CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 17 septembre 2015, n° 2014/07616
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
TDS (SAS)
Défendeur :
TowerCast, Arcep
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Michel-Amsellem
Conseillers :
Mme Leroy, M. Douvreleur
Avocats :
Me Teytaud, Me Fréget, Me Théophile, Me Delannoy
Faits et procédure
La numérisation de la diffusion de programmes de télévision par voie terrestre hertzienne (télévision numérique terrestre TNT), dont la généralisation a été achevée le 29 novembre 2011, permet, par le « multiplexage », de diffuser plusieurs chaînes sur une même fréquence. A cette fin, les « éditeurs de services » (les chaînes de télévision) se regroupent en « opérateurs de multiplexe », qui sélectionnent, après appels d'offres, des « diffuseurs techniques » chargés de diffuser leurs signaux. Au nombre de ces diffuseurs, figurent, d'une part, la société TDF, diffuseur historique qui était titulaire jusqu'en 2003 du monopole légal de la diffusion et de la transmission et, d'autre part, des « diffuseurs alternatifs », parmi lesquels la société Towercast (ci-après société TWC). La société TDF, qui en sa qualité de diffuseur historique dispose des infrastructures adéquates (pylônes et antennes) pour fournir les services de la TNT, offre aux diffuseurs alternatifs une prestation d'hébergement sur ces infrastructures.
Le marché de la diffusion de la TNT comprend ainsi un marché de gros « aval », sur lequel les éditeurs ou multiplexes achètent à un diffuseur une prestation de diffusion de leurs signaux, et un marché de gros « amont », sur lequel les diffuseurs achètent, quand ils ne disposent pas de leurs propres infrastructures de diffusion, l'accès aux infrastructures d'un autre diffuseur.
Prise pour la transposition des directives 2002/19/CE et 2002/21/CE du 7 mars 2002 (directive « Accès » et directive « Cadre »), la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a inséré dans le code des postes et communications électroniques (ci-après CPCE) les articles L. 37-1 et suivants afin de lever les obstacles au développement d'une concurrence effective. A cette fin, le législateur a instauré une procédure d'analyse périodique des marchés des communications électroniques, par laquelle l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l'Arcep) est chargée de désigner les opérateurs exerçant une « influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques » et de définir les obligations qui leur sont imposées pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés.
En application de ces nouvelles dispositions, l'Arcep a mis en place, à partir de 2006, une régulation ex ante sur le marché de gros amont des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes audiovisuels en mode numérique. C'est ainsi qu'elle a successivement adopté, en 2006, 2009 et 2012, des décisions d'une durée de trois ans, dites Cycle I et Cycle II :
C'est ainsi que par deux décisions du 6 avril 2006, dites de Cycle I, applicables au marché de l'accès aux infrastructures de diffusion hertzienne terrestre de la télévision en modes analogique et numérique, l'Arcep a désigné la société TDF comme « opérateur significatif », au sens des dispositions ci-dessus rappelées ; à ce titre, elle l'a soumise, notamment, à l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès dans des conditions transparentes et non discriminatoires, à des tarifs non excessifs et n'ayant pas pour effet d'évincer ses concurrents du marché. Ces décisions étaient applicables jusqu'au 1er avril 2009.
Par une décision du 11 juin 2009, dite de Cycle II, applicable au marché des seules offres de diffusion numérique de la TNT, l'Arcep a imposé à la société TDF, désignée comme opérateur significatif, une obligation d'orientation de ses tarifs vers les coûts, s'agissant des sites « non réplicables » à court et moyen terme et, pour les sites réplicables, a maintenu l'obligation précédente.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le différend qui a donné lieu à la décision attaquée et qui a son origine dans les contrats par lesquels la société TDF, diffuseur historique, avait donné accès à la société TWC, diffuseur alternatif, à son système antennaire. Conclus entre 2006 et 2009 pour une durée de cinq ans, ces contrats avaient été rédigés conformément aux dispositions de la décision Cycle I, donc à des tarifs non excessifs et sans effet d'éviction.
A la suite de l'adoption par l'Arcep de la décision Cycle II, la société TDF a publié le 2 avril 2010, une « offre de référence » d'accès à son système antennaire (« DiffHF TNT »), comportant, pour les sites non réplicables, des tarifs orientés vers les coûts.
Par courrier du 11 juin 2010, la société TWC a demandé à la société TDF de lui accorder le bénéfice des tarifs orientés vers les coûts prévus par la décision Cycle II pour ses contrats en cours conclus sous l'empire de la décision Cycle I. La société TDF a fait droit partiellement à cette demande en appliquant les tarifs de la décision Cycle II à ceux de ces contrats auxquels étaient apportées, par ailleurs, des modifications techniques ; elle a, en revanche, refusé d'appliquer ces tarifs aux autres contrats, au nombre de 26 et concernant 13 sites.
La société TWC a alors saisi l'Arcep de ce différend en lui demandant :
de dire que le maintien des conditions tarifaires de la décision Cycle I était contraire à la décision Cycle II ;
de dire que ce maintien était inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d'une concurrence effective et loyale ;
en conséquence, d'ordonner à la société TDF de soumettre ces contrats aux conditions tarifaires de son offre de référence Cycle II.
Par décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011, l'Arcep s'est prononcée sur ce différend et a décidé que la société TDF devait mettre les tarifs de ces contrats en cours en conformité avec les obligations résultant de la décision Cycle II.
Par arrêt du 25 octobre 2012, la cour d'appel de Paris a annulé la décision de l'Arcep, en jugeant qu'aucune disposition de la décision Cycle II ne prévoyait qu'elle serait immédiatement applicable aux contrats en cours et, par ailleurs, qu'une telle application immédiate ne pouvait être considérée comme implicitement imposée par ces mêmes dispositions.
Saisie d'un pourvoi formé par la société TWC, la Cour de cassation a, par arrêt du 25 mars 2014, jugé que la cour d'appel de Paris avait privé sa décision de base légale en se déterminant « par des motifs impropres à exclure que les dispositions relatives aux tarifs de la décision Cycle 2, prises par l'Arcep dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient du texte susvisé [l'article L. 38 I 4° du CPCE], fussent implicitement mais nécessairement applicables aux contrats en cours ». Elle a, en conséquence, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Le 14 avril 2014, la société TDF a formé une déclaration de recours tendant à l'annulation et, subsidiairement, à la réformation de la décision du 12 juillet 2011 par laquelle l'Arcep a réglé le différend l'opposant à la société TWC.
