DĂ©cisions

Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 17-12.604

COUR DE CASSATION

ArrĂȘt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, SCP de Nervo et Poupet

Attendu, selon l'arrĂȘt attaquĂ© et les piĂšces de la procĂ©dure, que M. Z..., engagĂ© en qualitĂ© de chauffeur-manutentionnaire, le 5 novembre 1987 par la sociĂ©tĂ© Etablissements Beaudeux et fils devenue Beaudeux sanitaire et chauffage, exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent des services gĂ©nĂ©raux, Ă©galement salariĂ© protĂ©gĂ©, a vu la sociĂ©tĂ© mise en redressement judiciaire le 3 dĂ©cembre 2012, faire l'objet d'un plan de cession de son fonds de commerce Ă  la sociĂ©tĂ© Pouchain par jugement du tribunal de commerce de Lille du 6 fĂ©vrier 2013 moyennant la reprise de la moitiĂ© des contrats de travail, transfert dont ne faisait pas partie le contrat du salariĂ© ; que l'autorisation de le licencier a Ă©tĂ© sollicitĂ©e le 22 fĂ©vrier 2013 par l'administrateur judiciaire devenu commissaire Ă  l'exĂ©cution du plan, et accordĂ©e par le ministre du travail le 9 aoĂ»t 2013 ; que la sociĂ©tĂ© Beaudeux sanitaire et chauffage a Ă©tĂ© mise en liquidation judiciaire, M. Y... Ă©tant dĂ©signĂ© en qualitĂ© de liquidateur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y... Ús qualités de liquidateur judiciaire et le premier moyen du pourvoi incident du salarié réunis :

