Cass. com., 6 janvier 2015, n° 13-22.587
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que le 13 septembre 2010, la société Babcock & Brown FDP (la société BBFDP), filiale de la société Babcock & Brown European Investments (la société BBEI), a promis de céder à la société Améthyste, à laquelle s'est substituée la société BWB Saphir (la société BWB), l'intégralité des parts représentant le capital de la société civile BNB Saphir (la société BNB), propriétaire d'immeubles dont l'acquisition avait été financée au moyen de prêts consentis par la banque Morgan Stanley (la banque) et de prêts dits subordonnés consentis par la société BBEI ; qu'il était notamment stipulé que la société cessionnaire des parts sociales se portait fort du remboursement par la société BNB, dans la limite de 18 500 000 euros, de la dette exigible envers la banque, à la date de réalisation de la cession de parts, et, dans la limite de la différence entre un seuil global de 21 995 000 euros et le montant du remboursement au profit de la banque, d'une partie de la dette existante envers la société BBEI, la société cessionnaire devant acquérir, au prix d'un euro, le solde de cette dette ; que la cession des parts a été réalisée par acte du 8 novembre 2010 ; que par acte authentique du même jour, la société BNB a reconnu devoir à la société BBEI, au titre de la dette subordonnée, la somme principale de 3 495 000 euros, deux des immeubles appartenant à la société BNB étant, par le même acte, grevés d'hypothèque au profit de la société BBEI ; que faisant notamment valoir qu'il avait été incomplètement répondu à leurs demandes d'éclaircissements relatives aux anomalies affectant, selon elles, les paiements effectués par la société BNB au titre des prêts, sur instructions de la société BBEI, les sociétés BNB et BWB ont saisi le juge des référés d'une demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que les sociétés BNB et BWB se prévalaient d'éléments qui rendaient plausible l'existence de discordances ou d'inexactitudes entre les données chiffrées retenues dans les actes signés entre les parties et celles correspondant aux paiements réalisés par la société BWB en règlement des prêts, indiqué quels étaient ces éléments et précisé que les sociétés BNB et BWB faisaient valoir que l'expertise allait permettre de démontrer, notamment, qu'elles avaient été victimes d'une tromperie et que la société BBEI n'était titulaire d'aucune créance à l'encontre de la société BNB tandis que celle-ci disposait d'une créance à son égard, retient qu'en application de l'article 1341 du code civil, il ne peut être reçu aucune preuve par témoins ou présomptions contre et outre le contenu de la reconnaissance de dette signée en la forme authentique le 8 novembre 2010 ; qu'il ajoute que les sociétés BNB et BWB ne font nullement état de ce qu'elles vont engager une action en nullité de cet acte ; que l'arrêt en déduit qu'elles ne justifient pas du motif légitime exigé par l'article 145 du code de procédure civile à défaut de finalité probatoire dans un litige futur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés BNB et BWB faisaient valoir que, considérant avoir été victimes d'un dol et d'une fraude, elles avaient assigné les sociétés BBEI et BBFDP devant le juge des référés aux fins d'expertise, avant de saisir la juridiction du fond, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces écritures et a violé le texte susvisé ;
Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle caractérisait par ces motifs l'existence d'un litige potentiel entre les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour se prononcer comme il fait, l'arrêt retient encore que le motif légitime exigé par l'article 145 du code de procédure civile implique que le litige potentiel ne soit pas manifestement voué à l'échec et qu'en l'espèce, toute action envisagée sur le fondement de la promesse de cession par la société cessionnaire le serait manifestement du fait de la prescription instituée par l'article 8 de cet acte ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des sociétés BNB et BWB, qui faisaient valoir que l'article 8 de la promesse de cession était inapplicable dès lors qu'elles ne se prévalaient pas d'une inexactitude, ou de la violation d'une garantie ou d'une déclaration, ou encore de l'inexécution des engagements contenus dans la promesse, mais d'un véritable dol dont la société cessionnaire avait été victime lors de la conclusion de la reconnaissance de dette, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte précité ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.