CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 21 octobre 2016, n° 15/05731
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Fonds de Garantie contre les Accidents d’Actes de Terrorisme et autres Infractions
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boussaroque
Conseillers :
Mme Bel, M. Tatoueix
Avocats :
Me Juston, Me Badie, Me Dossetto, Me Paolacci, Me Stalla
EXPOSÉ DU LITIGE
En exécution de deux jugements rendus le 27 novembre 1997 et le 25 juin 1998 par la commission d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et autre infractions, X a obtenu du fonds de garantie contre les accidents d'actes de terrorisme et d'autres infractions le paiement d'une somme totale de 2 485'257,11 francs (378 875 €), en indemnisation de son préjudice résultant de l'agression commise par son voisin, Y le 20 avril 1991.
Postérieurement à l'indemnisation, et alors que le fonds de garantie s'apprêtait à exercer une action récursoire à l'encontre de Y, la gravité des blessures de X et son obligation de se déplacer uniquement en fauteuil roulant ont été remises en question et un rapport d'expertise médicale confié à trois médecins dans le cadre d'une information judiciaire a conclu le 20 mai 2002 au caractère bénin du traumatisme crânien qu'il avait subi, à sa guérison sans séquelles avec reprise de toutes les activités dans un délai inférieur à 6 semaines du fait de l'embarrure simple dont il avait été atteint, qui ne pouvait entraîner aucun déficit neurologique objectif, et à l'absence de démonstration de la symptomatologie neurologique alléguée et de symptômes organiques.
Par jugement du 3 juin 2005 le tribunal de grande instance de Marseille statuant en audience correctionnelle, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 novembre 2006, a déclaré X coupable d'escroquerie et l'a condamné à rembourser le fonds de garantie des victimes des sommes qu'il lui avait versées.
X a formé un pourvoi contre cet arrêt qui a été rejeté par la Cour de cassation le 9 janvier 2008.
Le fonds de garantie des victimes a alors entrepris le recouvrement de sa créance, et a fait dresser 18 avril 2014 un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de marque Porche type Cayenne, immatriculé xx xxx xx appartenant à X, signifié le 22 avril à la préfecture des Bouches-du-Rhône et dénoncé au tiers saisi le 24 avril en même temps que lui était délivré un commandement aux fins de saisie vente pour paiement de la somme totale de 501 353,65 euros constituée en principal de 318'874,99 euros majorés des intérêts d'un montant de 116 298,22 euros.
Le 3 mai 2014, X a contesté la validité et le fondement des poursuites dont il était l'objet, et fait assigner le fonds de garantie devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille.
Par jugement déféré du 19 mars 2015 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille :
- a accueilli favorablement la demande présentée par le fonds de garantie tendant à voir écarter les pièces et conclusions communiquées tardivement par X, en violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile
- a rejeté la demande présentée par X portant sur la nullité du commandement de payer aux fins de saisie vente du 24 avril 2014
- a rejeté la réclamation portant sur la nullité de la saisie par déclaration auprès de l'autorité administrative au motif que 'le véhicule n'était pas insaisissable, en l'absence de démonstration de ce qu'il était nécessaire à X pour l'exercice de son travail est indispensable en raison de son handicap, considérant en cela qu'à supposer même que X exerce comme il le prétendait la fonction de «chargé d'affaires en clientèle» au sein de la SARL ELYDROC pour le compte de laquelle il effectuerait des déplacements, l'état des trajets professionnel produit pour attester la réalité ne constituait pas une preuve fiable dans la mesure où cette société est gérée par sa mère et qu'il en est l'un des associés aux côtés des membres de sa famille, et où le kilométrage 17 243,5 km fait ressortir pour une année une moyenne de 1 565,11 km par mois de travail, ce qui n'apparaissait pas compatible avec les déplacements allégués, qu'enfin, le véhicule Porche Cayenne, haut de gamme et d'une valeur conséquente bien qu'acheté d'occasion, se trouvait susceptible d'être saisi conformément à l'article 112-2, 5e du code des procédures civiles d'exécution, peu importe que son propriétaire bénéficie de l'attribution par la maison départementale des personnes handicapées d'une carte d'invalidité et que lui ait été accordé un taux d'invalidité supérieure à 80 %, des lors qu'il ne démontrait pas que le véhicule objet de la saisie comportait des aménagements spéciaux adaptés à un handicap, et plus simplement à une conduite sans l'aide des jambes
- a retenu l'absence de disproportion de la saisie nonobstant l'engagement par le fonds de garantie d'une procédure tendant à obtenir la vente sur licitation d'un bien immobilier des lors que celui-ci appartient en indivision à X , sa compagne et leur fils, et qu'il ne pouvait être reproché à cet organisme qui attend depuis plusieurs années que X qui n'a a procédé à aucun règlement spontané, fasse une offre de paiement, de procéder à l'exécution d'un jugement prononcé le 3 juin 2005, définitif depuis un arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2008 d'avoir entrepris des mesures d'exécution sur l'ensemble de ses biens, y compris son véhicule.
