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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 23 janvier 2020, n° 18/28191

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Landesbank Saar (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lebée

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

JEX Paris, du 3 déc. 2018, n° 18/82636

3 décembre 2018

Par acte notarié du 18 novembre 2004, la Landesbank Saar (la banque) a consenti à M. B. et Mme S.-B. (les époux B.) un prêt d'un montant de 600 000 euros, remboursable le 30 novembre 2012. Le remboursement de ce prêt est garanti par une hypothèque inscrite sur un immeuble appartenant aux époux B., situé à Boissy-la-Rivière.

En exécution de cet acte notarié, la banque a fait délivrer aux époux B., le 13 février 2015, un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Le 4 mars 2015, un procès-verbal de saisie-vente a été établi à la demande la banque.

Contestée par les époux B., cette saisie-vente a été déclarée valide par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 7 octobre 2015, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 décembre 2016.

En l'absence de paiement par les époux B., la banque a chargé la scp P.G. Bourgeac de procéder à la vente des biens saisis par l'intermédiaire de Me G., commissaire-priseur. La date de l'enlèvement des meubles saisis a été reportée une fois, suite à un versement de 20 000 euros effectué par Mme S.-S..

La banque a fait pratiquer une saisie complémentaire, le 20 mars 2018, au domicile des époux B..

Par acte d'huissier du 7 février 2018, Mme S.-S. a fait assigner la banque et les époux B. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris aux fins, notamment, de voir distraire à son profit l'ensemble des biens saisis le 4 mars 2015.

Par jugement du 3 décembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme S.-S. et les époux B. de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer à la banque la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 18 décembre 2018, les époux B. ont interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 8 février 2019, les époux B. demandent à la cour, outre des demandes de «'dire et juger'» qui ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, d'annuler le jugement entrepris, à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement attaqué, statuant à nouveau, d'ordonner la distraction de l'ensemble des biens saisis le 4 mars 2015 et la mainlevée de cette saisie sur le mobilier garnissant leur local d'habitation, situé 5 square de la Tour Maubourg à Paris 7ème, d'ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée le 20 mars 2018, de condamner la banque à leur verser la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts pour abus de droit, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de déclarer la banque irrecevable ou subsidiairement mal fondée en ses prétentions, de l'en débouter et de la condamner ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de leur conseil.

Par dernières conclusions du 13 février 2019, Mme S.-S. demande à la cour, outre des demandes de «'dire et juger'» qui ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, d'annuler le jugement entrepris, à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement attaqué, statuant à nouveau, d'ordonner la distraction de l'ensemble des biens saisis le 4 mars 2015 et la mainlevée de cette saisie sur le mobilier garnissant le local d'habitation des époux B., situé 5 square de la Tour Maubourg à Paris 7ème, de condamner la banque à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour abus de droit, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de déclarer la banque irrecevable ou subsidiairement mal fondée en ses prétentions, de l'en débouter et de la condamner ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions du 1er mars 2019, la société Landesbank Saar demande à la cour de déclarer irrecevables, subsidiairement mal fondés, les appels formés par les époux B. et Mme S.-S., de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de rejeter toutes les demandes formées par les époux B. et Mme S.-S. et de condamner ceux-ci solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif et la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.

SUR CE

Sur la recevabilité des prétentions de la banque

Mme S.-S. soutient que la banque, dans ses conclusions du «'10 février 2018'», n'a pas conclu sur sa demande d'annulation du jugement entrepris, ni sur son moyen tiré de l'inapplicabilité à l'espèce des dispositions de l'article R. 221-13 du code des procédures civiles d'exécution, invoqué par le premier juge, de sorte qu'elle serait irrecevable à les contester par la suite en raison de l'obligation de présenter l'ensemble de ses moyens dans ses premières écritures.

Les époux B. demandent également au dispositif de leurs dernières conclusions que les prétentions de la banque soient déclarées irrecevables sans toutefois formuler de moyen de droit ou de fait à l'appui de cette demande.

La banque n'ayant pas invoqué dans ses dernières conclusions de nouveaux moyens concernant la demande d'annulation du jugement formée par les époux B. et Mme S.-S. ni sur leur moyen tiré de l'inapplicabilité à l'espèce des dispositions de l'article R. 221-13 du code des procédures civiles d'exécution, les demandes de ces derniers tendant à voir déclarer irrecevables d'éventuels moyens invoqués par la banque de ces chefs manquent en fait et sont donc mal fondées.

