CA Colmar, 2e ch. civ., 30 mai 1986, n° 3841/83
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Loehle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Conseillers :
Mme Rozet, M. Gnaedig
Avocats :
Me Rapp, Me Cahn
Faits constants et procédure
X et sa fille Y sont tous deux titulaires de parts de la société à responsabilité limitée LOEHLE et Compagnie.
Lors d’une assemble générale extraordinaire des associés tenue le 14 mai 1982 dame Y a été nommée gérante de ladite société.
Le 13 juillet 1982 X a demandé au tribunal de grande instance de MULHOUSE d'annuler cette nomination qui avait acquise grâce aux voix de sa fille, nue-propriétaire d'une partie des parts sociales, alors que selon sa thèse le droit de vote appartenait lui demandeur en sa qualité d'usufruitier desdites parts. Il a dirigé son action contre sa fille Y et a appelé en cause la société LOEHLE et Jean-François DUFAY, mandataire ad hoc qu’une ordonnance de référé du président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de MULHOUSE en date du 28 janvier 1981 avait chargé de réunir l'assemblée générale extraordinaire du 14 mai 1962
Par jugement du 26 octobre 1982 le tribunal de grande instance de MULHOUSE, chambre commerciale, a rejeté cette demande, a dit que la nomination de dame Y en qualité de gérante était valablement intervenue et condamné X aux dépens.
Les premiers juges ont considéré :
- que les statuts de la société LOEHLE et Compagnie ne dérogeaient pas aux dispositions de l'article 1844 du code civil selon lesquelles lorsqu’une part est grevée d'un usufruit le droit de vote appartient au nu-propriétaire,
- qu'à supposer qu'en vertu des statuts X ait été investi du droit de représenter la nue-propriétaire ce mandat avait été révoqués conformément à l’article 2004 du code civil.
X a, le 22 décembre 1983, régulièrement interjeté appel de cette décision et a, par mémoire du 21 mars 1985, prit la Cour d’infirmer le jugement entrepris, de dire et juger qua la nomination de dame Y en qualité de gérante était nulle et non avenue, de condamner la défenderesse et intimée aux dépens ainsi qu'au paiement de deux mille francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il a exposé à l'appui de son recours :
- que l'article 1844 du code civil accordait certes le droit de vote au nu-propriétaire, mais prévoyait que les statuts pouvaient déroger de cette règle,
- que tel était le cas puisque l’article 10 des statuts de la société LOEHLE disposait que l'usufruitier représentait le nu-propriétaire,
- que la représentation emportait à l’évidence le droit de vote,
- que dame Y ne pouvait révoquer le mandat statutaire conféré à son père.
Les intimés ont conclu le 26 septembre 1985 à la confirmation du jugement déféré par adoption de motifs et à la condamnation de l'appelant aux dépens ainsi qu'au paiement de quatre mille francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par acte du palais du 10 février 1986 X a contesté la qualité d'associé de sa fille et a soutenu que celle-ci ne justifiait pas de l'acquisition des parts dont elle se disait titulaire. Il a repris ses précédentes conclusions et, les complétant, il a réclamé trots mille francs en remboursement de ses frais irrépétibles et a demandé à la Cour de déclarer l'arrêt à intervenir commun aux mis en cause.
La Cour se réfère aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions,
L'ordonnance de clôture de la procédure porte la date du 28 février 1986.
II. Discussion
Eugène LOE0HLE a lui-même exposé dans son acte introductif d’instance qua dame Y était plein propriétaire de six parts et nue-propriétaire de cent trente et une parts de la société à responsabilité limitée LOEHLE et Compagnie. Il est dès lors malvenu de contester la qualité d'associé de sa fille, étant observé qu'il n'apporte aucune preuve de son droit d'usufruit dont il se borne à affirmer l'existence qui, il est vrai, n'est pas contesté par ses adversaires.
Selon l’article 1844 du code civil si une part sociale est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire sauf pour les décisions concernant I‘affectation des bénéfices où il est réservé à I‘usufruitier, mais les statuts peuvent déroger à cette disposition.
La société LOEHLE et compagnie existait précédemment sous la forme anonyme et son statut prévoyait que les usufruitiers d’actions représentaient valablement les nus-propriétaires à l’égard de la société et exerçaient valablement le droit de vote à toute assemblée générale. Lors de sa transformation en société à responsabilité limitée I’article 10 des statuts de la nouvelle société a maintenu le pouvoir de représentation de l’usufruitier, mais n'a plus fait mention du droit de vote.
Se fondant sur cette différence de rédaction et sur le caractère exorbitant du droit de vote des usufruitiers les premiers Juges ont estimé avec raison que le droit de voter appartenait désormais aux nus-propriétaires sauf I‘exception prévue par I‘article 1844 susvisés qui ne concerne pas les nomination des gérants.
L'appelant qui succombe doit supporter les dépens mais en raison des liens familiaux qui unissent les parties il n'y a pas lieu d'appliquer en la cause I‘article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Et ceux non contraires des premiers juges,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare I‘appel recevable mais mal fondé.
Confirme le jugement attaqué,
Condamne X aux dépens d'appel,
Rejette toutes autres conclusions des parties,
Déclare le présent arrêt commun à la société LOEHLE et Compagnie et au mandataire ad hoc.