès de France Télécom qu’à compter de son courrier en date du 19 avril 2005 ; les échanges antérieurs ne portant que sur l’élaboration d’un échéancier. Dans ces conditions, il convient de constater que le désaccord sur la tarification du transit international ne court qu’à compter du 19 avril 2005.
Par ailleurs, il résulte des observations de Western Télécom en date du 14 octobre 2005 que celle-ci demande à l'Autorité de constater la non orientation vers les coûts des tarifs de France Télécom pour 25 destinations et ce jusqu'au 27 septembre 2005, date avant laquelle elle considère que France Télécom était tenue d'orienter ses tarifs vers les coûts, et qu'elle demande à l'Autorité de fixer sur ces destination les tarifs « qui auraient été non discriminants et orientés vers les coûts ». Dans ces conditions, Western Télécom ne demande pas à l'Autorité de fixer pour le futur les tarifs de la prestation de transit international vers lesdites destinations, et limite la portée de sa demande au 27 septembre 2005.
Par conséquent, la demande de Western Télécom concernant la définition des conditions tarifaires de la prestation de transit international est recevable pour la période du 19 avril 2005 au 27 septembre 2005.
b) Sur les conclusions de Western Télécom tendant à ce que l’Autorité audite, le cas échéant, les comptes de France Télécom ou utilise tout moyen probant à sa disposition pour déterminer les prix orientés vers les coûts abstraction faite des avantages mutuels que France Télécom et ses partenaires étrangers pourraient se consentir par le biais des mécanismes de compensation, de manière à fixer les prix non discriminants et orientés vers les coûts que France Télécom était tenue d’appliquer à Western Télécom
Aux termes de l’article L. 36-8 du CPCE, « l'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code ».
L’Autorité relève que dans le cadre de l’instruction les parties ont pu présenter leurs observations à de nombreuses reprises et qu’elles ont répondu à un questionnaire précis élaboré par les rapporteurs.
Au demeurant, il ressort de la demande même de Western Télécom, qui emploie l’expression « le cas échéant », qu’elle n’entend pas lier l’Autorité.
Il s’ensuit que si la demande de Western Télécom de mener un audit ou d’utiliser tout moyen probant à sa disposition est recevable, l’Autorité n’est pas tenue d’y donner suite. De surcroît et en l’espèce, le recours à un audit n’est pas matériellement réalisable dans le cadre de la procédure de règlement de différend, en raison du délai imparti à l’Autorité pour adopter sa décision, de celui nécessaire pour commanditer un tel audit, et de la complexité de la demande portant sur 25 destinations internationales.
III. Portée temporelle de la demande de Western Télécom et régulation du transit international
Avant d’examiner les conclusions recevables de la société Western Télécom, il convient de mettre en relation la période temporelle visée par la demande de la requérante avec les différentes étapes de régulation du transit international.
1. Portée temporelle de la demande
La demande de Western TELECOM porte sur la période allant de l’année 2003 jusqu’au 27 septembre 2005. L’Autorité a explicité précédemment au titre de la recevabilité pourquoi au cas d’espèce la demande n’était recevable qu’à compter du 19 avril 2005.
Par conséquent, au titre de la présente décision, il incombe à l’Autorité de fixer des tarifs de transit international sur la période courant du 19 avril 2005 jusqu’au 27 septembre 2005. Cette période est effectivement celle pendant laquelle Western Télécom a contesté les factures et arrêté le paiement des prestations de transit international fournies par France Télécom.
2. Régulation du transit international
Le cadre réglementaire mis en place pour l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence avait organisé la régulation des opérateurs puissants. A ce titre, France Télécom avait été désignée puissante sur le marché de l’interconnexion pour l’année 1998 et ensuite dès l’année 1999, cet opérateur a été déclaré puissant sur les marchés de l’interconnexion, des liaisons louées et de la téléphonie fixe conformément aux dispositions combinées des articles L. 36-7 7° du code des postes et des télécommunications (CPT) et des articles 4, 7 et 8 de la directive n° 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP).
A ce titre cet opérateur devait notamment orienter ses tarifs d’interconnexion vers les coûts et publier une offre technique et tarifaire d’interconnexion (article L. 34-8 II du CPT), dite catalogue d’interconnexion, préalablement approuvée annuellement par l’Autorité.
En ce qui concerne le transit international, trois périodes doivent être distinguées.
Tout d’abord une première période couvrant la date d’ouverture du secteur à la concurrence au 1er janvier 2001. Pendant cette période, les prestations de transit international étaient incluses au catalogue d’interconnexion et leurs tarifs approuvés annuellement par l’Autorité.
Dès 1999, France Télécom avait demandé la sortie du catalogue des prestations de transit international. L’Autorité avait alors considéré dans sa décision n°99-1078 du 15 décembre 1999 d’approbation du catalogue pour l’année 2000 que cette offre devait être maintenue au catalogue pour l’année 2000 mais avait engagé un processus d’évolution. Ainsi, par deux décisions n°00-278 du 17 mars 2000 et n°00-635 du 28 juin 2000, l’Autorité avait autorisé France Télécom à supprimer du catalogue 28 destinations. Le choix s'était effectué en fonction de trois critères : existence d'infrastructures alternatives, part de marché de France Télécom parmi le trafic international sortant issu des opérateurs nouveaux entrants et positions exprimées par les opérateurs entrants.
La deuxième période court du 1er janvier 2001 au 14 octobre 2005. Elle est marquée par la suppression du catalogue d’interconnexion des prestations de transit international à compter du 1er janvier 2001 ; évolution approuvée par l’Autorité dans sa décision n° 00-1109 du 27 octobre 2000 d’approbation du catalogue pour l’année 2001.
Toutefois, du 1er janvier 2001 au 14 octobre 2005, date de publication de la décision susvisée d’analyse de marché de la téléphonie fixe, France Télécom a continué d’être soumise à des obligations spécifiques en matière d’interconnexion. En effet, France Télécom a été désignée annuellement par l’Autorité opérateur puissant jusqu’à la publication de la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. A ce titre, cet opérateur était soumis notamment aux obligations de faire droit aux demandes raisonnables d’interconnexion, de non discrimination, d’orientation vers les coûts, et de transparence (article L. 34-8 III et IV du CPT).
