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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 29 juin 2017, n° 2015/17204

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Orange (SA)

Défendeur :

Free (SAS), Free Mobile (SAS), Arcep

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Michel-Amsellem

Conseillers :

M. Douvreleur, M. Mollard

Avocats :

Me Viala, Me Taytaud, Me Fréget, Me Delannoy

CA Paris n° 2015/17204

28 juin 2017

À titre liminaire, il convient de préciser que les société Free et Free Mobile ainsi que la société Orange utilisent la désignation « Free » indifféremment pour mentionner tantôt les deux sociétés, tantôt l'une d'elles. Il sera, pour faciliter la lecture du présent arrêt, utilisé la désignation « les sociétés Free », lorsque les deux sociétés seront concernées indifféremment et utilisé la désignation la société Free ou la société Free Mobile lorsque seule l'une d'entre elles sera concernée.

Faits et procédure

Les sociétés Orange et Free sont des opérateurs de communications électroniques de gros et de détail, présents à la fois sur le marché du haut et très haut débit fixe et sur les marchés de mobiles (2G, 3G et 4G).

Les réseaux fixe de communications électroniques, (désignation des réseaux de communications électroniques pour des installations fixes) présentent une architecture hiérarchisée qui s'articule schématiquement autour de trois niveaux : le réseau dorsal (ou « backbone »), le réseau de collecte et le réseau de desserte des abonnés (ou «boucle locale»). Les réseaux de collecte font le lien entre le réseau dorsal et les réseaux de desserte. Ils permettent l 'acheminement des trafics de télécommunication depuis et jusqu'aux points de desserte auprès desquels sont installés les équipements actifs de distribution des opérateurs permettant de fournir des services de communication électroniques aux abonnés.

Depuis 1998, date de l'ouverture du marché fixe de téléphonie électronique, la société Orange, alors dénommée France Télécom, opérateur historique de ce marché et propriétaire du réseau, est contrainte de permettre l'accès des opérateurs alternatifs à la boucle locale de cuivre. Cet accès est dénommé « dégroupage » de la boucle locale de cuivre (le dégroupage).

Cette boucle locale de cuivre est un réseau local de desserte des abonnés. Elle est constituée par les paires de fils de cuivre torsadés qui relient les locaux de chaque abonné final (prise téléphonique) au répartiteur principal du réseau installé au sein d'un noeud de raccordement d'abonnés (le NRA).

Les fils de raccordement de cuivre, le répartiteur principal et le NRA sont des infrastructures dites « passives » « ou inactivées » car elles ne permettent pas par elles mêmes de recevoir les signaux électromagnétiques transportant la voix et les données. Pour réaliser cette transmission, il est nécessaire d 'activer des éléments actifs qui vont injecter et transmettre les signaux électromagnétiques sur le réseau.

Le dégroupage est donc une modalité d'accès passif des opérateurs à la boucle locale de cuivre, propriété d'Orange. L'opérateur concerné loue les infrastructures passives d'Orange et installe ses propres équipements actifs soit au sein, soit à proximité du NRA auquel sont reliés, notamment, les câbles de fibres optiques permettant la collecte des données et qui sont eux mêmes reliés au réseau dorsal de l'opérateur. Ces derniers liens peuvent être installés par chaque opérateur, lequel peut aussi décider d'emprunter les réseaux de collecte de la société Orange ou encore ceux déployés par les collectivités locales. Ces réseaux de collecte permettent une connexion à très haut débit.

Par une décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale de cuivre, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'ARCEP) a, afin de permettre l'émergence d'offres autonomes et innovantes proposées par des opérateurs alternatifs, décidé d'imposer à la société Orange de formuler une offre d'accès à son réseau de collecte en fibre optique existant à des tarifs ne faisant pas obstacle à l'extension du dégroupage. Cette offre, dite « Lien Fibre Optique » (l'offre LFO), consiste en une offre de collecte passive permettant le raccordement des NRA d'Orange au réseau dorsal de chaque opérateur par la mise à disposition de fibres noires, c'est-à- dire inactivées, installées par Orange mais non utilisée par elle pour ses propres besoins.

Par la décision n° 2014-0733 du 26 juin 2014 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché, décision de régulation ex ante prise dans le cadre de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques et qui constitue le 4ème cycle d'analyse des marchés haut et très haut débit fixe, l'ARCEP a estimé que la société Orange, par son exploitation de la boucle filaire locale, exerçait une influence significative sur le marché des offres de gros d'accès aux infrastructures constitutives de la boucle filaire locale. Elle a imposé à ce titre à la société Orange, notamment, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables de raccordement passif des répartiteurs distants permettant de collecter les flux issus des boucles locales qu'elles soient en cuivre ou en fibre optique, en tant que ressource associée à l'accès aux boucles locales filaires, à des tarifs non excessifs, ne faisant pas obstacle à l'extension du dégroupage et au déploiement de boucles locales optiques.

Le réseau de communication mobile s'organise autour de boucles locales radioélectriques déployées par les opérateurs de réseaux « mobile ». Ces boucles locales sont composées de sites dédiés (stations de base générant des ondes de radiocommunications reliées à des antennes fixées sur des supports). Elles maillent le territoire métropolitain et doivent être reliées au reste du réseau de l'opérateur par des liens qui assurent la transmission des données entre le site et un point du réseau situé en amont.

Trois types de supports peuvent être utilisés pour assurer le raccordement des sites de communication sur mobile (les sites mobile) et l'acheminement des flux issus des boucles locales : soit un support filaire en cuivre, limité en débit, soit un support radioélectrique reposant sur l'utilisation des faisceaux hertziens permettant des débits plus importants soit, enfin, un support filaire en fibre optique, déployé dans les infrastructures de génie civil de la société Orange par elle même ou des opérateurs alternatifs.

La fibre optique permet de raccorder le site à différents points en amont du réseau où l'opérateur est présent, en particulier un NRA ou un n'ud de raccordement optique (NRO), lequel est un point de concentration d'un réseau en fibre optique où sont installés les équipements actifs à partir desquels l'opérateur active les accès de ses abonnés. Compte tenu de la croissance de la demande et des débits proposés grâce à la technologie 4G, qui permet des offres couplées téléphonie, Internet et télévision, les opérateurs ont de plus en plus intérêt à recourir à la fibre optique pour établir des liens pérennes et permettant d'écouler des débits supérieurs.

Depuis le milieu des années 2000, les évolutions technologiques des infrastructures organisant les marchés de téléphonie fixe et mobile ont conduit à une despécialisation progressive de ces réseaux fixe et mobile, permettant leur convergence.

Les opérateurs mobile peuvent ainsi, lorsqu'ils disposent d'un accès à un réseau fixe, utiliser une partie de ces infrastructures fixe (tant les réseaux dorsaux que les réseaux de collecte) pour le compte de leurs services mobile.

Au cours des dernières années, se sont développées des opérations de « montée en débit » qui consistent à réaménager le réseau de boucle locale de cuivre en créant, au niveau du sous répartiteur un nouveau NRA raccordé en fibre optique, appelé NRA de montée en débit. Ce NRA de montée en débit étant plus proche de l'abonné et étant raccordée en amont par de la fibre optique, les fournisseurs d'accès à Internet peuvent ainsi offrir de meilleurs débits à leurs abonnés.

