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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 21 février 2012, n° 10/01495

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ferran (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertrand

Conseillers :

Mme Claret, Mme Bui Van

Avoués :

SCP Longin-Longin Dpeyron-Mariol, SCP de Ginestet Duale Ligney

Avocats :

Me Chevallier, Me Froment, Me Junqua Lamarque

CA Pau n° 10/01495

21 février 2012

Vu les appels interjetés le 12 avril 2010 par la SARL FERRAN et le 29 avril 2010 par Madame Valérie F.C. et Madame Michèle Jeanne B. épouse F., ci-après nommés les consorts F., d'un jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 22 mars 2010.

Vu les conclusions de Madame Isabelle M. épouse B., de Monsieur Nicolas M. et de Monsieur Stéphane M., ci-après nommés les consorts M., du 16 novembre 2010.

Vu les conclusions de la SARL FERRAN du 25 février 2011.

Vu les conclusions des consorts F. du 27 juin 2011.

Vu l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2011 pour fixation de l'affaire à l'audience du 6 décembre 2011.

Par acte du 2 avril 2009 Madame Isabelle M. épouse B., Monsieur Nicolas M. et Monsieur Stéphane M., ci-après nommés les consorts M., ont fait assigner la SARL FERRAN, Madame Valérie F. et Madame Michèle Jeanne B. veuve F., ci-après nommés les consorts F., pour en particulier constater que l'indivision successorale de Monsieur F. et ses membres n'avaient pas, faute d'agrément, la qualité d'associés de la société et, en conséquence déclarer nulles et de nul effet les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 28 avril 2006 et des délibérations postérieures, et désigner Madame Marie-France M. en qualité de mandataire ad hoc.

Par le jugement entrepris du 22 mars 2010 le tribunal de commerce de Bayonne a :

-  jugé valide la clause d'agrément des statuts de la SARL MIGNARD,

- jugé recevable les consorts M., associés de la SARL, dans la présente instance,

- prononcé la nullité des délibérations de l'assemblée générale du 28 avril 2006, ainsi que de toutes celles qui lui sont postérieures,

- rejeté la demande de nomination d'un mandataire ad hoc demandée par les consorts M., Madame Michèle Jeanne F. restant gérante,

- jugé que Madame Valérie F. est redevable envers la société de la somme de 60.105 € au 31 décembre 2009,

- rejeté les demandes de dommages intérêts,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- rejeté comme inutiles et non fondées toutes autres demandes contraires des parties,

- condamné in solidum les consorts F. à régler à chacun des consorts M. la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts F. demandent de réformer ce jugement, de déclarer les demandeurs irrecevables en leur action comme n'ayant pas qualité à agir, de déclarer les demandeurs irrecevables en leur action comme prescrite, subsidiairement et en tout état de cause de débouter les consorts M. de leurs demandes, fins et conclusions, et reconventionnellement en tout état de cause de les condamner à leur verser in solidum la somme de 25.000 € en réparation chacune de leur préjudice moral lié à l'action abusivement entreprise par eux.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des consorts M., ils soutiennent que ceux-ci n'ont pas reçu un quelconque agrément comme nouveaux associés de la société, sauf à considérer que l'usage a prévalu au sein de cette société de l'absence d'agrément pour une quelconque cession de parts depuis la constitution de la SARL ATALAYE HOTEL.

Les consorts F. soutiennent que, la demande des consorts M. étant fondée sur le fait que Monsieur F. ne serait jamais devenu valablement associé de la société, leur action devait être engagée dans les trois ans de son décès survenu le 22 janvier 2006 dès lors que la dévolution à leur profit s'est opérée à cette date, que par conséquent l'action introduite le 2 avril 2009 est prescrite.