A compter de la publication de cette loi, le 10 juillet 2004, et conformément à son article 133 qui organise la transition entre le nouveau et l’ancien cadre afin d’éviter tout vide juridique, les obligations précitées imposées à France Télécom ont été maintenues jusqu’à l’adoption par l’Autorité des décisions d’analyse de marché. Ainsi depuis cette date et jusqu’au 14 octobre 2005, France Télécom demeurait régulée en vertu de l’article 133 de la loi du 9 juillet 2004 précitée sans que la caractérisation de la puissance de marché de l’opérateur ait été un préalable à cette régulation.
La demande de règlement de différend de la société Western Télécom s’inscrit dans cette seconde période.
Enfin, la dernière période est marquée par l’adoption par l’Autorité de la décision n°05-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.
Cette décision publiée au Journal officiel le 14 octobre 2005 conclut à la non pertinence du marché du transit international pour une régulation ex ante. Elle met donc un terme à toute régulation de ce marché de gros.
Il convient à cet égard de noter que cette décision a été adoptée selon le nouveau processus d’analyse des marchés mis en place par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques, conformément aux directives européennes « cadre » et « accès » du 7 mars 2002.
Ainsi, l’Autorité a mené 3 consultations publiques, respectivement du 9 juillet 2004 au 9 septembre 2004, du 15 juin 2005 au 15 juillet 2005, et du 29 juillet 2005 au 15 septembre 2005, avant d’adopter cette décision, ce qui a permis aux acteurs de se prononcer à 3 reprises, notamment sur la suppression de toute régulation du transit international. Sur les 26 contributions reçues, la quasi totalité adhère à la proposition de définition des marchés et donc à la non pertinence du marché du transit international, seule la société MCI s’était interrogée lors de la première consultation publique en 2004 sur cette suppression sans toutefois s’y opposer. Elle n’a pas réitéré ses observations dans les consultations suivantes.
Aucune de ces consultations publiques, dont les deux dernières se sont déroulées entre juin et septembre 2005, n’a donné lieu à une contribution de la société Western Télécom dans le cadre du processus d’analyse des marchés.
Par ailleurs, avant de pouvoir adopter sa décision, l’Autorité a dû recueillir l’avis du Conseil de la concurrence, qui ne s’est pas opposé ni interrogé sur une telle suppression, et enfin notifier son projet à la Commission européenne et aux autres régulateurs de l’Union européenne. La Commission n’a pas formulé de commentaire sur ce point et a autorisé l’Autorité à adopter sa décision.
IV. Analyse
Avant d’étudier les arguments des parties, il convient de rappeler les spécificités du transit international.
1. Spécificités du marché du transit international
a) Voies de contournement
Si l’Autorité avait autorisé dès 2001 la sortie du catalogue des prestations de transit international, c’est en raison de la concurrence qui se développait déjà sur ce marché et qui justifiait que les tarifs de France Télécom ne soient pas fixés annuellement dans le catalogue d’interconnexion, afin de ne pas empêcher France Télécom de s’adapter aux évolutions de ce marché. Il fallait en effet permettre à cet opérateur de pouvoir ajuster régulièrement ses tarifs à la baisse pour les rapprocher des prix du marché.
Ce marché est en effet marqué depuis 2000-2001 par une forte concurrence, époque à compter de laquelle l’influence significative exercée par France Télécom sur le marché commençait à s’amenuiser. Ainsi, même les destinations vers les pays pas ou peu libéralisés au niveau national comme l’Algérie font l’objet en France de plusieurs offres concurrentes de la part des autres opérateurs historiques européens (Telecom Italia, Telefonica, …) auxquels France Télécom recourt en cas de saturation de son réseau par exemple.
Il existe ainsi de nombreuses voies de contournement et les offres de France Télécom ne sont pas les seules accessibles sur ce marché.
A cet égard, l’Autorité constate qu’il ressort des observations des parties que la société Western Télécom dispose de plusieurs possibilités pour acheminer son trafic vers l’international.
Ainsi, Western Télécom a précisé que si France Télécom était son interlocutrice privilégiée, il faisait toutefois appel à deux autres opérateurs pour son trafic international : Worldcom et Tradingcom ainsi qu’à un autre opérateur pour l’interconnexion entrante.
Avant la coupure du trafic, Western Télécom confiait déjà l’acheminement de certaines destinations internationales à […]et […]. Pendant la coupure du trafic, Western Télécom a réorganisé l’acheminement de son trafic et a confié :
- le trafic fixe vers mobile à […] ;
- le trafic vers l’international hors Maghreb à […] ;
- le trafic vers le Maghreb à France Télécom « détail ».
En outre, il ressort des réponses au questionnaire que Western Télécom fait également appel à […] pour certaines des 25 destinations, objet de la demande. De même, Western Télécom souligne qu’elle a négocié avec […] et […] (réponse à la question 4a) du questionnaire des rapporteurs) et est en cours de discussion avec […].
L’Autorité constate également que les observations produites par la société Western Télécom ne démontrent à aucun moment que la coupure du trafic par France Télécom ait pu donner lieu à des pertes en termes de trafic ou de nombre de clients. La société Western Télécom a ainsi réussi à réorganiser rapidement son trafic et à garantir l’acheminement de celui-ci pour ses clients.
Enfin, la société Western Télécom dispose d’une convention d’interconnexion avec la société […] à qui elle confie notamment son trafic fixe vers mobile. Or, cet opérateur a signé un accord avec […] permettant à […] de « commercialiser son service de téléphonie internationale en France via le réseau de […] et à ce dernier de bénéficier du réseau international de […] pour ses clients »3. Il s’agit ainsi d’une éventuelle source d’approvisionnement de transit international supplémentaire pour Western Télécom. A cet égard, la société Western Télécom n’explique à aucun moment pourquoi une telle solution ne pourrait être mise en place.
