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Décisions

Cass. 3e civ., 24 septembre 2020, n° 19-16.981

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Aix-en-Provence, du 14 mars 2019

14 mars 2019

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mars 2019), le 5 avril 1995, la société Du golfe, aux droits de laquelle vient la société Todel, a consenti à la société Aérospatiale un bail commercial stipulant que les lieux devront être remis dans l'état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance.

2. Ce bail a été amiablement résilié à effet au 23 avril 2005 et, le 9 septembre 2004, un nouveau bail a été conclu entre la société Du golfe et la société Alcatel space, venant aux droits de la société Aérospatiale, à effet au 24 avril 2005.

3. Le 14 octobre 2010, la société Thales Alenia Space France, venant aux droits de la société Alcatel Space, a délivré un congé et a restitué les lieux le 30 juin 2011.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La société Todel fait grief à l'arrêt de dire que l'obligation de remettre les lieux dans leur état d'origine devait être fixée par référence à l'état du bien au 24 avril 2005, date d'entrée en vigueur du second bail commercial, et de limiter à une certaine somme le montant de la condamnation de la société Thales Alenia Space France au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée, alors :

« 1°/ qu'en affirmant, pour retenir que le preneur ne pouvait être tenu de remettre les lieux dans leur état originel, contemporain de la signature du premier contrat de bail du 5 avril 1995, que ce bail avait expiré et qu'un nouveau bail totalement distinct lui avait succédé, quand la conclusion de ce nouveau bail ne pouvait, à elle seule, libérer le preneur des obligations nées du précédent bail et non encore exécutées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction application en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1103 du même code ;

2°/ que la novation par changement d'objet, qui ne se présume point, ne peut être déduite du simple constat d'une succession de contrats et doit résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties ; que Todel avait fait valoir, par ses écritures, que Thales Alenia Space France était tenue d'une « obligation cumulative de prise en charge du coût des travaux tant de remise en état dans la configuration originaire de 1995 que de remise en état de bon entretien de réparations locatives et la libération totale des lieux », et que « seule la volonté de nover aurait pu faire échec au devoir de remise en état des lieux découlant du premier bail », volonté de nover qui n'était nullement établie en l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que par le second contrat, le preneur avait indiqué occuper déjà les lieux, en vertu d'un précédent bail conclu en 1995, avait accepté de prendre les lieux en l'état et sans réserve, et avait accepté de les rendre en bon état de réparations locatives ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir que la date du 24 avril 2005 – date de commencement d'exécution du second contrat – devait être retenue pour définir les obligations du preneur au titre de cette remise en état, que les parties avaient « manifestement entendu, dans le cadre de la signature de cet acte, s'engager sur un nouveau fondement contractuel et redéfinir leurs obligations respectives par le biais d'un nouveau support » et que « l'intention de mettre fin à l'ancien bail » avait été « expressément formalisée tant dans l'avenant que dans le nouveau contrat sans que soit évoqué un quelconque renouvellement des termes contractuels précédents », de tels motifs ne faisant que constater une succession de contrats, et qui n'a par ailleurs pas relevé d'éléments clairs et non équivoques établissant l'existence d'une novation par laquelle les parties auraient éteint l'obligation de remise en état des lieux dans leur configuration originaire née du premier contrat pour lui substituer une nouvelle obligation ne courant qu'à compter de 2005, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 ancien du code civil, en sa rédaction applicable en la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé que les parties étaient convenues de résilier amiablement le bail d'origine et de redéfinir leurs obligations respectives dans un nouveau bail et que ce bail stipulait que le preneur restituerait les lieux dans leur état constaté lors de la signature de ce nouveau bail, la cour d'appel a pu en déduire, sans retenir l'existence d'une novation, que le preneur était tenu de l'obligation de restituer les lieux selon les seules stipulations du nouveau bail.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. La société Thales Alenia Space France fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des frais nécessaires à la remise des lieux dans leur état d'origine, hors déduction de la provision déjà versée sans déduction de la somme correspondant au dépôt de garantie versé au bailleur, alors « que toute décision doit être motivée et que ne satisfait pas à cette exigence le juge qui ne procède pas à une analyse au moins sommaire des éléments de preuve ; qu'en déboutant la société TASF de sa demande en restitution du dépôt de garantie par des motifs impropres à écarter cette prétention, sans viser ni analyser, même sommairement, le contrat de bail du 9 septembre 2004 dont l'article 19 stipulait que la somme remise au bailleur à titre de dépôt de garantie serait restituée au preneur à l'expiration du bail et les factures du bailleur qui établissaient ce dépôt, pièces que la société TASF invoquait dans ses conclusions récapitulatives et qu'elle avait régulièrement produites aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

10. Pour rejeter la demande de la société Thales Alenia Space France en restitution du dépôt de garantie, l'arrêt se réfère à ses motifs sur la fixation de la créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux et, par motifs adoptés, retient que, faute de pièces suffisantes, il n'y a pas lieu de procéder à la compensation entre les sommes allouées et le dépôt de garantie et qu'il y a lieu de laisser aux parties la charge de réaliser les comptes existant entre elles.

11. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur les factures du bailleur que la société Thales Alenia Space France produisait pour établir le paiement du dépôt de garantie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement ce qu'il rejette la demande de la société Thales Alenia Space France à payer à la société Todel une certaine somme sans déduction de la somme correspondant au dépôt de garantie versé au bailleur, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;