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Décisions

ART, 9 septembre 1999, n° 99−716

ART (DEVENUE L'ARCEP)

se prononçant sur un différend entre Spacetel et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hubert

Avocat :

Me Deluc

ART n° 99−716

8 septembre 1999

L’Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34−8, L. 36−8, R.11−1, D. 97−4, D. 97−8, D.406−1, D. 406−1−2, D. 406−1−3, D. 406−2, D. 406−2−2 ;

Vu la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 99−528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;

Vu la décision n° 98−982 du 27 novembre 1998 établissant pour 1999 la liste des opérateurs prévus par le 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision n° 98−75 du 3 février 1998 approuvant les règles de gestion du plan national de numérotation modifiée ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 3 mai 1999, présentée par Spacetel, société à responsabilité limitée, dont le siège social est 37, rue Guersant à Paris, représentée par son gérant M. Jean−Luc Battini ;

Vu les observations en défense, enregistrées le 21 mai 1999, présentées par France Télécom, société anonyme dont le siège social est 6, place d’Alleray, à Paris (XVème), représentée par M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures ayant reçu délégation à cet effet de M. Michel Bon, Président de France Télécom le 4 mai 1998 ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 14 juin 1999, présentées par la société Spacetel ;

Vu les observations présentées par France Télécom au mémoire en réplique de la société Spacetel enregistrées le 29 juin 1999 ;

Vu la décision n° 99−617 en date 23 juillet 1999, prorogeant de deux mois le délai dans lequel l’Autorité doit se prononcer sur le différend opposant Spacetel à France Télécom ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le collège ayant entendu le 3 septembre 1999:

− le rapport de Mme Béatrice Cospérec , présentant les moyens et les conclusions des parties en présence de Mme Sylvie Poussines, rapporteur adjoint ;

− les observations de la société Spacetel, présentées par Maître Marie Christine Deluc, avocat au barreau de Paris, M. Jean−Luc Battini, gérant de la société Spacetel, M. Thierry Thebault, directeur de la publication de Chroniques Télématiques ;

− les observations de France Télécom, présentées par M. Philippe Bertran, directeur adjoint de la direction des relations extérieures de France Télécom, en présence de Mme Claire Estryn, M. Eric Debroeck, M. Nicolas Guerin ;

en présence de M. Pierre−Alain Jeanneney, directeur général et de M. Ivan Luben, chef du service juridique. A la demande formulée oralement et conjointement par les parties, l’audience n’a pas été publique.

Après en avoir délibéré le 9 septembre 1999, hors la présence du rapporteur et du rapporteur adjoint et des agents de l’Autorité, lors d’une réunion du collège ;

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les motifs exposés ci−après : I− Sur l’origine du litige

Par deux courriers en date du 15 février 1999, France Télécom a refusé à Spacetel une demande de réservation des codes d’accès " Télétel " " 3615 XCV " et " 3615 XS " pour offrir des services de " messagerie, boite aux lettres et petites annonces ".

France Télécom a fondé son refus, conformément à l’article 4.2 des conditions générales des contrats Télétel, sur le fait que ces codes étaient de nature à porter atteinte à son image.

Spacetel a saisi l’Autorité le 3 mai 1999, sur le fondement de l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications.

Spacetel demande à l’Autorité de dire que France Télécom n’a pas respecté les dispositions du II de l’article L. 34−8 de ce même code et d’ordonner à France Télécom de lui réserver les codes d’accès " Télétel " " 3615 XCV " et le " 3615 XS ".

II− Sur les moyens et conclusions présentés par les parties devant l’Autorité

A)  Sur les moyens et conclusions présentés par Spacetel dans sa demande enregistrée le 3 mai 1999

  • Sur l’utilisation de chiffres romains dans les codes d’accès au réseau

Spacetel expose que l’Autorité doit déterminer si, au regard des conditions générales des contrats " Télétel " de France Télécom, notamment leur article 4.2, des chiffres romains, peuvent être utilisés pour former un code d’accès " Télétel ".

Spacetel précise que les codes " XS " et " XCV " renvoient aux chiffres romains de la manière suivante :

·  X = 10

·  C = 100

·  V = 5

·  S = sextus = sixième

Spacetel rappelle que l’article 4.2 des conditions générales des contrats " Télétel " stipule que " le code de service doit être alphanumérique, c’est−à−dire composé de lettres accompagnées éventuellement de chiffres, le code peut commencer par un chiffre à l’exclusion de la séquence des deux chiffres " 36 ".

