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Décisions

Cass. crim., 7 mars 2012, n° 11-82.153

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Gauthier

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 25 janv. 2011

25 janvier 2011

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-7 du code pénal, 272 et 1382 du code civil, 2, 3, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement en ses dispositions civiles et condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le ministère public n'ayant pas fait appel de la décision de relaxe rendue à l'égard de la prévenue, celle-ci est devenue définitive ; que cependant, en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile, s'il est sans incidence sur la force de chose jugée qui s'attache à la décision de relaxe sur l'action publique, saisit valablement la Cour des seuls intérêts civils ; qu'en conséquence, malgré la décision de la relaxe, il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées ; que la déclaration sur l'honneur qu'elle (Mme X...) a signée le 21 janvier 2002 ne mentionne pas l'acte de donation en avancement d'hoirie par sa mère, en date du 25 avril 2001, de la nue-propriété de l'appartement situé ..., estimé à 228 667,53 euros et en nue-propriété à 205 806,17 euros, sa mère se réservant la jouissance de l'appartement, et ne porte mention d'aucun patrimoine immobilier propre ; que les explications embarrassées de la prévenue selon lesquelles elle aurait remis à son conseil de l'époque une attestation sur l'honneur datée du 24 avril 2001, sur laquelle figurait la mention de la donation du 25 avril 2001, attestation remise aux gendarmes au cours de l'enquête dont le conseil ne trouvait pas trace dans son dossier et que celui-ci aurait omis de reporter sur l'attestation signée par elle le 21 janvier 2002 et jointe à ses conclusions devant la cour, ne sauraient être retenues ; que l'attestation produite avait pour finalité de faire admettre par la Cour pour le compte de la seule prévenue une évaluation minorée de son patrimoine personnel ; que la production de cette attestation était de nature à avoir une influence sur la décision de la cour d'appel et avait pour but de surprendre sa décision sur la fixation du montant de la prestation compensatoire ; qu'il appartenait à Mme X... de communiquer à la cour un état exact de son patrimoine et la réalité de ses revenus et de ses charges indispensables pour la fixation de sa prestation compensatoire ; que dans ces conditions, les éléments tant matériels qu'intentionnels des infractions dénoncées se trouvent constitués à l'encontre de Mme X... ; que les agissements fautifs de cette dernière ont causé à la partie civile un préjudice personnel et direct dont il convient de lui accorder réparation ; que la cour trouve dans l'ensemble des circonstances de l'espèce et les pièces soumises à son appréciation les éléments suffisants lui permettant de fixer à 20 000 euros le montant total du préjudice de M. Y... résultant directement de la faute de la prévenue ;

"1) alors que l'article 441-7 réprime le fait d'établir un certificat ou une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; que ne constituent ni un certificat, ni une attestation au sens de ce texte, la « déclaration sur l'honneur » établie par Mme X... dans une procédure de divorce dans le cadre de l'article 272 du code civil (271 au moment des faits), dans son intérêt et non en faveur d'un tiers bénéficiaire ; qu'en considérant qu'il s'agissait d'une fausse attestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"2) alors que nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, le document dont s'agit ne pouvait s'analyser qu'en une simple déclaration soumise à discussion et non en un certificat ou en une attestation au sens de l'article 441-7 du code pénal ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte dont s'agit ;

"3) alors que la cour ne s'est pas expliquée sur les motifs du jugement qu'elle infirmait qui, précisément, déclarait qu'une telle «déclaration sur l'honneur» n'est pas constitutive d'un certificat ou d'une attestation au sens de l'article 441-7 du code pénal, puisqu'elle s'analyse en une simple déclaration unilatérale établie par la prévenue dans son intérêt et non en faveur d'un tiers bénéficiaire ; qu'en se bornant à dire que l'attestation produite avait pour finalité de faire admettre une évaluation minorée du patrimoine de Mme X... sans s'expliquer sur la nature d'« attestation » de ladite déclaration, la cour d'appel n'a pu justifier légalement sa décision ;

"4) alors qu'enfin la cour d'appel ne pouvait fixer à 20 000 euros le montant du préjudice de M. Y... sans justifier de la nature de ce préjudice et de son lien avec les faits initialement poursuivis ; que sa décision est ainsi privée de base légale" ;

Vu l'article 441-7 1° du code pénal ;

Attendu que seules les déclarations établies en faveur d'un tiers bénéficiaire constituent une attestation ou un certificat au sens de l'article précité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme X... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs d'établissement d'une attestation inexacte et usage pour avoir produit, au soutien de sa demande tendant à la fixation d'une prestation compensatoire, une déclaration sur l'honneur établie en application de l'article 271 du code civil ne mentionnant pas la donation en avancement d'hoirie, consentie par sa mère ;

Attendu que, pour infirmer le jugement ayant dit le délit non caractérisé et condamner la prévenue à indemniser la partie civile, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la déclaration établie par la prévenue dans son intérêt ne constitue pas une attestation ou un certificat au sens du texte susvisé, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de ce texte ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 25 janvier 2011 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mars deux mille douze ;