Sur la fin de non-recevoir elles considèrent qu'aucun agrément d'aucune sorte n'est intervenu sur les cessions de part entre Monsieur et Madame C. et les enfants MIGNARD en août 1990, Madame Marie-France M. n'étant intervenue que comme gérante, que l'intervention d'actes même notariés postérieurs ne change rien au défaut de qualité des consorts M., que les demandeurs n'ont pas satisfait aux obligations de notification et de convocation d'une assemblée générale, que l'agrément ne peut résulter de la publication des statuts modifiés, que les mêmes motifs de nullité valent pour la donation des 25 août et 19 septembre 1992.

Sur l'annulation des assemblées depuis celle du 28 avril 2006, les consorts F. soutiennent que la clause prévue dans les statuts relative à la transmission des parts pour cause de décès d'un associé doit être réputée non écrite, aucune disposition légale ne permettant qu'une infime minorité des parts sociales puisse refuser l'agrément d'une énorme majorité d'entre elles, que l'usage du fonctionnement de la société a démontré que la pratique nécessitait une adaptation des statuts par rapport à leur rédaction initiale, que la cour d'appel de Pau suivant arrêt du 11 janvier 2000 a validé la cession au bénéfice de Monsieur F., ses héritières ont toujours été considérées par les consorts M. comme leurs associées.

Les consorts F. font observer que lors de l'assemblée générale du 28 avril 2006 la succession de Monsieur F. n'étant pas ouverte (la succession n'ayant été réglée que le 28 juillet 2006 par le notaire Maître LACAZE) il leur était impossible de demander un agrément quelconque.

Sur la demande de nomination d'un mandataire ad hoc, ils demandent de confirmer le jugement dès lors que Madame Michèle Jeanne F. a été nommée gérante par l'assemblée générale du 28 septembre 2006.

Sur la rémunération de Madame Valérie F. en tant que gérante, ils soutiennent que les salaires ont été légitimement perçus en vertu d'un contrat de travail établi en 1996, antérieur à tout mandat social, que contrairement aux allégations des consorts M. elle ne s'est pas enrichie au détriment de la société, qu'il n'y a pas lieu à répétition des sommes ainsi perçues.

Sur les distributions effectuées ils considèrent être en droit de prétendre à la répartition des bénéfices jusqu'à indemnisation de la valeur exacte de leurs parts.

En réponse à l'argumentation des consorts M., les consorts F. font observer que :

- leur action ne peut s'expliquer que par le changement du propriétaire des murs Monsieur M. qui a fait délivrer un congé sans offre de renouvellement du bail,

- les allégations des consorts M. relatives à la cession intervenue en 1991 au bénéfice de leur auteur Monsieur F. se heurtent à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 11 janvier 2000, comme celles concernant l'augmentation de capital,

- l'indivision représentant Monsieur F. a vocation à représenter ses parts lors de l'ensemble des assemblées générales postérieures à son décès et se trouvait saisie de l'ensemble des droits afférents aux parts sociales,

- la clause d'agrément prévue dans les statuts sera dite nulle et de nul effet dans la mesure où elle contrevient aux dispositions d'ordre public des article L. 223-13 et L. 223-14 du code de commerce, L. 223-16 et spécialement l'article L. 223-29 du code de commerce,

- Madame F. n'a jamais été rémunérée pour sa gérance mais pour son emploi de directrice puis comme gérante technique sans cumul,

- les consorts M. abusent de la minorité des parts qu'ils détiennent dans la SARL FERRAN, en votant systématiquement contre les résolutions ou en ne participant pas aux assemblées générales.

La SARL FERRAN demande de réformer le jugement entrepris, de déclarer les intimés irrecevables en leur action comme étant prescrite et en tout cas comme dépourvus d'intérêt à agir, subsidiairement de débouter les consorts M. de leurs demandes, fins et conclusions et reconventionnellement de condamner les consorts M. in solidum à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure et résistance abusive.