En conséquence, Spacetel estime qu’à la lecture des conditions générales " Télétel ", France Télécom n’a prévu aucune restriction dans l’usage des lettres composant le libellé d’un accès, notamment les combinaisons résultant de l’emploi de la lettre X= 10.

Spacetel déduit de ces dispositions que la lettre " X ", représentant le nombre 10, peut être utilisée sans restriction et soutient que dans la mesure où France Télécom autorise sans limitation l’usage de chiffres en qualité de codes, tout refus d’accès pour de tel codes constitue un manquement à ses obligations contractuelles.

Spacetel constate en outre qu’elle exploite les codes " 3617 XS " et " 3617 XCV " sans que France Télécom ait invoqué une atteinte à son image.

  • Sur la compétence de l’Autorité pour régler ce différend

Spacetel expose que par application des dispositions des articles D.406−2−2 alinéa 2 et L.36−1 alinéa 1 du code des postes et télécommunications, il existe une compétence concurrente et non pas exclusive du comité de la télématique anonyme et de l’Autorité de régulation des télécommunications en cas de refus opposé par France Télécom à une demande d’accès à son réseau.

Spacetel estime que ces deux procédures diffèrent totalement notamment car les avis émis par le comité de la télématique anonyme sont dépourvus de caractère contraignant et ne sont pas susceptibles de recours, alors que les décisions de règlement des différends adoptées par l’Autorité de régulation des télécommunications sont exécutoires et susceptibles de recours en annulation et en réformation devant la Cour d’appel de Paris.

Spacetel considère que l’avis émis par le comité de la télématique anonyme est dépourvu du caractère exécutoire et n’a aucun caractère contraignant pour l’opérateur.

Spacetel indique que, pour ces raisons, elle a décidé de saisir l’Autorité et non pas le comité de la télématique anonyme pour obtenir l’accès au réseau de France Télécom des service intitulé " XS " et " XCV "par le préfixe 36 15.

  • Sur l’obligation pour Spacetel de faire migrer ses services du préfixe 36 17 au prefixe 36 15

Spacetel expose qu’elle est contrainte de faire migrer ses codes " XS " et " XCV " du préfixe 36 17 au préfixe 36 15 car France Télécom a augmenté de 400% les frais d’abonnement au réseau par le 36 17, celui−ci passant ainsi de 250 F à 1000 F par mois.

Spacetel rappelle que l’Autorité a émis un avis favorable sur la décision tarifaire 98−110 E de France Télécom relative à la modification du prix de la redevance mensuelle d’abonnement aux codes des service télématiques (avis n° 98−777 en date du 16 septembre 1998).

Spacetel expose que la modulation du prix des abonnements avait pour objectif de favoriser les services présents sur les bas paliers et de freiner la création de codes sur les paliers à prix élevés et que cette modulation tarifaire ne fait référence à aucune condition d’accès particulière, notamment de nature restrictive.

Au vu de ces arguments, Spacetel demande à l’Autorité de se prononcer sur les conditions d’accès au réseau de France Télécom par application des dispositions des articles L. 34−8−II et L.36−8 du code des postes et télécommunications et d’ordonner à France Télécom de lui réserver les codes d’accès " 36 15 XS " et " 36 15 XCV ".

B)  Les moyens et conclusions présentés par France Télécom le 21 mai 1999 en réponse à la demande de Spacetel.

Dans ses observations en défense enregistrées le 21 mai 1999, France Télécom demande à l’Autorité de constater que la saisine présentée par la société Spacetel est manifestement irrecevable.

  • Sur le caractère inexact de la présentation des faits par Spacetel

France Télécom expose que Spacetel présente devant l’Autorité une version inexacte des faits, sa demande ne consistant pas en une simple migration des services vers le 36 15, mais en une modification substantielle de leur objet, les nouveaux services envisagés sur le 36 15 portant sur des messageries, boites aux lettres, petites annonces, alors que les services exploités par Spacetel " 36 17 XS " et " 36 17 XCV " portaient sur des annonces d’emplois, choix de métiers, informations générales sur le droit du travail et les diplômes.