- a condamné X à payer au fonds de garantie des victimes la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 7 avril 2015 X a interjeté un appel total de ce jugement dont il conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions.
Au terme de ses dernières écritures signifiées le 31 août 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens qu'elles contiennent, X conclut de la façon suivante :
Vu l'article L. 112-2 du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu les pièces versées aux débats,
IN LIMINE LITIS :
Débouter le FONDS DE GARANTIE de sa demande tendant à voir constater la caducité de son appel dès lors qu'il a conclu dans le délai de l'article 908 du CPC
Dire et juger régulier l'appel relevé en date du 7 avril 2015
SUR LE FOND :
Dire l'appel de X recevable en la forme et fondé ;
EN CONSÉQUENCE
Réformer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Marseille le 19 mars 2015 ;
DIRE ET JUGER que X est bien handicapé;
DIRE ET JUGER que X justifie de son état de santé actuel;
DIRE ET JUGER que le véhicule de marque PORSCHE, type CAYENNE immatriculé xx xxx xx, appartenant à X est indispensable à l'exercice de son travail et de sa vie personnelle ;
DIRE ET JUGER que le handicap de X rend indispensable l'utilisation par celui-ci de son véhicule de marque PORSCHE, type CAYENNE et immatriculé xx xxx xx;
En conséquence,
- PRONONCER la nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation en date du 18 avril 2014 pratiquée par le FONDS DE GARANTIE sur le véhicule de marque PORSCHE, type CAYENNE et immatriculé xx xxx xx lui appartenant
- PRONONCER la nullité de la dénonce dudit procès-verbal lui ayant été signifié le 24 avril 2014 ;
- PRONONCER la nullité du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 24 avril 2014
- CONDAMNER le FONDS DE GARANTIE au paiement de la somme de 3.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance conformément a l'article 696 du Code procédure civile,
Vu les conclusions signifiées le 21 août 2015 par le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens qu'elles contiennent, où il conclut de la façon suivante:
Vu l'article 908 du code de procédure civile
Constater que X ne justifie pas avoir signifié par RPVA au conseil du FONDS DE GARANTIE ses conclusions, bordereau et pièces au plus tard le 7 janvier 2015
DIRE ET JUGER caduque l'appel formé par X
Vu l'article L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution, et R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Rejeté la demande de nullité du commandement de payer aux fins de saisie vente, dès lors que X ne développe aucun moyen pertinent à l'appui de cette demande et alors même qu'il apparaissait que ledit commandement de payer du 22 avril 2015,répondait aux exigences de l'article R221-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- Rejeté la demande de nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de marque Porsche Cayenne immatriculé 35 AYV 13, au motif d'une part que X ne démontrait pas que le véhicule était indispensable en raison de son handicap (article L. 112-2 7° du code des procédures civiles d'exécution) pas plus qu'il ne démontrait que le véhicule était indispensable à son activité professionnelle (article L. 112-2 5º du code des procédures civiles d'exécution, et dit au surcroît qu'il convenait en outre de faire application des dispositions de l'article L. 112-2 6º du code des procédures civiles d'exécution.
DEBOUTER en conséquence X de toutes ses demandes fins et conclusions.
CONDAMNER en outre X à verser au FONDS DE GARANTIE la somme de 4.500 euros par application de l'article 7'00 du Code de Procédure Civile.
C0NDAMNER X aux entiers dépens.
Vu l'absence de conclusions prises par le Procureur Général
Vu l'ordonnance clôturant l'instruction de la procédure rendue le 8 septembre 2016.
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
SUR CE :
Attendu que la caducité de la déclaration d'appel s'attachant au dépassement du délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile qui impose à l'appelant de signifier ses conclusions dans le délai de trois mois de cette déclaration, ne peut être prononcée que par le conseiller de la mise en état, de sorte que le moyen présenté à ce titre à la cour par le fonds de garantie ne peut prospérer, et que l'appel engagé par M X est recevable.