En substance la SARL FERRAN soutient, par une argumentation semblable à celle des consorts F., que l'assignation délivrée par les consorts M. le 2 avril 2009 est prescrite, le droit d'agrément des héritiers de Monsieur F. ne s'étant ouvert qu'au jour de son décès et la dévolution ne s'étant opérée qu'à la même date, qu'à défaut ses héritiers doivent être considérés de plein droit comme des associés, que par impossible aucun agrément d'aucune sorte n'étant intervenu en ce qui concerne les cessions de parts entre Monsieur et Madame C. et les enfants MIGNARD en août 1990 l'action des consorts M. serait encore irrecevable, sauf à considérer que l'usage dans cette société est de dispenser les nouveaux titulaires de droit d'associés d'un quelconque agrément.

La SARL FERRAN considère aussi que la clause d'agrément telle que contenue dans les statuts doit être réputée non écrite, aucune disposition légale ne prévoit la possibilité dans une société de faire voter une minorité de parts sociales pour la définir éventuellement comme une majorité, que les parts sociales sont librement cessibles entre associés, que s'agissant de l'assemblée générale du 28 avril 2006 il était impossible à l'une ou l'autre des héritières de demander un agrément quelconque en l'état de la succession de Monsieur F. qui n'a été réglée que le 28 juillet 2006.

Les consorts M. demandent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé valide la clause d'agrément et :

Vu les statuts sociaux,

Vu les articles L.223-13 et suivant du Code du commerce,

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu l'article 1870-1 du Code civil,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Confirmer le jugement du 22 mars 2010 du tribunal de commerce de Bayonne en ce qu'il a jugé valide la clause d'agrément de la SARL MIGNARD, et prononcé la nullité des délibérations de l'assemblée générale du 28 avril 2006 et de toutes les assemblées qui lui sont postérieures (en date des 26 mars 2007, 17 mars 2008, 24 mars 2009 et 30 avril 2010).

En conséquence, dire qu'il y a lieu de remettre juridiquement la société en l'état où elle se trouvait au 28 avril 2006, dire que la dénomination de la société reste la SARL MIGNARD, dire que la cession de parts sociales du 7 février 2007 est nulle et de nul effet, dire que les distributions votées irrégulièrement depuis le 28 avril 2006 sont dues à la société soit 40.836 € dus par Madame Valérie F. et 81.759 € dus par Madame Michèle Jeanne F., dire que Madame Valérie F. est également débitrice envers la société de 80.105 € au titre des rémunérations votées et perçues irrégulièrement au titre de la gérance.

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission de convoquer une assemblée ayant pour ordre du jour la désignation d un gérant'.

Constater qu'au 28 avril 2006 Madame Michèle Jeanne B. épouse F. était démissionnaire de ses fonctions volontairement et spontanément.

En conséquence, dire qu'il y a lieu de convoquer une assemblée avec pour ordre du jour la désignation d'un gérant.

Constater que les associés sont confrontés à la mise en péril de l'intérêt social, à la mauvaise foi et aux inexécutions répétées des consorts F., ainsi qu'à l'incapacité de Madame Michèle Jeanne F. qui, suite à sa démission, s'est définitivement éloignée des préoccupations sociales.

Dire qu'il est dans l'intérêt social qu'un mandataire ad hoc soit désigné afin de convoquer une assemblée générale avec pour ordre du jour la désignation d’un gérant pour la SARL MIGNARD'.

Désigner un mandataire ad hoc sur la liste des mandataires de justice, et dire que la société sera redevable de ses frais et honoraires. Subsidiairement, désigner Madame Marie-France M. en qualité de mandataire ad hoc.

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation des consorts F. à des dommages intérêts

Condamner Madame Valérie F. et Madame Michèle Jeanne B. épouse F. à verser solidairement à titre de dommages et intérêts la somme de 15.000 € à Madame Isabelle M., la somme de 15.000 € à Monsieur Nicolas M., la somme de 15.000 € à Monsieur Stéphane M. en réparation du préjudice moral.