France Télécom précise qu’elle n’a jamais refusé de faire migrer les services d’aide à la recherche d’emploi proposés sur le 36 17 vers le 36 15, mais a refusé d’ouvrir de nouveaux services contraires à l’objet du Télétel et à son image de marque,

  • sur l’irrecevabilité de la demande de Spacetel

France Télécom expose que le différend qui l’oppose à Spacetel porte sur le respect de recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application des dispositions de l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, ainsi que sur le respect de clauses y afférent dans le contrat que tout fournisseur de services télématique conclut avec France Télécom.

France Télécom précise que les contrats " Télétel " sont des contrats types approuvés par le Conseil supérieur de la télématique par application des dispositions des articles D. 406−1 et suivants du code des postes et télécommunications, à l’issue d’une large concertation avec les professionnels et les consommateurs.

France Télécom rappelle les dispositions de l’article D. 406−1−2 du code des postes et télécommunications, par application desquelles le Conseil supérieur de la télématique est chargé de " formuler des recommandations de nature déontologique visant notamment à la protection de la jeunesse applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès "et expose que ces recommandations sont incluses dans les contrats conclus entre France Télécom et les fournisseurs de services télématiques.

France Télécom indique qu’il a été institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité de la télématique anonyme qui " veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 ", que ce conseil peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel a été refusé le bénéfice d’un accès télématique.

France Télécom précise que le contentieux relatif au respect des clauses déontologiques contenues dans les conventions d’accès relève de la compétence du juge judiciaire et non pas de l’Autorité.

Conformément à la décision n° 98−506 rendue par l’Autorité le 24 juin 1998, se prononçant sur un différend entre Copper Communications et France Télécom, celle−ci considère que l’Autorité ne pourra que rejeter les demandes présentées par Spacetel, ces dernières concernant le respect de clauses déontologiques et n’entrant pas de ce fait dans le champ d’application de l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications.

France Télécom demande en conséquence à l’Autorité de se déclarer incompétente et de considérer comme ne tombant pas dans le champ d’application de l’article L. 36−8 les demandes relatives au refus par France Télécom d’attribuer des codes d’accès contraires aux recommandations de nature déontologique et aux dispositions des contrats Télétel.

  • sur le bien fondé du refus de France Télécom de réserver les codes d’accès " 3615 XS " et " 3615XCV "

France Télécom constate que la société Spacetel Communications n’a pas jugé nécessaire de saisir le comité de la télématique anonyme d’une demande d’avis sur ce refus comme le prévoit le décret n° 93−274 du 25 février 1993.

France Télécom explique cette absence de saisine par un avis du comité de la télématique rendu le 6 janvier 1998, estimant que France Télécom était bien fondée à refuser l’attribution de ce code " 36 15 XS " au motif que " la lettre X identifiant habituellement la pornographie, associée au libellé du code " 36 15 XS " est de nature à porter atteinte à l’image de Télétel ou de France Télécom, compte tenu de la nature du service proposé ".

France Télécom expose qu’il a été jugé par une ordonnance de référé rendue le 3 avril 1997 par le tribunal de grande instance de Paris que France Télécom était fondée à refuser d’attribuer un code d’accès en raison de la nature du service envisagé (" messagerie rose ") contraire à l’objet du contrat " Télétel ".

Ainsi, France Télécom soutient qu’elle a refusé à Spacetel d’accéder à son réseau par les codes " 36 15 XS " et " 36 15 XCV " pour préserver son image, conformément à l’article 4.2 des conditions générales des contrat Télétel.

C) Les moyens et conclusions présentés par Spacetel le 14 juin 1999 en réplique au mémoire en défense de France Télécom.

  • Sur le contrôle déontologique à appliquer au transfert de codes d’accès du 36 17 au 36 15

La position de France Télécom sur l'usage de la lettre X dans un code d'accès à un service télématique par son réseau comporte des contradictions :

Spacetel rappelle que France Télécom expose qu'elle n'a jamais refusé de faire migrer les services d'aide à l'emploi proposés sur le 36 17 accessibles par un code comportant la lettre X, vers un palier du type 36 15, tout en invoquant par ailleurs des considérations d'ordre déontologiques pour rejeter une demande d'accès par un code comportant l'usage de la lettre X.

Spacetel précise en outre que plusieurs services de messagerie sont accessibles par des codes comportant la lettre X, notamment " ADEUX ", " SEXOFIL " et " PRIXI ", ce dernier service étant exploité par France Télécom.

