CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 17 novembre 2009, n° 08/10301
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Bonzini et Cie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Degrandi
Conseillers :
Mme Moracchini, Mme Delbes
Avoués :
Me Cordeau, SCP Lagourgue-Olivier
Avocats :
Me Dagorno, Me Malivet, Me Mbayen-Hegba
Vu les uniques conclusions signifiées le 20 août 2009 par M. Gérard B. qui demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau quant à ce, de condamner M. Alain B. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les uniques conclusions signifiées le 20 août 2009 par la société Bonzini qui demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau quant à ce, condamner M. Alain B. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ LA COUR
Considérant que la société Bonzini est une société familiale créée en 1927 qui a pour activité la fabrication, la vente et la location de jeux de baby-foot, dont le capital est réparti entre M. Gérard B. (60 %) et M. Alain B. (40 %) et dont la gérance est assurée par M. Gérard B. ;
Considérant que les relations entre Alain et Gérard B. se sont détériorées après le décès de leurs parents ; que M. Alain B., responsable commercial au sein de la société Bonzini, a été licencié à la fin de l'année 2001 ; qu'en 2002, il a souhaité voir son frère ou la société racheter ses parts ; qu'il a saisi le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir désigner un expert à l'effet d'évaluer celles-ci ; que l'expert a déposé, le 30 octobre 2003, un rapport aux termes duquel il concluait que la valeur de la part de la société Bonzini pouvait être fixée, au 31 décembre 2002, à 143,20 euros ;
Considérant que par acte du 3 août 2006, M. Alain B. a donc assigné la société Bonzini et M. Gérard B. devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir dire que, faute d'acquisition amiable de ses parts par l'associé majoritaire au prix fixé par l'expert et actualisé au jour de la décision à intervenir, la société Bonzini sera déclarée cessionnaire de ses parts et, à défaut, de voir prononcer la dissolution de la société pour justes motifs et, subsidiairement, de voir déclarer nulles les résolutions des assemblées générales se prononçant sur l'affectation des résultats et la rémunération du gérant ;
Le rachat des parts de M. Alain B.
Considérant que M. Alain B. invoque les dispositions de l'article 10-1 paragraphe 4 des statuts de la société Bonzini qui obligent, selon lui, les associés, en cas de refus de la cession par la société, à acquérir ou à faire acquérir les parts concernées et prévoient, à défaut, que la société peut, avec le consentement de l'associé cédant, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de l'intéressé et de racheter celles-ci ;
Considérant que les intimés s'opposent à cette demande faisant valoir qu'elle est contraire tant à la loi qu'au pacte social ;
Considérant que le consentement des parties est, au regard des dispositions de l'article 1108 du code civil, une condition de validité de tout contrat ; que nul ne peut être contraint de contracter ;
Considérant que l'article 10-1 paragraphe 4 des statuts de la société Bonzini intitulé Obligation d'achat ou de rachat des parts dont la cession n'est pas agréée' est ainsi rédigé : Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans les trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix payable comptant et fixé dans les conditions énoncées sous le § 6 ci-après, conformément aux dispositions de l'article 1863 alinéa 5 du code civil. (...) La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider dans le même délai de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions fixées sous le 6 ci-après.' ;
Considérant qu'au vu de ces stipulations, la seule procédure de rachat forcé des parts sociales prévue par les statuts de la société Bonzini est applicable lorsqu'un associé a demandé l'agrément de la cession de ses parts à un tiers et que cet agrément lui a été refusé ;
Que force est de constater que M. Alain B. n'a jamais demandé l'agrément d'un projet de cession de ses parts à un tiers de sorte que l'article 10-1 paragraphe 4 qu'il invoque n'est pas applicable ;
Considérant que sa demande tendant à voir contraindre M. Gérard B. ou la société Bonzini à acquérir ses parts doit donc être rejetée ;
La demande de dissolution de la société
Considérant que M. Alain B. demande, subsidiairement, à la cour de prononcer la dissolution de la société Bonzini pour mésentente insurmontable et justes motifs en application de l'article 1844-7, 5° du code civil ; qu'il fait valoir l'absence d'affectio societatis d'origine, la société entre son frère et lui-même étant issue d'une dévolution successorale, le déséquilibre de l'attribution de la succession qui fait qu'en refusant de racheter ses parts, son frère le dépossède d'une partie lui revenant dans la succession de leurs parents, la profonde mésentente qui existe entre eux depuis des années qui abolit tout affectio societatis et dont son licenciement est l'une des manifestations, l'abus de majorité imputable à son frère qui prend des décisions contraires aux intérêts de la société et aux siens, notamment quant à l'affectation des résultats et à sa rémunération de gérant ;
Considérant que les intimés font plaider, pour s'opposer à la demande de dissolution, que M. Alain B. ne justifie de l'existence d'aucun juste motif entraînant le blocage du fonctionnement de la société ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1844-7, 5° du code civil : La société prend fin : par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.' ;