Condamner Madame Valérie F. et Madame Michèle B. épouse F. au versement d'une somme de 6.000 € , au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers seront recouvrés par la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Après avoir rappelé les faits à l'origine de la constitution de la SARL MIGNARD dont les statuts avec l'entrée dans le capital social de Monsieur Bertrand F. en 1992 qu’elles considèrent comme malhonnête et la démission en 1996 de Madame Marie-France M. de la gérance suivie d'une augmentation de capital frauduleuse en 1997, puis avoir rappelé la procédure, les consorts M. soutiennent :

- sur la prescription de leur action que c'est le vote illicite des consorts F. au cours de l'assemblée générale du 28 avril 2006 qui constitue la nullité entachant la délibération déposée le 13 juin 2006 au greffe du tribunal de commerce,

- sur leur qualité d'associés, que la preuve de l'agrément des enfants MIGNARD a été rapportée par les dispositions des actes de cessions et confirmée lors de la modification des statuts portant sur la nouvelle répartition du capital social, comme jugé par le tribunal de commerce, que les cessions ont été exécutées et confirmées par la modification des statuts sans être jamais contestées dans le délai de prescription triennale, que les appelants sont irrecevables à invoquer l'exception de nullité des actes de cessions et donations au profit des enfants MIGNARD.

Sur la nullité des délibérations les consorts M. observent que les consorts F. ne contestent pas l'absence d'agrément, ils soutiennent que la clause statutaire est parfaitement valide et conforme aux dispositions des articles L. 223-13 et L. 223-14 du code de commerce, qu'en aucun cas une quelconque violation des statuts n'est susceptible de créer un usage autorisant cette violation.

Sur les distributions indûment perçues, ils soutiennent que les héritiers non associés ne peuvent prétendre qu'à la valeur des parts sociales au jour du décès de leur auteur, que la nullité des délibérations a également pour conséquence de rendre nulles et de nul effet les résolutions concernant la rémunération de Madame Valérie F..

Sur la nomination d'un mandataire ad hoc, les consorts M. rappellent que Madame Michèle Jeanne F. a démissionné spontanément lors de l'assemblée générale du 28 avril 2006 et ne peut plus se rétracter, qu'ils sont confrontés à la carence et l'incapacité de la gérante ainsi qu'à la mise en péril imminente des intérêts sociaux de la société.

Enfin ils soutiennent que la mauvaise foi des consorts F. est révélée en ce qu'elles ont violé les statuts de la société, opposé leur mauvaise foi et fraudé la loi, ce qui justifie leur demande de dommages intérêts.

Sur ce

1-Sur la prescription de l'action introduite par les consorts M.

L'article L. 235-9 du code de commerce prévoit que les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l'article L. 235-6.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts F. et la SARL FERRAN, l'action introduite par les consorts M. selon acte du 2 avril 2009 ne procède pas du décès de Monsieur Bertrand F. survenu le 22 janvier 2006 en ce que celui-ci n'aurait pas eu la qualité d'associé, mais de la contestation de cette qualité d'associé par ses héritières, faute d'agrément dans les conditions prévues par les statuts de la société, à partir et au sujet de la délibération de l'assemblée générale extraordinaire de la SARL MIGNARD du 28 avril 2006 qui a décidé, par l'assemblée des associés, de modifier la dénomination de la société en SARL FERRAN avec mise à jour des statuts, de la démission de la gérante et de son remplacement.

Cette délibération, prise en la seule présence de Madame Valérie C.F., représentant l'indivision FERRAN, présidée par Madame Michèle F., gérante en titre, les consorts M. étant absents, et les modifications litigieuses ont fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce le 13 juin 2006.

Dès lors que l'action a été introduite le 2 avril 2009 dans le délai de trois ans suivant les délibérations de l'AGE du 28 avril 2006 dont la nullité est revendiquée, la prescription de l'article L. 235-9 du code de commerce n'est pas encourue.

