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Décisions

Cass. crim., 13 octobre 1999, n° 99-81.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

Mme Commaret

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Bénabent, Me Blondel

Lyon, du 13 janv. 1999

13 janvier 1999

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 anciens du Code pénal, et 441-1 du Code pénal et des articles 459, alinéa 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, violation de la loi et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré Claude Y... coupable de faux et usage de faux portant sur une demande de permis de construire en date du 11 septembre 1991 et l'a condamné, d'une part, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende en prononçant la contrainte par corps visée aux articles 750 et 752 à 762 du Code de procédure pénale et, d'autre part, à payer 1 franc de dommages-intérêts à M. Armand X..., partie civile ;

" aux motifs qu'il est reproché à Claude Y... d'avoir déposé le 11 septembre 1991 en mairie d'Oytier-Saint-Oblas une demande de permis de construire établie au nom d'Armand X... qui affirme n'avoir jamais signé une telle demande ; que les éléments de preuve permettent de "retenir la culpabilité de ce dernier (Claude Y...) pour les délits de faux et usage de faux commis à l'occasion du dépôt en mairie d'Oytier-Saint-Oblas d'une demande de permis de construire qui était de nature à porter préjudice à Armand X... eu égard à sa qualité d'architecte et qui constitue bien un écrit qui a pour effet d'établir un fait ayant des conséquences juridiques (dépôt d'une demande en vue d'obtenir de l'autorité publique une autorisation)" ;

" alors que, d'une part, en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel déposées le 18 novembre 1998 par lesquelles, Claude Y... soutenait que le document litigieux avait été transmis "pour information" à la mairie d'Oytier-Saint-Oblas mais n'avait jamais "été déposé en tant que tel pour valoir demande de permis de construire", n'étant qu'un simple projet de demande de permis de construire, et ne pouvait donc constituer un faux dès lors qu'il était dépourvu non seulement de tout effet probatoire mais encore de toute valeur juridique, la Cour a privé de motifs sa décision ;

" alors que, d'autre part, seule peut constituer le délit de faux, la falsification d'un écrit valant titre, c'est-à-dire d'un écrit constituant la preuve d'un droit ou d'un fait créateur de droits opposables aux tiers ; que la demande de permis de construire présentée par le propriétaire d'un terrain tend à obtenir de l'Administration une autorisation administrative de construire qui peut être refusée ou discutée par l'Administration ; qu'ainsi une demande de permis de construire ne constitue pas par elle-même la source ou la preuve d'un droit quelconque ni la preuve d'un fait générateur de droits opposables, notamment à l'architecte qui a conçu le projet de construction ; qu'en outre, le permis de construire éventuellement accordé au demandeur a pour seul objet d'autoriser ce dernier à effectuer une construction et ne confère aucun droit à l'égard de l'architecte dont le rôle se limite à la conception d'un projet architectural en vue de l'obtention d'un permis de construire ; qu'ainsi, en retenant que la demande de permis de construire litigieuse constituait un écrit "qui a pour effet d'établir la preuve d'un fait ayant des conséquences juridiques" et valait donc titre, la cour d'appel a violé, par fausse qualification des faits, les articles 150 et 151 de l'ancien Code pénal en vigueur à l'époque des faits et 441-1 du nouveau Code pénal entré en vigueur depuis le 1er mars 1994 ;

" alors qu'enfin, l'éventualité d'un préjudice causé par le titre falsifié est un élément constitutif du délit de faux que le juge a le devoir de caractériser sauf dans le cas où le préjudice éventuel résulte de la nature même du document argué de faux du fait que celui-ci est destiné à servir de preuve à l'encontre d'un tiers ; qu'une demande de permis de construire et le permis de construire qui peut éventuellement en résulter ne constituent ni la preuve ni la source d'un droit quelconque à l'égard de l'architecte qui a établi le projet de construction et ne sont donc pas par eux-mêmes susceptibles de causer à ce dernier un préjudice quelconque ; qu'en se bornant à affirmer que la demande de permis de construire litigieuse "était bien de nature à porter préjudice à Armand X... eu égard à sa qualité d'architecte" sans préciser en quoi consistait ce préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Claude Y... a déposé en mairie une demande de permis de construire établie au nom d'Armand X..., architecte, et portant la fausse signature de celui-ci ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de faux et usage, les juges du second degré relèvent, notamment, que dans une lettre manuscrite qu'il a signée, Claude Y... a reconnu avoir effectué le dépôt de cette demande de permis " au nom d'Armand X... et à son insu " ;

Qu'ils ajoutent que la demande de permis de construire était de nature à porter préjudice à ce dernier, eu égard à sa qualité d'architecte, et " constitue bien un écrit qui a pour effet d'établir la preuve d'un fait ayant des conséquences juridiques : dépôt d'une demande en vue d'obtenir de l'autorité publique une autorisation " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que la fabrication d'une demande de permis de construire faussement attribuée à un architecte est de nature à causer un préjudice moral à celui-ci, en pouvant porter atteinte à sa réputation professionnelle et engager sa responsabilité, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.