Acteur à l'origine sur le marché du haut et du très haut débit fixe, la société Free a, dans le cadre de la montée en débit (mutation vers la technologie 4G notamment), entrepris de remplacer la paire de cuivre louée auprès de la société Orange dans le cadre du dégroupage, par la fibre optique. Elle a, pour ce faire, déployé sa propre fibre optique en utilisant, notamment, l'offre régulée d'Orange d'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale et elle utilise pour la collecte soit un réseau de fibre optique qu'elle a déployé, soit des liens LFO dont elle loue l'usage auprès d'Orange.

La société Free a conclu avec la société Orange plusieurs conventions aux fins d'encadrer les différentes prestations permettant d'accéder à la boucle locale filaire de cette dernière :

- Les prestations d'hébergement fournies par la société Orange à la société Free sont régies, d'une part, par la « convention d'accès à la boucle locale de France Télécom » conclue le 28 avril 2010, d'autre part, par la « convention d'hébergement d'équipements au sein de locaux de la société Orange pour l'exploitation des boucles locales en fibre optique » conclue le 29 octobre 2013.

- Les prestations de collecte fournies par la société Orange à la société Free sont régies d'une part, par un contrat intitulé « Service de collecte NRA » conclu le 12 avril 2006, permettant la souscription de liens en fibre optique bi fibres, d'autre part, par un contrat intitulé « Service de collecte NRA sur Lien Fibre Optique » conclu le 17 avril 2012, permettant la souscription de liens mono fibre.

Ces conventions avaient été conclues dans un contexte où il n'était pas encore envisagé que ces liens puissent être utilisés pour les communications mobiles. Mais dans le contexte général de convergence croissante des réseaux fixe et mobile, les sociétés Free et Free Mobile (ci après les sociétés Free) ont entrepris d'utiliser ces prestations (tant les prestations de collecte que d'hébergement) aux fins d'acheminer les flux issus de leurs sites mobile raccordés en fibre optique.

Contestant qu'un tel usage de ses infrastructures soit prévu par les conventions conclues entre elles, la société Orange a annoncé, début 2014, son intention de proposer des évolutions contractuelles aux sociétés Free concernant l'utilisation des prestations d'hébergement et de collecte. Les sociétés Free ont rejeté ces propositions par deux lettres de leur avocat, la première du 10 août 2014, la seconde du 13 novembre suivant. Au mois de décembre 2014, la société Orange a fait de nouvelles propositions. Ces propositions tarifaires étaient, comme pour l'« usage de base » c'est-à- dire celui concernant les flux fixe, déterminées au mètre linéaire, par catégories en fonction du nombre de lignes du NRA à raccorder, et se chiffraient à un euro supplémentaire par rapport au tarif de base par mètre et par an.

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Par lettre du 12 mars 2015, les sociétés Free ont refusé ces propositions et ont mis la société Orange en demeure de leur adresser, dans un délai de 10 jours, de nouveaux contrats autorisant explicitement et sans sur tarification l'utilisation des prestations d'hébergement et de collecte pour le raccordement optique des éléments de réseau distants.

La société Orange n'ayant pas accepté leurs exigences, les sociétés Free ont formé une demande de règlement de différends auprès de l'ARCEP, qui a été enregistrée le 1er avril 2015.

Par une décision n° 2015-0971 RDPI, du 28 juillet 2015, l'ARCEP a dit que :

- La société Orange doit proposer aux sociétés Free et Free Mobile une convention d'accès aux prestations d'hébergement, au sein de ses NRA et NRO, d'équipements permettant l'acheminement des flux issus des sites mobile raccordés en fibre optique, à des tarifs reflétant des coûts correspondant - Ce point de la décision n'est pas contesté - ;

- la société Orange doit proposer aux sociétés Free et Free Mobile une convention permettant à ces sociétés de collecter, en sus des flux collectés dans le cadre de l'utilisation de l'offre de location d'un lien de fibre noire mentionnée à l'article 13 de la décision de l'ARCEP n° 2014-0733 du 26 juin 2014, les flux issus de leurs sites mobile raccordés en fibre optique, sans tarif supplémentaire par rapport au tarif de cette offre.

Dans sa décision, l'ARCEP a précisé que les tarifs de la prestation de collecte des flux provenant de sites mobile raccordés en fibre optique ne sont pas soumis à l'obligation tarifaire de non excessivité prévue par la décision analyse de marché du 26 juin 2014, mais qu'il lui appartenait d'examiner en équité les prétentions des sociétés Free au regard des objectifs de la régulation mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques.

Elle a ensuite précisé qu'elle n'avait pas, dans le cadre du différend, à se prononcer sur l'existence d'un marché pertinent de la collecte, puis affirmé qu'il était justifié que les sociétés Free puissent mutualiser l'ensemble de leurs flux fixe et mobile en recourant à leur réseau de collecte existant, qui repose notamment sur des liens souscrits dans le cadre de l'offre LFO de la société Orange, principe que ne conteste pas la société Orange.

En revanche, sur la tarification de cette prestation, objet même du différend, l'ARCEP a conclu que la société Orange ne peut facturer aux sociétés Free de tarif supplémentaire lorsque celles ci utilisent l'offre LFO pour collecter, outre les flux fixe, les flux issus des sites mobile raccordés en fibre optique et ce, dans la mesure où :

- faire varier le tarif des liens de collecte passive en fibre optique en fonction des usages et de la nature du raccordement des sites mobile va à l'encontre des objectifs d'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, de développement de l'innovation et de neutralité technologique ;

- il n'existe aucun élément justifiant que la société Orange puisse s'approprier la valeur découlant des seuls investissements de son concurrent ;

- la société Orange ne fournit pas de prestation supplémentaire aux sociétés Free pour ce nouvel usage et ne supporte pas de coût supplémentaire ;

- le tarif régulé selon le principe de non excessivité procure, en tout état de cause, une marge commerciale à la société Orange.

LA COUR

Vu le recours formé par la société Orange contre la décision de l'ARCEP n° 2015-0971 RDPI du 28 juillet 2015 ;

Vu les conclusions déposées le 28 septembre 2015, puis le 17 octobre 2016 par la société Orange ;

Vu les observations déposées par l'ARCEP le 3 juin 2016 ;

Vu les conclusions déposées le 4 avril 2016 et le 21 novembre 2016 par la société Free et la société Free Mobile ;

Vu l'avis du ministère public déposé le 7 décembre 2016 et communiqué aux parties le même jour ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 8 décembre 2016, les conseils de la société Orange puis des sociétés Free et Free Mobile, le conseil de l'ARCEP et le ministère public, les parties ayant eu la parole en dernier et eu la possibilité de répliquer ;

SUR CE

Sur la procédure

Il convient de rappeler qu'en application de l'article R. 11-5 du code des postes et communications électroniques, un calendrier de procédure a été établi, en présence des parties et avec leur accord, par ordonnance du 27 octobre 2015. Ce calendrier prévoyait qu'à la suite du recours, les sociétés Free déposeraient leurs mémoires avant le 4 avril 2016, que l'ARCEP déposerait ses observations avant le 3 juin 2016 et que « Tous mémoires en réplique » devraient être déposés avant le 17 octobre 2016. Ce calendrier peut être modifié en fonction des nécessités de la procédure et des droits de la défense, mais il instaure une confiance entre les parties qui repose sur la conviction qu'a chacune d'elles qu'il sera respecté par la partie adverse.