LA COUR,
Vu la déclaration de saisine du 14 avril 2014 après renvoi de la Cour de cassation déposée le 14 avril 2014 par la société TDF ;
Vu l'exposé des moyens déposé le 14 mai 2014 par la société TDF ;
Vu le mémoire d'incident déposé le 27 novembre 2014 par la société TDF ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 27 novembre 2014 par la société TDF ;
Vu le mémoire en duplique et récapitulatif déposé par la société TDF le 3 avril 2015 ;
Vu les conclusions en défense déposées le 25 septembre 2014 par la société TWC ;
Vu les conclusions en duplique déposées le 4 mars 2015 par la société TWC ;
Vu le mémoire en réponse aux conclusions d'irrecevabilité de la société TDF déposé par la société TWC le 14 avril 2015 ;
Vu les observations déposées le 14 octobre 2014 par l'Arcep ;
Vu les observations complémentaires déposées le 5 février 2015 par l'Arcep ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 16 avril 2015, les conseils de la requérante, qui a été mise en mesure de répliquer, et de la société TWC, ainsi que le représentant de l'Arcep et le ministère public ;
SUR CE,
Considérant que le magistrat délégué par le Premier président a, par ordonnance du 5 février 2015, prévu que la société TWC déposerait ses observations « au plus tard le 5 mars 2015 » ; que la société TWC a déposé le 4 mars 2015 des « conclusions en duplique » ; qu'elle a ensuite déposé, le 14 avril 2015, un « mémoire en réponse aux conclusions d'irrecevabilité de la société TDF » ; que ce mémoire ayant été déposé après l'expiration du délai fixé par l'ordonnance précitée, il sera écarté des débats ;
Sur l'irrecevabilité des observations de l'Arcep en date du 14 octobre 2014
Considérant que l'Arcep ayant, conformément à l'ordonnance prise le 19 juin 2014 par le magistrat délégué par le Premier président, déposé le 14 octobre 2014 des observations écrites, la société TDF demande à la cour de les déclarer irrecevables « en ce qu'elles ne respectent pas l'article R. 11-5 du code des postes et des communications électroniques » ; qu'elle soutient que les « observations » qu'aux termes de cet article l'Arcep peut déposer doivent avoir pour seul objet de « fournir à la Cour les éclaircissements techniques ou factuels » sur le différend en cause ; qu'elle fait valoir que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les observations déposées par l'Arcep sont « exclusivement juridiques dans leur objet » et « intégralement à charge des positions de TDF » ; qu'elle fait valoir que l'Arcep, au mépris de son devoir d'impartialité, est ainsi venue « au soutien de sa propre décision ou, plus grave encore, au soutien d'une des parties », en l'occurrence la société TWC, et qu'elle a, en conséquence, contrevenu aux dispositions de l'article R.11-5 du CPCE et à celles des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais considérant que la production par l'Arcep d'observations écrites est expressément prévue par l'article R. 11-5 du CPCE et qu'elle a, en l'espèce, été effectuée conformément aux dispositions de l'ordonnance prise le 19 juin 2014 par le magistrat délégué par le Premier président ; que ces observations ont été communiquées aux parties et contradictoirement débattues, la société TDF y ayant pour sa part répondu par son mémoire en réplique du 27 novembre 2014 et son mémoire en duplique du 3 avril 2015 ; que si, comme le fait valoir la société TDF, il incombe à l'Arcep d'apporter, par ses observations, les informations techniques et factuelles propres à éclairer le débat devant la cour, on ne saurait lui reprocher d'avoir, en outre, développé les raisonnements juridiques fondant la décision attaquée ; qu'on ne saurait pas plus lui reprocher d'avoir fourni à la cour et aux parties les arguments de fait et de droit justifiant, à ses yeux, sa décision et donc propres à rejeter les moyens de la société TDF tendant à l'annulation et à la réformation de cette même décision ; qu'il n'y a donc pas lieu de considérer que ce faisant, l'Arcep serait venue au soutien de la société TWC et aurait ainsi manqué à son devoir d'impartialité, sauf à postuler, en introduisant dans les textes une restriction qui n'y figure pas, que les observations que cette autorité est habilitée à présenter devant la cour doivent être strictement limitées à un rappel et à une explicitation des seuls éléments factuels du différend qu'elle a tranché ; que par ailleurs, si la société TDF dénonce la « virulence » et la « subjectivité » dont l'Arcep aurait fait preuve à son égard, il ne ressort nullement de la lecture des écritures en cause que cette autorité aurait manqué à son obligation d'impartialité ;
Considérant, enfin, que c'est en vain que la société TDF rappelle que l'Arcep ne peut présenter d'observations devant la Cour de cassation, faute de pouvoir y intervenir volontairement, et qu'elle invite la cour à transposer cette solution dans le cadre de la présente procédure, puisque précisément, la production d'observations devant la cour d'appel est expressément prévue par les textes ;
Considérant que, dès lors, la société TDF sera déboutée de sa demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les observations déposées le 14 octobre 2014 par l'Arcep ;
Sur l'irrecevabilité des « observations complémentaires » de l'Arcep en date du 5 février 2015 et des « conclusions en duplique » de la société TWC en date du 4 mars 2015
Considérant que par l'ordonnance précité du 19 juin 2014, le magistrat délégué par le Premier président a fixé au 27 novembre 2014 la date ultime de dépôt de tous mémoires en réplique ; que la société TDF a, le 27 novembre 2014, déposé un « mémoire en réplique et récapitulatif » et un « mémoire d'incident » dans lequel elle a soutenu l'irrecevabilité, ci-dessus examinée, des observations de l'Arcep en date du 14 octobre 2014 ; que par lettre du 29 décembre 2014 adressée à la cour, le conseil de la société TWC a demandé à être autorisé à répliquer au mémoire du 27 novembre de la société TDF, en faisant valoir que celui-ci soulevait de nouveaux moyens ; que par ordonnance du 5 février 2015, le magistrat délégué par le Premier président a arrêté un nouveau calendrier de procédure ; qu'aux termes de ce calendrier, il a fixé au 5 février 2015 et au 5 mars 2015 le terme des délais laissés, respectivement, à l'Arcep et à la société TWC pour déposer leurs observations ; que l'Arcep a déposé des « observations complémentaires » le 5 février 2015 et que la société TWC a déposé des « conclusions en duplique » le 4 mars 2015 ;
Considérant que la société TDF soutient que le nouveau calendrier de procédure arrêté le 5 février 2015 avait pour seul objet de permettre à l'Arcep et à la société TWC de répondre à son mémoire d'incident du 27 novembre 2014 tendant au rejet des précédentes conclusions de l'Arcep, comme contraires aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et aux articles L. 36-8 et R. 11-5 du CPCE ; qu'elle fait valoir que les écritures déposées en application de ce calendrier tant par l'Arcep que par la société TWC, respectivement le 5 février et le 4 mars 2015, sont irrecevables car leurs auteurs ne se sont pas bornés à répondre à l'incident qu'elle avait soulevé, mais ont conclu au fond ;
Mais considérant que l'ordonnance ayant arrêté un nouveau calendrier de procédure n'en a nullement limité l'objet à l'incident d'irrecevabilité soulevé par la société TDF ; qu'en effet, elle rappelle seulement dans ses visas « le mémoire et les pièces déposées à l'appui du recours » et, dans son dispositif, fixe des délais à l'Arcep, à la société TWC et à la société TDF pour déposer des « observations » et « répliques », dont l'objet n'est pas plus défini, avant, respectivement, les 5 février, 5 mars et 6 avril ; que de surcroît, il vient d'être rappelé qu'après l'expiration des délais fixés par le premier calendrier de procédure, la cour avait été saisie, par lettre du 29 décembre 2014, d'une demande de la société TWC tendant à être autorisée à répliquer, non au mémoire d'incident du 27 novembre 2014 qui mettait en cause l'irrecevabilité des seules écritures de l'Arcep, mais aux « nouveaux moyens » qui, selon elle, figuraient dans le « mémoire en réplique et récapitulatif » du même jour ;
