Cass. com., 10 février 2015, n° 14-11.909
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que, par arrêts des 12 juin et 5 juillet 2012 la cour d'appel de Versailles a fait droit à la requête de la société Quinta communications (la société Quinta), fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, tendant à la désignation d'un huissier de justice pour effectuer diverses constatations dans les locaux des sociétés Technicolor, TNSF, devenue Ericsson Broadcast Services France, et Technicolor Entertainment Services France ; que ces dernières, contestant l'existence d'un motif légitime justifiant une telle mesure, ont assigné la société Quinta en rétractation des deux arrêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rétracter les arrêts des 12 juin et 5 juillet 2012 et ordonner la restitution par l'huissier de justice des documents saisis, l'arrêt retient qu'il appartient à la société Quinta de justifier du caractère fondé de ses requêtes et de ce que ses allégations de violation par la société Technicolor de ses obligations contractuelles et de loyauté en sa qualité d'actionnaire, ainsi que de manoeuvres déloyales, présentent un caractère certain ; qu'il ajoute que, faute de justifier d'agissements de concurrence déloyale de la part du groupe Technicolor susceptibles de prendre naissance dans la violation de la convention d'investissement invoquée contenant une clause de confidentialité et de non-concurrence, la société Quinta ne justifie pas d'un motif légitime de voir ordonner la mesure in futurum ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur le requérant la charge de la preuve du fait que la mesure demandée avait précisément pour objet de rapporter, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa septième branche :
Vu l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore, qu'appliqué au contexte du secret des affaires, l'article 145 du code de procédure civile, invoqué en vue d'une action en concurrence déloyale, suppose l'existence d'indices sérieux de manoeuvres déloyales et que la renonciation par la société Technicolor, actionnaire minoritaire, à l'éventuelle ou potentielle acquisition de certains actifs du groupe Quinta à la suite d'une longue période de partenariat et de coopération et le préjudice allégué en résultant pour la société Quinta ne justifient pas qu'il soit porté atteinte au secret des correspondances pour en établir la consistance ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances entourant la renonciation de la société Technicolor à acquérir certains actifs du groupe Quinta, puis l'acquisition de ces actifs par une filiale de la société Technicolor, à la suite d'une longue période de partenariat et de coopération entre les sociétés Quinta et Technicolor, ne caractérisaient pas un motif légitime, et si la mesure demandée, telle qu'elle était circonscrite, n'était pas nécessaire à la protection des droits de la société requérante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne les sociétés Technicolor, Ericsson Broadcast Services France et Technicolor Entertainment Services France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Quintacommunications la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.