Le 21 novembre 2016, les sociétés Free ont déposé des conclusions en duplique dont la société Orange soutient l'irrecevabilité.

Il ressort des conclusions en duplique déposées par les sociétés Free en dehors des dates prévues par le calendrier de procédure, qu'elles complètent leur précédent mémoire par l'ajout de 106 paragraphes afin de répondre aux conclusions déposées par la société Orange le 17 octobre précédent. Il ne résulte pas des conclusions des sociétés Free du 21 novembre 2016 que les nécessités des droits de la défense aient rendu indispensables des développements nouveaux, ce que les sociétés Free ne soutiennent d'ailleurs nullement. De plus, compte tenu de la date à laquelle ont été déposées ces conclusions, plus d'un mois après le dépôt des répliques de la société Orange et quinze jours avant l'audience de plaidoirie, de la complexité du litige et des arguments développés, il était impossible pour la société Orange de produire une contre argumentation à ces développements nouveaux. Elles ont ainsi, sans être indispensables, rompu l'équilibre des droits de la défense.

Il convient en conséquence de déclarer les conclusions en duplique des sociétés Free déposées en dehors du calendrier de procédure irrecevables.

Sur le fond

La société Orange demande à la cour d'appel d'annuler la décision et, statuant à nouveau, de :

- dire qu'Orange est fondée à appliquer un tarif spécifique pour la collecte des flux issus des sites mobile des sociétés Free raccordés en fibre optique ;

- dire au cas particulier que le niveau tarifaire fixé par Orange pour la collecte des flux issus des sites mobile des sociétés Free raccordés en fibre optique est justifié.

Les sociétés Free demandent à la cour de rejeter le recours de la société Orange.

L'ARCEP et Mme L'avocate générale concluent au rejet du recours.

Au soutien de sa demande d'annulation, la société Orange fait valoir trois moyens principaux :

- la décision méconnaîtrait les objectifs de la régulation de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques ;

- la décision, en ce qu'elle applique un niveau tarifaire équivalent à celui qui pèse sur une offre régulée à une prestation non régulée, serait illégale et violerait le principe de confiance légitime ;

- la décision méconnaîtrait les exigences de motivation et d'équité des articles L. 34-8 et L. 36-8 du code des postes et communications électroniques, dans son appréciation du niveau tarifaire de l'offre LFO pour la collecte des flux mobile optiques.

Ces moyens seront examinés tour à tour.

1. Sur la méconnaissance des objectifs de la régulation de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques

La société Orange rappelle que la décision attaquée admet que « les tarifs de la prestation de collecte des flux provenant des sites mobile raccordés en fibre optique ne sont pas soumis à l'obligation tarifaire de non excessivité prévue par la décision du 26 juin 2014 » et que c'est donc au regard des objectifs mentionnés par l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques que devait être analysé le caractère équitable ou non de la demande des sociétés Free.

Or selon la requérante, la décision attaquée méconnaît l'objectif de concurrence loyale entre opérateurs et le principe de la concurrence par les infrastructures à trois égards :

En premier lieu, autoriser la société Free Mobile à utiliser l'offre LFO de la société Orange afin d'acheminer ses flux mobile optique et ce, sans aucune contrepartie tarifaire, aboutirait inévitablement à lui octroyer, ainsi qu'au modèle de déploiement de son réseau mobile, un avantage préférentiel injustifié au détriment de la société Orange et des autres opérateurs, les sociétés Bouygues Télécom et SFR, qui ont tous dû procéder à de lourds investissements pour assurer par eux mêmes le raccordement de leurs réseaux mobile.

En deuxième lieu, la société Orange conteste l'argument retenu par l'ARCEP selon lequel, d'une part, les sociétés Free présenteraient un profil similaire au sien et, d'autre part, l'application d'une tarification spécifique priverait les sociétés Free du bénéfice de synergies dont elle même aurait bénéficié, puisque, jusqu'à la fusion entre la société Orange France et la société France Télécom en 2013, Orange France achetait des prestations de collecte à France Télécom dans les mêmes conditions que les autres opérateurs.

En troisième lieu, la société Orange oppose qu'elle même, ainsi que les sociétés Bouygues Télécom et SFR, ont développé respectivement leurs réseaux mobile dans des conditions équivalentes et que l'avantage accordé à la société Free Mobile par la décision attaquée ne bénéficiera qu'à celle ci, au détriment des autres, qui n'ont pu l'intégrer dans le déploiement de leurs propres réseaux.

Sur ce dernier point, elle fait valoir que les investissements réalisés par les sociétés Free bénéficient d'un niveau de protection supérieur à celui des autres opérateurs, ce qui aboutit, selon elle, à mécaniquement dévaloriser les investissements de ces derniers. Elle ajoute qu'il est indifférent que l'utilisation de ses liens de collecte pour l'acheminement des flux mobile issus de la boucle locale optique des sociétés Free soit génératrice ou non de coûts supplémentaires pour elle, puisque le seul fait que les prestations ne sont pas soumises aux mêmes obligations tarifaires suffit à rendre légitime une différenciation tarifaire. Elle précise à ce sujet que le prix d'une prestation commerciale peut parfaitement être déterminé sans référence aux coûts du prestataire, mais en tenant compte des avantages procurés au bénéficiaire, et elle rappelle les risque commerciaux qu'elle a pris pour investir massivement dans le développement de son réseau.

Par ailleurs, la société Orange soutient que la décision attaquée méconnaît le principe de proportionnalité et fait obstacle, de ce fait, à la préservation d'une concurrence loyale effective entre les opérateurs.

Selon elle, en effet, la solution adoptée par l'ARCEP octroie un nouvel avantage tarifaire aux sociétés Free et méconnaît de façon manifeste le principe de proportionnalité.

Elle fait valoir que cet avantage s'avère disproportionné, compte tenu des nombreux avantages déjà accordés à la société Free (avantages asymétriques dans les autorisations délivrées en 2001 et 2002 aux opérateurs Orange, Bouygues Télécom et SFR ; tarification inférieure à celle de ses concurrents pour disposer du droit d'exploiter commercialement les fréquences 3G pour ses activités mobile ; asymétrie de niveaux de terminaison d'appel vocal entre le 1er août 2012 et le 31 décembre 2013 qui lui a procuré un gain de plusieurs millions d'euros ; bénéfice de l'évolution réglementaire introduite par l'analyse de marché de l'ARCEP le 4 juin 2011 permettant à tout opérateur d'utiliser l'offre de dégroupage pour le raccordement de ses antennes mobile sur les boucles locales en cuivre).