2-Sur la qualité d'associés des consorts M.

Pour contester cette qualité les consorts F. et la SARL FERRAN soutiennent que, lors de l'acte de cession du 27 août 1990 et lors de l'acte authentique de donation du 25 août 1992 les enfants de Monsieur et Madame M. n'auraient pas reçu d'agrément valable et, dès lors, seraient irrecevables en leur action introduite en leurs qualités d'associés.

Les consorts M. font justement observer qu'en revendiquant eux-mêmes leurs qualités d'associés par la transmission successorale de Monsieur Bertrand F., alors que celui-ci tenait cette qualité d'un acte de cession du 14 octobre 1992 des consorts M. en leurs qualités d'associés, la contestation de ces qualités par les consorts F. emporterait par conséquence l'absence de la même qualité d'associé de Monsieur Bertrand F. et de celle de leurs héritières.

La SARL MIGNARD a été constituée à l'origine le 5 septembre 1988 par Madame Marie-France M. et son époux Monsieur Jean-Pierre M., et par Madame Marie-Louise C. et son mari Monsieur Georges C., oncle de Madame Marie-France M., chacun 125 parts ; Monsieur et Madame C. ont cédé leurs parts sociales aux enfants de Monsieur et Madame M. par actes du 27 août 1990, puis Monsieur Jean-Pierre M. a donné, par acte notarié du 25 août 1992, ses 125 parts à ses trois enfants, le capital social étant réparti à cette date de la manière suivante :

- Madame Marie-France M. : 125 parts,

- Mademoiselle Isabelle M. : 125 parts,

- Monsieur Nicolas M. : 125 parts,

- Monsieur Stéphane M. :  125 parts,

Les deux actes de cession du 27 août 1990, enregistrés le 25 septembre 1990, mentionnent à la clause AGREMENT A LA CESSION, que :

- la présente cession a été réalisée conformément aux dispositions de l'article 6.0 des statuts,

- elle sera rendue opposable à la société, dans les formes prévues à l'article 1690 du code civil. Toutefois la signification peut être remplacée par le dépôt d'un original de l'acte au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt,

Après signification il sera apporté à l'article 2.5 des statuts de la société les modifications résultant de la cession de parts présentement consentie.

Les consorts F. et la SARL FERRAN ne font qu'affirmer que la procédure d'agrément prévue par les statuts n'a pas été respectée, alors que les consorts F. étaient étrangers à la société à cette époque, leur auteur Monsieur Bertrand F. n'étant devenu associé que lors d'une cession postérieure le 14 octobre 1992.

Compte tenu de la composition du capital social lors des cessions du 27 août 1990, seuls Monsieur et Madame M., en leurs qualités d'associés, auraient pu s'opposer à la cession par les époux C. au bénéfice de leurs enfants ; la nullité relative d'une cession pour inobservation de la procédure d'agrément ne pouvait être invoquée que par les parents des consorts M., seuls associés dont l'agrément était requis.

L'acte authentique de donation des parts sociales des 25 août et 19 septembre 1992 expose la cession intervenue le 27 août 1990 avec la situation des parts en résultant et précise au paragraphe relatif à L'AGREMENT de LA CESSION, après avoir rappelé et reproduit les termes des articles 5.1 et 6.0 des statuts, que :

- les donataires étant déjà associés de la société, il n'est pas nécessaire d'obtenir l'agrément des autres associés,

- de plus, Madame Marie-France D. épouse de Monsieur Jean-Pierre M., en sa qualité de GERANTE de la société, a déclaré qu'elle acceptait cette cession de parts et la reconnaissait opposable à la société.

Dès lors que la gérante de la société, en participant à cet acte de cession, a déclaré qu'elle l'acceptait, la société est considérée comme ayant été informée du projet de cession.