Spacetel expose qu'elle a saisi l'Autorité car le comité de la télématique anonyme a rendu des avis défavorables à l'utilisation des codes d'accès " XS " et " XCV ", que ces avis ne sont pas contraignants et que le manquement déontologique retenu par le comité de la télématique anonyme ne repose sur aucune disposition contractuelle, les conditions générales du contrat ne faisant pas référence à l'usage de la lettre X.

L’Autorité doit déterminer si les recommandations déontologiques formulées par le Conseil national de la consommation sont applicables :

Spacetel demande à l'Autorité, si elle s'estimait incompétente, de déterminer si les recommandations déontologiques applicables aux conventions d'accès sont celles qui ont été émises par le Conseil national de la consommation dans un modèle de contrat de connexion ou celles qui "relèvent de l'arbitraire"de France Télécom.

Spacetel rappelle que le Conseil national de la consommation, créé par décret n° 83−642 du 12 juillet 1983, codifié sous l’article D.511−1 du code de la consommation, est " un organisme consultatif qui a pour objet de permettre la confrontation et la concertation entre les représentants des intérêts collectifs des consommateurs et usagers et les représentants des professionnels, des services publics et des pouvoirs publics ".

Spacetel expose que par proposition n° 26 de novembre 1997, le Conseil national de la consommation a élaboré un modèle de contrat de connexion au terme d’un consensus et rappelé que l’offre d’accès relève de la directive européenne du 20 mai 1997 applicable au commerce électronique.

Spacetel estime que les recommandations déontologiques du Conseil national de la consommation ont une portée plus étendue que celles formulées par le Conseil supérieur de la télématique.

Spacetel demande en conséquence à l’Autorité, si elle se déclare incompétente au motif que le différend est de nature déontologique, de déterminer quelles recommandations déontologiques doivent s’appliquer aux conventions d’accès au réseau de France Télécom et de décider du contenu des services transférés du 36 17 au 36 15.

  • Sur la compétence de l'Autorité

L’Autorité est compétente en raison de la nature du contentieux

Spacetel rappelle que France Télécom a demandé à l’Autorité de se déclarer incompétente au profit du comité de la télématique anonyme au motif que le différend porte sur le non respect de règles déontologiques.

Spacetel estime que le Conseil constitutionnel a défini la compétence de l'Autorité en cette matière " dans ses 22 ème et 23 ème considérants de sa décision DC 96−378 du 23 juillet 1996. Ainsi le renvoi du différend au comité télématique anonyme résulterait d'une contestation sur l'application d'une réglementation. En l'espèce, le Conseil constitutionnel a considéré nécessaire d'unifier les règles de compétence, et de faire relever la décision à prendre de l'Autorité si les parties l'ont saisie, à défaut du juge du contrat. L’avis du comité de la télématique anonyme est donc exclu ainsi que toute décision d’incompétence à son profit ".

Spacetel expose que l’alternative à la compétence de l’Autorité serait celle du Conseil de la concurrence.

Spacetel considère que l’Autorité ne peut donc en l’espèce se déclarer incompétente au profit du comité de la télématique anonyme.

L’Autorité est compétente par application des dispositions de l’article D.406−4 du code des postes et télécommunications :

Spacetel estime que la compétence de l'Autorité pour régler le différend qu'elle lui soumet résulte expressément des dispositions de l'article D.406−4 du code des postes et télécommunications, relatif à la mise à disposition des fournisseurs de services, de code d’accès, par l’administration des télécommunications, et non par France Télécom.

Spacetel expose que l’article D. 406−4 du code des postes et télécommunications dispose que : " Selon des conditions par elle définies et sous réserve du droit des tiers, l’administration chargée des télécommunications met à la disposition des fournisseurs de service ou de leurs mandataires des codes d’accès aux services Télétel.

Deux catégories de codes d’accès sont offertes :

Les codes d’accès de catégorie I permettant l’accès aux services Télétel par une double numérotation :

− numérotation téléphonique à quatre chiffres permettant d’aboutir à un point d’accès Télétel ;

− numérotation par un code alphanumérique appelé code de service ;

Les codes d’accès de catégorie 2 correspondent à des numéros téléphoniques à huit chiffres de la forme 36 PQ MC DU, dont les quatre derniers chiffres permettent l’accès direct à un service Télétel.

Cette mise à disposition de code d’accès donne lieu au paiement de frais de redevance perçus auprès des fournisseurs de services ou de leurs mandataires dûment désignés ... "

Spacetel précise que l’application des dispositions de l’article D. 406−4 précité relève des conditions techniques et financières d’accès au réseau entrant dans le champ d’application des dispositions de l’article L.36−8 du code des postes et télécomunications.

