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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 19 octobre 2015, n° 13/07271

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Alma France (SARL)

Défendeur :

Crédit Du Nord (SA), Silvestri - Baujet (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Wagenaar, Mme Brieu

Avocats :

Me Taillard, Me Dacharry, Me Frago

T. com. Bordeaux, 7e ch., du 25 oct. 201…

25 octobre 2013

EXPOSE DU LITIGE

La société Groupe Alma France, titulaire d'un compte auprès de la banque Crédit du Nord, bénéficiait, depuis le 23 juin 2010, d'un découvert autorisé de 29 000 €uros jusqu'au 15 juillet 2010 et de 16 000 €uros jusqu'au 15 octobre 2010.

Par acte du 30 octobre 2008, la banque Crédit du Nord lui a consenti un crédit d'un montant de 200 000 €uros d'une durée de 84 mois, assorti d'un taux fixe de 6,67 %, et ce afin de financer l'acquisition de 398 parts supplémentaires de la société La Bourse de l'Ile de France.

A titre de garantie, la banque bénéficiait d'un nantissement sur les parts.

En raison des défaillances de l'emprunteur et après mises en demeure, la banque Crédit du Nord a fait assigner la société Groupe Alma France par acte du 19 novembre 2012 et le Tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 25 octobre 2013, a condamné la société Groupe Alma France à payer à la banque Crédit du Nord, les sommes de :

- 42 462,40 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre les intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2012,

- 122 891,36 euros au titre du prêt outre les intérêts au taux de 6,67% majorés de 3% à compter du 26 octobre 2012.

Il a également débouté la société Groupe Alma France de sa demande de délais, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamner la société Groupe Alma France au paiement d'une somme de 500 €uros sur le fondement de l'article 700 du du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

La société Groupe Alma France a relevé appel de ce jugement le 13 décembre 2013.

Par jugement du 26 mars 2014, le Tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Groupe Alma France et a désigné la SCP Silvestri Baujet comme mandataire judiciaire.

Par conclusions d'intervention volontaire signifiées le 6 août 2014, la SCP Silvestri Baujet, es qualité de mandataire judiciaire de la société GAF, demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux,

- débouter la banque Crédit du Nord de sa demande en remboursement du compte courant,

- accorder à la société Groupe Alma France 24 mois de délais sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil, pour s'acquitter de sa dette au titre du solde du prêt,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que le 26 mai 2009 , une saisie-conservatoire a été pratiquée sur son compte . En dépit de ses obligations, la banque Crédit du Nord a omis de conserver les fonds saisis ou de les immobiliser sur le compte lequel était alors créditeur de près de 40 000 €uros. Ce n'est que le 6 février 2012 que la banque, de sa propre initiative , a débité le compte de la somme de 42 300,22 €uros , alors qu'il était débiteur de 3 000 €uros .

Elle soutient qu'en agissant de la sorte, la banque a commis une faute uniquement destinée à couvrir sa propre responsabilité alors que, si elle avait agi conformément à ses obligations en 2009, elle lui aurait permis , postérieurement à cette date , de faire face à ses obligations .

Sur le remboursement du prêt qu'elle ne conteste pas devoir , elle souligne que la banque, en plaçant son compte courant en position débitrice , l'a mise dans l'impossibilité d'honorer les échéances , ce qui justifie l'octroi des plus larges délais de paiement .

Par dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2014 , la banque Crédit du Nord conclut à la confirmation de la décision déférée , réclame la fixation de sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Alma France aux sommes déclarées le 26 mars 2014 soit :

- 42 570,60 euros au titre du solde débiteur du compte courant,

- 139 691,18 euros au titre du prêt Modulinvest,

- 500 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réclame la condamnation de la société Groupe Alma France au paiement d'une somme de 2000 €uros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.

Elle fait valoir que la société Groupe Alma France ne conteste pas le solde débiteur du compte et ne formule aucune demande de dommages et intérêts au titre de la faute qui lui est imputée ;

Si elle ne conteste pas ne pas avoir bloqué les fonds le jour où la saisie-conservatoire a été pratiquée et ne l'avoir fait qu'après avoir reçu l'acte de conversion de la saisie-conservatoire en saisie-attribution, elle souligne que cette situation n'a occasionné aucune préjudice à la société Groupe Alma France qui a pu bénéficier de la somme de 42 300,22 €uros pendant trois ans.

Elle précise que les dispositions de la loi du 9 juillet 1991 n'impose aucune obligation légale de bloquer les sommes mais uniquement de procéder au règlement dès lors que la saisie-conservatoire est convertie en saisie- attribution, au risque , si les fonds n'ont pas été bloqués , de se voir déclarer débitrice des sommes dues à l'égard du créancier saisissant .