La société France Télécom précise dans ses écritures (mémoire en date du 22 juillet 2005) qu’elle est concurrencée sur ce marché par plusieurs opérateurs et en particulier, sur la période concernée, par Cegetel, 9 Télécom, Portugal Telecom, Telecom Italia ou Telefonica. Elle souligne également qu’elle utilise régulièrement les offres de transit de Telefonica, Portugal Telecom et Worldcom pour l’acheminement de son trafic entre la métropole et le Maroc ou l’Algérie lorsque les capacités existantes sont saturées. Enfin, elle indique dans son mémoire en défense en date du 15 septembre que le trafic qu’elle vend à destination notamment de l’Algérie ou du Maroc varie fortement d’un mois sur l’autre. Selon France Télécom, ces variations sont expliquées par le choix des opérateurs de changer de fournisseurs fréquemment, et de ne confier le trafic à France Télécom que si elle offre les meilleures conditions.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que, même si les parties ne s’accordent pas sur la tarification du transit international, leurs écritures confirment le constat que l’Autorité avait commencé à dresser dès 2001 selon lequel plusieurs opérateurs sont présents sur ce marché et sont capables de concurrencer effectivement l’offre de France Télécom.
Sans véritablement contester l’existence de concurrents, la société Western Télécom estime toutefois que ceux-ci ne peuvent réellement se substituer à France Télécom. Elle souligne ainsi que ses négociations n’ont pu aboutir avec […], en raison de difficultés de connexion, de problèmes de garantie de qualité de service ou enfin des garanties financières demandées par ces opérateurs.
Toutefois ces difficultés ne peuvent contredire le constat de concurrence.
En effet, pour ce qui est des difficultés de connexion, Western Télécom souligne que […] serait « le seul opérateur dans l’architecture actuelle de Western Télécom et dans une certaine mesure, à pouvoir traiter les appels internationaux », sans cependant apporter d’éléments supplémentaires
Or, des difficultés techniques d’interconnexion de Western Télécom avec de potentiels fournisseurs de transit international ne peuvent être considérées comme insurmontables et doivent pouvoir être réglées dans des délais raisonnables ; à tout le moins, Western Télécom ne démontre pas quelles raisons justifieraient de considérer ces échecs comme étant définitifs. A cet égard, il a souligné lors de l’audience que des négociations étaient toujours en cours.
Ensuite, l’existence de garanties financières demandées lors de la souscription d’un contrat constitue une pratique commerciale classique. Western Télécom reconnaît dans ses écritures qu’il n’est pas en mesure de fournir ces garanties, ce qui justifierait l’éventuel refus de ces opérateurs de contracter avec la requérante. L’absence de signature de contrats alternatifs à France Télécom n’est donc pas due dans cette hypothèse à une absence de concurrents mais à l’incapacité de Western Télécom de répondre aux conditions usuelles imposées par ces concurrents.
Enfin, en ce qui concerne la qualité de service, Western Télécom considère que si des opérateurs sont présents sur le marché, ils ne peuvent concurrencer France Télécom en raison d’une qualité de service moindre.
Ainsi, Western Télécom estime que les fournisseurs alternatifs n’ont pas été en mesure de « fournir une qualité de services conforme aux exigences de sa clientèle » (réponse à la
question 4a) des rapporteurs). Elle souligne que France Télécom dispose du meilleur taux de succès de connexion, de l’ordre de 50%, alors que ses concurrents ont des taux de succès parfois inférieurs de moitié. Western Télécom note également que les taux de succès sont nettement supérieurs pour les activités de détail de France Télécom que pour celles de gros. Western Télécom se voit donc contrainte de faire appel à France Télécom.
La société France Télécom conteste ces affirmations et fournit ses propres calculs. Elle souligne notamment que le taux de succès, ou taux d’efficacité, « permet de mesurer le nombre d’appels aboutissant à une réponse de l’appelé rapporté au nombre total d’appels ». Ainsi, les échecs comptabilisent également les appels correctement acheminés dans le réseau mais restés sans réponse de la part de l’appelé en raison d’une occupation de ligne ou d’une non réponse. Il ressort de ces éléments que lesdits taux de succès sont similaires pour Western Télécom et pour les opérateurs tiers.
Dans la mesure où ce marché est caractérisé par l’existence d’offres concurrentes nombreuses et où les offreurs de prestation de transit international sont conscients des produits offerts par leurs concurrents, puisqu’ils se négocient sur les plaques tournantes précitées, ils sont dans l’obligation d’aligner la qualité de leurs produits sur celles de leurs concurrents au risque dans le cas contraire de perdre leurs clients. L’Autorité estime que l’objectif premier recherché sur ce marché est donc l’obtention d’un prix le plus compétitif possible.
Enfin, il n’existe pas de raisons objectives qui pourraient justifier que des opérateurs tels que Telecom Italia ou Telefonica, disposant d’infrastructures propres similaires à celle de France Télécom, ou des grands groupes tels que Worldcom aient une qualité de service dégradée par rapport à celle de France Télécom. A ce titre, France Télécom souligne qu’elle fait appel à ses concurrents notamment lorsque ses propres capacités sont saturées.
Dans ses conditions et en l’absence d’arguments probants de la part de Western Télécom, l’Autorité estime que les concurrents de France Télécom sur le marché du transit international sont en mesure d’offrir une qualité de service comparable à celle de France Télécom.
Par conséquent, les trois types de difficultés invoqués par Western Télécom et qui l’empêcheraient de trouver une voie de contournement à France Télécom ne peuvent être considérés comme révélateurs d’une absence de concurrence ou de voies de contournement.
Au demeurant, comme exposé ci-avant, ni la Commission européenne, ni le Conseil de la concurrence n’ont contesté la suppression de toute régulation du marché du transit international pour l’avenir. Ils ont donc validé le constat selon lequel ce marché n’est pas pertinent pour une régulation ex ante sur le territoire français et que la qualification d’opérateur disposant d’une influence significative n’est pas opposable.
b) Spécificités du marché en termes de fonctionnement et de coûts
Le marché du transit international est un marché qui connaît de nombreuses spécificités par rapport aux autres marchés du secteur des communications électroniques.