Considérant, par ailleurs, que les écritures, dont la société TDF demande qu'elles soient déclarées irrecevables, ont été déposées dans les délais prescrits par l'ordonnance du 5 février 2015 soit avant les 5 février et 5 mars 2015 ; que la société TDF a disposé, pour y répliquer, d'un délai expirant le 6 avril 2015 et qu'elle a effectivement déposé le 3 avril un « mémoire en duplique et récapitulatif » par lequel elle a non seulement développé ses arguments d'irrecevabilité, mais aussi conclu à nouveau sur l'ensemble des moyens et arguments de fond qu'elle oppose à la décision attaquée ;
Considérant que, dès lors, la société TDF sera déboutée de ses demandes tendant à ce que soient déclarées irrecevables les observations complémentaires de l'Arcep en date du 5 février 2015 et les conclusions en duplique de la société TWC en date du 4 mars 2015 ;
Sur l'irrecevabilité de la saisine de l'Arcep par la société TWC
Considérant que la société TDF soutient, en premier lieu, que la demande de la société TWC tendait à ce que la décision Cycle II, qui ne prévoyait pas qu'elle s'appliquerait de façon rétroactive, soit néanmoins déclarée applicable aux contrats en cours et à ce qu'en conséquence, sa portée soit modifiée ; qu'elle en conclut que, dès lors, cette demande relevait non de la procédure de règlement des différends de l'article L. 36-8 du CPCE, mais de l'exercice par l'Arcep de son pouvoir réglementaire prévu par les articles L. 38 et suivants de ce même code ; que dans le cadre de ce pouvoir réglementaire, l'Arcep aurait alors dû respecter les formalités prévues par ces textes et qui consistent, notamment, dans l'engagement d'une procédure préalable de définition de marché, suivie d'une consultation publique, d'une consultation de l'Autorité de la concurrence et d'une notification des projets de décisions réglementaires à la Commission européenne, laquelle peut s'y opposer ; qu'elle ajoute que l'article 8-3 de la directive « Accès » interdit d'imposer ou de modifier des obligations prises dans le cadre de ce pouvoir réglementaire autrement qu'en utilisant cette procédure ;
Mais considérant que la demande de la société TWC avait pour objet non de modifier une décision réglementaire, en en étendant la portée aux contrats en cours, mais de trancher le différend l'opposant à la société TDF ; qu'en tranchant ce différend, l'Arcep n'a ni édicté de nouvelles obligations réglementaires, ni modifié les obligations existantes, mais qu'elle a, dans les limites de sa saisine, fait application de la décision réglementaire Cycle II en en appréciant la portée ; qu'en particulier, l'Arcep a été amenée à expliciter le champ d'application ratione temporis de la décision Cycle II et a considéré que son article 11 emportait implicitement, mais nécessairement, son application aux contrats en cours ; que cette autorité n'a ainsi nullement excédé les limites de la compétence que lui donne la loi en matière de règlement des différends et qu'elle n'a modifié ni la substance, ni la portée de la décision Cycle II ; que pour cette même raison, force est de constater qu'elle n'a pas enfreint les dispositions de procédure de la directive « Accès », faute d'avoir fait usage, par la décision attaquée, de son pouvoir réglementaire ;
Considérant que la société TDF fait valoir, en second lieu, que pour être recevable au regard des dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE, la demande de la société TWC ne pouvait porter que sur la mise en œuvre d’obligations réglementaires ; qu elle prétend que tel n’était pas le cas en l’espèce, puisqu'il lui était en réalité reproché de ne pas avoir respecté ses obligations ; qu'elle soutient qu'en conséquence, cette demande n'était pas recevable et qu'elle relevait du pouvoir disciplinaire que l'article L. 36-8 du CPCE reconnaît à l'Arcep et dont l'exercice est entouré de garanties procédurales tenant, notamment, au caractère contradictoire de la procédure, à la mise en œuvre d’une instruction à charge et à décharge et à la protection du secret des affaires ;
Mais considérant que le différend portait non sur la violation par la société TDF d'une obligation réglementaire, mais procédait du refus de celle-ci de modifier les conditions tarifaires des conditions d'accès à son système antennaire ; que la demande de la société TWC tendait, en conséquence, à ce que ces conventions soient mises en conformité avec la décision Cycle II ; qu'à supposer que ce refus ait été susceptible de constituer un manquement à la réglementation applicable, - relevant dès lors d'une procédure de sanction -, cette circonstance n'a fait nullement disparaître la compétence de l'Arcep à régler le différend dont elle était saisie ; que, dès lors, la société TWC était recevable à saisir l'Arcep du différend qui l'opposait à la société TDF ;
Sur l'atteinte au droit à un procès équitable qui aurait résulté de la saisine du CSA par l'Arcep
Considérant que l'Arcep a, le 21 mars 2011, saisi pour avis le CSA du différend opposant les sociétés TDF et TWC ; qu'à la suite de cette saisine, le CSA a transmis le 20 mai 2011 l’« avis n° 2011-07 du 11 mai 2007 relatif à une saisine de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes par la société TWC à l'encontre de la société TDF », lequel a été communiqué aux parties le 20 mai suivant ;
Considérant que la société TDF prétend que cette saisine et l'intervention du CSA qui s'en est suivie sont contraires aux prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et portent atteinte au droit à un procès équitable protégé par ce texte ; qu'en conséquence, elle demande à la cour d'annuler la décision qu'elle lui a déférée ; qu'à l'appui de cette demande, elle met en cause la régularité de la saisine du CSA, le contenu de l'avis que celui-ci a émis et son impact sur la solution retenue par l'Arcep ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine du CSA
Considérant que la société TDF prétend que la saisine pour avis du CSA, à laquelle l'Arcep a procédé avant de prendre sa décision, était irrégulière car elle ne répondait pas aux conditions auxquelles l'article L. 36-8 du CPCE subordonne cette saisine ; qu'elle soutient, en effet, que les services de diffusion hertzienne terrestre, en cause dans le différend qui l'oppose à la société TWC, ne constituent pas des services relevant de la « communication audiovisuelle », laquelle est définie par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comme « toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public » ; qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que ce différend serait susceptible de restreindre « de façon notable » l'offre de services de communication audiovisuelle, cette « offre » renvoyant aux relations entre les éditeurs de chaînes de télévision et de radio et leurs distributeurs commerciaux et n'entretenant donc aucun lien direct avec la tarification des services de diffusion hertzienne terrestre ;
Considérant que les dispositions de l'article 36-8 du CPCE, sur la base desquelles le CSA a été consulté, sont ainsi rédigées : « Lorsque les faits à l'origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle, l'autorité [l'Arcep] recueille l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui se prononce dans un délai fixé par le décret en Conseil prévu au présent alinéa » ;
Considérant qu'aux termes mêmes de ces dispositions, le compétence consultative du CSA résulte non de ce que le différend porte lui-même et directement sur une offre de services de communication audiovisuelle, mais de ce qu'il est susceptible de réduire cette offre de façon notable ; que tel est bien le cas en l'espèce, puisque la diffusion hertzienne ayant pour objet principal la diffusion de services de radio et de télévision, la non application aux contrats en cours de la décision Cycle II, et donc des nouveaux tarifs orientés vers les coûts qu'elle impose, auraient pour conséquence d'entraver la capacité de la société TWC, diffuseur technique alternatif, à proposer des prix compétitifs aux multiplexes et ainsi de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la diffusion technique, en en excluant l'un des concurrents, devenu trop cher ; que cette diminution de l'intensité concurrentielle sur le marché de la diffusion technique qui en résulterait est dès lors susceptible de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle ;