Spacetel déduit de ces éléments que l'Autorité ne peut, lorsqu'elle en est requise, se soustraire à ses obligations notamment celle de mise à disposition de code d'accès en sa qualité d'administration des télécommunications.

Spacetel demande en conséquence à l'Autorité d'ordonner le transfert des codes "XS" et "XCV" du palier tarifaire 36 17 au palier 36 15 et de déterminer si les contenus de ces services doivent correspondre à ceux qui sont autorisés sur le palier 36 15 ou le palier 36 17.

D)  Les observations en duplique présentées par France Télécom en date du 28 juin 1999

Dans ses observations en duplique, France Télécom considère que la société Spacetel n’apporte aucun élément nouveau au soutien de sa requête.

En conséquence, elle réitère son exception d’irrecevabilité de la saisine de Spacetel, pour les mêmes motifs que ceux développés dans ses observations en défense en date du 21 mai 1999.

III− Sur la recevabilité de la demande présentée par Spacetel et sur la compétence de l’Autorité pour en connaître

Par les motifs suivants :

A)  Sur les dispositions applicables.

Aux termes de l’article L. 34−8 du code des postes et télécommunications :

" I − (...)

II− " Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l’article L.36−7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu’aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d’accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs ".

III− " Les litiges relatifs aux refus d’interconnexion et aux conditions d’accès peuvent être soumis à l’Autorité de régulation des télécommunications conformément à l’article L. 36−8. "

Aux termes de l’article L. 36−8 du même code :

I− " En cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties.

L’Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être assurés.

En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications, l’Autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux.

L’Autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties.

(...) " .

Par ailleurs, aux termes de l’article D.406−1 du code des postes et télécommunications :

Il est créé auprès du ministre chargé des télécommunications un conseil consultatif appelé Conseil supérieur de la télématique ".

Aux termes de l’article D. 406−1−2 de ce même code :

Le Conseil supérieur de la télématique est chargé de formuler des recommandations de nature déontologique, visant notamment à la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par les accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès ; ces recommandations prennent en particulier la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’exploitant public, le fournisseur de service et, éventuellement, le fournisseur de moyens télématiques.

Le Conseil supérieur de la télématique est saisi pour avis par France Télécom de ces projets de contrats types ainsi que de leurs projets de modification. Il peut être saisi par chacun de ses membres de propositions de modification de ces mêmes contrats. Les avis rendus par le Conseil supérieur de la télématique à cette occasion sont publics ( ...) ".

Ces recommandations prennent la forme de propositions concernant les contrats types souscrits entre l’opérateur et le fournisseur de service. Dans ce cadre, par avis du 12 avril 1995, le Conseil supérieur de la télématique a recommandé à France Télécom de modifier les stipulations des contrats télématiques de telle sorte que le comité de la télématique anonyme puisse être saisi, directement par l’exploitant public et sans mise en demeure préalable du fournisseur concerné, de toute publicité faisant apparaître clairement que le service proposé est interdit soit d’une façon générale, soit sur le palier tarifaire auquel il est offert ou par le numéro permettant d’y accéder.

En outre, aux termes de l’article D. 406−2 du code des postes et télécommunications :

Il est institué auprès du Conseil supérieur de la télématique, un comité consultatif appelé comité de la télématique anonyme ".

Enfin, aux termes de l’article D. 406−2−2 du code des postes et télécommunications :

Le comité de la télématique anonyme veille au respect par les parties des recommandations visées à l’article D. 406−1−2 et des clauses non strictement commerciales des contrats conclus entre elles.

Le comité peut être saisi par l’une ou l’autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les accès télématique anonymes, écrits ou vocaux et à leurs conditions d’accès.

Il est consulté par l’exploitant public avant toute décision de résiliation ou de suspension d’un contrat passé avec un fournisseur de services télématiques, et éventuellement, un centre serveur, sauf dans le cas où cette décision est prise à la requête de l’autorité judiciaire ou dans le cas de non−exécution de clauses strictement commerciales.

Il peut être consulté par l’exploitant public sur le raccordement d’un service à une catégorie d’accès télématique anonyme. Il peut être saisi, pour avis, par un fournisseur de services auquel il a été refusé le bénéfice d’un accès télématique anonyme, écrit ou vocal, professionnel ou grand public.