Ce marché, qui adresse plus de 500 destinations à l’international depuis la France, présente un caractère de moins en moins national, mais international, ou à tout le moins européen, par la présence d’opérateurs, tels que Worldcom, dont les points de présence sont implantés dans un nombre important de pays.
Il est également caractérisé par un mécanisme de double négociation régulière des tarifs. D’une part, les fournisseurs de prestations de transit international doivent négocier les tarifs de terminaison d’appel, et éventuellement une partie du tronçon d’acheminement. France Télécom mentionne qu’elle négocie ainsi tous les six mois avec les opérateurs de destination. D’autre part, offreurs et acheteurs de prestations de transit international négocient entre eux le tarif de cette prestation. A cet égard, le contrat « Hubbing Access France » liant France Télécom et Western Télécom stipule que les tarifs sont négociés mensuellement. La négociation tarifaire récurrente est ainsi le mode de fonctionnement de ce marché très volatil.
Au titre du contrat de « Hubbing Access France » de France Télécom, l’offre de transit est offerte en trois nœuds du réseau international situés sur les sites de Bagnolet, Paris Pastourelle et Reims.
Ces trois nœuds sont utilisés par les opérateurs français ou étrangers pour échanger leurs minutes téléphoniques internationales. Ils servent ainsi de plaque tournante permettant aux opérateurs de choisir chaque route d’acheminement de leurs communications internationales en fonction des tarifs proposés par les divers opérateurs.
Ce contrat prévoit que les parties négocient mensuellement les tarifs des destinations souhaitées par le cocontractant. Celui-ci adresse à France Télécom des tarifs « cibles » auxquels France Télécom réagit. C’est le système auquel Western Télécom a agréé en signant le contrat de « Hubbing Access » de France Télécom le 20 avril 2000.
Enfin, ce marché est également caractérisé par une variabilité importante des structures de coûts. En effet, ceux-ci évoluent en fonction des destinations, et des périodes, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’architecture technique permettant d’acheminer les communications vers chaque destination diffère ; certaines destinations nécessitent l’usage d’un câble sous marin et d’autres l’usage d’un satellite. Selon les destinations, ces infrastructures appartiennent en propre à l’opérateur fournisseur de la prestation, ou sont mutualisées avec d’autres opérateurs, ou enfin font l’objet d’une prestation de transit par un opérateur tiers. L’éloignement est également un facteur supplémentaire de coût. En outre, il convient de prendre en compte les variations de taux de change. Enfin, un facteur essentiel est celui du volume de trafic qui peut différer d’une destination à l’autre, mais également pour une même destination, d’un mois sur l’autre. Par ailleurs, il convient de prendre en compte le coût de la terminaison d’appel internationale qui diffère selon les destinations.
En raison de ces spécificités, le coût des prestations de transit international peut être particulièrement mouvant, davantage par exemple que celui prévu pour l’interconnexion nationale, où en particulier France Télécom maîtrise l’intégralité des infrastructures sous jacentes. Ces évolutions ont nécessairement un impact sur la tarification, justifiant le système particulier mis en place sur ce marché de négociation mensuelle des prix.
2. Demande de Western Télécom tendant à la fixation de tarifs orientés vers les coûts
Western Télécom demande à l’Autorité de fixer un tarif des prestations de transit international de 25 destinations qui soit orienté vers les coûts.
Afin d’analyser dans les meilleures conditions ce différend, les parties ont été amenées à produire leurs observations à plusieurs reprises. Ainsi, elles ont chacune adressé deux mémoires. Elles ont en outre réagi sur demande des rapporteurs à l’adoption de la décision d’analyse des marchés de la téléphonie fixe, ce qui leur a permis de rappeler leurs arguments. Enfin, elles ont apporté des réponses au questionnaire des rapporteurs.
a) La demande Western Télécom est fondée sur des arguments non probants
Sur le coût du tronçon international
La société Western Télécom invoque en premier lieu le coût du tronçon international (globalisé et mutualisé) qui ne saurait être plus élevé que celui de la terminaison d’appel (individualisé) et ne pourrait ainsi dépasser 0,5c €, ce qui permettrait de démontrer que tous les tarifs de France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts. Western Télécom souligne ainsi que dans 5 cas (Espagne, USA, Suède, Argentine et Canada), le prix total facturé par France Télécom est égal ou inférieur à un centime et comprend tant le tronçon international que le coût de terminaison locale. Considérant que le tronçon international ne saurait coûter plus cher que la terminaison locale, Western Télécom estime que le tronçon international ne peut dépasser un demi centime d’euro.
France Télécom estime cette évaluation contestable en ce qu’elle ne prend pas en compte les spécificités de chaque destination et les moyens nécessaires pour y acheminer le trafic. En outre, elle considère que cette estimation est peu pertinente dans la mesure où ses tarifs sont fondés en grande partie sur les coûts variables qui correspondent essentiellement aux coûts de terminaison, et que les autres coûts sont considérés comme fixes (coût propre de réseau, support, commerciaux) : les tarifs, selon elle, recouvrent a minima les coûts variables de terminaison d’appel.
L’Autorité considère que l’évaluation d’un coût unique du tronçon international, indépendamment de la destination, ne peut avoir de sens d’un point de vue économique.
En effet, la détermination théorique d’un coût unique et global du tronçon international va à l’encontre même de la multiplicité des facteurs techniques caractérisant la prestation de transit international. Il convient ainsi, parmi les critères qualitatifs et quantitatifs présentés par France Télécom dans ses observations de prendre plus particulièrement en considération la technologie employée, le type d’infrastructure (en propre ou d’un tiers), la longueur de l’infrastructure dans le cas d’une transmission par câble, et le débit circulant dans l’évaluation du coût du tronçon.
Le premier axe d’analyse porte ainsi sur la technologie retenue pour l’acheminement du trafic, entre transmission satellitaire ou par câble, et, au sein de cette dernière catégorie, sur les routes elles-mêmes.
