CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 10 décembre 2015, n° 2014/17972
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Syndicat des Communes du Pays de Bitche
Défendeur :
Orange (SA), Arcep
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Douvreleur
Conseillers :
Mme Michel-Amsellem, Mme Faivre
Avocats :
Me Garnier, Me Nauges, Me Delannoy
Sur le rappel des faits et de la procédure
Le syndicat de communes du Pays de Bitche (ci-après le SCPB) situé dans le département de la Moselle, recouvre deux communautés de communes du Pays de Bitche et de Rhorbach les Bitche, réunissant 46 communes.
Créé par arrêté préfectoral du 28 septembre 1977, il exerce notamment en lieu et place des communes, la compétence d’installation et d’autorisation d’installations de réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision et la surveillance de la cohérence de l’ensemble des infrastructures de télédistribution.
A compter de 2008, le Syndicat des communes du Pays de Bitche a entrepris la transformation de son réseau câblé en un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibres optiques.
A cet effet, il a défini un marché de conception-réalisation qu’il a attribué en mars 2009 et les travaux se sont achevés en fin d’année 2012.
Son réseau de fibres optiques recouvre environ 18 000 lignes potentielles sur lesquelles environ 12 000 prises terminales optiques ont déjà été installées (soit 67% de raccordements finals réalisés).
Le Syndicat des communes du Pays de Bitche qui exploite lui-même en régie ce réseau de fibres optiques jusqu’à l’abonné (réseau FttH ou desserte de la fibre jusqu’à l’abonné), s’est déclaré opérateur de communications électroniques auprès de l’ARCEP, le 5 mai 2010.
Il intervient à la fois sur le marché de gros, par la fourniture de prestations aux opérateurs de communications électroniques et sur le marché de détail depuis 2011 sous la marque « Tubeo », à destination des consommateurs finals.
Tenu à l’obligation légale d’ouvrir ce réseau à tout opérateur commercial qui lui en fait la demande en application de l'article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques, le Syndicat des communes du Pays de Bitche est le seul à ce jour, à pouvoir commercialiser des offres de détail de communications électroniques à très haut débit aux habitants des communes situés sur son territoire.
La société Orange, opérateur commercial au niveau national, de gros et de détail sur les réseaux FttH, a manifesté la volonté d’accéder au réseau établi par le Syndicat des communes du Pays de Bitche et lui a demandé, par lettre du 24 janvier 2012, de lui communiquer son offre d’accès.
Après la communication le 26 mars 2013 de l’offre d’accès, la société Orange a estimé qu’en l’état, l’architecture du réseau du Syndicat des communes du Pays de Bitche ne permettait pas l’accès passif d’opérateurs tiers puisqu’aucun lieu du réseau ne pouvait servir de point de mutualisation. La société Orange a, en outre, contesté plusieurs éléments de l’offre d’accès, notamment le dépôt financier préalablement à la négociation et signature du contrat et a souligné le caractère incomplet de l’offre.
Considérant que les échanges qui s’étaient succédés pendant deux ans, n’avaient pas permis d’aboutir à une solution permettant de garantir un accès effectif et pérenne au réseau du Syndicat des communes du Pays de Bitche, la société Orange a saisi le 19 mars 2014, l’ARCEP d’une demande de règlement de différend, dans laquelle, elle a demandé qu’il soit fait injonction au Syndicat des communes du Pays de Bitche de :
Proposer une solution permettant l’accès à ses infrastructures au niveau de points de mutualisation passif ;
Fournir une offre optionnelle de raccordement distant aux points de mutualisation pendant toute la durée de vie du réseau dès lors que les points de mutualisation couvrent une zone de moins de 1 000 logements ;
Proposer une nouvelle version de son contrat d’accès passif à son réseau FttH qui soit satisfaisante, complète et raisonnable sur sept aspects différents ;
Lui permettre de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio sur l’ensemble du réseau du Syndicat des communes du Pays de Bitche.