Après en avoir recueilli les observations écrites des parties, le comité de la télématique anonyme émet un avis dans un délai de deux mois à compter de la saisine. En cas d’urgence, ce délai est ramené à 15 jours.

Lorsqu’il est constaté une violation des recommandations visées à l’article D. 406−1−2, le comité recommande les mesures de nature à y mettre fin, notamment la suspension ou la résiliation du contrat. Ces avis sont motivés et notifiés au fournisseur de service télématique intéressé, à l’exploitant public ainsi qu’au président du Conseil supérieur de la télématique. Ils sont publics, à l’exception de toute mention relative à l’identité du fournisseur de service ".

Enfin, aux termes de l’article D. 406−4 du code des postes et télécommunications :

Selon des conditions par elle définies et sous réserve du droit des tiers, l’administration chargée des télécommunications met à la disposition des fournisseurs de service ou de leurs mandataires des codes d’accès aux services " Télétel ".

Deux catégories de codes d’accès sont offertes :

Les codes d’accès de catégorie I permettant l’accès aux services " Télétel " par une double numérotation :

− numérotation téléphonique à quatre chiffres permettant d’aboutir à un point d’accès " Télétel " ;

− numérotation par un code alphanumérique appelé code de service.

Les codes d’accès de catégorie 2 correspondant à des numéros téléphoniques à huit chiffres de la forme 36PQ MCDU, dont les quatre derniers chiffres permettent l’accès direct à un service " Télétel ".

Cette mise à disposition de code d’accès donne lieu au paiement de frais et redevances perçus auprès des fournisseurs de service ou de leurs mandataires dûment désignés.

Les conditions d’émission de la facture et le paiement des sommes dues sont celles prévues pour les abonnements téléphoniques ".

B)  Sur la qualification juridique des conventions "Télétel" passées entre France Télécom et Spacetel et du différend soumis à l’Autorité.

  • description du " Télétel " et du système Kiosque

Le système " Télétel " est constitué d'un terminal, le Minitel, raccordé par le réseau téléphonique à un point d'accès vidéotex (PAVI), qui le connecte à des serveurs par le service X 25 Transpac.

Pour accéder aux services d'un fournisseur de services télématiques, l'utilisateur doit composer un numéro de la forme 36 PQ. La communication traverse alors le réseau téléphonique commuté pour aboutir à un PAVI de France Télécom. Le service de transmission de données de Transpac assure la connexion entre le PAVI et le serveur.

Le système kiosque de France Télécom est un système de facturation des services et de reversement aux fournisseurs de services télématiques : le prix payé par l'utilisateur sur sa facture à France Télécom inclut le prix de transmission de l'information, la rémunération de la facturation pour compte de tiers réalisée par France Télécom et la rémunération du fournisseur de services télématiques.

Les relations contractuelles entre France Télécom et les fournisseurs de services télématiques sont régies par les conditions particulières et les conditions générales d’une convention d’accès passée pour chaque service proposé.

Il résulte de l’instruction que Spacetel doit être regardée comme un utilisateur ou un fournisseur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 susvisée.

France Télécom a été inscrite par la décision n° 98−982 susvisée du 27 novembre 1998, sur la liste, établie en application des dispositions du 7° de l’article L. 36−7 du code des postes et télécommunications, des opérateurs qui exercent une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications, et à ce titre devant assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ou de services de communication audiovisuelle déclarés en application de l’article 43 de la loi n° 86−1067 du 30 septembre 1986 susvisée.

  • sur la nature du différend opposant Spacetel à France Télécom

France Télécom reproche à Spacetel d’avoir fait une demande de réservation des codes d’accès "Télétel" "36 15 XS" et " 36 15 XCV " non conforme aux stipulations de l’article 4.2 des conditions générales du contrat "Télétel".

En effet, l’article 4.2 du contrat "Télétel" stipule que " (...) le code de service ne doit pas porter atteinte à l’image de "Télétel" ou de France Télécom".

En conséquence, le litige qui oppose Spacetel à France Télécom ne porte pas sur les conditions d’ordre technique et financier de la conclusion d’une convention d’accès au sens des dispositions de l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications précité mais sur le respect des recommandations de nature déontologique applicables aux services offerts sur les services télématiques, formulées par le Conseil supérieur de la télématique en application de l’article D. 406−1−2 du même code et sur le respect des clauses non strictement commerciales figurant sur les conditions générales du contrat "Télétel."

