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Décisions

Cass. crim., 3 mai 1993, n° 92-81.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Alphand

Avocat général :

M. Monestié

Avocat :

M. Roger

Bordeaux, du 03 mars 1992

3 mars 1992

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation du principe selon lequel la prescription ne court pas quand un obstacle de droit ou de fait empêche les parties poursuivantes d'agir, des articles 4 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que la Cour a déclaré l'action publique éteinte par la prescription ;

" aux motifs que, ainsi que l'a exactement énoncé le juge d'instruction, l'action publique se trouve éteinte par la prescription ;

" et ceux ainsi adoptés que, même si un certificat a été établi portant des mentions critiquables, il l'a été en 1981 alors que la plainte avec constitution de partie civile date de 1987, force est donc de constater que l'action publique est prescrite dans l'éventualité où ce délit de faux et usage de faux serait caractérisé ;

" alors, d'une part, que la prescription ne court pas quand un obstacle, de droit ou de fait, empêche les parties poursuivantes d'agir ; qu'en l'espèce les entraves que l'Administration a apportées à la révélation des faits délictueux et qui ont nécessité la saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs, ont eu pour effet de suspendre le délai de prescription triennale jusqu'à la date de la communication du dossier administratif du docteur X... à Marie-Claude X..., et partant de la découverte du faux et de son usage, soit le 3 mai 1985 ; que, dès lors, c'est au prix de la violation du principe susvisé que la chambre d'accusation a décidé que l'action publique était éteinte ;

" alors, d'autre part, que le délit de faux certificat médical est un délit continu par nature qui se perpétue tant qu'il est fait usage de ce document ; qu'il résulte du dossier que, si le certificat a été établi le 10 janvier 1981, il a en a été fait usage non seulement auprès de la Caisse des dépôts et consignations au cours de l'année 1982 mais aussi, après le 30 mars 1984, à l'occasion de l'instruction par le Conseil d'Etat d'un recours introduit par Marie-Claude X... qui a donné lieu à un arrêt de rejet le 16 avril 1986 ; qu'ainsi, le délai de prescription ne pouvait courir qu'à compter de la date à laquelle le document faux a été produit devant la haute assemblée ; que cette date étant postérieure au 30 mars 1984, la chambre d'accusation ne pouvait pas, sans violer les textes visés au moyen, décider que ce délai était prescrit, et qu'en conséquence l'action publique était éteinte au regard tant du délit de faux que de celui d'usage à la date du dépôt de la plainte, soit le 9 mars 1987 ;

" alors qu'en outre la Cour, en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de Marie-Claude X..., la chambre d'accusation a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation " ;

Attendu qu'en déclarant par les motifs repris au moyen, l'action publique prescrite, la chambre d'accusation, loin d'encourir les griefs qui lui sont faits, a fait l'exacte application des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ;

Que, d'une part, les délits de faux et usage de faux sont des infractions instantanées ; que, d'autre part, il n'était justifié d'aucun obstacle de droit, survenu après la mise en mouvement de l'action publique, et seul de nature à suspendre le délai de prescription de celle-ci ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt, ni d'aucune articulation du mémoire déposé par la partie civile devant les juges du second degré, que cette dernière ait fait état devant eux des considérations qu'elle développe présentement en faveur d'une telle suspension et que celles-ci, mélangées de droit et de fait, et invoquées pour la première fois devant la Cour de Cassation sont irrecevables ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 731, 732 et 1382 du Code civil, des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de Marie-Claude X... irrecevable ;

" aux motifs que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se porter partie civile devant le juge d'instruction ; que l'article 2 du Code de procédure pénale dispose que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit... appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que la partie civile fait valoir qu'elle a porté plainte pour faire reconnaître le bon droit de sa soeur dont elle a recueilli les charges en héritage, précisant ensuite que sa démarche ne tient qu'à réhabiliter la mémoire de sa soeur, faussement accusée de maladie mentale ; que, à supposer les faits établis, il n'en résulterait pour elle-même aucun préjudice découlant directement des infractions dénoncées ;

" alors, d'une part, que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir la réparation de celui qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par le docteur X... avant son décès en raison des accusations injustement portées à son encontre, étant né dans son patrimoine, s'est transmis à son unique héritière, Marie-Claude X... ; qu'ainsi, en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l'héritière du docteur X... au motif que Marie-Claude X... ne justifie d'aucun préjudice personnel découlant directement des infractions dénoncées, la Cour a violé les dispositions des textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, que la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision du vice de contradiction, considérer que Marie-Claude X... ne justifiait d'aucun préjudice personnel découlant directement des faits dénoncés, dès lors qu'elle avait préalablement constaté que Marie-Claude X... avait " porté plainte pour faire reconnaître le bon droit de sa soeur dont elle a recueilli les charges en héritage ", et partant qu'elle se prévalait, non pas d'un dommage qui lui aurait été personnel, mais du dommage moral dont avait personnellement souffert sa soeur jumelle avant son décès, et dont le droit à réparation lui avait été transmis en sa qualité d'unique héritière " ;

Attendu que l'action publique étant prescrite, le premier moyen de cassation proposé est devenu sans objet ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.