Une revue du marché du transit international permet, à titre d’illustration, de disposer de données tarifaires d’utilisation des moyens de transmission de sorte à mieux approcher la réalité des coûts encourus sur le tronçon international et leur disparité selon les destinations et technologies considérées :
- via la technologie satellitaire : 4000 à 8000 euros/Mbit/sec/mois4 ;
- via la technologie « câble » :
- liaison transatlantique (ordre de grandeur) : moins de 10 euros/Mbit/sec/mois ;
- lien Americas II (lien Amérique du Sud - Miami) : 1500 euros/Mbit/sec/mois5 pour un client non membre du consortium d’exploitation ;
- lien ECFS (Caraïbes) : 4000 euros/Mbit/sec/mois pour un client non membre du consortium d’exploitation6 ;
- lien SAT3/WASC/SAFE (LLT Europe-Asie via l’Afrique du Sud) dont une terminaison au Maroc : 900 euros/Mbit/sec/mois7 ;
- Guadeloupe – Porto Rico : 375 euros/Mbit/sec/mois. Ce câble a fait l’objet d’un financement publique.
Le second axe d’analyse concerne le débit circulant du lien considéré vers une destination. Le coût de la transmission à la minute est directement fonction de l’investissement supporté pour ce lien et rapporté au débit circulant du lien. Ces effets volumes agissent directement sur le coût du tronçon international et peuvent significativement faire varier ce coût, ce indépendamment de la proximité ou non de la destination.
En outre, selon les technologies employées par destination et les optimisations introduites régulièrement (notamment par l’introduction de la transmission IP induisant des baisses des coûts de transport), le coût du tronçon tend à la baisse, mais dans des proportions différentes d’une destination à l’autre.
Ainsi, les évaluations effectuées par la requérante ne peuvent être retenues, car il n’est pas possible de retenir un tarif spécifique sur une destination pour en déduire un coût moyen générique applicable à l’ensemble des tronçons internationaux.
Sur les catalogues d’interconnexion étrangers et les accords bilatéraux
En deuxième lieu, la société Western Télécom estime que France Télécom vend au dessus de ses coûts puisqu’elle offre un tarif bien supérieur aux tarifs d’interconnexion proposés par Algérie Telecom et Maroc Telecom dans leur catalogue d’interconnexion national respectif.
Or, en ce qui concerne les catalogues d’interconnexion, ces offres sont proposées aux opérateurs autorisés à fournir des services ou exploiter des réseaux sur le territoire des pays concernés.
Ainsi, pour le Maroc, le catalogue d’interconnexion de l’opérateur historique transmis par Western Télécom indique que les services d’interconnexion proposés (et les tarifs correspondants) ne le sont qu’aux exploitants de réseau public détenant une licence d’exploitation sur le territoire marocain. Pour ce qui est de l’Algérie, le même raisonnement doit être tenu dans la mesure où ce catalogue s’adresse à toute personne physique ou morale qui exploite un réseau public de télécommunications ou qui fournit au public un service de télécommunications, activité qui nécessite la délivrance d’une autorisation sur ce territoire8.
Par conséquent, France Télécom ne peut bénéficier de tels tarifs, qui ne peuvent ainsi servir de référence de coûts.
La société Western Télécom mentionne également l’existence d’accords bilatéraux dont bénéficie France Télécom. Cette dernière précise qu’elle dispose effectivement d’accords bilatéraux avec les opérateurs historiques des pays suivants : le Maroc, l’Algérie, la Biélo- russie et Cuba. La requérante estime que ces contrats procurent à France Télécom des avantages concurrentiels pour l’acheminement du trafic vers certains pays du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne ou d’Europe de l’Est.
Il convient de souligner à titre liminaire que l’obligation de transparence invoquée par Western Télécom dans ses écritures et l’argument selon lequel France Télécom aurait manqué à cette obligation en ne publiant pas le contenu de ces contrats d’interconnexion avec ses homologues étrangers, ou les tarifs de terminaison internationale de ses partenaires, ne peut être retenu. En effet, l’obligation de transparence ne peut signifier l’obligation pour l’opérateur concerné de transmettre aux autres acteurs du marché des données couvertes par le secret des affaires. En tout état de cause, il a été démontré précédemment que la demande visant à ce que l’Autorité constate que les tarifs de France Télécom n’auraient pas été transparents n’est pas recevable.
Western Télécom précise dans ses dernières écritures qu’il ressort du courrier de France Télécom du 22 février 2000, transmis par celle-ci dans ses observations, que France Télécom a établi des contrats bilatéraux avec des opérateurs de certains pays du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne ou d’Europe de l’Est, et en conclut qu’elle bénéficie, via un système de compensations entre France télécom et ces opérateurs, de conditions préférentielles par rapport à celles consenties à d’autres opérateurs.
Dans ses écrits, Western Télécom envisage ainsi deux méthodes de compensation potentielles : une méthode dite de « Bill and Keep », ou une méthode de paiement du solde du volume de trafic sur la base des quote-parts, définies comme étant les prix de la minute entrante (ou sortante), i.e. de terminaison d’appel. Cette dernière méthode consiste à ne facturer à l’opérateur A ayant généré le trafic le plus important sur le lien A – B objet de l’accord bilatéral que la part excédentaire de volume, sur la base du tarif de terminaison de l’opérateur B.
Elle estime ainsi que, dans l’hypothèse d’un « Bill and Keep », France Télécom facturerait un prix 30 fois supérieur à son coût, et que dans l’autre hypothèse, ce coût ne représenterait que 37% du prix facturé.
Toutefois, lors de l’audience susvisée, France Télécom a précisé, d’une part, que les tarifs étaient négociés en fonction des engagements sur le volume de trafic, et d’autre part qu’aucune des options de facturation retenues par Western Télécom dans son analyse ne reflétait la réalité.