Elle précise à ce sujet que le groupe Free est devenu le troisième opérateur mobile français devant Bouygues Télécom et que son parc d'abonnés n'a cessé de croître, de même que son chiffre d'affaires. Elle rappelle que son offre LFO n'est en aucun cas indispensable pour les opérateurs mobile qui lui sont concurrents et qu'elle ne constitue qu'une modalité permettant de créer des synergies entre réseaux fixe et réseaux mobile. Il est donc, selon elle, tout à fait normal de lui appliquer des modalités tarifaires permettant un juste partage de la valeur créée par ces synergies.

Elle ajoute que la décision aboutit à octroyer un avantage tarifaire aux sociétés Free, en violation du principe de proportionnalité, ainsi que du principe d'une concurrence loyale et effective entre les opérateurs. Elle précise qu'aucun élément objectif ne saurait justifier une nouvelle asymétrie de traitement par rapport aux avantages ayant déjà accompagné l'entrée de cette société sur le marché du mobile en 2012.

À cet égard, elle indique que les sociétés Free ont bénéficié en 2012, lors de leur entrée sur le marché, de nombreux avantages que l'équité impose de prendre en compte dans le cadre de ce règlement de différend et ajoute que la sur tarification est justifiée dans la mesure où les sociétés Free disposent de solutions alternatives pour la collecte de leurs flux mobiles (création d'une infrastructure propre ou utilisation des collectes optiques déployées par d'autres opérateurs).

À l'inverse, les sociétés Free considèrent que la décision attaquée ne méconnaît pas les objectifs de régulation de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques.

Elles font valoir que la décision est proportionnée et n'est pas entachée d'illégalité dans la mesure où elle a été prise en équité, conformément aux prescriptions des articles L. 34-8 I et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, et en poursuivant les objectifs de la régulation prévus à l'article L. 32-1 de ce même code.

Elles soutiennent que la décision ne leur confère aucun avantage particulier et ne va pas à l'encontre du principe de concurrence loyale.

L'ARCEP rappelle que, statuant en équité dans cette espèce, elle dispose d'un pouvoir d'appréciation tendant à la poursuite des objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques qu'elle doit concilier les uns avec les autres et fait valoir que la société Orange ne démontre pas qu'elle aurait commis une erreur d'appréciation entachant sa décision d'irrégularité.

* * *

L'article L. 32-1 II du code des postes et des communications électroniques, dans sa version applicable à la date du prononcé de la décision attaquée, énonce que, dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'ARCEP prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent, notamment :

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques. A ce titre, ils veillent à l'exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus et, lorsque cela est approprié, à la promotion d'une concurrence fondée sur les infrastructures ;

3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace notamment dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

3° bis A tenir compte, lorsqu'ils fixent des obligations en matière d'accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d'investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non discrimination ;

(...)

4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

(...)

13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

(...) ».

Il n'est pas contesté que les tarifs de la prestation de collecte des flux provenant de sites mobile raccordés en fibre optique ne sont pas soumis par la réglementation en vigueur à l'obligation tarifaire de non excessivité, prévue par la décision d'analyse de marché n° 2014-0733 rendue par l'ARCEP le 26 juin 2014.

Dans ce contexte d'absence d'obligation relative à la fixation du prix des prestations de collecte par LFO lorsqu'elles concernent des flux mobile, l'ARCEP devait examiner s'il était conforme aux objectifs de l'article L. 32'1 du code des postes et communications électroniques sus mentionnés que soit imposée à la société Free une tarification plus élevée que celle appliquée pour la prestation de collecte des flux fixe par LFO, lorsque cette prestation est utilisée pour l'acheminement des flux de ses sites mobile raccordés en fibre optique.

De plus, l'ARCEP devait, au regard des préconisations des dispositions précitées, procéder à une analyse globale des problématiques posées par le règlement du différend qui lui était soumis.

Il convient à ce sujet de relever, à titre liminaire, qu'ainsi que l'ARCEP l'indique dans ses observations, la création de leur propre réseau de desserte filaire optique par les opérateurs leur rend inutile le recours au dégroupage de la boucle locale de cuivre d'Orange, ce qui contribue au développement d'une concurrence effective entre les opérateurs, tant en ce qui concerne les flux de données fixe que les flux de données mobile, et à la promotion, lorsque cela est approprié, de la concurrence par les infrastructures, qui sont des objectifs de la régulation sectorielle. Par ailleurs, ce développement est particulièrement intéressant pour le secteur et pour les consommateurs, puisqu'il permet de proposer aux abonnés des débits bien supérieurs à ceux du cuivre, adaptés à l'augmentation du volume de données engendrée par les développements de la technologie de l'information et de la communication et d'un haut degré qualitatif.

Cependant, le développement effectif de ces boucles locale filaires optiques implique qu'elles soient raccordées à un réseau de collecte efficace techniquement et économiquement, afin que les données puissent être transportées. La décision attaquée relève sur ce point qu'en juillet 2015, plus de la moitié des NRA dégroupés étaient collectés par le biais de l'offre LFO et que ce volume tendait à augmenter, tandis que les autres NRA dégroupés étaient collectés par des déploiements en propre des opérateurs ou par le recours à des réseaux d'initiative publique de collecte. Dans une consultation publique de 2013 (« Quatrième cycle d'analyse des marchés 4, 5 et 6. Marchés pertinents du haut et du très haut débit Bilans et perspectives - Juillet 2013 »), l'ARCEP a souligné que l'accès aux réseaux de collecte était essentiel pour le déploiement par les opérateurs alternatifs de boucles locales optiques venant se substituer au dégroupage de la boucle locale de cuivre. Elle proposait que l'offre LFO d'Orange puisse « devenir une offre de collecte passive générique permettant la collecte des flux issus des boucles locales de cuivre et optiques, raccordant aussi bien les clients résidentiels que les sites professionnels (...) ». Cette préconisation a été reprise par l'ARCEP dans sa décision de marché n° 2014-0733 du 26 juin 2014.

Dans la décision attaquée, l'ARCEP a relevé, en premier lieu, que la différenciation tarifaire imposée à la société Free et reposant sur une différenciation des usages et de la nature du raccordement ainsi que des flux (fixe ou mobile) qui transitent sur le réseau de collecte en amont d'un n'ud de raccordement est de nature à limiter la capacité de l'opérateur client à développer de nouveaux usages ou services, tout en procurant à l'opérateur fournisseur de l'offre un avantage concurrentiel en obligeant l'opérateur client à le tenir informé de ses innovations. En effet, les flux n'étant pas par eux mêmes différenciables, la sur tarification obligerait l'opérateur client, en l'occurrence les sociétés Free, à informer la société Orange de la nature des flux concernés (fixe ou mobile), et donc des services rendus, afin que puisse être déterminé quel tarif est applicable. De la même façon, l'ARCEP a estimé que cette différenciation était de nature à ralentir les activités de l'opérateur client, puisqu'il devrait attendre l'approbation et la tarification du nouveau service ou usage, avant de pouvoir le proposer aux usagers.

