Cass. crim., 6 mars 1989, n° 88-81.019
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Hecquard
Avocat général :
M. Rabut
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 150 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges, déboutant la société Jourdan-Chazot de ses demandes en réparation ;
" au motif que la commission rogatoire a permis de mettre en évidence des négligences de tous ordres ayant facilité la commission de fraude réelle ou fictive et tout particulièrement la faute professionnelle de X... qui, par sa légèreté, a laissé se perpétuer des agissements répréhensibles à moins qu'elle eût pour objet de masquer ces faits délictueux ;
" que les policiers ont cependant envisagé l'hypothèse de détournements fictifs destinés à masquer une faute de gestion grave et caractérisée et celle de jeux d'écritures tendant à apurer une comptabilité défaillante résultant de disparition de fioul ;
" que les experts commis en suite de cette enquête ont relevé les carences de X... et la connaissance qu'il avait de ces faits puisqu'ils ont évalué à 237 mètres cubes les surestimations comptables auxquelles celui-ci avait procédé ; que X... a expliqué que c'est à partir de 1980 que la différence entre les entrées et les sorties sont devenues significatives, de telle sorte qu'il a cru devoir la masquer dans les écritures comptables par une surévaluation des stocks, sans avoir jamais pu savoir où et par qui avaient été détournés les produits ;
" qu'il s'ensuit que le préjudice subi par la SNC Jourdan-Chazot n'a pu prendre directement sa source dans l'infraction reprochée à X... ;
" que le caractère préjudiciable des faux commis par ce dernier ne résulte pas des pièces arguées de faux mais des soustractions frauduleuses dont, en l'état de l'information, ni les circonstances ni les auteurs n'ont pu être découverts ;
" que, de surcroît, il ne saurait être excipé de l'existence d'un possible préjudice survenu dans ces circonstances, puisque, ainsi que l'a expliqué X..., il n'a fait que masquer, par des écritures comptables postérieures, un déficit préexistant dont il ne s'expliquait pas les causes et dont l'information n'a pu établir qu'il avait été créé à son profit ;
" alors que la Cour, qui constate ainsi que les faux commis par X... ont permis à tout le moins de laisser se perpétuer sinon de masquer des agissements frauduleux qui se sont traduits en tout état de cause par la disparition d'une quantité importante de fioul appartenant à la société Jourdan-Chazot, dans la mesure où, ainsi que le faisait valoir cette dernière dans ses conclusions délaissées, elle n'avait pu, étant tenue dans l'ignorance de ces disparitions, prendre toutes mesures pour y mettre un terme, ne pouvait, sans entacher sa décision tant de contradiction que de défaut de réponse à conclusions, confirmer que le préjudice ne découlait pas directement des faits, objet de la poursuite, la circonstance qu'il n'ait pu être établi avec certitude si les faux incriminés avaient servi à masquer des détournements frauduleux ou des fautes lourdes de gestion, étant à cet égard totalement inopérante " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction comme l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que les juges doivent en outre répondre aux chefs péremptoires de conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X..., directeur commercial de la SNC Jourdan-Chazot, chargé pour le compte de cette société de gérer un stock de mazout en cuves, a été condamné par jugement définitif pour avoir falsifié les écritures comptables afférentes à cette gestion et a fait usage de cette comptabilité falsifiée ; que la finalité de ces faux était de masquer la disparition de certaines quantités de mazout dont les bénéficiaires n'ont pas été identifiés ;
Attendu que, pour débouter la SNC Jourdan-Chazot de ses demandes de dommages-intérêts, la cour d'appel se borne à énoncer que le préjudice allégué n'a pu prendre sa source dans les infractions retenues contre X... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que les délits de faux et usage de faux impliquent nécessairement un préjudice, et sans préciser, comme le leur demandait la partie civile dans ses conclusions, si X..., du fait des infractions commises par lui à l'occasion de la gestion comptable du stock de mazout, a, ou non, contribué au préjudice subi par la victime, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de leur décision ;
Que l'arrêt encourt dès lors la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, du 28 janvier 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes.