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Décisions

CA Agen, ch. civ., 25 avril 2018, n° 17/00448

AGEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blum

Conseillers :

M. Benon, Mme Menu

Avocats :

Me Guilhot, Me Boerner, Me Delbrel, Me Duprat

T. com. Agen, du 1er mars 2017, n° 2016 …

1 mars 2017

L'actuel gérant et associé majoritaire M. Georges L. détient 63,33 % du capital de la société.

Le 31 octobre 1962 la société a conclu un bail commercial portant sur un ensemble immobilier, commune d'Aiguillon, consistant en un bâtiment à usage industriel, bail qui a été régulièrement reconduit jusqu'en 2012.

A la demande des 'consorts L.' Philippe M., expert foncier, établissait un rapport d'expertise sur la base duquel un nouveau bail était conclu pour une durée de 9 ans, commençant à courir à compter du 1er novembre 2012 pour se terminer le 31 octobre 2021 moyennant un loyer de 2.100 euros HT mensuel.

En raison d'un désaccord sur la gestion de la SARL, les associés minoritaires,

Mme Monique M. épouse P., M. Didier P., M. Philippe P., Mme Laurence P. épouse L., Mme Magaly P., M. Guillaume P. assignaient le 7 décembre 2016 la société devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Agen aux fins de se voir communiquer la totalité des assemblées générales, la copie du bail, les justificatifs de l'affectation d'une somme de 542.000 euros, les bilans 2009 à 2012, les convocations aux assemblées générales de 2009 à 2016, ils demandaient en outre de désigner un expert au visa de l'article L 223-37 du Code de commerce aux fins de vérifier si leurs droits avaient été respectés, lequel par jugement du 1er mars 2017 :

- Déclarait irrecevables les demandes objets de l'assignation,

- Condamnait les demandeurs à une indemnité de procédure de 1.000 euros.

Par acte du 10 avril 2017, Mme Monique M. épouse P., M. Didier P., M. Philippe P., Mme Laurence P. épouse L., Mme Magaly P. et M. Guillaume P. relevaient appel.

Par conclusions déposées le 25 août 2017 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, les appelants concluent à l'infirmation de l'ordonnance et, au visa de l'article 145, 872 et 873 du Code de procédure civile, R 223-18, L 223-26, L 223-19, L 223-37, L 238-1 du Code de commerce, réitèrent à titre principal leur demande de communication sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision, ce pendant un mois, et celle de désignation d'un expert, subsidiairement ils sollicitent une expertise sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

Enfin, ils demandent l'allocation d'une indemnité de procédure de 3.000 euros.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir :

- que compte tenu de la production d'électricité fournie par le barrage et des dépenses d'exploitation, les recettes dégagées furent importantes et ont permis de distribuer des dividendes importants pendant des années,

- que le gérant actuel privilégie la dotation de fond de réserve et limite la distribution de dividendes,

- que depuis 1999, il est impossible d'obtenir de la part du gérant des explications claires et précises,

- qu'en application de l'article L 232-25 du Code de commerce, ils n'ont pu obtenir du greffe de commerce les comptes annuels,

- que le gérant n'a jamais communiqué aucun document, pas plus qu'il ne peut justifier qu'ils aient été convoqués aux assemblées générales, de sorte que c'est à tort que le juge des référés leur fait supporter la charge de la preuve du respect de l'article L 223-26 du Code de commerce, qu'ils ne pouvaient se voir reprocher d'exercer les droits qu'ils détiennent de l'article R 223-15 du même code,

- que le juge des référés est compétent pour imposer aux dirigeants de produire les documents visés à l'article L 223-19 du code de commerce,

- que la décision d'affectation d'une somme de 542.000 euros en réserve est assimilable à un acte de gestion qui ouvre droit au bénéfice de l'article L 223-37 du Code de commerce permettant la désignation d'un expert,

- qu'en tout état de cause, une expertise sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile est toujours recevable.

Par conclusions déposées le 12 juillet 2017 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la SARL SEEHE conclut à la confirmation de l'ordonnance. Elle sollicite en outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et 5.000 euros d'indemnité de procédure.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :

- que si chaque associé dispose d'un droit légal à communication pour autant il est limité dans le temps, et ne peut porter que sur un nombre limité de documents,

- que pour autant il n'a jamais été fait obstacle au droit de communication,

- que la demande d'expertise de gestion ne peut viser qu'un acte ou une opération de gestion, ce qui exclut une mission demandée d'expertise complète,

- qu'une expertise sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile est sans intérêt quant à une décision d'affectation d'une somme en réserve.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de communication de pièces

Il convient de rappeler que les associés bénéficient d'un droit de communication préalable à la tenue des assemblées, ce conformément à l'article R 223-18 du Code de commerce lequel stipule :

'Les comptes annuels, le rapport de gestion, le texte des résolutions proposées, ainsi que, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe et les rapports du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés sont adressés aux associés quinze jours au moins avant la date de l'assemblée prévue par l'article L 223-26.

Pendant le délai de quinze jours qui précède l'assemblée, l'inventaire est tenu, au siège social, à la disposition des associés, qui ne peuvent en prendre copie.'

Par ailleurs l'article L 223-26 du même code précise encore :

'Le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels établis par les gérants, sont soumis à l'approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice sous réserve de prolongation de ce délai par décision de justice. Si l'assemblée des associés n'a pas été réunie dans ce délai, le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin d'enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder.

Les documents visés à l'alinéa précédent, le texte des résolutions proposées ainsi que le cas échéant, le rapport des commissaires aux comptes, les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe sont communiqués aux associés dans les conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat. Toute délibération, prise en violation des dispositions du présent alinéa et du décret pris pour son application, peut être annulée.

A compter de la communication prévue à l'alinéa précédent, tout associé à la faculté de poser par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de l'assemblée.

L'associé peut, en outre, et à toute époque, obtenir communication, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des documents sociaux déterminés par ledit décret et concernant les trois derniers exercices.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article et du décret pris pour son application, est réputée non écrite’.

Enfin aux termes de l'article R 223-15 du Code de commerce : 'Tout associé a le droit, à toute époque, de prendre par lui-même connaissance des documents suivants au siège social : bilans, comptes de résultats, annexes, inventaires, rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées concernant les trois derniers exercices. Sauf en ce qui concerne l'inventaire, le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie.

A cette fin, il peut se faire assister d'un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et tribunaux'.

En l'occurrence, les appelants ne sauraient se voir communiquer que les pièces visées à l'article précité qu'à compter de l'exercice clos au 31 décembre 2016.

Par ailleurs, l'associé qui doit se déplacer en personne au siège de la société n'est en droit de saisir le président du tribunal de commerce statuant à référé pour qu'il enjoigne le gérant, ou le mandataire qu'il désignerait, de communiquer sous astreinte les dits documents qu'à défaut d'avoir pu en obtenir la production des pièces visées à l'article pré cité, leur copie ou leur transmission.

En l'espèce, les associés ne justifient pas d'avoir été empêché d'obtenir, en se rendant au siège de la société, les dits documents, de sorte que la présente demande ne saurait aboutir, en effet l'éloignement n'est pas une cause reconnue permettant de déroger aux règles du Code de commerce, que manifestement le gérant entend faire strictement respecter.

Enfin, l'ensemble des documents visé à l'article L 223-26 doit être adressé aux associés 15 jours au moins avant la date de l'assemblée par lettre recommandée avec accusé de réception. Le non-respect du droit de communication peut entraîner la nullité de l'assemblée.

Les appelants qui prétendent ne pas voir été convoqués aux assemblées générales depuis 2010, doivent se conformer aux prescriptions de l'article L 223-26 du Code de commerce en saisissant dans les six mois de l'exercice clos, le Président du tribunal de commerce d'une demande tendant à voir convoquer les assemblées.

En conséquence, les appelants sont déboutés de l'ensemble de leurs demandes qui ne peuvent prospérer.

L'ordonnance déférée est confirmée sur ce point.

Sur la demande d'expertise de gestion

Vu l'article L 223-37 du Code de commerce lequel stipule : 'Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Le ministère public et le comité d'entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins.

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.

Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes ainsi qu'au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité'.

C'est à raison que la SARL SEEHE rappelle que ne sont concernées par cette expertise de gestion qu'une ou plusieurs opérations de gestion, ce qui exclut dont une mission générale d'expertise, qu'en ce qui concerne la mise en réserve d'une somme de 542 000 euros cette opération ne peut être assimilée à un acte de gestion du gérant, mais une décision de l'assemblée générale qui seule décide de la distribution des bénéfices éventuels. Pour ce qui est de celle relative à la conclusion d'un nouveau bail, elle a été soumise au vote de l'assemblée générale tenue le 26 juillet 2013 et votée à l'unanimité des présents ou représentés dont Mme Monique P..

Par suite, la demande à ce titre ne saurait prospérer, l'ordonnance est confirmée.

Sur la demande fondée sur l'expertise de l'article 145 du Code de procédure civile

Aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile : ' S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Les appelants soutiennent que la mise en réserve est constitutive d'un abus de majorité dont le seul intérêt est de priver les associés minoritaires de la distribution de dividendes, c'est à raison qu'ils soutiennent que seule la question de savoir si l'action est vouée à l'échec doit être examinée et non son bien-fondé, toutefois dans le cas de l'espèce, la réalité de la mise en réserve d'une somme de 520.000 euros n'est contestée par aucun associé, de sorte que l'intérêt de l'expertise de 'conserver ou d'établir avant tous procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige' n'est pas démontré.

Par suite, les appelants sont déboutés de leurs demandes. L'ordonnance est confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les intimés pour procédure abusive

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, par suite il convient de débouter les intimés de leur demande.

Succombant au principal, les appelants sont condamnés à une indemnité de procédure de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne solidairement Mme Monique M. épouse P., M. Didier P., M. Philippe P., Mme Laurence P. épouse L., Mme Magaly P., M. Guillaume P. à payer à la SARL SEEHE la somme de 2.000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Mme Monique M. épouse P., M. Didier P., M. Philippe P., Mme Laurence P. épouse L., Mme Magaly P., M. Guillaume P. aux entiers dépens et autorise Me DELBREL, avocat, à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Aurore BLUM, conseiller faisant fonction de présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.