La société Orange ne conteste pas que la différenciation tarifaire ait pour effet d'obliger l'opérateur client à informer l'opérateur fournisseur de l'offre sur la nature des flux concernés et sur les services rendus et que cette démarche soit de nature à limiter la capacité de l'opérateur client à développer de nouveaux usages ou services, tout en procurant à l'opérateur fournisseur de l'offre un avantage concurrentiel sur son client.

Ainsi, c'est à juste titre que l'ARCEP a relevé que la sur tarification imposée par la société Orange est de nature à limiter l'incitation de la société Free à investir pour remplacer les paires de cuivre dégroupées reliant ses sites mobile au noeud de raccordement d'Orange par des fibres optiques, alors que la transition vers les réseaux à très haut débit et la couverture de l'ensemble du territoire national par de tels réseaux constituent un enjeu majeur pour le secteur et qu'en outre, la société Free souhaite à l'avenir investir dans des réseaux de nouvelle génération.

Sur ce point, l'ARCEP a encore observé que la société Orange n'avait eu, de son côté, à réaliser aucun investissement supplémentaire pour permettre à son réseau de collecte en fibre optique de transmettre les flux issus de sites de téléphonie mobile en sus des flux issus de sites de téléphonie fixe, tandis que la sur tarification imposerait aux sociétés Free un coût supplémentaire pour raccorder le réseau de boucle locale filaire optique dans lequel elles ont investi et au sujet desquels elles ont annoncé d'autres investissements. L'ARCEP en a, à juste titre, déduit que la sur tarification constituait une captation de la valeur susceptible d'être créée par les seuls investissements de son concurrent, ce qui est contraire à l'objectif de favoriser le développement de l'investissement efficace, notamment, dans les structures améliorées et de nouvelle génération.

Enfin, l'ARCEP a relevé que la société Orange avait précisé que, pour déterminer les tarifs des prestations d'hébergement et de collecte en cause, elle avait fixé un tarif global en rapport avec la valeur retirée de leur utilisation qu'elle a ensuite ventilée sur chacune de ces prestations, mais sans expliquer comment elle avait évalué la valeur retirée par l'usage des prestations, ni précisé son montant. Elle a constaté que la méthode utilisée, reposant sur une évaluation du coût de construction d'un réseau de collecte mobile en fibre optique et de celui de construction en propre d'un réseau de collecte mobile en faisceaux hertziens, revenait à prélever une part significative, voire la totalité des gains d'efficacité que les sociétés Free pouvaient attendre des synergies de leurs réseaux fixe et mobile sur le segment de la collecte.

L'ARCEP a considéré que cette méthode ne pouvait être justifiée par la préoccupation d'éviter des distorsions de concurrence entre les opérateurs. Elle a retenu à ce sujet qu'au contraire de ce que prétendait la société Orange, les principaux risques de concurrence résulteraient de la captation d'une part significative des gains d'efficacité des sociétés Free par la facturation complémentaire et précisé que celle ci aurait pour effet de limiter les possibilités de convergence et de mutualisation des réseaux et de donner à la société Orange la possibilité de se poser en arbitre des choix d'investissements des sociétés Free, avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché de détail. Par ailleurs, elle a observé que les sociétés Orange et Free présentaient des profils similaires d'opérateurs présents sur le marché des télécommunications fixe se diversifiant sur celui des télécommunications mobile et rationnalisant les investissements réalisés par une réutilisation du réseau fixe pour l'usage du mobile. Elle a considéré à juste titre que la sur facturation imposée revenait à priver les sociétés Free des synergies dont la société Orange a elle même bénéficié et à limiter leur compétitivité sur les marchés de détail mobile et fixe, par rapport aux branches de détail de la société Orange, qui bénéficient pleinement et depuis plusieurs années des synergies fixe et mobile sur le segment de la collecte.

La cour approuve cette motivation qu'elle fait sienne.

La société Orange n'est pas fondée à soutenir que cette analyse aboutirait à octroyer un avantage préférentiel injustifié aux sociétés Free ainsi qu'au modèle de déploiement de son réseau mobile au détriment de ses concurrents (les sociétés Orange, Bouygues et SFR), lesquels ont procédé à de lourds investissements pour assurer par eux mêmes le raccordement de leurs réseaux mobile.

En effet, chacun de ces opérateurs a procédé en son temps à des choix industriels qui lui étaient propres et qu'il a estimé être les plus conformes à ses intérêts, compte tenu des infrastructures dont il disposait alors et des perspectives de développement qui étaient les siennes. Le fait qu'ils aient procédé à ces choix ne saurait conduire à imposer aux sociétés Free, nouvelles entrantes sur le marché, qui ne disposaient pas de ces infrastructures, de supporter un coût équivalent à leur construction, alors même que leurs offres reposent sur un modèle économique différent et qu'elles même ont fortement investi dans le déploiement de boucles locales optiques et doivent le faire encore, participant ainsi à la modernisation du secteur et au développement de la concurrence dans celui ci. Par ailleurs, la cour relève que les sociétés Free ne bénéficient pas gratuitement de l 'accès au réseau de collecte en fibre optique de la société Orange pour leurs flux de télécommunications mobile, mais qu'elles paient cet usage au prix fixé pour l'usage relatif aux flux

de télécommunication fixe. Enfin, si, antérieurement à 2013, la société Orange achetait des prestations de lien de collecte à sa société mère France Télécom, ces achats, clairement identifiés pour des raisons comptables, demeuraient cantonnés au sein du groupe dans le périmètre de la consolidation comptable. En tout état de cause, il n'en demeure pas moins que la société Orange utilise désormais de façon mutualisée ce réseau de collecte sans coût supplémentaire, contrairement à ce qu'elle souhaite imposer à sa concurrente sur les marchés de détail des télécommunications fixe et mobile.

Dans ces circonstances, la société Orange n'est pas fondée à soutenir que les sociétés Free bénéficieraient d'un avantage dont ne bénéficieraient pas les autres opérateurs, alors qu'elle même se trouve dans une situation identique et que, si d'autres opérateurs souhaitaient mettre en place une même mutualisation de l'usage de son réseau de collecte en fibre optique pour le transport des données de télécommunications fixe et mobile, ils le pourraient aux mêmes conditions, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être développées.

En outre, et contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée respecte le principe de proportionnalité.

En effet, elle a pour effet d'éviter que les sociétés Free supportent un coût artificiel qui ne correspond à aucune charge supplémentaire pesant sur la société Orange. Elle permet ainsi de rationaliser dans le sens de l'intérêt général les réseaux filaires déployés par les opérateurs et contribue à la réalisation de l'objectif d'investissement efficace dans les réseaux de nouvelle génération. De plus, cette décision ne dévalorise en rien les choix technologiques différents d'autres opérateurs ayant opté pour une autre architecture ou d'autres procédés technologiques qui, compte tenu de leur histoire et de leur réseau, ont été jugés comme étant plus conformes à leurs propres intérêts. En tout état de cause, ces choix propres à ces opérateurs ne sauraient justifier que les investissements de la société Free soient neutralisés, et par là même ses investissements futurs freinés, par une contrepartie qui lui serait artificiellement imposée.

Sur ce point, encore, les remarques de la société Bouygues dans le cadre de la consultation publique de l'ARCEP sur le bilan et les perspectives pour les marchés du haut et du très haut débit, par lesquelles elle insiste sur la nécessité que l'offre LFO ne puisse être utilisée que pour la collecte des flux fixe « afin de ne pas créer de distorsion concurrentielle avec les opérateurs mobile qui ont construit leur propre réseau de collecte» ne sont pas opérantes. En effet, une telle analyse s'explique par la situation de cette société, qui est un opérateur mobile ayant à l'origine déployé une architecture mobile par faisceaux hertziens, et a intérêt à ce qu'un concurrent comme la société Free ne puisse pas mutualiser l'usage des liens de collecte LFO pour le fixe et le mobile sans payer un prix plus élevé pour les transfert de flux mobile. En outre, la société Bouygues prétend justifier sa prévision d'une distorsion de concurrence en indiquant que, dans une telle situation, « l'opérateur serait alors à même de mettre en œuvre une structure de collecte dont le coût est assumé par les activités fixe des opérateurs ». Or cette conclusion n'est pas exacte : le coût de cette structure étant inclus dans le prix fixé pour son usage de transfert de flux fixe, il pèse de la même façon sur l'utilisateur même lorsque l'usage concerne un flux d'une autre nature.

Si, ainsi que le soutient la société Orange, le prix d'une prestation commerciale peut être déterminé sans référence aux coûts du prestataire, mais en tenant compte des avantages procurés au bénéficiaire, les objectifs de régulation relevés précédemment, notamment, celui relatif au développement de l'investissement efficace et l'incitation à le maintenir à l'avenir, justifient qu'en l'espèce, l'ARCEP n'ait pas admis qu'il soit ainsi fixé. En effet, et ainsi qu'il a déjà été dit, la sur facturation, qui aboutit à faire supporter aux sociétés Free la charge artificielle de la construction d'un réseau qu'il serait tout aussi inutile qu'inefficace qu'elles construisent, n'a pour effet que de freiner, au détriment de tous, l'investissement et l'incitation au progrès technologique. Elle n'est, de plus, pas conforme à l'objectif de neutralité technologique. Sur ce point, le fait que d'autres opérateurs aient signé sans réserve le contrat LFO d'extension d'usage proposé par la société Orange est sans influence sur l'analyse qu'il convient de mener sur le caractère équitable de la sur facturation ainsi imposée. Il est, de même, sans portée que l'offre LFO puisse être remplacée par d'autres modes d'acheminement des données. La société Orange ne saurait ainsi, au regard de l'ensemble de ce qui précède, reprocher aux sociétés Free d'avoir choisi de mettre en synergie la collecte des données fixe et mobile, choix auquel elle a elle même procédé, et leur imposer une sur facturation qui n'aurait d'autre objectif que de rendre artificiellement moins efficiente la stratégie développée par ces concurrentes et aurait pour effet de décourager les investissements de développement de boucle locale optiques.

Enfin, il convient de relever que la décision n'aboutit pas à accorder à la société Free un avantage par rapport aux autres opérateurs destiné à compenser son arrivée tardive sur le marché, mais seulement à déterminer si la sur facturation était objectivement justifiée et équitable au regard des données économiques et techniques du marché. Il importe peu, en effet, qu'elle soit rendue au bénéfice des sociétés Free, et l'analyse développée aurait été identique si le différend s'était élevé envers une autre société cliente de la société Orange.

Il s'en déduit que les moyens développés sur ces points doivent être rejetés.

2. Sur L'illégalité résultant de l'application d'une obligation tarifaire à une offre non régulée et de la violation du principe de confiance légitime

La société Orange fait valoir que la décision aboutit à lui imposer une nouvelle contrainte réglementaire générale en dehors du contrôle de proportionnalité prévu par les textes nationaux et communautaires. Elle ajoute que la décision est en totale contradiction avec les analyses de marché conduites successivement par l'ARCEP, qui, jusqu'alors, n'avait pas considéré comme nécessaire et proportionnée l'extension de l'offre LFO à la collecte des flux mobile optique.

Elle considère qu'en appliquant au raccordement des sites mobile en fibre optique le niveau de contrainte prévu dans le cadre des analyses de marché prévues aux articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques pour la prestation de LFO destinée à couvrir exclusivement des besoins de téléphonie fixe, l'ARCEP n'a pas tiré les conséquences des obligations législatives et réglementaires pesant sur elle dans l'exercice de ses attributions et a ainsi violé les exigences des articles L. 34-8 et L. 36-8 du code des postes et communications électroniques.

La société Orange ajoute qu'eu égard aux nombreuses alternatives à la prestation de collecte de la société Orange pour l'acheminement des flux mobile optique offertes aux sociétés Free, aucune analyse de marché n'aurait pu conclure à la proportionnalité d'un remède imposant, sur le marché de la collecte, une obligation tarifaire de non excessivité.

***

Cependant, ainsi qu'il a été précédemment énoncé, l'ARCEP doit trancher les différends qui lui sont soumis au regard des objectifs d'ordre public économique dont elle a la charge énoncés à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques. Dans ce cadre, il ne lui est pas interdit, lorsqu'elle règle un différend sur le fondement de l'article L. 36-8 du même code, de prendre une décision qui pourrait relever de l'article L. 34-8 I ou de l'article 37-1 (analyse de marché) dudit code, dès lors que sa décision est nécessaire au règlement du différend dont elle est saisie et qu'elle applique les critères d'objectivité, de transparence, de non discrimination et de proportionnalité, lesquels, ainsi qu'il a été relevé précédemment, ont été respectés. La cour relève en outre que la décision attaquée ne s'applique en l'état qu'à la société Orange seule concernée par le différend.

Il est, dès lors, sans portée sur la légalité de la décision attaquée que celle ci ait pu intervenir alors que l'ARCEP ne se s'était pas encore prononcée sur le caractère nécessaire de l'extension de l'offre LFO à la collecte des flux mobile optique et a ultérieurement lancé une consultation à ce sujet.

Par ailleurs, ainsi qu'elle le souligne dans ses observations, l'ARCEP a, par la décision attaquée, réglé le différend relatif à la question de savoir si la société Orange pouvait de façon équitable imposer aux sociétés Free une sur facturation pour l'utilisation des liens de fibre optique pour la collecte des flux mobile optique et non un différend portant sur le niveau de cette tarification. Il ne peut en conséquence lui être reproché d'avoir appliqué au raccordement des sites mobile en fibre optique le niveau de contrainte prévu dans le cadre des analyses de marché prévues aux articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques pour la prestation de LFO destinée à couvrir des besoins concernant exclusivement des flux fixe.

En effet, pour les raisons qui ont déjà été exposées dans le cadre de l'examen des moyens précédemment examinés relatifs à la légalité de la décision au regard des objectifs de régulation de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques, cette sur tarification était contraire auxdits objectifs de régulation en ce qu'elle était de nature à limiter l'incitation de la société Free à investir pour remplacer les paires de cuivre dégroupées reliant ses sites mobile au n'ud de raccordement d'Orange par des fibres optiques, alors que la transition vers les réseaux à très haut débit et la couverture de l'ensemble du territoire national par de tels réseaux constituent un enjeu majeur pour le secteur et qu'en outre, les sociétés Free souhaitent à l'avenir investir dans des réseaux de nouvelle génération. Dans ces conditions il ne peut être reproché à l'ARCEP d'avoir décidé qu'une telle sur tarification ne pouvait s'appliquer.

Il est sur ce point inopérant que d'autres moyens techniques permettent la collecte des flux de la société Free. La cour relève sur ce point à nouveau que l'option prise par ces sociétés d'utiliser les LFO ne représente aucune charge supplémentaire pour la société Orange ni aucune contrainte et que, dans ces conditions, aucune raison ne justifie que les sociétés Free soient pénalisées par le paiement d'une sur tarification au motif qu'elles auraient pu choisir une autre solution technique.

La société Orange fait encore valoir que la décision attaquée n'ayant pas été précédée d'une consultation publique ou d'une analyse de marché ex ante de la part de l'ARCEP, qui n'a en tout état de cause jamais fait l'annonce d'une possible évolution des règles applicables à la collecte des flux mobile optique, elle viole le principe général du droit communautaire de confiance légitime.

Il convient de rappeler sur ce point que, suivant une jurisprudence constante des juridictions de l'Union (voir, en dernier lieu, CJUE, arrêt du 14 juin 2017, Santogal M C. e Reparação d., C-26/16, point 76 et jurisprudence citée), le principe de confiance légitime, opposable aux autorités de l'Union européennes et nationales lorsqu'elles mettent en œuvre le droit de l'Union, leur impose de respecter la confiance des parties lorsqu'elles ont fait naître dans leur chef des espérances fondées du fait d'assurances précises qu'elles leur auraient fournies.

Or aucune circonstance de l'espèce ne permettait à la société Orange d'espérer que, compte tenu de ce que la décision n° 2014-0733 n'incluait pas expressément une obligation de collecte des flux mobile en provenance de la boucle locale optique, il lui était loisible d'appliquer une sur facturation lorsque l'offre LFO serait utilisée pour des flux de données mobile.

La société Orange peut encore moins invoquer ce principe dans le contexte du secteur, qui est marqué, d'une part, par une rapide et forte évolution technologique de montée en débit des réseaux mobile (3G, 4G etc...), d'autre part, par le fort accroissement des volumes de données mobiles échangées, qui nécessite une évolution rapide des règles du secteur. Par ailleurs, elle ne pouvait ignorer que, quand bien même la prestation de collecte des flux de données mobile ne serait pas soumise au tarif régulé, défini en application d'une obligation de non excessivité, le mode de calcul de la sur facturation qu'elle avait retenu la conduisait à pouvoir contrôler les choix d'investissement de son concurrent, entraver, ralentir ou décourager les innovations futures que celui ci pourrait envisager, de même qu'elle aboutissait à capter l'essentiel, voire la totalité, des gains potentiels d'efficacité issus des investissements de la société Free.

Compte tenu de ces conséquences, toutes contraires aux objectifs de la régulation qui incombe à l'ARCEP, la société Orange ne pouvait pas légitimement nourrir un sentiment de confiance au sujet de la conformité de la sur tarification. Il s'en déduit qu'elle n'est pas fondée à invoquer en l'espèce une atteinte au principe de confiance légitime.

La société Orange indique aussi que, le 21 juillet 2016, l'ARCEP a lancé une consultation publique sur les marchés du haut et du très haut débit en vue d'apprécier l'opportunité d'imposer à la société Orange de donner accès à son offre LFO pour collecter l'ensemble des flux issus des boucles locales optiques selon une tarification neutre aux usages. Elle fait en effet valoir qu'une telle consultation vaut aveu du régulateur que la légitimité de l'extension du champ d'application d'une offre régulée n'allait pas de soi, ce qui démontre l'illégalité de la décision litigieuse.

Ce moyen sera écarté. En effet, il convient de rappeler qu'une décision de règlement de différend s'applique seulement au cas particulier du litige entre opérateurs qu'elle tranche, même si l'analyse qui y est développée peut permettre, le cas échéant, de régler ensuite d'autres situations semblables. La consultation engagée par l'ARCEP à la suite de la décision attaquée, sur l'opportunité d'imposer à la société Orange de donner à tous les opérateurs accès à son offre LFO pour collecter l'ensemble des flux issus des boucles locales optiques selon une tarification neutre aux usages, ne démontre donc nullement l'illégalité de la décision.

3. Sur la méconnaissance des exigences de motivation et d'équité des articles L. 34-8 et L. 36-8 du code des postes et communications électroniques, dans l'appréciation du niveau tarifaire de l'offre LFO pour la collecte des flux mobile optique

La société Orange conteste le bien fondé du motif retenu par la décision attaquée selon lequel la sur tarification de l'offre LFO pour la collecte des flux mobile optique serait contraire au principe de neutralité technologique. Elle fait valoir que l'instauration d'un tarif spécifique pour la collecte des flux mobile optique découle du caractère régulé de son offre pour la collecte des flux fixe et qu'elle a instauré la nouvelle version de son offre de collecte pour permettre aux opérateurs d'utiliser cette prestation pour acheminer tous les flux qu'ils souhaitent, et notamment les flux mobile optique.

Cependant, et ainsi qu'il a été relevé précédemment, la décision attaquée a mis en évidence que la sur tarification mise en place par la société Orange avait bien un impact sur les choix technologiques en rendant plus onéreux le transfert des flux mobile par son réseau de fibre optique. Par ailleurs, et de la même façon, la sur tarification ne peut qu'avoir pour conséquence de ralentir la convergence « fixe / mobile » et tend à supprimer les gains d'efficience de ces investissements.

En outre, ainsi que le relève la décision attaquée, d'une part, le tarif régulé de l'offre LFO a été calculé de façon à laisser à la société Orange une marge dont le niveau de 56 % avancé par les sociétés Free n'a pas été démenti, et, de surcroît, ce tarif ne repose pas sur les coûts sous jacents, mais est seulement soumis à une obligation de non excessivité.

Dès lors il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'application à la prestation de collecte des flux mobile par fibre optique du tarif d'une prestation régulée n'est pas par elle même illégale.

Ces éléments rendent sans portée la question de savoir si la sur tarification en cause est ou non inédite, ce que relève la décision attaquée, qui est contestée à ce sujet par la société Orange.

Toutefois, la cour observera à titre surabondant qu'en tout état de cause, relever le caractère inédit de la sur facturation appliquée par la société Orange n'est pas erroné de la part de l'ARCEP dans la mesure où, même si les autres opérateurs ne sont pas, contrairement à la société Orange, soumis à la régulation de leur tarif, le fait qu'ils ne différencient pas leurs tarifs en fonction de la nature des flux atteste que ces opérateurs ne considèrent pas que les différences de nature de flux justifient l'application de tarifs différenciés.