Par décision du 22 juillet 2014, l’ARCEP a décidé :
Article 1er : le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer dans un délai maximal de sept mois à compter de la notification de la présente décision un calendrier raisonnable de mise à disposition des points de mutualisation au niveau des points de raccordement optique, dans les conditions définies dans la partie 4.1 de la présente décision ;
Article 2 : le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer une nouvelle offre d’accès dans un délai maximal de sept mois à compter de la notification de la présente décision, qui doit répondre à sept points énoncés par l’ARCEP dans sa décision à laquelle il convient de se reporter; Article 3 : le Syndicat des communes du Pays de Bitche doit proposer la possibilité de bénéficier des conditions de cofinancement ab initio dès la publication de cette nouvelle offre d’accès durant un délai qu’il conviendra au Syndicat des communes du Pays de Bitche de préciser et qui ne saurait être inférieur à trois mois à compter de la publication d’une offre d’accès complète et
conforme à la réglementation et aux dispositions de la présente décision ;
Article 4 : le surplus des demandes de la société Orange est rejeté ;
Article 5 : (…) la décision est rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel, le Syndicat des communes du Pays de Bitche a formé, le 28 août 2014, un recours général à l’égard de cette décision.
Par conclusions notifiées le 26 septembre 2014 et le 26 juin 2015, le Syndicat des communes du Pays de Bitche demande de voir :
Annuler les articles 1,2 et 3 de la décision précitée ;
Rejeter les demandes de la société Orange ;
Condamner la société Orange à lui régler la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
À l'appui de sa demande, le Syndicat des communes du Pays de Bitche rappelle que le Pays de Bitche est une zone très rurale avec un habitat très peu dense situé dans le département de la Moselle où il avait été constaté la carence de l’initiative privée en matière de haut débit. C’est dans ce contexte et après des études techniques et économiques réalisées en 2006, que le Syndicat des communes du Pays de Bitche a décidé d’engager la rénovation de son réseau de communications électroniques devenu obsolète. Dans le cadre réglementaire alors en vigueur, le dimensionnement du réseau a été conçu de manière à respecter la neutralité technologique et à permettre un accès aux opérateurs dans des conditions transparentes et non discriminatoires, par une mutualisation passive et active. Il précise que les premières dispositions réglementaires nationales concernant les zones très peu denses n’ont été adoptées que plus d’un an et demi après le commencement de ses propres travaux de rénovation.
Concernant la procédure, il fait valoir qu’il entendait poursuivre les échanges avec la société Orange lorsque cette société a décidé de saisir l’ARCEP d’un règlement de différend, que cette saisine est irrecevable car il ne peut être considéré un échec des négociations avec l’opérateur privé.
Concernant le bien-fondé des demandes, il demande que sa proposition de localisation des points de mutualisation (PM) aux têtes de réseau secondaires ( TDRS) soit reconnue comme légitime, raisonnable et proportionnée, qu’en effet contrairement à ce que demande la société Orange, la localisation du point de mutualisation aux points de raccordement optique (PRO) soulève des difficultés compte tenu de l’emplacement de certains PRO. Il ajoute que la modification technique soulève aussi un problème budgétaire qui ne pourra être levé qu’après une commande ferme de l’opérateur privé.
Concernant les conditions techniques et tarifaires, elles dépendent de la solution technique de localisation qui sera retenue. S’agissant du dépôt financier préalable, il le qualifie de clause de dédit. Quant aux délais d’exécution des commandes de route optique, la décision d’imposer des délais si brefs n’est ni raisonnable, ni proportionnée, compte tenu des capacités opérationnelles du Syndicat des communes du Pays de Bitche.
Par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2013, la société Orange conclut à voir :
Juger que la décision n° 2014-844 rendue par l’ARCEP le 22 juillet 2014 est fondée tant en fait qu’en droit ; La confirmer ;
Rejeter les demandes formées par le Syndicat des communes du Pays de Bitche ;
Condamner le Syndicat des communes du Pays de Bitche à lui payer la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.