Sur le fond:
At tendu que les poursuites tendant à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de marque Porche type Cayenne de X, et la délivrance du commandement aux fins de saisie vente de ce véhicule ont été engagées par le fonds de garantie sur la base du titre exécutoire constitué par les dispositions civiles d'un arrêt définitif rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 27 novembre 2006 qui a déclaré X coupable d'escroquerie et l'a condamné à lui rembourser les sommes qui lui avait été versées ; que ni le juge de l'exécution ni la cour statuant sur appel de son jugement ne pouvant modifier ce dispositif et les motifs qui sont le support nécessaire de cette décision assortie de l'autorité de la chose jugée, conformément à l'interdiction posée par l'alinéa 2 de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution et il est vain pour l'appelant de demander que lui soit reconnu le statut de handicapé à la suite d'une agression ou d'une aggravation de son état, alors que trois experts judiciaire commis par le juge d'instruction dans le cadre de l'information le concernant, ont estimé au terme d'un rapport de 15 pages, qu'il 'présentait une absence totale de symptômes organiques' et que deux hypothèses pouvaient être retenues ; 'celle d'une hystérie, ou celle, plus probable, d'une simulation faite dans un but d'en retirer des avantages matériels.'
Attendu s'agissant de la régularité formelle des poursuites engagées par le fonds de garantie dans le cadre de la présente procédure, la lecture de la pièce nº 6 produite par l'appelant conduit à confirmer le jugement en ses dispositions constatant la validité du commandement de payer aux fins de saisie vente du 24 avril 2014, pour avoir été signifié à personne et mentionner conformément aux exigences de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution
- les titres exécutoires sur le fondement desquels les poursuites étaient exercées,
- le décompte distinct des sommes réclamées en principal frais et intérêts avec indication du taux d'intérêt,
- et le commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de 8 jours faute de quoi le débiteur pouvait être contraint par la vente forcée de ses meubles corporels.
Que la vérification de la régularité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dressé le 18 avril 2014 remis en préfecture le 22 avril et régulièrement dénoncé à la personne de M. X auquel une copie a été remise en main propre résulte de la lecture des pièces nº 4 et 5.
Attendu que l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution consacre l'insaisissabilité :
"- 5e des biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en conseil d'état et sous réserve des dispositions du 6e. Ils deviennent cependant saisissables si ils se trouvent dans un lieu autre que la saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté, de leur caractère luxueux ou si ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou si ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce.
- 7e les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins de personnes malades"
Attendu que les équipements du véhicule Porche type Cayenne, immatriculé xx xxx xx, sont les suivants:
- système d'appel d'urgence
- commande de vitesse au volant
- régulateur de vitesse au volant
- volant électrique
- sièges électriques
- hayon électrique à accès facilité
- direction assistée
- soutien lombaire
- assistance au parking
- vitres électriques
- garde au sol automatique selon la position de la personne
- stabilisation automatique de la trajectoire
- freinage d'urgence.
Ils ne correspondent donc pas à l'aménagement d'un véhicule pour une personne handicapée et à sa famille mais à la mise en place de dispositifs assurant le confort et la sécurité de la conduite de tout conducteur bénéficiant de la technologie moderne adaptant les véhicules de marque prestigieuse et de forte cylindrée, dont le kilométrage de celui de M. X (127 561 km lors de son contrôle technique le 9 juillet 2012) ne permet pas de conclure à l'absence de sa valeur d'autant que les seuls défauts relevés portaient sur l'usure des disques de frein et du pneumatique avant gauche (pièce nº 18)
Attendu que le juge de l'exécution a retenu à juste titre le manque de fiabilité de l'état des trajets professionnels établi seulement sur l'année 2012 par une société gérée par sa famille et dont il est un des associés, d'autant que l'exactitude de ses mentions n'est pas confortée par des éléments objectifs (factures de péage d'autoroute...), que l'avis donné par la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires (pièce nº 37) est insuffisant à le conforter.
Attendu enfin que la saisie mobilière n'est pas disproportionnée eu égard à l'absence d'évolution alléguée de la saisie en cours portant sur un bien immobilier dont M. X est seulement un des propriétaires indivis, et de règlements spontanés de la part du débiteur.
Qu'il s'ensuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, et la condamnation de l'appelant aux dépens et à indemniser l'intimée de l'engagement de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après avoir délibéré conformément à la loi,
Rejette l'exception portant sur la caducité de la déclaration d'appel soulevée par le fonds de garantie contre les accidents d'actes de terrorisme et d'autres infractions,
Déclare recevable mais non fondé l'appel interjeté par M. X
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Rejette toutes autres demandes des parties
Condamne M. X à payer au fonds de garantie contre les accidents d'actes de terrorisme et d'autres infractions, une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M. X aux dépens.