Par ailleurs, s'agissant du cas de figure de la montée en débit dans lequel il existerait un tarif spécifique des liens de collecte lié à un usage particulier, la cour relève que ce cas de figure est peu illustratif dans la mesure où il concerne une situation très particulière, puisqu'il concerne seulement la montée en débit sur la boucle locale de cuivre et qu'il est limité aux situations de l'amélioration du débit disponible des zones peu denses, pour lesquelles il est nécessaire d'installer de nouveaux liens optiques de collecte qui le sont par les collectivités locales, alors que dans l'espèce le réseau est déjà en place.

En outre, même dans ce cas, l'ARCEP fait justement observer que, si le lien fibre optique mis à la disposition des opérateurs dégroupeurs sans facturation supplémentaire doit être spécifiquement utilisé pour la montée en débit dans le strict cadre de l'offre de dégroupage, il est néanmoins possible pour la société Orange de conclure avec la collectivité locale une convention faisant l'objet d'une « annexe IV » permettant l'utilisation de la fibre optique à d'autres fins que le dégroupage et dans les mêmes conditions. Il est sans portée que, dans les cas où cette convention n'est pas conclue, les opérateurs souhaitant utiliser la fibre optique à d'autres fins que le dégroupage aient à contracter directement avec la collectivité. Il n'est d'ailleurs ni prétendu, ni établi que dans de tels cas les opérateurs seraient soumis à une sur facturation.

La société Orange cite encore en exemple l'accès à ses infrastructures de génie civil, dont le tarif varie selon l'usage qui en est fait, dès lors que certaines offres de gros d'accès d'Orange sont régulées, alors que d'autres ne le sont pas. Cependant, cette situation ne démontre pas que la sur facturation liée à l'usage différent de la prestation ne serait pas inédite dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet de constater que l'offre régulée de gros d'accès aux infrastructures de génie civil de la société Orange pour le déploiement de réseaux de boucle locale optiques et l'offre de génie civil en domaine public routier utilisent les mêmes infrastructures.

La société Orange oppose, par ailleurs, que le raisonnement économique développé par l'ARCEP dans la décision attaquée est erroné puisque, dans le cadre de son analyse du caractère équitable du tarif, celle ci n'a pas tenu compte des effets concrets engendrés par l'article 1er de cette décision aux termes duquel la société Orange doit proposer aux sociétés Free et Free Mobile une convention d'accès aux prestations d'hébergement, au sein de ses NRA et NRO, d'équipements permettant l'acheminement des flux issus des sites mobile raccordés en fibre optique, à des tarifs reflétant des coûts correspondants.

Elle estime que l'ARCEP aurait dû procéder à l'analyse économique de l'impact pour la société Free de la seule tarification de la LFO pour le raccordement des sites mobile optique dans le cas où l'hébergement ne fait l'objet d'aucun surcoût.

Ce moyen est inopérant. L'ARCEP n'avait en effet pas à procéder à cette analyse dès lors qu'elle a relevé, dans la décision attaquée, que la sur facturation était, en tant que telle, inéquitable. Au regard de cette analyse, que la cour a précédemment validée en rejetant les moyens qui en contestaient la pertinence et la légalité, il n'était pas nécessaire que l'ARCEP recherchât la portée de sa décision relative à la tarification de l'accès aux prestations d'hébergement au sein de ses NRA et NRO sur le caractère équitable de la sur tarification.

La société requérante fait encore valoir que le tarif de l'offre LFO pour l'usage étendu est raisonnable et ne conduirait pas, comme le soutient l'ARCEP, à prélever « la totalité des gains d'efficacité que la société Free aurait pu attendre des synergies de ses réseaux fixe et mobile sur le segment de la collecte ». La société Orange reproche à ce titre à l'ARCEP de n'avoir pas mené d'analyse économique de l'offre en question dans sa décision, analyse qui aurait pourtant pu être motivée par le recours au modèle du coût d'un opérateur efficace.

Cependant, l'ARCEP a justement et par une motivation que la cour a précédemment validée, considéré que la sur tarification, telle qu'elle était proposée, n'était pas conforme aux objectifs de régulation en ce qu'elle est, d'une part, de nature à limiter l'incitation de la société Free à investir pour remplacer les paires de cuivre dégroupées reliant ses sites mobile au n'ud de raccordement d'Orange par des fibres optiques, alors que la transition vers les réseaux à très haut débit et la couverture de l'ensemble du territoire national par de tels réseaux constituent un enjeu majeur pour le secteur, d'autre part, qu'elle imposerait aux sociétés Free un coût supplémentaire pour raccorder le réseau de boucle locale filaire optique dans lequel elles ont investi, ce qui est contraire à l'objectif de favoriser le développement de l'investissement efficace, notamment, dans les structures améliorées et de nouvelle génération, mais aussi au principe de neutralité technologique. Dans ces conditions, l'ARCEP qui ne s'est pas prononcée sur le montant en lui même de la surfacturation, n'avait pas à procéder à l'analyse économique qu'il lui est reproché de ne pas avoir effectuée.

De surcroît la cour relève qu'ainsi que l'ARCEP le précise dans ses observations, le modèle de coût d'un opérateur générique efficace a été spécifiquement construit pour évaluer le coût incrémental et non les coûts unitaires de construction de la collecte. Il a de plus été établi en considération des architectures de collecte avant l'essor de la 4 G, sans anticiper sur un mode de collecte de référence dans le cadre de la convergence fixe/mobile. En conséquence, ce modèle n'est pas opérant dans le cas d'espèce, dans lequel il convenait d'apprécier les coûts de l'usage des liens de fibre optique d'Orange pour la collecte des flux mobile depuis et jusqu'aux NRA ou les NRO.

Il ne peut non plus, et pour les mêmes motifs, être reproché à l'ARCEP de ne pas avoir procédé à une approche économique alternative pour apprécier le caractère raisonnable du prix fixé par la société Orange pour son offre étendue.

Enfin il est inopérant de soutenir que la décision attaquée revient à priver la société Orange de « la moindre part de la valeur créée par les synergies résultant de la mutualisation des flux fixes et mobiles de Free », puisque rien ne justifie que la société Orange reçoive une part de la valeur créée par les synergies des flux fixe et mobile de la société Free. En outre, cette affirmation est inexacte, puisque la société Orange perçoit, au titre de l'utilisation de son réseau de collecte, une rémunération qu'elle ne percevrait pas dans le cas où la société Free n'aurait pas créé de synergie entre les flux fixe et mobile.

Il suit de l'ensemble de ce qui précède que les moyens développés par la société Orange à l'appui de son recours ne sont pas fondés et que ce recours doit par conséquent être rejeté.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés Free la totalité des frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes de supporter dans le cadre du présent recours. En conséquence, la société Orange sera condamnée à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la cour

- Déclare irrecevables les conclusions déposées par les sociétés Free le 21 novembre 2016 ;

- Rejette le recours formé par la société Orange contre la décision n° 2015-0971 RDPI rendue par l'ARCEP le 28 juillet 2015 ;

- Condamne la société Orange à verser aux sociétés Free et Free Mobile la somme globale de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Orange aux dépens du présent recours.