Dans trois arrêts du 16 mars 1998 (Audiopresse c/France Télécom, To Com c/France Télécom, Even Média c/France Télécom), la Cour d’appel de Paris a considéré que l’Autorité n’a été investie ni du pouvoir d’interprétation des lois et règlements, ni de celui de contrôler la légalité d’un règlement dont l’objet a été précisément d’instituer un mécanisme de contrôle du contenu des services " Télétel " et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques ". La Cour en déduit que " l’Autorité n’a dès lors pas vocation à apprécier les clauses insérées dans des contrats en application du régime juridique d’exception prévu pour les services " Audiotel ".

Par ailleurs, les avis émis par le comité de la télématique anonyme s’inscrivent dans le cadre d’une procédure de contrôle déontologique exclusive des compétences de l’Autorité au titre de l’article L. 36−8 du code des postes et télécommunications. Les contestations relatives aux décisions de France Télécom refusant l’accès à son réseau pour des motifs d’ordre déontologique ne peuvent être portées que devant le juge judiciaire.

Il n’entre non plus dans les compétences de l’Autorité de se prononcer sur l’applicabilité des recommandations du Conseil national de la consommation, une telle demande ne pouvant relever, le cas échéant, que du contrôle du juge du contrat.

  • sur l’attribution des codes alphanumériques d’accès au réseau de France Télécom

Dans ses observations en réplique enregistrées le 14 juin 1999, Spacetel expose que par application des dispositions de l’article D.406−4 du code des postes et télécommunications qui prévoient notamment que " l’administration chargée des télécommunications met à la disposition des fournisseurs de services des codes d’accès aux services Télétel ", l’Autorité est compétente pour lui attribuer des codes d’accès au réseau de France Télécom.

Ces dispositions dont la rédaction est issue du décret n° 88−1140 du 21 décembre 1988, doivent être interprétées à la lumière des modifications du cadre juridique intervenues postérieurement.

Ainsi, la loi n° 90−568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications a opéré la séparation juridique et financière entre, d’une part, la Poste et France Télécom, chaque entité étant qualifiée d’exploitant autonome de droit public sous la tutelle du ministre et, d’autre part, entre l’Etat et France Télécom. France Télécom a assuré, depuis lors, la gestion des codes d’accès à son réseau.

L’article L.34−10 du code des postes et télécommunications dans sa rédaction issue de la loi n° 96−659 de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 dispose que "Un plan national de numérotation est établi par l'Autorité de régulation des télécommunications et est géré sous son contrôle. Il garantit un accès égal et simple des utilisateurs aux différents réseaux et services de télécommunications et l'équivalence des formats de numérotation.

L'Autorité de régulation des télécommunications attribue aux opérateurs des préfixes et des numéros ou blocs de numéros dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, moyennant une redevance, fixée par décret en Conseil d'Etat, destinée à couvrir les coûts de gestion du plan de numérotation et le contrôle de son utilisation ".

Ces dispositions nouvelles n’ont pas eu pour effet de donner compétence à l’Autorité pour attribuer les codes alphanumériques placés après les numéros courts.

Par sa décision n° 97−183 en date du 2 juillet 1997, l'Autorité s’est bornée à confirmer l’attribution à France Télécom des numéros dont cette dernière avait l’usage avant le 1er janvier 1997 notamment les numéros courts 36 15 et 36 17.

La réservation des codes alphanumériques qui suivent ces numéros courts " Télétel ", notamment les codes d’accès " 36 15 XS " et " 36 15 XCV " relèvent donc de la compétence de France Télécom, dans le respect du cadre déontologique introduit par le décret n° 93−274 du 25 février 1993 et codifié sous les articles D.406−1 à D.406−3 du code des postes et télécommunications.

Ainsi, " l’administration des télécommunications " mentionnée par l'article D.406−4 du code des postes et télécommunications doit être regardée comme désignant France Télécom et non l'Autorité.

En conséquence, l’Autorité n’est pas compétente pour attribuer aux fournisseurs de services télématiques des codes d’accès au réseau de France Télécom.

Ainsi, il résulte de tous ces éléments que le différend qui oppose Spacetel à France Télécom, eu égard à son objet, n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 36−8 précité. Par suite, les conclusions présentées par Spacetel doivent être rejetées.

Décide:

Article 1− La demande présentée par Spacetel est rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.

Article 2− Le chef du service juridique de l’Autorité de régulation des télécommunications est chargé de notifier la présente décision à Spacetel et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.