Sur le moyen tiré du contenu de l'avis du CSA
Considérant que la société TDF fait grief au CSA de s'être immiscé dans la discussion juridique en cours devant l'Arcep, d'avoir employé des arguments mélangeant le fait et le droit, de s'être prononcé sur des questions de pure opportunité, - ainsi en considérant que l'application immédiate de la décision Cycle II aux contrats en cours ne porterait pas une atteinte excessive à ses intérêts -, et, au lieu d'éclairer le débat dans l'intérêt d'une bonne régulation, de s'être comporté comme une partie intervenant au soutien de la société TWC ;
Mais considérant que ces griefs ont trait non à la régularité des conditions de la saisine et de l'intervention du CSA, mais au contenu même de l'avis qu'il a rendu ; qu'à les supposer avérés, il n'en résulterait aucune conséquence propre à entraîner l'annulation de la décision attaquée, étant rappelé qu'il incombe à la cour de céans d'apprécier la pertinence de cet avis, comme de tous les éléments versés aux débats ;
Sur le moyen tiré de l'impact de l'avis du CSA sur la solution retenue
Considérant que la société TDF soutient que la décision de l'Arcep « est conforme en tous points à l'avis rendu par le CSA » ; qu'à l'appui de cette allégation, elle souligne que le motif tiré de l' « effectivité de la régulation » qu'a retenu l'Arcep figurait dans cet avis ; qu'elle en conclut que l'Arcep « a pleinement suivi et appliqué le raisonnement et la solution préconisés par le CSA » et qu'elle a ainsi « manqué à son devoir d'exercer pleinement sa compétence d'instance de règlement des différends », en méconnaissance, notamment, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais considérant qu'on ne saurait raisonnablement déduire de l'emploi d'un même vocabulaire et de mêmes notions par le CSA dans son avis et par l'Arcep dans sa décision, que celle-ci se trouve entachée d'irrégularité ; qu'en se bornant à constater que le CSA et l'Arcep se sont, l'un et l'autre, référés à l' « effectivité de la régulation » pour justifier l'application immédiate de la décision Cycle II aux contrats en cours, la société TDF ne démontre pas que l'Arcep se serait considérée comme liée par l'avis du CSA et qu'elle aurait ainsi méconnu à la fois la compétence que le législateur lui a donnée et les règles du procès équitable protégé par l'article 6 précité ;
Considérant, en conséquence, que les moyens d'annulation tirés des conditions de la saisine du CSA et de l'avis qu'il a rendu seront rejetés ;
Sur le défaut de réunion des conditions prévues par l'article L. 36-8 du CPCE
Considérant que la société TDF soutient, en premier lieu, que la demande présentée à l'Arcep n'est pas celle dont la société TWC l'avait précédemment saisie ; qu'ainsi, elle fait valoir que la société TWC lui avait demandé, par courrier du 11 juin 2010, de « basculer sans délais vers l'offre tarifaire DiffHT TNT Cycle II » des contrats conclus sous l'empire de la décision Cycle I et qu'en revanche, par sa saisine de l'Arcep, elle demandait que ces contrats soient soumis aux « aux conditions de l'offre de référence 2010 et aux conditions générales de services y afférentes adoptées conformément à la régulation Cycle II » ; qu'elle en déduit que la demande portée devant l'Arcep avait un objet plus large que la demande initiale, puisqu'elle tendait à l'application non des seuls tarifs de la nouvelle offre, mais de tous ses éléments, de sorte qu'il s'agissait désormais d'obtenir une « refonte intégrale » des contrats en cause ;
Mais considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que la société TWC a demandé à l'Arcep de « dire que le maintien des conditions tarifaires de l'offre de référence Cycle I pour les conventions d'accès DiffHF TNT » sur les sites en cause était « contraire à la décision n° 2009-0484 du 11 juin 2009 [la décision Cycle II], (') inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d'une concurrence effective et loyale » et, en conséquence, d'ordonner à TDF de lui proposer de soumettre ces conventions « aux conditions de l'offre de référence 2010 et aux conditions générales de services y afférentes » ; que la société TWC a, en outre, demandé à l'Arcep de dire que la société TDF devrait appliquer à compter du 14 décembre 2010 « les tarifs de cette offre » ; que si dans sa saisine de l'Arcep, la société TWC a visé généralement, et au-delà de ses seuls éléments tarifaires, l'« offre de référence 2010 » et les « conditions générales de services y afférentes », cette demande avait pour objet, comme la demande dont elle avait initialement saisi la société TDF, l'application des conditions tarifaires de l'offre conformes à la décision Cycle II, au motif que le maintien des conditions tarifaires précédentes serait contraire aux principes de la régulation ex ante et d'une libre concurrence ; qu'ainsi que le souligne l'Arcep dans ses observations, l' « offre tarifaire DiffHT TNT Cycle II » mentionnée dans la demande initiale de la société TWC n'existe pas en tant que telle, dans la mesure où les tarifs en cause figurent dans une annexe à l'offre elle-même, avec laquelle elle forme un ensemble indivisible ; qu'en tout état de cause, l'Arcep a, par la décision attaquée, imposé, non la « refonte intégrale » des contrats, mais seulement, comme la société TWC l'avait initialement demandé à la société TDF, la mise en conformité avec la décision Cycle II des seuls tarifs de ces contrats ;
Considérant qu'en deuxième lieu, la société TDF rappelle qu'aux termes de l'article L. 36-8 du CPCE, l'Arcep peut être saisie par l'une ou l'autre des parties à un différend en cas « d'échec des négociations commerciales » ; qu'elle soutient qu'en l'espèce, cette condition n'était pas remplie et qu'en conséquence, la saisine de la société TWC était irrecevable ; qu'elle fait valoir à l'appui de cette allégation qu'ayant été saisie de la demande de la société TWC par courrier du 11 juin 2010, elle y a répondu par courrier du 14 décembre 2010 et que ce simple échange ne saurait caractériser un « échec des négociations commerciales » au sens des dispositions précitées ; qu'elle ajoute qu'entre ces deux courriers, plusieurs contrats ont été « basculés » des tarifs Cycle I aux tarifs Cycle II, de sorte qu'on ne peut considérer que les discussions auraient échoué puisque la société TWC a obtenu gain de cause ;
Mais considérant que comme l'expose la société TWC sans être contredite par la société TDF, les contacts entre les parties n'ont pas été limités à l'échange des courriers ci-dessus rappelés, puisqu'entre juin et décembre 2010 se sont tenues dix réunions de travail portant sur le sujet, au cours desquelles les représentants de la société TDF ont exprimé le refus de celle-ci d'accéder à la demande de la société TWC ; que si la société TDF a accepté de soumettre à ses nouveaux tarifs certains contrats, ceux d’entre eux subissant par ailleurs des modifications techniques -, elle a néanmoins maintenu son refus pour les autres contrats ; que dans ces conditions, la société TWC a, par courrier du 10 décembre 2010, rappelé à la société TDF qu'en dépit de ses demandes répétées, elle n'avait pas obtenu satisfaction sur l'application aux contrats en cours des « obligations de contrôle tarifaire posées par le second cycle de régulation » et qu'elle en a tiré la conclusion suivante : « Nous vous avons demandé de formaliser ce refus avant le 1er décembre et vous vous étiez engagés oralement à le faire, lors de notre dernière réunion du 24 novembre 2010. Force est de constater une nouvelle fois que vous refusez de formaliser vos réponses à nos courriers. Nous considérons que ce dernier acte matérialise l'échec des négociations » (pièce TWC n° 8) ; que la société TDF ayant répondu par courrier du 14 décembre 2010, sans toutefois formaliser son refus (pièce TWC n° 7), la société TWC a, en réponse, constaté que ce courrier « n'apporte toujours aucune réponse et ce malgré nos multiples relances » (courrier du 25 janvier 2011 pièce TWC n° 12) ; qu’il en ressort avec évidence que les négociations commerciales engagées entre les sociétés TDF et TWC avaient échoué, de sorte que le différend les opposant relevait du pouvoir de règlement de l'Arcep ;
Sur les moyens tirés du « détournement de procédure » allégué par la société TDF
Sur la « situation de confusion des pouvoirs » reprochée à l'Arcep
Considérant que la société TDF fait valoir que si les fonctions réglementaire, disciplinaire et de règlement des différends qui incombent à l'Arcep relèvent de procédures distinctes et séparées, elles n'en sont pas moins exercées par le même collège ; qu'elle y voit une confusion contraire au principe de séparation des pouvoirs ; qu'elle rappelle que saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, par décision du 5 juillet 2013, jugé contraires à la Constitution les dispositions de l'article 36-11 du CPCE relatives au pouvoir de sanction de l'Arcep, en ce qu'elles n'assuraient pas la séparation des fonctions, d'une part, de poursuite et d'instruction et, d'autre part, de jugement des manquements ; qu'elle en conclut que la cour devra « rejeter l'intégralité des moyens de l'Arcep pour détournement de procédure, violation de la séparation des pouvoirs et violation in fine de l'article R. 11-5 du CPE » ;
Mais considérant que le constat que les compétences de l'Arcep sont exercées par le même collège, pas plus que la déclaration d'inconstitutionnalité que rappelle la société TDF, ne sauraient entrainer, par eux-mêmes, le rejet des moyens que l'Arcep a développés dans les observations qu'elle a déposées conformément aux dispositions de l'article R. 11-5 du CPCE ;
Sur le caractère artificiel de la procédure engagée
Considérant que la société TDF soutient que le litige soulevé par la société TWC portait, en réalité, sur la question de savoir si son refus d'appliquer les tarifs conformes à la décision Cycle II constituait une violation de ses obligations en tant qu'opérateur ; qu'elle fait valoir que, dès lors, ce litige relevait non de la procédure de règlement des différends instituée par l'article L. 36-8 du CPCE, mais de la procédure de sanction prévue par l'article L. 36-11 du même code, dans le cadre de laquelle elle aurait bénéficié de « garanties juridictionnelles » plus importantes ; qu'elle reproche, en conséquence, à l'Arcep de ne pas avoir déclaré irrecevable la demande de règlement de différend présentée par la société TWC ou, à tout le moins, de ne pas l'avoir requalifiée afin d'engager une procédure de sanction ;
Mais considérant que, comme la cour l'a jugé plus haut, à supposer que le refus de la société TDF ait pu constituer un manquement l'exposant à sanction, cette seule circonstance ne pouvait pas conduire l'Arcep à décliner sa compétence de règlement de différend que la société TWC lui demandait d'exercer, dès lors que les conditions en étaient réunies ; que tel était le cas en l'espèce puisque le refus opposé par la société TDF à la société TWC caractérisait bien un différend dont il a été jugé plus haut qu'il répondait aux conditions posées par l'article L. 36-8 précité ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance et de la dénaturation des termes de la décision Cycle II
Considérant que la société TDF rappelle que la décision Cycle II, si elle lui impose l'obligation, à compter de son entrée en vigueur, d' « offrir » à tout « demandeur d'accès » un tarif orienté vers les coûts, ne prévoit pas que cette obligation sera applicable aux contrats en cours ; que son obligation, dès lors, ne porte que sur ses « offres de référence» d'hébergement, auxquelles ne peuvent être assimilés les contrats en cours ; qu'elle souligne, par ailleurs, que tous les contrats postérieurs à l'entrée en vigueur de la décision Cycle II ont été conclus aux conditions fixées par celle-ci et que les contrats passés avant cette entrée en vigueur, et toujours en cours, ne représentent qu'une faible minorité des contrats la liant à la société TWC ;
Mais considérant que l'obligation d' « offrir » un tarif orienté vers les coûts, instituée par la décision Cycle II, ne saurait être considérée, sauf à en déformer le sens, comme entraînant seulement l'obligation de modifier l'« offre de référence » publiée par la société TDF en vue de la fourniture de ses prestations ; que cette obligation est posée par la décision Cycle II eu égard aux sites en cause les sites « non réplicables » -, et sans considération de la date à laquelle les relations contractuelles ont été nouées ; que, dès lors, l'application immédiate de cette obligation aux contrats en cours ne méconnaît ni ne dénature les termes de la décision Cycle II ;
Sur le moyen tiré de ce que l'Arcep ne pouvait pas « préciser » la portée de la décision Cycle II dans le cadre d'un règlement d'un différend
Considérant que la société TDF soutient que l'Arcep, en « précisant » dans la décision attaquée la portée de Cycle II, en a modifié le contenu, ce qu'elle ne pouvait faire dans le cadre du règlement d'un différend ;
Mais considérant que, comme la cour l'a jugé plus haut, l'Arcep, ayant été saisie par la société TWC du différend qui l'opposait à la société TDF, a, pour trancher ce différend, été conduite à apprécier le champ d'application ratione temporis de la décision réglementaire Cycle II ; qu'elle n'a, ce faisant, ajouté aucune nouvelle disposition à cette réglementation ; qu'elle n'a donc nullement excédé les limites des compétences que la loi lui reconnaît dans le cadre du règlement des différends dont elle est saisie ;
Sur les motifs retenus par l'Arcep
Considérant que l'Arcep a constaté que les obligations résultant de sa décision n° 2009-0484, dite décision Cycle II, étaient immédiatement applicables aux contrats en cours précédemment conclus par la société TDF avec la société TWC ; qu'elle a, en conséquence, demandé à la société TDF de mettre en conformité avec ces obligations les tarifs de ces contrats ; qu'elle a fondé sa décision, d'une part, sur le constat que le législateur l'avait implicitement habilitée à appliquer aux contrats les obligations qu'elle pouvait imposer aux opérateurs et, d'autre part, sur la sauvegarde de l'effet utile des directives communautaires et de la régulation ex ante dont elle est chargée d'assurer l'application ;
Considérant que la société TDF conteste sur ces deux motifs la décision déférée ;
Sur le moyen tiré de l'absence d'habilitation législative de l'Arcep
Considérant que la société TDF prétend que l'Arcep ne bénéficiait d'aucune habilitation législative pour imposer l'application aux contrats en cours de sa décision Cycle II ; qu'elle observe que les textes du CPCE conférant à cette autorité un pouvoir réglementaire ne contiennent pas une telle habilitation qui, seule, lui permettrait d'écarter le principe général selon lequel les contrats restent régis par la loi applicable lors de leur conclusion ; qu'elle fait valoir, par ailleurs, qu'aux termes de la jurisprudence constitutionnelle et administrative, il ne peut être dérogé à ce principe que pour des motifs d'ordre public ou présentant un intérêt général suffisant, cette condition n'étant pas remplie en l'espèce ;
Considérant qu'ainsi que le souligne la société TDF, les articles L. 37-2 et L. 38 du CPCE, sur la base desquels ont été prises les décisions Cycle I et Cycle II, s'ils habilitent l'Arcep à imposer des obligations, notamment tarifaires, aux opérateurs qu'elle répute exercer une influence significative, ne prévoient pas expressément, en revanche, que ces obligations sont immédiatement applicables aux contrats en cours ;