En pratique, elle a expliqué que chaque opérateur évalue trimestriellement le montant que son homologue lui doit au titre du volume qu’il achemine à destination de son réseau, et sur la base de son propre tarif de terminaison, puis que seule la partie créditrice émet une facture pour le solde dû. France Télécom précise ainsi que dans ces conditions, il n’existe aucune marge cachée qui financerait le départ de trafic.
France Télécom a par ailleurs précisé, au cours de la même audience, que la nature particulièrement concurrentielle caractérisant certaines destinations l’amenait, sur celles-ci, à retenir comme référence de coûts un périmètre essentiellement constitué de coûts variables, eux-mêmes largement fonction des quotes-parts prévues par les contrats.
En outre, l’existence de ces accords bilatéraux ne témoigne en aucune manière de conditions préférentielles, et encore moins de l’exercice d’une éventuelle influence significative de France Télécom sur le marché de la terminaison d’appel sur les réseaux étrangers tels que Maroc ou Algérie Télécom. Dans ce contexte, la négociation se pose en règle de marché. Ainsi, d’autres opérateurs, tels que Telefonica ou Telecom Italia, tout aussi actifs sur ce marché du transit international disposent d’infrastructures comparables et de capacités de réseau similaires. Ils peuvent donc créer un jeu concurrentiel sur ce marché, établir ainsi des conventions bilatérales avec des opérateurs tels que Maroc ou Algérie Télécom, et donc permettrent à un acheteur de disposer de leurs prestations à un tarif négocié.
Par conséquent, il n’est pas possible d’utiliser les arguments de la requérante relatifs aux catalogues d’interconnexion de pays étrangers ou aux accords bilatéraux pour apprécier au cas d’espèce le respect de l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts. Enfin, les estimations présentées par Western Télécom ne sont pas probantes.
Sur l’effet de ciseaux tarifaire entre l’offre « Hubbing Access France » et l’offre « Internationale Privilégiée »
La société Western Télécom invoque, en dernier lieu, l’existence d’effet de ciseaux tarifaire avec l’offre « International privilégiée » de France Télécom.
Elle indique que les tarifs proposés par France Télécom dans le cadre de cette offre à certains call shops démontrent l’existence d’un effet de ciseaux tarifaire avec l’offre de Hubbing en ce qu’ils sont inférieurs ou légèrement supérieurs aux prix de gros augmenté de la collecte. Ce ciseau tarifaire démontre selon la requérante l’existence de tarifs de gros non orientés vers les coûts.
Il convient de rappeler qu’une situation d’effet de ciseaux tarifaire peut se produire quand une entreprise verticalement intégrée dispose d’une puissance de marché, voire d’un monopole, sur un marché amont, notamment grâce à une facilité essentielle, et qu’elle est en concurrence sur un marché aval. Elle est alors tentée de commercialiser le bien aval à un tarif suffisamment bas, par rapport au tarif du bien intermédiaire vendu en amont, pour empêcher le développement de la concurrence sur ce marché en supprimant l’espace économique minimal nécessaire à ses concurrents. Elle favorise donc ses activités de détail (ou filiales spécialisées) au détriment de ses concurrents sur le marché de détail.
Cette définition appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, l’existence d’un effet de ciseaux tarifaire ne permet pas de conclure à un niveau de tarif de gros trop élevé ou à un niveau de tarif de détail trop bas, mais uniquement à l’absence d’espace économique suffisant pour la concurrence.
Si la pratique d’un effet de ciseaux tarifaire par un opérateur dominant verticalement intégré est susceptible d’être qualifiée par le Conseil de la concurrence d’abus de position dominante, elle ne peut être sanctionnée par l’Autorité dans le cadre d’un règlement de différend.
Ensuite, le fait de fonder le test sur le comportement d’un opérateur jugé efficace, ou raisonnablement efficace, implique de considérer qu’il adopterait une politique d’achat fondée sur la diversification et la mise en œuvre d’accords complémentaires ou de substitution. Un tel test doit donc s’effectuer au regard des meilleurs tarifs d’acheminement de trafic à l’international (transit international et terminaison d’appel locale) observés sur le marché amont.
Aussi, un premier critère d’application d’un test d’effet de ciseaux tarifaire est le degré concurrentiel du marché de gros considéré et plus particulièrement la présence ou non d’un monopoleur ou acteur intégré significativement influent sur ledit marché, ou disposant d’une facilité essentielle.
Or, l’Autorité a déjà démontré qu’il existe de nombreux concurrents sur ce marché du transit international qui fournissent des prestations équivalentes à celles de France Télécom ; il existe donc une multiplicité d’offres concurrentes capables de répondre aux besoins des opérateurs clients.
Par conséquent, la réalisation d’un test d’effet de ciseaux tarifaire entre l’offre de Hubbing de France Télécom et l’offre de détail « I Privilégiée » ne peut être pertinente : les concurrents de France Télécom étaient et sont capables de proposer des offres de transit international alternatives à la sienne. Ainsi tout opérateur, client de France Télécom sur ce marché, est à même de changer de fournisseur afin d’obtenir les meilleurs tarifs du marché. Ce degré de développement rend le test d’effet de ciseaux tarifaire effectué par Western Télécom non pertinent, un opérateur fournissant une prestation aval ou entrant sur le marché ayant la possibilité de choisir son fournisseur de prestations de gros de transit international dans des conditions de qualité de service équivalentes.
Dans ces conditions l’Autorité estime que le test de ciseau proposé par Western Télécom ne peut révéler l’existence de tarifs non orientés vers les coûts en ce qui concerne le marché du transit international.
Au demeurant, et selon les principes d’analyse évoqués précédemment, l’Autorité a examiné les évaluations fournies par Western Télécom.
Afin de mieux appréhender les débats, il convient tout d’abord de reprendre les termes du contrat « Internationale Privilégiée ».
Il ressort des « conditions particulières » relatives à « l’Offre Internationale Privilégiée, Offre Mobile Privilégiée », transmises au cours de la procédure, que cette offre s’adresse aux seuls fournisseurs de service ayant pour activité principale la revente de communications téléphoniques sur leur propre site à l’usage exclusivement des particuliers. France Télécom précise que cette offre compte […] au mois de septembre 2005.