A l'appui de sa demande, la société Orange explique que le Syndicat des communes du Pays de Bitche a opposé si ce n‘est un refus, à tout le moins des réponses dilatoires qui caractérisent l’échec des discussions entre-eux, justifiant la saisine de l’ARCEP.
Elle rappelle qu’avant la publication de l’offre de marché public pour la rénovation de son réseau, il était manifeste que les pouvoirs publics allaient intervenir pour imposer la mise en place de points de mutualisation accessibles à des opérateurs tiers ; qu’en tout état de cause, dans le cas d’espèce, la proposition du Syndicat des communes du Pays de Bitche d’accès au réseau à partir des TDRS présente des inconvénients majeurs et entraînerait une perte de qualité pour le consommateur final ; quant à la passation d’une commande et au dépôt financier, ils ne sauraient être un préalable à la mise à niveau du réseau par le Syndicat des communes du Pays de Bitche ou à l’évolution de son contrat, qu’en outre, l’offre est incomplète et ne permet pas l’accès au réseau à des conditions raisonnables.
Elle ajoute qu’elle a, concomitamment à l’action devant l’ARCEP, mis en œuvre deux procédures judiciaires, une instance de référé qui est pendante en appel devant la cour d'appel de Metz et une procédure au fond en responsabilité civile à l’égard du Syndicat des communes du Pays de Bitche qui est en cours devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines.
L’ARCEP a notifié à la cour d'appel ses observations écrites le 27 mai 2015.
Le ministère public a communiqué son avis par conclusions écrites de rejet des demandes du SCPB, le 21 octobre 2015.
Dans la présente affaire, la Cour d’appel de Paris renvoie pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur ce
1- Sur la recevabilité de l’action devant l’ARCEP
En application de l’article L36-8 du code des postes et communications électroniques, en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques, l’ARCEP peut être saisie du différend par une des parties.
En l’occurrence, le SCPB fait valoir qu’il n’a « aucunement refusé l’accès en mode passif à son réseau FttH », qu’il a, au contraire, constamment réaffirmé sa volonté d’arriver à une commande de la société Orange dans chacune des lettres qu’il lui a adressées en réponse à ses demandes. Mais l’antériorité du projet par rapport aux normes légales mises en place, les moyens réduits dont dispose le SCPB et les contraintes du droit public expliquent la lenteur de ses réponses et de son adaptation aux besoins de la société Orange.
En réplique, la société Orange fait valoir que depuis le 24 janvier 2012, elle demande à accéder aux points de mutualisation du réseau de fibres optiques déployé par le SCPB afin de commercialiser, à l’instar de celui-ci, une offre de détail d’accès à internet en très haut débit auprès des clients finals, mais que malgré les échanges entre les parties et les informations techniques qu’elle a fournies au SCPB pour expliciter ses besoins, ce dernier a, en septembre 2013, adressé à la société Orange une nouvelle version du contrat qui n’était pas satisfaisante ; c’est pourquoi, la société Orange a été contrainte de constater l’échec des négociations commerciales et a saisi l’ARCEP de ce différend.
En l’espèce, il ressort du document adressé en septembre 2013 par le SCPB à la société Orange et notamment des pages 26 à 28 qu'il propose plusieurs solutions d’accès aux opérateurs tiers mais qu’aucune n’est opérationnelle à la date de la proposition.
La société Orange ajoute dans la lettre qu’elle adresse le 18 novembre à le SCPB, que lors de la visite technique des lieux qu’elle a faite en juillet 2013 avec le SCPB, il s’est avéré que « l’architecture et l’ingénierie du réseau déployé par le SCPB qui ne comporte pas de point de mutualisation (ci-après PM), ne permet pas une mutualisation en mode passif. »
D’ailleurs, le SCPB le reconnaît explicitement dans sa lettre en réponse du 9 janvier 2014 puisqu’il indique qu’il “ne partage pas l’analyse de la société Orange des possibilités de mutualisations en mode passif (…) dès l’origine de nos discussions, le SCPB a proposé à la société Orange deux solutions afin de prendre en compte les aménagements pouvant être réalisés en fonction des besoins exprimés.”