Considérant, cependant, que le pouvoir d'édicter une régulation ex ante a été conféré par le législateur à l'Arcep afin, selon les termes de l'article L. 32-1 et L. 37-1 du CPCE, de garantir une « concurrence effective et loyale sur le marché des communications électroniques » et « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective » ; qu'au titre de cette régulation, l'Arcep peut imposer aux opérateurs exerçant une influence significative des obligations « en l'absence de concurrence effective et durable » ; que la mise en œuvre d’une telle régulation procède du constat que le libre jeu des échanges entre opérateurs ne permet pas d'assurer le fonctionnement concurrentiel du marché, lequel ne pourrait, par ailleurs, être efficacement rétabli par l'application d'une régulation ex post qui viendrait sanctionner les éventuels comportements anticoncurrentiels ; que, de surcroît, les obligations que l'Arcep peut imposer au titre de cette régulation ex ante n'ont qu'un caractère temporaire puisque l'article L. 37-2 du CPCE prévoit expressément qu'elles « s'appliquent pendant une durée limitée fixée par l'autorité » ; que l'Arcep ayant, après analyse du marché, fixé cette durée à trois ans et les contrats en cause étant conclus pour une durée de cinq ans, la société TDF échapperait aux obligations qui lui incombent en sa qualité d'opérateur exerçant une influence significative, si ces obligations ne s'appliquaient pas immédiatement aux contrats en cours ; que la réalisation de ces objectifs définis par le législateur suppose donc nécessairement que l'autorité chargée d'édicter la régulation ex ante appropriée puisse en prévoir l'application immédiate aux contrats en cours ;
Considérant qu'il en résulte qu'en habilitant l'Arcep à mettre en place une régulation ex ante, consistant notamment à imposer aux opérateurs exerçant une influence significative les obligations nécessaires au maintien de l'équilibre concurrentiel, le législateur a, implicitement mais nécessairement, prévu que ces obligations pourraient s'appliquer immédiatement aux contrats en cours conclus antérieurement ;
Sur le moyen tiré de l'effet utile des directives communautaires et de la régulation ex ante prise pour leur application
Considérant que la décision Cycle II a été prise sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du CPCE qui sont la transposition de directives communautaires adoptées en matière de communications électroniques ; que l'Arcep a jugé que la sauvegarde de l'effet utile de ces directives imposait que les dispositions tarifaires de la décision Cycle II s'appliquent immédiatement aux contrats en cours conclus par la société TDF avec la société TWC ;
Considérant que la société TDF le conteste et soutient que la recherche de l'effet utile de ces directives ne justifiait pas l'application de la décision Cycle II aux contrats en cours ; qu'elle prétend qu'à l'inverse, la non application à ces contrats de la décision Cycle II n'aurait nullement eu pour effet de vider celle-ci et, par voie de conséquence, les directives communautaires de leur substance ou de leur effectivité ; qu'elle fait valoir que la décision Cycle II a pleinement produit ses effets puisque, d'une part, elle s'est intégralement appliquée à tous les contrats conclus depuis son entrée en vigueur et qu'elle s'appliquera aux contrats en cours lorsque ceux-ci seront arrivés à échéance et que, d'autre part, il n'est démontré aucune atteinte au fonctionnement du marché, seule susceptible de constituer un « motif d'ordre public impérieux », à même de justifier une application immédiate aux contrats en cours ;
Considérant que des compétences réglementaires ont été conférées à l'Arcep afin, selon l'article L. 32-1 du CPCE, qu'elle prenne des « mesures raisonnables et proportionnées », en vue d'une « concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » ; qu'à ce titre les articles L. 37-1 et suivants du même code lui permettent, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective » et « après avoir analysé l'évolution prévisible de la concurrence », d'imposer des obligations, notamment tarifaires, aux opérateurs exerçant sur le marché une influence significative ; que l'Arcep peut ainsi, selon l'article 38 du code, interdire à cet opérateur de « pratiquer des tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché » et le contraindre à « pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants », de sorte que dans ce cas, la fixation des tarifs auxquels il donne accès à ses infrastructures ne relève plus de la liberté contractuelle des parties ;
Considérant que ces dispositions, sur la base desquelles ont été prises les décisions Cycle I et Cycle II, sont la transposition de la directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « Accès) et de la directive 2002/21/CE du même jour relative à un cadre réglementaire pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « Cadre ») ; que l'article 8 du second de ces textes impose aux « autorités réglementaires nationales », au nombre desquelles figurent l'Arcep, de promouvoir la concurrence dans le secteur des communications électroniques en veillant à ce qu'elle ne soit « pas faussée ni entravée » ;
Considérant que ces objectifs, issus des directives communautaires et repris par la législation nationale, relèvent à l'évidence de la sauvegarde de l'ordre public économique appliqué au secteur des communications électroniques ; que la décision Cycle II est nécessaire à leur réalisation ; qu'en effet, la décision Cycle I étant arrivée à échéance, l'Arcep a constaté, après analyse de marché, que la poursuite de ce dispositif de régulation ne permettait plus de garantir une concurrence effective et loyale ; qu'elle a relevé, dans sa décision, que la concurrence s'était significativement affaiblie et qu'en particulier « le déploiement d'infrastructures alternatives à celles de TDF dépendait fortement de la typologie des sites nécessaires à la diffusion de la TNT et que la développement de la concurrence en infrastructures était faible, en particulier sur le réseau principal » ; que ces considérations ont conduit l'Arcep à adopter la décision Cycle II afin de renforcer les obligations tarifaires de la société TDF par rapport à celles prévues par la décision Cycle I ; qu'ainsi, alors que la décision Cycle I prévoyait l'obligation pour TDF de ne pas pratiquer de « tarifs d'éviction ou excessifs », la décision Cycle II a maintenu cette obligation pour les sites réplicables mais, en revanche, a imposé pour les sites non réplicables une obligation d'orientation des tarifs vers les coûts ;
Considérant, en conséquence, que le maintien, pour les contrats déjà conclus, des obligations tarifaires fixées par la décision Cycle I porterait une atteinte manifeste à l'effectivité de la décision Cycle II, puisque son application ne serait, dès lors, que partielle ; qu'en effet, comme la cour l'a relevé plus haut, la décision Cycle II a été prise pour une durée de trois ans, de sorte qu'à suivre l'analyse de la société TDF, son application effective serait conditionnée par la durée des contrats, telle que fixée par les parties et en l'occurrence d'une durée de cinq ans ; qu'il en résulterait que nombre de ces contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la décision Cycle II ne se verraient jamais soumis à ses dispositions ; que cette situation tiendrait donc en échec les objectifs ci-dessus rappelés, fixés tant par les directives communautaires que par la législation nationale, puisque l'adoption de la décision Cycle II, qui emporte un « durcissement » des obligations pesant sur l'opérateur exerçant une influence significative, a procédé du constat que les mesures précédentes de Cycle I n'avaient pas suffit à corriger le déséquilibre affectant les relations entre cet opérateur et les opérateurs alternatifs et à rétablir les conditions d'une concurrence effective et durable ;
Considérant qu'il en résulte que les dispositions en cause de la décision Cycle II étaient implicitement mais nécessairement applicables aux contrats en cours passés par la société TDF avec la société TWC ;
Sur le moyen tiré des principes de la régulation ex ante
Considérant que la société TDF rappelle que la régulation ex ante vise, par définition, des situations futures et que, intervenant lorsque la concurrence est insuffisante, elle a pour objectifs la prévisibilité et la stabilité du marché ; qu'elle ne peut venir modifier des situations passées et que, dès lors, en appliquant la décision Cycle II aux contrats en cours, l'Arcep a dénaturé les principes de cette régulation ;