Par ailleurs et comme relevé par le premier juge, la gérante a déposé au greffe du tribunal de commerce les statuts portant la nouvelle répartition du capital social, qui n'ont jamais été contestés dans le délai de prescription de l'article L. 235-9 du code de commerce, et qui ont été exécutés, les consorts M. y figurant depuis lors, ils ont été convoqués aux différentes assemblées générales en ces qualités d'associés.

Il n'est pas inutile d'observer que les cessions de parts intervenues au bénéfice de Monsieur Bertrand F. le 14 octobre 1992 (par Madame Marie-France M. pour les 125 parts qu'elle détenait, par les consorts M. pour 250 parts au total) ont fait l'objet d'une action en nullité pour dol introduite par les cédants le 18 octobre 1996, Madame Marie-France M. démissionnant alors de la gérance, que si cette action a été jugée irrecevable comme prescrite par arrêt confirmatif de la cour du 11 janvier 2000, à aucun moment Monsieur Bertrand F., auteur des consorts F., n'a contesté la qualité des consorts M. comme associés, que cette observation rejoint celle des consorts M. reprise à titre liminaire sur la contradiction évidente de la contestation opposée dans le cadre de la présente procédure par les consorts F. et par la SARL FERRAN.

Dès lors il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les consorts M. avaient intérêt à agir en leurs qualités d'associés.

3-Sur la validité de la clause d'agrément

Outre l'article 6.4 des statuts qui précisent que les héritiers ne peuvent sous aucun prétexte ...s'immiscer dans les actes de la vie sociale, l'article 6.0.1 relatif aux transmissions de parts pour cause de décès d'un associé ou de liquidation de communauté de biens entre époux ou liquidation d'un associé personne morale dispose que :

Toutes transmissions, attributions ou dévolutions de parts ayant leur cause dans le décès d'un associé...sont soumises à l'agrément des associés subsistants donné à la majorité des trois quarts des parts sociales possédées par eux.

Cette clause a clairement pour objectif, conformément à ce que soutiennent les consorts M., de faire obstacle à ce qu'un héritier d'un associé défunt participe à la vie sociale, sauf agrément des associés subsistants, dans les conditions de majorité stipulées.

Si l'article 223-13 du code de commerce prévoit que les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession, il dispose que toutefois les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu'après avoir été agréé dans les conditions de l'article L. 223-14, qu'à peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l'agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus à l'article L. 223-14, et la majorité ne peut être plus forte que celle prévue audit article.

Par conséquent la clause d'agrément prévue dans les statuts de la société est parfaitement applicable.

L'article L. 223-14 prévoit que les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Il résulte de la combinaison des deux articles L. 223-13 et 223-14 que la majorité exigée par les statuts pour l'agrément d'un héritier ne doit pas être plus forte que celle requise pour celui d'un tiers, que les statuts peuvent prévoir des conditions de majorité moins fortes pour l'agrément d'un héritier que pour celui d'un tiers, l'article L. 223-13 ne fixant qu'un plafond.

En l'espèce la majorité des trois quarts des parts sociales possédées par les associés subsistants, prévue par les statuts de la société, est conforme à ces dispositions, la majorité des trois quarts des parts sociales possédées par les consorts M. étant moins forte que la majorité des trois quarts de toutes les parts sociales, étant observé que les héritiers non agréés sont créanciers de la société comme ayant droit à la valeur des droits sociaux de leur auteur, conformément à l'article L. 223-14 3éme alinéa.

Par conséquent il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valide la clause d'agrément contenue dans les statuts.

Il résulte de la qualité d'associés des consorts M. et de la validité de la clause d'agrément prévue dans les statuts applicable en l'espèce que l'argumentation infiniment subsidiaire ou à défaut présentée par les consorts F. et la SARL FERRAN tendant à se prévaloir d'un usage au sein de la société sur l'absence d'agrément lors des différentes cessions intervenues n'est pas fondée.