Attendu que le liquidateur et le salariĂ© font grief Ă  l'arrĂȘt de dire que le contrat de travail du salariĂ© n'avait pas Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© Pouchain ; que le salariĂ© fait grief Ă  l'arrĂȘt de le dĂ©bouter de toutes ses demandes Ă  l'encontre de ladite sociĂ©tĂ© et de le condamner Ă  lui rembourser la somme perçue Ă  titre de provision ; que le liquidateur fait grief Ă  l'arrĂȘt de prononcer la rĂ©siliation du contrat de travail Ă  ses torts et griefs, de fixer la crĂ©ance du salariĂ© au passif de la liquidation judiciaire de la sociĂ©tĂ© Beaudeux sanitaire chauffage Ă  certaines sommes et de rejeter sa demande de condamnation de la sociĂ©tĂ© Pouchain Ă  lui rembourser, Ăšs qualitĂ© de liquidateur judiciaire, une certaine somme, correspondant aux salaires versĂ©s au salariĂ© jusqu'au 14 fĂ©vrier 2013, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce dans sa rĂ©daction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, la cession de l'entreprise, qui peut ĂȘtre totale ou partielle, a pour but d'assurer le maintien d'activitĂ©s susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachĂ©s et d'apurer le passif ; que l'adoption d'un plan de cession d'une entreprise entraine donc nĂ©cessairement l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que l'application de ces dispositions trouve sa seule limite dans le cas oĂč le plan de cession prĂ©voit des licenciements et que ces licenciements sont prononcĂ©s en conformitĂ© avec les dispositions propres aux procĂ©dures collectives ; que la cour d'appel a constatĂ© que le plan de cession arrĂȘtĂ© par le tribunal de commerce de Lille portait sur le fonds de commerce et les actifs corporels et incorporels de la sociĂ©tĂ© Beaudeux ; qu'elle a Ă©galement constatĂ© que M. Z..., salariĂ© de la sociĂ©tĂ© Beaudeux sanitaire et chauffage n'a pas Ă©tĂ© licenciĂ©, notamment, un temps, du fait de l'absence d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail et, ensuite, malgrĂ© la dĂ©cision du ministre du travail et de l'emploi obtenue sur recours du cessionnaire, la sociĂ©tĂ© Pouchain, ayant annulĂ© le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et autorisĂ© le licenciement de M. Z... ; qu'en estimant que le contrat de travail de M. Z... n'avait pas Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© Pouchain, cependant qu'Ă  la date de la cession de l'entreprise, le contrat de travail du salariĂ©, dont le licenciement Ă©tait subordonnĂ© Ă  l'obtention de l'autorisation administrative, Ă©tait toujours en cours et se poursuivait de plein droit avec le cessionnaire, la sociĂ©tĂ© Pouchain, la cour d'appel n'a pas tirĂ© les consĂ©quences lĂ©gales de ses constatations, en violation des articles L. 642-1 et L. 642-5 du code de commerce, dans sa rĂ©daction alors en vigueur et de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce (version de l'ordonnance du 6 mai 2010), la cession de l'entreprise, qui peut ĂȘtre totale ou partielle, a pour but d'assurer le maintien d'activitĂ©s susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois et d'apurer le passif ; que l'adoption d'un plan de cession d'une entreprise entraĂźne donc nĂ©cessairement l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que la cour d'appel a constatĂ© que le plan de cession portait sur le fonds de commerce et les actifs corporels et incorporels de la sociĂ©tĂ© Beaudeux ; qu'elle a Ă©galement constatĂ© que M. Z... n'avait pas Ă©tĂ© licenciĂ©, notamment (pendant un temps) du fait de l'absence d'autorisation de licenciement et (ensuite) malgrĂ© la dĂ©cision du ministre ayant annulĂ© le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement ; qu'en considĂ©rant que le contrat de travail de M. Z... n'avait pas Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© Pourchain, cependant que son contrat de travail Ă©tait toujours en cours et se poursuivait de plein droit avec le cessionnaire, la sociĂ©tĂ© Pourchain, la cour d'appel a violĂ© les articles L. 642-1 et L. 642-5 (dans leur rĂ©daction de l'ordonnance du 6 mai 2010), ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté d'une part que le plan de cession du fonds de commerce de la société Beaudeux sanitaire et chauffage prévoyait notamment les licenciements qui devaient intervenir dans le délai d'un mois aprÚs le jugement, indiquait le nombre de salariés dont le licenciement était autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées et d'autre part que la reprise du contrat de travail du salarié n'était pas prévue par le plan, ce dont il résultait, qu'en application des dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 6 mai 2010, le contrat de travail de l'intéressé n'était pas transféré au cessionnaire, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;

Mais sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :

Vu les articles L. 3253-8, 2°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 3253-9 du code du travail ;

Attendu que pour dire que la garantie de l'UNEDIC-AGS serait limitĂ©e Ă  la crĂ©ance salariale visĂ©e au point 5 de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'arrĂȘt retient que les dispositions de cet article, points 1 Ă  4, permettant le dĂ©blocage rapide des fonds par l'AGS en cas d'exercice des voies de recours, ne s'appliquent qu'en cas de prononcĂ© formel d'une mesure de licenciement et qu'elles n'ont pas vocation Ă  rĂ©gir une situation de rĂ©siliation judiciaire prenant effet aprĂšs l'expiration des dĂ©lais lĂ©gaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constatĂ© que l'administrateur judiciaire avait, dans le mois suivant le jugement arrĂȘtant le plan de cession, manifestĂ© son intention de rompre le contrat de travail du salariĂ© protĂ©gĂ©, ce dont il rĂ©sultait que l'AGS devait sa garantie peu important le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tirĂ© les consĂ©quences lĂ©gales de ses propres constatations, a violĂ© les textes susvisĂ©s ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la garantie de l'UNEDIC-AGS serait limitĂ©e Ă  la crĂ©ance salariale visĂ©e au point 5 de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'arrĂȘt rendu le 16 dĂ©cembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en consĂ©quence, sur ce point, la cause et les parties dans l'Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant ledit arrĂȘt et, pour ĂȘtre fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composĂ©e.