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Décisions

Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 17-12.604

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, SCP de Nervo et Poupet

Douai, du 16 déc. 2016

16 décembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M. Z..., engagé en qualité de chauffeur-manutentionnaire, le 5 novembre 1987 par la société Etablissements Beaudeux et fils devenue Beaudeux sanitaire et chauffage, exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent des services généraux, également salarié protégé, a vu la société mise en redressement judiciaire le 3 décembre 2012, faire l'objet d'un plan de cession de son fonds de commerce à la société Pouchain par jugement du tribunal de commerce de Lille du 6 février 2013 moyennant la reprise de la moitié des contrats de travail, transfert dont ne faisait pas partie le contrat du salarié ; que l'autorisation de le licencier a été sollicitée le 22 février 2013 par l'administrateur judiciaire devenu commissaire à l'exécution du plan, et accordée par le ministre du travail le 9 août 2013 ; que la société Beaudeux sanitaire et chauffage a été mise en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité de liquidateur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y... ès qualités de liquidateur judiciaire et le premier moyen du pourvoi incident du salarié réunis :

Attendu que le liquidateur et le salarié font grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail du salarié n'avait pas été transféré à la société Pouchain ; que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes à l'encontre de ladite société et de le condamner à lui rembourser la somme perçue à titre de provision ; que le liquidateur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail à ses torts et griefs, de fixer la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Beaudeux sanitaire chauffage à certaines sommes et de rejeter sa demande de condamnation de la société Pouchain à lui rembourser, ès qualité de liquidateur judiciaire, une certaine somme, correspondant aux salaires versés au salarié jusqu'au 14 février 2013, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, la cession de l'entreprise, qui peut être totale ou partielle, a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ; que l'adoption d'un plan de cession d'une entreprise entraine donc nécessairement l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que l'application de ces dispositions trouve sa seule limite dans le cas où le plan de cession prévoit des licenciements et que ces licenciements sont prononcés en conformité avec les dispositions propres aux procédures collectives ; que la cour d'appel a constaté que le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Lille portait sur le fonds de commerce et les actifs corporels et incorporels de la société Beaudeux ; qu'elle a également constaté que M. Z..., salarié de la société Beaudeux sanitaire et chauffage n'a pas été licencié, notamment, un temps, du fait de l'absence d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail et, ensuite, malgré la décision du ministre du travail et de l'emploi obtenue sur recours du cessionnaire, la société Pouchain, ayant annulé le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. Z... ; qu'en estimant que le contrat de travail de M. Z... n'avait pas été transféré à la société Pouchain, cependant qu'à la date de la cession de l'entreprise, le contrat de travail du salarié, dont le licenciement était subordonné à l'obtention de l'autorisation administrative, était toujours en cours et se poursuivait de plein droit avec le cessionnaire, la société Pouchain, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 642-1 et L. 642-5 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur et de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce (version de l'ordonnance du 6 mai 2010), la cession de l'entreprise, qui peut être totale ou partielle, a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois et d'apurer le passif ; que l'adoption d'un plan de cession d'une entreprise entraîne donc nécessairement l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que la cour d'appel a constaté que le plan de cession portait sur le fonds de commerce et les actifs corporels et incorporels de la société Beaudeux ; qu'elle a également constaté que M. Z... n'avait pas été licencié, notamment (pendant un temps) du fait de l'absence d'autorisation de licenciement et (ensuite) malgré la décision du ministre ayant annulé le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement ; qu'en considérant que le contrat de travail de M. Z... n'avait pas été transféré à la société Pourchain, cependant que son contrat de travail était toujours en cours et se poursuivait de plein droit avec le cessionnaire, la société Pourchain, la cour d'appel a violé les articles L. 642-1 et L. 642-5 (dans leur rédaction de l'ordonnance du 6 mai 2010), ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté d'une part que le plan de cession du fonds de commerce de la société Beaudeux sanitaire et chauffage prévoyait notamment les licenciements qui devaient intervenir dans le délai d'un mois après le jugement, indiquait le nombre de salariés dont le licenciement était autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées et d'autre part que la reprise du contrat de travail du salarié n'était pas prévue par le plan, ce dont il résultait, qu'en application des dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 6 mai 2010, le contrat de travail de l'intéressé n'était pas transféré au cessionnaire, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;

Mais sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :

Vu les articles L. 3253-8, 2°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 3253-9 du code du travail ;

Attendu que pour dire que la garantie de l'UNEDIC-AGS serait limitée à la créance salariale visée au point 5 de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'arrêt retient que les dispositions de cet article, points 1 à 4, permettant le déblocage rapide des fonds par l'AGS en cas d'exercice des voies de recours, ne s'appliquent qu'en cas de prononcé formel d'une mesure de licenciement et qu'elles n'ont pas vocation à régir une situation de résiliation judiciaire prenant effet après l'expiration des délais légaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'administrateur judiciaire avait, dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de cession, manifesté son intention de rompre le contrat de travail du salarié protégé, ce dont il résultait que l'AGS devait sa garantie peu important le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la garantie de l'UNEDIC-AGS serait limitée à la créance salariale visée au point 5 de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'arrêt rendu le 16 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.