4-Sur la nullité des délibérations

Les consorts F. ne contestent pas leur absence de demande d'agrément suite au décès de Monsieur Bertrand F., elles n'ont donc pas la qualité d'associés faute d'avoir été agréés ; dès lors qu'ils ont participé et voté aux différentes assemblées générales depuis celle du 28 avril 2006, les délibérations sont entachées de nullité, étant précisé que cette première assemblée générale extraordinaire du 28 avril 2006, présidée par Madame Michèle F., gérante en titre, en présence de Madame Valérie C.F., représentant l'indivision FERRAN, les consorts M. étant absents, mentionne que les associés sont informés des documents déposés, savoir le texte des résolutions soumises au vote de l'assemblée, que :

- l'assemblée des associés décide de modifier la dénomination de la société (première résolution),

- l'assemblée des associés prend note de la démission de ses fonctions de gérante...et nomme en ses lieux et place Madame Valérie C.F. (deuxième résolution).

Il s'ensuit que les différentes délibérations des assemblées générales postérieures, prises dans les mêmes conditions, sont entachées de la même nullité

5-Sur les conséquences de ces nullités

Le premier juge a parfaitement considéré que, par suite de ces annulations, il y avait lieu de remettre juridiquement la société dans l'état où elle se trouvait antérieurement à l'assemblée générale du 28 avril 2006.

Sur la demande de désignation d'un mandataire ad hoc, il n'apparaît pas conforme à l'intérêt social de maintenir Madame Michèle F. comme gérante de la société, dans la mesure où celle-ci avait démissionné de ses fonctions lors de l'AG annulée du 28 avril 2006, que depuis le jugement entrepris du 22 mars 2010 les dissensions entre sa fille, dont la nomination en ses lieux et place est annulée, et les consorts M. en leurs qualités d'associés, ne pourront que s'aggraver en raison du présent arrêt confirmatif, que la désignation d'un mandataire ad hoc afin de convoquer une assemblée générale ayant pour ordre du jour la désignation d'un gérant est donc nécessaire.

Sur les distributions effectuées, il est constant que, par application de l'article 1870-1 du code civil, les héritiers non associés ne peuvent prétendre qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur au jour de son décès, qu'ils doivent rembourser les distributions de bénéfices sociaux indûment perçus à la société ; si le premier juge a dit et jugé que tous les associés tant FERRAN que MIGNARD sont débiteurs des dividendes perçus depuis le 28 avril 2006, les consorts M. justifient précisément de la perception au total par Madame Michèle F. d'une part de la somme de 81.759 € , par Madame Valérie C.F. d'autre part de la somme de 40.836 € , lors des distributions effectuées par les assemblées générales des 26 mars 2007, 17 mars 2008, 24 mars 2009 et 30 avril 2010, ces distributions et les sommes y afférentes n'étant pas contestées ni par les consorts F. ni par la SARL FERRAN.

L'argumentation selon laquelle les consorts M. ne proposent pas eux-mêmes de rembourser les distributions dont ils ont bénéficié est partiellement inexacte, puisqu'ils font état dans leurs écritures des distributions et des sommes dont ils sont débiteurs, mais il appartenait à la SARL FERRAN en particulier de former une telle demande à leur encontre; de même le moyen tiré de ce que le premier juge aurait statué ultra petita en l'état d'une seule demande de constat des consorts M. quant aux distributions et à la rémunération de la gérante est indifférente en cause d'appel, puisque les demandes des consorts M. sont de dire que les distributions sont dues à la société, que la gérante est débitrice envers la société, qu'à l'évidence il ne peut s'agir de demandes nouvelles.

