Cass. 2e civ., 12 mai 2016, n° 15-15.969
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Liénard
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Yves et Blaise Capron
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se fondant sur la copie exécutoire d'un acte notarié de prêt, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (la banque) a fait délivrer un commandement valant saisie immobilière à l'emprunteur, la SCI Océane ; que celle-ci a interjeté appel du jugement rendu à l'issue de l'audience d'orientation fixant le montant de la créance du poursuivant et ordonnant l'adjudication du bien saisi ;
Sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche :
Attendu que la SCI Océane fait grief à l'arrêt de déclarer valable le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 février 2014, de dire n'y avoir lieu à ordonner sa mainlevée et au contraire de la débouter de sa demande tendant à faire déclarer prescrite l'action engagée contre elle par la banque et, par suite, à faire annuler la procédure de saisie immobilière engagée par le commandement précité, alors, selon, le moyen, que seul un commandement, signifié à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait affirmer que le commandement de payer en date du 14 juin 2013 avait interrompu la prescription quinquennale à l'égard de la SCI Océane après avoir constaté que ce commandement avait été signifié à une adresse- « ... 75013 Paris »- dont elle relevait par ailleurs elle-même qu'elle n'était pas l'adresse du siège social de la SCI Océane, situé « 10, avenue de Verdun à Donville-les-Bains (50350) », encore mentionnée dans l'extrait K bis produit aux débats et jugée par elle seule valable, à l'exclusion de l'adresse personnelle de M. X..., « ... 75013 Paris » et qu'elle avait en outre constaté que M. X... avait d'ailleurs refusé de recevoir l'acte ; qu'il s'évinçait ainsi de ses propres constatations que le commandement litigieux du 14 juin 2013 n'avait pas atteint régulièrement la SCI Océane à l'adresse de son siège social, faute d'avoir été signifié à cette adresse, à la suite du refus de l'acte par M. X... ; qu'en retenant cependant que la SCI Océane avait été régulièrement atteinte et la prescription valablement interrompue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 311-1, L. 321-1, R. 321-1 et R. 322-27 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'un commandement aux fins de saisie-vente avait été délivré le 14 juin 2013, soit avant l'expiration du délai de prescription de la créance, à la SCI Océane, dont le siège social est situé ... 75013 PARIS, représentée par son gérant, M. X..., présent à cette adresse, faisant ainsi ressortir que l'acte avait été signifié à personne, et exactement retenu que le refus de l'acte par le gérant étant sans incidence sur la régularité de la signification, la cour d'appel a décidé à bon droit que ce commandement avait interrompu la prescription en application des dispositions de l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en ses première à quatrième branches, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le quatrième moyen :
Vu les articles 1304 et 1907 du code civil, ensemble l'article L. 312-2 du code de la consommation, le dernier dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que pour dire que la contestation du taux effectif global était prescrite, la cour d'appel retient que la SCI Océane, qui ne fait état d'aucun élément nouveau depuis l'octroi du prêt, avait en mains tous les éléments nécessaires à la vérification du taux effectif global, tels qu'énoncés à la convention notariée en date du 9 avril 2001, et pour le contester, le cas échéant, dans le délai imparti pour le faire, soit avant le 9 avril 2006, ce qu'elle n'a pas fait ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la SCI pouvait se convaincre par elle-même, à la lecture de l'acte de prêt, d'une erreur affectant le taux effectif global, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement sur le montant des créances et statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris, dit que la contestation du taux effectif global était prescrite, dit que les intérêts échus avant le 14 juin 2008 étaient prescrits, dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137802 s'établissait à la somme de 152 189, 15 euros arrêtée au 20 septembre 2013 et dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137801 s'établissait à 102 328, 94 euros, arrêtée au 20 septembre 2013 ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.