Sur la validité du jugement entrepris

Les époux B. et Mme S.-S. demandent l'annulation du jugement dont appel sur le fondement des articles 4, 455 et 458 du code de procédure civile, au motif que le premier juge n'aurait répondu à aucun de leurs moyens et aurait éludé des pièces claires et précises.

Cependant, la demande des appelants s'analyse en réalité en une critique des motifs retenus par le premier juge, contestant l'applicabilité à l'espèce des dispositions visées par le jugement attaqué et l'analyse des pièces produites retenue par le premier juge, qui a répondu aux prétentions des parties, de sorte que la demande d'annulation du jugement entrepris sera rejetée.

Sur la saisie du 4 mars 2018

Aux termes de l'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Selon l'article R. 221-51 du même code, le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction. À peine d'irrecevabilité, la demande précise les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué.

Les époux B. et Mme S.-S. soutiennent que les dispositions visées par le premier juge ne sont pas applicables à l'espèce, que le versement de 20 000 euros effectué le 12 septembre 2017 par Mme S.-S. avait pour contre-partie l'acquisition des biens objets de la saisie, le document remis par le commissaire-priseur étant intitulé «'transaction'». Ils font valoir que la somme de 20 000 euros excédait la valeur des biens saisis.

La banque soutient que le document établi le 13 septembre 2017 par le commissaire-priseur se borne à constater le versement de 20 000 euros, ne comporte pas la désignation des biens prétendument cédés et n'évoque pas de transfert de propriété. L'intimée fait valoir que le commissaire-priseur n'avait pas qualité pour vendre de gré à gré les biens saisis, que ceux-ci étaient indisponibles en application de l'article R. 221-13 du code des procédures civiles d'exécution et qu'elle n'aurait jamais accepté une telle transaction compte tenu du montant de sa créance et de la valeur des biens saisis.

C'est à bon droit que le premier juge a retenu que les biens objets de la saisie-vente pratiquée le 4 mars 2015 étaient indisponibles en vertu de l'article R. 221-13 et ne pouvaient, dès lors, faire l'objet d'une quelconque transaction visant à les faire changer de propriétaire, relevant que les débiteurs avaient été régulièrement avertis de ce principe par la mention figurant sur le procès-verbal de saisie-vente conformément à l'article R. 221-16, la cour relevant en outre que, comme le soutient à juste titre l'intimée, le document établi le 13 septembre 2017 par le commissaire-priseur, bien qu'intitulé «'transaction'», constate seulement le versement de 20 000 euros, ne comporte pas la désignation des biens prétendument cédés et n'évoque pas de transfert de propriété au profit de Mme S.-S..

Sur la saisie du 20 mars 2018

Les époux B. soutiennent que la saisie mobilière du 20 mars 2018 était inutile compte tenu de l'hypothèque de premier rang dont dispose la banque sur un immeuble mis en vente, dans lequel ils affirment avoir réalisé des travaux depuis le procès-verbal de description établi en 2014 à l'occasion d'une saisie immobilière finalement abandonnée.

La banque s'approprie les motifs du premier juge, soulignant l'absence d'évaluation récente du bien objet de son hypothèque et l'absence de toute proposition de paiement de la part des époux B..

C'est conformément aux dispositions de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive et retenu que le caractère abusif, disproportionné ou abusif de la saisie pratiquée le 20 mars 2018 n'était pas établi par les époux B. au regard du montant de la créance de la banque, qui s'élevait à la somme de 907 421,03 euros au 3 avril 2018, et du caractère peu entretenu du bien immobilier sur lequel la banque détient une hypothèque, les époux B. ne produisant pas plus à hauteur d'appel qu'en première instance de pièces de nature à contredire le procès-verbal de description établi en 2014, les photographies versées aux débats ne démontrant pas la réalisation de travaux depuis cette date et aucune estimation de la valeur de ce bien immobilier en vente depuis 2014 n'étant fournie.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la banque

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits. Faute pour la banque d'établir cet abus, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Succombant, les époux B. et Mme S.-S. seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer à la banque la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le principe d'une condamnation solidaire n'étant pas discuté en l'espèce.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation du jugement formée par les époux B. et Mme S.-S. ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum les époux B. et Mme S.-S. aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Landesbank Saar la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.