Sur la rémunération de la gérante, la nullité des assemblées générales des 26 mars 2007, 17 mars 2008, 30 avril 2009 ayant votées le principe et le montant de ces rémunérations a pour conséquence de rendre nulles ces délibérations ; le montant total actualisé au 31 décembre 2010 par les consorts M. et non contesté s'établit à la somme de 80.105 € (60.105 € retenu par le premier juge + 20.000 € pour l'année 2010), Madame Valérie C.F. ne pouvant sérieusement se prévaloir d'un contrat distinct de salariée comme directrice de l'hôtel ou de gérante technique pour échapper à son obligation de remboursement de cette somme, alors que sa rétribution n'avait été fixée par l'assemblée générale du 17 mars 2008 à 1.400 € net par mois qu'en sa qualité de gérante, que dans sa réponse du 27 avril 2009 aux demandes des consorts F. du 16 mars 2009 elle indique, sur l'augmentation de sa rémunération, que le salaire de la gérante n'a pas augmenté, sans aucune référence à une rémunération distincte et supplémentaire de directrice et/ou de gérante technique.

6-Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris étant confirmé pour l'essentiel, les consorts F. et la SARL FERRAN ne sont pas fondés en leurs demandes de dommages intérêts pour une procédure abusive qui aurait été introduite par les consorts M. à leur encontre.

La demande formée à ce titre par les consorts M. n'est pas justifiée, dès lors que le litige qui les oppose aux consorts F. a en réalité pour origine la cession de parts intervenue le 14 octobre 1992 au bénéfice de leur auteur Monsieur Bertrand F., dont la cour a jugé par arrêt définitif du 11 janvier 2000 que leur demande de nullité pour dol était prescrite, que depuis la démission de Madame Marie-France M. le 18 octobre 1996 dans le temps de l'introduction de cette action, leur participation à la vie de la société s'est manifestée de manière très sporadique, nonobstant leur qualités d'associés minoritaires, et ce même après le décès de Monsieur F. et de l'assemblée générale du 28 avril 2006 qui a suivie, la demande de nullité de ces délibérations et des délibérations des assemblées générales postérieurs n'étant introduite que le 2 avril 2009, certes dans le temps de la prescription, après des questions posées à la gérante le 16 mars 2009 sur l'assemblée générale prévue le 24 mars 2009.

Par conséquent les consorts M. ne peuvent soutenir la mauvaise foi et/ou la réticence abusive des consorts F., il convient de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages intérêts.

L'équité commande de leur allouer la somme de 3.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient d'ajouter au jugement, qui a omis de statuer sur ce point dans son dispositif, que la dénomination de la société reste SARL MIGNARD, puisque ce changement avait été décidé lors de l'assemblée générale du 28 avril 2006, cette délibération étant annulée.

Par ces motifs

La cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort,

- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 22 mars 2010 en ce qu'il a jugé valide la clause d'agrément des statuts de la SARL MIGNARD, dit recevable les consorts M., associés de la SARL, dans la présente instance, prononcé la nullité des délibérations de l'assemblée générale du 28 avril 2006 ainsi que de toutes celles qui lui sont postérieures, rejeté les demandes de dommages intérêts et condamné in solidum les consorts F. à régler à chacun des consorts M. la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

- Infirme ce jugement sur les autres dispositions et statuant à nouveau,

- Dit que les distributions votées irrégulièrement et annulées sont dues à la société, soit la somme de 40.836 € par Madame Valérie C.F., la somme de 81.759 € par Madame Michèle F., et la somme de 80.105 € par Madame Valérie C.F. au titre des rémunérations en sa qualité de gérante,

- Constate que les consorts M. ne contestent pas être débiteurs des sommes par eux perçu au titre des distributions,

- Désigne Maître GUERIN, mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de convoquer une assemblée générale avec pour ordre du jour la désignation d'un gérant pour la SARL MIGNARD,

- Ajoutant au jugement, dit que la dénomination de la société reste la SARL MIGNARD,

- Condamne les consorts F. à payer, ensemble aux consorts M. la somme de 3.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamne aux dépens, autorise la distraction au profit de la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY, par application de l'article 699 du même code.