Considérant que le fait que la qualité d'associés de la société Bonzini des consorts B. et que la répartition entre eux du capital soient issues d'une dévolution successorale ne fait pas disparaître l'affectio societatis ; que la société à responsabilité limitée n'est pas, sauf clause contraire des statuts, dissoute par la mort d'un associé ; que les parts de l'intéressé sont transmises à ses héritiers ;
Considérant que le refus de M. Gérard B. de racheter les parts de son frère ne saurait caractériser un juste motif de dissolution, la liberté contractuelle présidant à la cessions des parts entre associés ;
Considérant que si la mésentente entre Messieurs Alain et Gérard B. est évidente à la seule lecture de leurs écritures, il n'est pas démontré qu'elle ait fait disparaître l'affectio societatis au point de paralyser le fonctionnement de la société ; que M. Gérard B., gérant et associé majoritaire, tient des articles 14 et 20 des statuts, les pouvoirs nécessaires à la bonne marche de la société et il n'est pas établi que celle-ci, toujours in bonis, connaisse, à cet égard, un quelconque problème ; que le conseil de prud'hommes de Bobigny a, par ailleurs, jugé le 23 novembre 2004 que le licenciement de l'appelant avait une cause réelle et sérieuse ;
Considérant que l'appelant ne verse enfin aux débats aucune pièce et ne propose aucune analyse comptable, économique et financière susceptibles d'établir que les décisions de mises en réserve seraient excessives et contraires aux intérêts de la société et n'explique pas en quoi les décisions allouant les rémunérations du gérant, dont il ne précise pas la nature ni le montant, auraient été prises contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser son frère à son détriment ; que les réflexions concernant la gestion de la société incluses dans une étude établie, à sa demande, au mois d'octobre 2001, par le cabinet Deminor, qui reconnaît ne pas avoir eu accès à toutes les pièces utiles, sont à cet égard inopérantes ;
Qu'il convient de débouter, en conséquence, M. Alain B. de sa demande en dissolution de la société Bonzini ;
La demande en nullité des résolutions votées en assemblées générales se prononçant sur l'affectation des résultats et la rémunération du gérant
Considérant qu'à l'appui de sa demande en nullité, M. Alain B. fait valoir le défaut de convocation aux assemblées générales antérieures à 1998, la tenue irrégulière de celles des années 1992 à 1997, le vote par M. Gérard B. seul, lors de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice 1999, d'une résolution relative à la rémunération du gérant, l'absence d'information des associés et de dépôt des assemblées au registre du commerce, à l'exception de la résolution sur l'affectation des résultats, laquelle mentionne son adoption à l'unanimité alors qu'il n'avait pas voté en ce sens et un abus de majorité de la part de M. Gérard B. dans les décisions concernant la constitution des réserves et les revenus des associés;
Considérant que les intimés opposent à la demande en nullité des assemblées générales la prescription de trois ans prévue par l'article L 235-9 du code de commerce ;
Considérant que M. Alain B. a engagé son action en nullité par acte du 3 août 2006 ; que celle-ci est donc prescrite en ce qui concerne les décisions antérieures au 3 août 2003 ;
Considérant que l'appelant ne précise la date d'aucune des décisions prises par l'assemblée générale durant la période non visée par la prescription auxquelles sa demande en nullité serait afférente ; qu'en toute hypothèse, force est de constater qu'il ne produit aucune pièce de nature à caractériser, du chef de l'une ou l'autre des décisions postérieures au 3 janvier 2003, auxquelles il ne conteste pas avoir été convoqué, tenue ou vote irrégulier, non-respect du droit de communication des associés ou faits d'abus de majorité, en ce qu'elles ont trait à la constitution de réserves ou à la répartition des revenus entre les associés, le rapport de la société Deminor, établi en 2001, étant à cet égard inefficace ;
Considérant que M. Alain B. doit, en conséquence, être débouté de sa demande en nullité des résolutions votées en assemblées générales postérieurement au 3 août 2003 ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge d'ordonner la distribution des réserves, décision qui relève de la seule compétence de l'assemblée générale, organe souverain de la société ;
Les demandes reconventionnelles des intimés
Considérant que les intimés font valoir qu'en multipliant les actions judiciaires dénuées de fondement à leur encontre, M. Alain B. a agi de mauvaise foi et dans le seul but de faire pression sur son frère et sur la société en vue d'obtenir le rachat de ses parts ; que cette situation leur a causé un grave préjudice tenant à d'importantes pertes de temps et à l'obligation de faire appel à des conseils aux honoraires élevés ;
Considérant qu'il n'est cependant pas établi que les positions et l'attitude de M. Alain B., dans le contexte de grave mésentente qui préside depuis plusieurs années à la vie de la société, aient dépassé, dans leur expression et les moyens déployés pour les faire valoir, les limites du droit d'agir en justice ; qu'il convient donc de débouter la société Bonzini et M. Gérard B. de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que le jugement dont appel est donc confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. Alain B. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.