Elle rappelle en outre qu'au vu de la saisie-conservatoire, la société Groupe Alma France ne pouvait ignorer son obligation de payer le montant des sommes saisies .

Elle s'oppose à tout délai de paiement.

La société Groupe Alma France, appelante, n'a ni constitué ni conclu .

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 août 2015 et l'affaire a été plaidée le 7 septembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute de la banque Crédit du Nord :

Il n'est pas contesté que le 31 mai 2009, soit cinq jours après que la saisie conservatoire ait été pratiquée sur le compte courant de la société Groupe Alma France , le solde du compte affichait un solde positif de 32 260,13 €uros, la banque Crédit du Nord , qui ne le nie pas , n'ayant pas rendu la somme indisponible conformément aux dispositions de l'article L523-1 du code des procédures civiles d'exécution .

Ce n'est effectivement que le 6 février 2012, soit trois ans plus tard, que la banque a régularisé la procédure et débité le compte courant de la société Groupe Alma France de la somme de 42 300,22 €uros outre la somme de 116 €uros fois deux au titre des frais sur saisie.

Il résulte effectivement de l'article suscité que, ' Lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. La saisie produit les effets d'une consignation prévus à l'article 2350 du code civil '.

En ne rendant pas indisponibles, dès l'acte de saisie , les sommes figurant sur le compte courant de la société Groupe Alma France , il est certain que la banque Crédit du Nord a commis une négligence fautive.

Sur l'existence d'un préjudice :

Il n'est toutefois pas démontré que cette négligence fautive ait engendré un préjudice pour la société Groupe Alma France ; En effet , cette dernière , qui a été parfaitement informée de la saisie-conservatoire pratiquée à son encontre et de l'assignation en paiement délivrée le 18 juin 2009 par son créancier la société Faure Silva , ne pouvait ignorer l'obligation de paiement potentielle qui pesait sur elle et qui s'est concrétisée le 2 février 2012 par l'acte de conversion de saisie-conservatoire de créances qui a été suivi du débit de son compte courant le 6 février 2012.

Il est en outre constant que la société Groupe Alma France a bénéficié pendant trois ans, du fait de la négligence de la banque , de cette somme de 42 300,22 €uros qu'elle n'ignorait nullement devoir un jour payer .

La cour note d’ailleurs, que le mandataire judiciaire de la société Groupe Alma France , qui ne conteste pas le principe de la créance, ne quantifie pas la somme due en réparation du préjudice que la société aurait subi , se contentant de conclure au débouté de la réclamation faite par la banque ce qui ne peut être considéré comme une demande en indemnisation de préjudice et que le tribunal de commerce a justement refusé dès lors que l'existence de la créance est avérée.

Elle confirme en conséquence la condamnation de la société Groupe Alma France, sauf à préciser qu'en raison de la survenance de la procédure de redressement judiciaire de cette dernière , il convient de fixer la créance de la banque Crédit du Nord aux sommes de :

- 42 441,76 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2012,

- 119 180,77 euros au titre du prêt Modulinvest outre intérêts au taux contractuel majoré de 3% à compter du 26 octobre 2012 outre la somme de 3017,82 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée.

Sur la demande de délais de paiement :

La cour constate que , le 6 février 2012, lorsque la banque a procédé au débit du compte courant de la société GAF, celle-ci se trouvait déjà en position débitrice et n'était donc plus en mesure de payer les échéances du prêt que s'élevaient à la somme de 3040,09 €uros .

La société Groupe Alma France ne justifie pas avoir payé depuis lors quelque somme que ce soit alors qu'elle a déjà, du fait de la procédure d'appel , bénéficié d'un délai de près de deux ans . Elle ne produit aucun élément comptable ou financier laissant penser qu'elle puisse effectivement supporter un échelonnement des sommes dues où payer ces sommes au terme du délai de deux ans.

La cour confirme en conséquence le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Groupe Alma France de sa demande de délais de paiement.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Aucune équité ne justifie qu'il soit fait droit à la demande de la banque Crédit du Nord, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans la mesure où la société Groupe Alma France et son mandataire judiciaire, la SCP Silvestri-Baujet, succombent en leurs demandes, les dépens constitueront des frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf à préciser qu'en raison de la survenance de la procédure du redressement judiciaire de la société Groupe Alma France, la créance de la banque Crédit du Nord est fixée aux sommes de :

- 42 441,76 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2012,

- 119 180,77 euros au titre du prêt Modulinvest outre intérêts au taux contractuel majoré de 3% à compter du 26 octobre 2012 outre la somme de 3017,82 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée

Y ajoutant,

Déboute la banque Crédit du Nord de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens constitueront des frais privilégiés de procédure collective.