Cette offre constitue une offre sur mesure, non homologuée. Elle permet, d’une part, au titre de l’offre « I Privilégiée » de bénéficier de réductions liées à un volume de communications internationales à destination des numéros fixes et mobiles, à l’exception des communications à destination des opérateurs mobiles de l’Europe proche et des communications fixes de 43 pays dont la Biélo Russie, la Corée, Cuba, la Guinée Bissau, la Somalie, l’Ile Kiribati.
Le système de réduction précisé en annexe 1 est le suivant :
- une remise de […] sur l’ensemble du trafic international hors 43 destinations ;
- des remises plus importantes, comprenant ces […] et portées à
- […] pour les pays du groupe A qui compte notamment la Belgique, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, l’Espagne ou le Sénégal ;
- […] pour un groupe B de pays comprenant notamment l’Algérie et la Turquie ;
- […] pour un groupe C de pays dont le Congo (République démocratique), et la Roumanie ;
- […] pour un groupe D de pays comprenant notamment le Maroc ou la Tunisie.
Enfin, il existe un tarif Premium introduisant une réduction additionnelle pour les téléboutiques réalisant plus de 30 000 € de chiffres d’affaires mensuel hors taxes ([…]).
D’autre part, au titre de l’offre « Mobile Privilégiée », le cocontractant bénéficie également d’un système de remise lié à un volume de communications fixe vers mobile, dont les communications vers Royaume-Uni mobiles ou Italie Mobiles.
Les calculs réalisés par Western Télécom dans son tableau page 14 du mémoire en date du 16 août 2005 ou dans ses réponses au questionnaire comportent de nombreux choix d’hypothèses qui rendent les comparaisons peu significatives.
Tout d’abord, en ce qui concerne les évaluations d’août 2005, la société Western Télécom a commis une erreur de compréhension du contrat « I Privilégiée » puisqu’il prévoit expressément que certains pays ne sont pas remisés (Biélo Russie, la Corée, Cuba, la Guinée Bissau, la Somalie, l’Ile Kiribati). Western Télécom a donc appliqué une remise pour des destinations qui n’en bénéficient pas.
Ensuite, dans ce même tableau, le tarif de terminaison pris en compte par Western Télécom pour la destination vers l’Algérie Mobile ne peut être révélateur de la réalité économique des coûts du trafic acheminé par celui-ci vers l’Algérie. En effet, Western Télécom a pris en compte le tarif d’acheminement vers l’opérateur mobile algérien Algeria Mobile, alors que c’est à destination de l’opérateur mobile Orascom que Western Télécom achemine la majorité de son trafic, dans la mesure où le second est aujourd’hui le leader du marché algérien. Or, l’opérateur Orascom a un tarif de terminaison d’appel moins élevé : dans ces conditions le tarif retenu par Western Télécom ne peut être considéré comme pertinent.
Par ailleurs, les calculs effectués ne prennent pas en compte le crédit temps de 5 secondes prévus pour ces offres. Ce crédit temps traduit le coût de la connexion, ou prix minimum par appel donnant droit à une durée forfaitaire de communication avant l’entrée dans un régime tarifaire à la seconde. Dans sa nouvelle évaluation présentée en page 17 des réponses au questionnaire, Western Télécom a toutefois réintroduit le crédit temps, sans pour autant revoir le fondement même de sa méthode de calcul en prenant en considération les tarifs de gros des prestations de transit international fournies par les concurrents de France Télécom.
Enfin, il convient de noter que les tarifs de gros prévus par le contrat « Hubbing Access France » et les tarifs de détail de l’offre « I Privilégiée » sont de nature différente. Ainsi, les tarifs de l’offre de gros sont individualisés opérateur par opérateur d'arrivée ou de destination alors que ceux de l’offre de détail sont fixés globalement par pays uniquement, avec une péréquation qui supprime les différences de coûts par opérateur, et avec le cas échéant une distinction entre les communications fixes et mobiles.
Le tableau proposé par Western Télécom dans sa réponse au questionnaire permet d’illustrer cette différence. En effet, pour le cas de l’Algérie, l’offre « Hubbing Access France » distingue selon les opérateurs fixes et mobiles, et au sein de chaque catégorie les différents opérateurs, tels que Algeria Mobile, Mobile Orascom et Mobile Wataniya pour la catégorie mobile, alors que l’offre « I Privilégiée Premium » ne comprend qu’une seule tarification globale pour cette destination. De même, en ce qui concerne le Mali ou le Cameroun, la comparaison des appels à destination des opérateurs mobiles est réalisée entre le tarif de gros à destination d’un opérateur individualisé et le tarif global à destination de tous les appels vers les mobiles maliens ou camerounais prévu au titre de l’offre « I Privilégiée Premium ».
Par ailleurs, toujours dans ce tableau fourni en réponse au questionnaire, pour le cas du Maroc, la requérante compare le tarif de gros le plus élevé au sein de la catégorie des opérateurs mobiles marocains avec le prix de détail unique résultant d’une péréquation des tarifs de gros de l’ensemble des opérateurs mobiles du Maroc. Western Télécom a ainsi choisi de prendre en compte le tarif de l’opérateur disposant d’une licence GMPCS, et non l’un des deux tarifs appliqués pour acheminer les appels vers les opérateurs leaders du marché marocain disposant d’une licence mobile, à savoir Medi Telecom ou Maroc Telecom9. Or, le trafic acheminé vers cet opérateur ne peut être représentatif du trafic de Western Télécom à destination du Maroc. Le même constat peut être dressé en ce qui concerne la comparaison effectuée pour les appels vers les mobiles du Royaume-Uni où la requérante prend en compte les tarifs offerts à destination des opérateurs Mobile Pager ou Mobile Perso et non des opérateurs tels que Mobile O2 ou les opérateurs Orange ou Vodafone, leaders du marché britannique.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, outre l’absence de pertinence du test d’effet de ciseaux tarifaire, les comparaisons effectuées par Western Télécom sont contestables et ne peuvent donc pas constituer des indices probants quant à l’existence de tarifs non orientés vers les coûts.