Mais considérant que contrairement à ce qu'allègue la société TDF, l'Arcep n'a nullement, par la décision attaquée, appliqué rétroactivement à des situations contractuelles passées les dispositions de la décision Cycle II ; que l'Arcep, en revanche, a constaté que cette décision s'appliquait, pour l'avenir, aux relations contractuelles en cours, cette application immédiate étant nécessaire, d'une part, à l'effectivité de la régulation, à défaut de quoi son effet serait reporté dans le temps jusqu'à la conclusion de nouveau contrats consécutivement à l'expiration des contrats en cours, et, d'autre part, au maintien de la concurrence entre les diffuseurs à l'égard des multiplexes, sans considération de l'ancienneté de leurs contrats passés avec la société TDF ; que cette application immédiate n'est donc nullement contraire aux principes de la régulation ex ante, mais qu'elle en est au contraire une condition d'effectivité ;
Sur l'atteinte au principe de non-discrimination
Considérant que l'Arcep a relevé dans sa décision que le fait ne pas appliquer les obligations résultant de la décision Cycle II aux contrats en cours méconnaitrait le principe de non-discrimination, puisqu'une même prestation serait rémunérée selon « des principes tarifaires différents » ; que la société TDF conteste qu'il en soit ainsi et soutient que l'Arcep a fait une application erronée de ce principe dont elle aurait déformé le sens et la portée ; qu'elle rappelle que le principe de non-discrimination n'impose pas d'appliquer de façon uniforme une même règle à des situations objectivement différentes, mais permet au contraire de les traiter différemment ; qu'elle fait valoir que la différence des dates de conclusion des contrats aurait objectivement justifié que coexistent pour une même prestation des « tarifs Cycle I » et des « tarifs Cycle II » ;
Mais considérant que le maintien des « tarifs Cycle I » pour les contrats déjà conclus aurait placé la société TWC en situation d'infériorité par rapport à ses concurrents bénéficiant des « tarifs Cycle II » et donc en mesure de proposer aux éditeurs et multiplexes des offres plus attractives et plus compétitives ; qu'il en aurait résulté une application discriminatoire de la régulation ex ante, contraire à ses objectifs de préservation d'une concurrence effective ; que l'Arcep a donc fait une juste application du principe de non-discrimination ;
Sur la dénaturation des contrats
Considérant que, cependant, la société TDF fait valoir que la décision attaquée « remet intégralement en cause les modalités économiques » des contrats concernés, dont l'économie supposait qu'il n'y ait pas de rupture dans leur structure tarifaire au cours de leur durée d'application ; qu'elle soutient qu'en effet, le prix payé par le cocontractant ne correspond nullement à un « loyer », dont le montant est susceptible de varier au cours de la vie du contrat, mais constitue le prix total de la prestation fournie, calculé sur l'intégralité de la période contractuelle, et dont seul le paiement est lissé dans le temps ; qu'elle en conclut que chaque contrat ne réalise son équilibre économique qu'une fois achevée la période contractuelle et qu'en conséquence la modification tarifaire imposée par la décision attaquée est venue rompre cet équilibre et a eu pour conséquence de permettre à la société TWC « de ne pas rembourser la totalité de l'investissement initial » ; qu'elle fait ainsi grief à l'Arcep d'avoir « dénaturé » les contrats qu'elle avait conclus avec la société TWC ;
Mais considérant que, comme l'Arcep le souligne dans ses observations, la prestation que la société TDF fournit au titre des contrats d'hébergement et d'accès qu'elle passe avec les diffuseurs (pièce TWC n° 4) a le caractère, non d'une prestation instantanée dont le paiement serait lissé sur cinq ans, mais d'une prestation continue dont le montant payé à échéances régulières par le diffuseur est établi sur la base d'une estimation prospective des coûts qu'elle supporte pendant la durée de ces contrats ; que la décision attaquée, en imposant pour les sites non réplicables une tarification orientée vers les coûts, a donc eu pour objet et pour effet, non de réviser rétroactivement le prix d'une prestation déjà réalisée, ce qui aurait privé le prestataire d’une partie des sommes qui lui étaient dues -, mais, pour l'avenir, de mettre ce prix en adéquation avec les coûts supportés par la société TDF, sans que celle-ci, en conséquence, ne subisse de perte ; que l'analyse développée par la société TDF selon laquelle les contrats en cause seraient des contrats autonomes, c'est-à- dire distincts de l'offre de référence, et à exécution successive est indifférente à ce constat ; que par la décision déférée, l'Arcep n'a donc nullement dénaturé les contrats dont elle a demandé qu'ils soient mis en conformité avec les obligations imposées par la décision Cycle II ;
Sur l'atteinte aux intérêts en cause et à la sécurité juridique
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société TDF rappelle que le Conseil d'État a, par plusieurs arrêts, consacré le principe de sécurité juridique qui impose aux autorités investies d'un pouvoir réglementaire de prévoir des mesures transitoires lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation entrainerait « une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause » ; qu'elle soutient que tel est le cas en l'espèce et que l'application de la décision Cycle II aux contrats en cours lui cause un préjudice économique important ; qu'elle souligne, par ailleurs, que dans ses observations sur le projet de décision Cycle II, la Commission européenne a rappelé que les obligations imposées au titre de la directive « Accès » devaient garantir une transparence et une sécurité juridique suffisantes aux acteurs du marché ;
Mais considérant, en premier lieu, qu'il convient de rappeler que le contenu des contrats n'est, par principe, pas laissé à la seule liberté contractuelle des parties, puisque le choix fait par l'Arcep de mettre en place une régulation ex ante, sur la base des pouvoirs que le législateur lui a reconnus en application des directives communautaires, soustrait par définition à cette liberté les conditions tarifaires de ces contrats ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision Cycle II dont la société TWC a, en 2010, demandé l'application, était, depuis son adoption l'année précédente, connue de la société TDF comme de tous les opérateurs concernés, lesquels étaient pleinement en mesure d'en apprécier la portée et les conséquences ; que, de surcroît, la société TDF était avertie depuis le mois de juin 2010 que la société TWC lui demandait l'application de cette décision aux contrats en cours et qu'au demeurant, elle a, en connaissance de cause, accepté d'en appliquer les dispositions tarifaires à certains de ces contrats ;
Considérant, en troisième lieu, que l'Arcep a assorti la décision attaquée des mesures transitoires propres à permettre à la société TDF d'adapter ses contrats aux nouvelles conditions tarifaires qui lui ont été imposées ; qu'ainsi, d'une part, cette autorité a prévu que ces conditions prendraient effet, non à la date d'entrée en vigueur de la décision Cycle II adoptée le 11 juin 2009, mais le 14 décembre 2010, date à laquelle il y a lieu de considérer que la société TDF a explicitement refusé de procéder aux modifications contractuelles que lui demandait la société TWC ; que, d'autre part, l'Arcep a prévu que l'obligation pour la société TDF de mettre ses contrats en cours avec la décision Cycle II s'appliquerait, non immédiatement, mais seulement le 15 septembre 2011, soit au terme d'un délai de deux mois à compter du prononcé de sa décision ;
Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce qu'allègue la société TDF dans son exposé des moyens, l'Arcep a pris en compte les conséquences concrètes, sur ses intérêts, de l'application immédiate de la décision Cycle II ; qu'ainsi, sur la base des informations fournies par les parties en réponse aux questionnaires de ses rapporteurs, elle a examiné, au point 6.2 de sa décision, « l'effet du basculement au Cycle II sur la durée des contrats en cours et sur les tarifs applicables » ; qu'elle a également analysé, au point 6.3, l' « impact financier » de sa décision ; qu'à ce titre, elle a relevé que sur la durée restant à courir des contrats en cause, et compte tenu des coûts annuels publiés par la société TDF, celle-ci subirait, du fait de l'application immédiate de la décision Cycle II, une baisse de ses recettes d'un montant de 540 000 euros HT, soit, compte tenu du montant total actuel des contrats de 3 885 000 euros HT, une baisse de de 13,9 % ; qu'elle a constaté que, rapporté à la durée de cinq années des contrats, l'impact serait alors de 4,9 %, soit un montant « du même ordre que l'incertitude liée à l'effet de l'inflation sur les tarifs payés par les opérateurs » ;
Considérant qu'au surplus, il convient d'observer que la société TDF se borne à soutenir, comme la cour vient de le relever, que la décision attaquée remet en cause l'équilibre de ses contrats et qu'elle lui cause un préjudice économique important, mais qu'elle n'en apporte pas la démonstration ; qu'en particulier, elle ne fournit aucune donnée chiffrée qui permettrait de quantifier le préjudice résultant du « basculement » de la tarification Cycle I à la tarification Cycle II, dont elle prétend qu'il est excessif et disproportionné aux objectifs d'ordre public poursuivis et qu'il détruit l'équilibre des contrats en cause ; qu'elle ne produit pas plus d'argument propre à remettre en cause l'évaluation, ci-dessus rappelée, de la baisse de ses recettes à laquelle a procédé l'Arcep ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations la démonstration que l'Arcep a veillé, dans le respect de la sécurité juridique due aux opérateurs, à ce que l'atteinte portée aux intérêts de la société TDF soit proportionnée aux objectifs d'ordre public poursuivis ;
Sur la confusion opérée par l'Arcep entre son pouvoir réglementaire et son pouvoir de règlement des différends
Considérant que la société TDF expose que, par arrêt du 11 juin 2014, le Conseil d'État s'est prononcé sur la légalité de la décision Cycle III adoptée par l'Arcep le 11 septembre 2012, qui s'est substituée à la décision Cycle II et qui, contrairement à celle-ci, a explicitement prévu qu'elle s'appliquerait aux contrats en cours ; qu'elle fait valoir que le Conseil d'État a, dans son arrêt, strictement encadré la possibilité pour l'Arcep d'imposer la modification de ces contrats, en la subordonnant à des conditions qui ne sont pas réunies en l'espèce ; qu'en particulier, elle soutient qu'il résulte de cet arrêt que l'Arcep ne peut modifier une décision de régulation ex ante en faisant usage de son pouvoir de règlement des différends et que, par ailleurs, l'application immédiate aux contrats en cours suppose, d'une part, la démonstration d'un motif général suffisant et, d'autre part, la mise en place de mesures transitoires, toutes ces conditions faisant défaut en l'espèce ;
Mais considérant, en premier lieu, que, comme la cour l'a jugé plus haut, l'Arcep n'a, en tranchant le différend qui opposait les sociétés TDF et TWC, nullement modifié la décision Cycle II, mais qu'elle l'a appliquée à ce différend en en explicitant le champ d'application ratione temporis et en constatant qu'elle était, implicitement mais nécessairement, applicable aux contrats en cours ; qu'on ne saurait donc lui reprocher d'avoir détourné de leur objet les pouvoirs que la loi lui a conférés en matière de règlement des différends ;
Considérant, en deuxième lieu, que la Cour a constaté, pour les motifs ci-dessus exposés, que l'application immédiate aux contrats en cours de la décision Cycle II répondait avec évidence à un intérêt général suffisant, lié aux objectifs que les directives communautaires et le CPCE assignent à la régulation ex ante édictée par l'Arcep ;
Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi que la cour l'a déjà jugé, l'Arcep a laissé à la société TDF un délai suffisant pour lui permettre d'adapter les contrats en cours et d'y apporter les modifications requises ; que, contrairement à ce qu'allègue la société TDF, cette autorité a donc mis en place les mesures transitoires propres à préserver la sécurité juridique due aux opérateurs ;
Sur la question préjudicielle soulevée par la société TDF
Considérant que dans ses mémoires en réplique et en duplique, la société TDF soutient que les dispositions de la directive « Accès », pour la transposition de laquelle l'Arcep a été dotée du pouvoir d'édicter une régulation ex ante, ne permettaient pas à cette autorité de prévoir, comme elle l'a fait dans la décision déférée, que les obligations de sa décision Cycle II s'appliqueraient aux contrats en cours ; qu'en conséquence, elle demande à la cour de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les questions suivante :
Les articles 5 et 12 de la Directive 2002/19/CE dite « directive accès » et les articles 6 et 7 de la Directive 2002/21/CE dite « directive cadre » doivent ils s'interpréter en ce sens qu'une autorité administrative indépendante, dans le cadre de la régulation ex ante, est compétente pour imposer à un opérateur détenant une influence significative des obligations ayant un effet rétroactif
Dans l'affirmative, cela signifie-t-il qu'une autorité administrative indépendante dispose du pouvoir d'imposer une modification des contrats en cours conclus entre deux personnes morales de droit privé ?
Dans l'affirmative, l'impératif de proportionnalité fondé sur l'article 8 de la Directive 2002/21/CE et le principe de sécurité juridique tel que résultant des principes généraux du droit de l'Union, doivent ils s'interpréter en ce sens que l'autorité administrative indépendante souhaitant imposer de telles obligations aurait l'obligation de prévoir des mesures transitoires
L'article 20 de la Directive /140/CE, qui dispose qu'une procédure de règlement de différend ne peut porter que sur des « obligations existantes » ainsi que l'article 5 de la directive 2002/19/CE établissant notamment le principe selon lequel les obligations imposées aux entreprises doivent l'être de manière transparente, doivent ils s'interpréter en ce sens qu'une autorité administrative indépendante qui n'a pas caractérisé le caractère rétroactif d'une obligation nouvelle dans le cadre d'une décision de régulation ex ante, peut le faire postérieurement dans le cadre d'une procédure de règlement de différend
Considérant qu'aux termes de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, notamment, sur l'interprétation des actes pris par les institutions de l'Union ; que lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction dont les décisions sont susceptibles d'un recours de droit interne, cette juridiction peut, sans y être tenue, demander à la Cour de statuer sur cette question, « si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement » ; qu'en l'espèce, la cour de céans, dont la décision est susceptible d'un recours de droit interne, a jugé, par les motifs ci-dessus exposés, que les moyens soulevés par la société TDF à l'appui de son recours contre la décision de l'Arcep ne soulevaient aucune question d'interprétation des directives en cause ; que la demande de la société TDF tendant à la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne sera donc rejetée ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il n'apparaît pas justifié au regard de l'ensemble des éléments du dossier de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
ECARTE des débats le mémoire déposé le 14 avril 2015 par la société Towercast ;
DEBOUTE la société TDF de ses demandes tendant au rejet des observations de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 14 octobre 2014 ;
DEBOUTE la société TDF de ses demandes tendant au rejet des observations complémentaires de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 5 février 2015 et les conclusions en duplique de la société Towercast en date du 4 mars 2015 ;
REJETTE le recours formé par la société TDF contre la décision n° 2011-0809 du 12 juillet 2011 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;
REJETTE la demande de la société TDF tendant à la saisine, à titre préjudiciel, de la Cour de justice de l'Union européenne ;
REJETTE les demandes de condamnation au titre de l'article 700 ;
CONDAMNE la société TDF aux dépens de la présente instance.