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Décisions

Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-24.889

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Rousseau et Tapie

Bastia, du 24 juill. 2013

24 juillet 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 juillet 2013), que, réunis en assemblée le 29 juin 2009, les associés de la société par actions simplifiée dénommée société d'exploitation de l'Hôtel Casadelmar (la société Casadelmar) ont décidé, à la majorité simple, d'attribuer une rémunération au président de cette dernière à compter du 1er janvier 2009 ; que, faisant valoir que l'attribution d'une rémunération au président s'analysait en une convention qui aurait dû être soumise à la procédure de contrôle prévue à l'article L. 227-10 du code de commerce, la société Grand Sud investissements (la société Grand Sud) a fait assigner la société Casadelmar et la société Syracuse Investissements, associé majoritaire ; qu'elle a demandé, à titre principal, la condamnation de cette dernière au remboursement du montant de la rémunération et, à titre subsidiaire, l'annulation pour abus de majorité de la décision du 29 juin 2009 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Grand Sud fait grief à l'arrêt de rejeter la première de ces demandes alors, selon le moyen, que la convention, portant sur la rémunération du président de la société par actions simplifiée, doit être soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées ; que si les statuts prévoyaient que les modalités d'une éventuelle rémunération étaient fixées dans la décision de nomination, la nomination du président en exercice n'avait précisément prévu aucune rémunération, si bien que la décision de le rémunérer devait faire l'objet d'une convention réglementée ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que la décision de nomination du président ne prévoyait aucune rémunération ne devait pas conduire à observer la procédure relative aux conventions réglementées, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 227-10 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des statuts de la société Casadelmar que la rémunération de son président devait être fixée par une décision collective des associés prise à la majorité simple, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire d'autre recherche, que la société Grand Sud n'était pas fondée à se prévaloir de l'inobservation des dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Grand Sud fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation pour abus de droit de la décision des associés du 29 juin 2009 alors, selon le moyen :

1°/ que l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans rechercher en quoi l'intérêt de la société n'avait pas été méconnu par le refus concomitant d'accepter la proposition de M. X... d'exercer bénévolement la présidence, ceci dans le contexte de crise, invoqué par l'associé majoritaire lui-même, ayant conduit à la décision prise lors de la même assemblée générale d'affecter tous les résultats bénéficiaires à la constitution d'un fonds de roulement en prévision de la vente du fonds de commerce, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que l'abus de majorité est constitué par une décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'une rémunération ne peut être regardée comme conforme à l'intérêt de la société du seul fait qu'elle n'est pas disproportionnée avec le résultat de celle-ci ; qu'en ayant écarté l'existence d'un abus de majorité, résultant du seul vote de l'associé majoritaire en faveur d'une rémunération versée à lui-même, en se bornant à comparer le montant de cette rémunération avec le dernier bénéfice connu, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée, sur le fait que les fonctions de président n'impliquaient aucune charge de travail, notamment du fait que l'établissement était géré par un directeur sur place en permanence, et que le président de la société s'était consacré secrètement à compter de 2009 au lancement d'une nouvelle société ayant une activité concurrente, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que le président de la société Casadelmar assumait la responsabilité, tant civile que pénale, inhérente à ses fonctions sociales, et précisé, par motifs propres et adoptés, que la rémunération allouée à ce dernier s'élevait à la somme annuelle brute de 55 000 euros tandis que la société avait réalisé en 2008, dernier exercice dont les chiffres étaient connus à la date de l'assemblée litigieuse, un résultat net de 410 000 euros, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la rémunération des fonctions exercées par le président de la société ne saurait être considérée comme excessive et contraire à l'intérêt social ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la société Grand Sud dans le détail de son argumentation, a pu décider que l'abus de majorité invoqué n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.