b) Les tarifs offerts par France Télécom sur le marché concurrentiel du transit international ne peuvent pas être excessivement élevés par rapport aux coûts
Selon les termes de la théorie économique, lorsqu’il existe une concurrence directe entre vendeurs, il en ressort une concurrence importante sur les prix, qui deviennent l’élément distinctif de chacune des firmes présentes sur le marché. Ainsi, ces sociétés vont rechercher le prix le plus bas qui leur permet de conserver et d’étendre leurs clientèles. Tant que le prix atteint excède le coût de production d’une unité supplémentaire, il leur est toujours possible de le baisser, afin d’accroître leur clientèle, et ainsi compenser par l’accroissement de la quantité vendue la perte de recettes résultant de la baisse de prix. Ainsi, sur un marché concurrentiel, le prix va théoriquement diminuer jusqu’au niveau où une baisse supplémentaire rapporterait moins qu’elle ne coûte et finit par être égal au coût marginal de production.
En ce qui concerne le marché du transit international, il a été démontré que de nombreux opérateurs sont capables d’offrir des prestations substituables à celles de France Télécom.
Chaque client de ce marché dispose dela possibilité de mettre en concurrence les fournisseurs de telles prestations, a priori sur une fréquence mensuelle. Ainsi, les clients sont à même de choisir l’opérateur qui leur fournira le prix le plus avantageux.
Dans ces conditions, les offreurs cherchent à proposer le prix le plus compétitif qui se rapprochera des coûts variables, voire du coût marginal de production. Les opérateurs de ce marché, dont France Télécom, sont donc incités par la pression concurrentielle à orienter leur prix vers les coûts variables, en cessant de chercher à recouvrer impérativement leurs coûts fixes.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que d’une part, les évaluations fournies par Western Télécom ne sont pas probantes quant à la non orientation des tarifs de France Télécom vers ses coûts, et que d’autre part, en raison de la nature du marché et du jeu concurrentiel qu’elle induit, les tarifs offerts sur ce marché le sont à un niveau proche des coûts variables des prestations. Ils répondent ainsi à l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts. Dans ces conditions, la demande de Western Télécom doit être rejetée.
3. Demande de Western Télécom concernant la fixation de tarifs non discriminatoires
Western Télécom demande à l’Autorité de fixer pour les 25 destinations concernées des tarifs de transit international non discriminatoires.
Le principe de non discrimination se définit, tant dans l’ancien cadre10 que dans le nouveau (article D. 309 du CPCE), comme l’obligation pour l’opérateur concerné d’appliquer des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents. A contrario, il ne convient pas de traiter d’une façon équivalente des situations objectivement différentes.
Au cas d’espèce, Western Télécom invoque comme élément de preuve la pratique existante sur ce marché qui consiste à négocier mensuellement les tarifs avec chacun des opérateurs fournisseurs de prestations de transit international.
Or, ce comportement ne peut à lui seul révéler une pratique discriminatoire. En effet, comme exposé ci-avant, ce marché diffère des autres marchés du secteur des communications électroniques en ce qu’il est caractérisé par une grande volatilité des prix en raison des évolutions des taux de change, des effets volume importants selon les opérateurs et des architectures techniques diversifiées permettant d’acheminer les communications vers les destinations concernées.
Pour constater que les tarifs de France Télécom sont discriminatoires entre opérateurs, il conviendrait de mettre en évidence que les conditions offertes à Western Télécom par France Télécom diffèrent d’avec celles offertes à d’autres opérateurs dont la situation serait équivalente sur ce même marché, pour une même période et pour les mêmes volumes.
Or, il ressort des pièces du dossier qu’aucun élément ne permet de démontrer que les tarifs pratiqués par France Télécom sur le marché du transit international sont discriminants entre opérateurs.
En outre, comme exposé ci-avant, le marché du transit international présente de nombreuses offres alternatives à celles de France Télécom, qui impactent directement le fonctionnement du marché en termes de prix et de comportements par le jeu concurrentiel généré. Par conséquent, un comportement discriminatoire adopté par un opérateur fournisseur de prestations de transit international à l’encontre d'un opérateur qui lui achète de telles prestations devrait avoir pour conséquence d'inciter ce dernier à se fournir auprès d’autres fournisseurs. Sur le marché du transit international, la mise en œuvre de pratiques discriminatoires semble ainsi difficilement soutenable par un fournisseur de telles prestations.
Dans ces conditions, l'Autorité ne peut que rejeter dans le cadre du présent règlement de différend la demande de Western Télécom.
Décide
Article 1 : Les demandes susvisées de la société Western Télécom et notamment celle tendant à la fixation d’un tarif non discriminatoire et orienté vers les coûts pour les prestations de transit international offertes par France Télécom dans le cadre de son contrat « Hubbing Access France » sur 25 destinations et pour la période courant du 19 avril 2005 au 27 septembre 2005 sont rejetées.
Article 2 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Western Télécom et France Télécom la présente décision qui sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
1 Décision n° 05-0614 de l’Autorité en date du 30 juin 2005 rejetant les demandes de mesures conservatoires présentées par Western Télécom.
2 Arrêt de la Cour d’appel de Paris 1ère Chambre – Section H, en date du 17 août 2005, n° 2005/14336 : Western Télécom c/ France Télécom.
3 Cf. communiqué de presse du 17 juillet 2003 publié sur le site Internet […]
4 Rapport du groupe de travail interministériel sur l’accès à Internet à haut-débit dans les départements d’outre- mer, juin 2004
5 id.
6 id.
7 Tarif mis en œuvre après l’adoption par l’Autorité de la décision n° 04-375 se prononçant sur un différend opposant Mobius à France Télécom en date du 4 mai 2004
8 cf. www.algerietelecom.dz et www.arpt.dz
9 cf. www.anrt.net.na
10 cf. article 6a) de la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert, ou article D. 99-12 du code des postes et des télécommunications