Livv
Décisions

Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-11.580

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocats :

Me Haas, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Reims, du 31 oct. 2017

31 octobre 2017


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Maintenance industrie (la société) avait pour associés cogérants M. V..., M. F... et M... P..., qui détenaient chacun un tiers des parts de la société ; que M... P... est décédé le 2 novembre 2011, en laissant pour lui succéder Mme G... P... et M. R... P... (les consorts P...) ; qu'invoquant un abus de majorité, les consorts P... ont assigné la société et MM. V... et F..., devenus seuls cogérants, en annulation de I'assemblée générale du 3 mars 2012 ayant décidé d'augmenter la rémunération des deux gérants et en remboursement des sommes indûment perçues ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande des consorts P... fondée sur l'abus de majorité concernant la rémunération allouée aux gérants au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012, l'arrêt retient que la situation de l'entreprise n'a pas été mise en péril puisque, si le résultat net comptable, de 375 euros, était plus faible qu'auparavant, le fonds de roulement restait important par rapport aux salaires versés, qu'un montant de salaire de 75 000 euros n'apparaît pas excessif pour chacun des gérants au regard du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise, quand l'un d'entre eux est décédé en cours d'année, qu'ils ont dû assumer le même travail à deux pour le temps restant de l'année, que le compte courant d'associé a dû être versé au notaire chargé de la succession et qu'il n'apparaît pas non plus anormal de tenir compte de l'âge des gérants, créateurs de l'entreprise, ainsi que de leur départ prochain à la retraite pour fixer leur rémunération ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure que cette décision ait été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique but de favoriser les intérêts des deux associés cogérants, dès lors que les consorts P... faisaient valoir que la rémunération moyenne par gérant était passée de 28 000 euros à près de 105 000 euros après le décès de M... P..., que le résultat net comptable était passé de 164 374 euros à 375 euros, sans politique d'investissement corrélative et en mettant fin à la politique habituelle de distribution d'importants dividendes qui s'élevaient à près de 165 000 euros pour l'exercice précédent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur ce moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'une rémunération de 75 000 euros pour chacun des deux co-gérants ne paraît pas excessive au regard de la situation de la société ;

Qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les gérants avaient perçu la somme de 268 716,10 euros pour l'exercice ayant couru du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, que M... P... était décédé le 2 novembre 2011 et que MM. V... et F... avaient dû assumer le même travail à deux à compter de cette date, de sorte que leur rémunération s'élevait à 104 019 euros en moyenne par gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette les demandes de Mme P... et M. P... tendant au remboursement à la société Maintenance industrie par MM. F... et V... des sommes indûment perçues au titre de l'exercice clos en 2012, et en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts formée par Mme P... et M. P..., en réparation du préjudice qu'ils auraient subi du fait de l'abus de majorité invoqué au titre de cet exercice,
l'arrêt rendu le 31 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.