Ainsi, il s’avère que le réseau en fibre optique réalisé par le SCPB n’était pas en état d’être mutualisé lorsque la société Orange lui a demandé d’y accéder et que pendant toute la durée de leurs discussions le syndicat a envisagé deux possibilités différentes de mutualisation sans s’arrêter à aucune.
Or l’article L. 34-8-3 alinéa 2 du code des postes et communications électroniques prévoit que toute personne qui exploite une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un client final fournit (…) l’accès en un point situé hors des limites de la propriété privée et permettant le raccordement effectif d’opérateurs tiers (…).
Dans la mesure où après plus d’un an et demi d’échanges, les deux parties restent en désaccord notamment sur un des éléments essentiels du raccordement au réseau, à savoir la localisation du point de mutualisation et que chacune des parties reste fixée sur sa position, il y a lieu de constater l’échec des négociations commerciales entre la société Orange et le SCPB justifiant la saisine de l’ARCEP.
Par conséquent, c’est à bon droit que l’ARCEP a constaté que l’échec des négociations entre le SCPB et la société Orange était caractérisé.
2- Sur la localisation du point de mutualisation
L’article L. 34-8-3 alinéas 1 et 2 du code des postes et communications électroniques prévoit que “toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un client final fait droit aux demandes raisonnables d’accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d’opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final. L’accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé (…) hors des limites de la propriété privée et permettant le raccordement effectif d’opérateurs tiers à des conditions économiques, techniques et d’accessibilité raisonnables”.
Cet article figurait dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et a été complété le 17 décembre 2009 par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique.
A la suite de cette nouvelle législation, l’ARCEP a déterminé les modalités de son application sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses dans sa décision n° 2010-1312 du 24 décembre 2010.
Cette décision prévoit en particulier en son article 3, que le point de mutualisation ( ciaprès PM) est dimensionné et localisé par l’opérateur d’immeuble de telle manière qu’il permette le raccordement des réseaux de plusieurs opérateurs tiers dans des conditions économiques et techniquement raisonnables, eu égard notamment aux spécificités de l’habitat local et des liens de raccordement distant disponibles.
En l’occurrence, pour s’opposer à la localisation décidée par l’ARCEP, le SCPB fait valoir, en premier lieu, que ses travaux sont antérieurs au dispositif légal concernant le réseau de fibre optique.
En deuxième lieu, que son réseau est constitué de 6 têtes de réseau (ci-après TDR) et de 90 points de raccordement optique ( ci-après PRO), implantés dans une zone très rurale à l’habitat très peu dense ; que dans ce contexte, deux solutions techniques se présentent, soit ajouter une armoire PM à côté de l’armoire PRO existante, soit organiser la mutualisation au niveau des TDR et tirer de nouveaux câbles optiques.
Il considère que dans leur état actuel, les TDR sont d’une taille suffisante et justifieraient juste quelques aménagements pour accueillir les équipements de la société Orange et que les travaux de tirage de câbles se feraient dans des fourreaux neufs et non encombrés et n’impliqueraient pas d’importants travaux paysager ou de génie civil.
Selon le SCPB, cette offre répondrait aux exigences légales et notamment correspondrait à une demande raisonnable d’accès.
En revanche, il estime que la localisation des PM aux 90 PRO entraînera un encombrement de la voie publique et des travaux plus lourds sur les 90 PRO qui devront être agrandis.
En réplique, la société Orange rappelle au préalable, que lorsque le SCPB avait envoyé son fichier décrivant l’architecture théorique du réseau qu’il envisageait, les PM étaient localisés au niveau des PRO.
Ensuite, la société Orange précise qu’elle a observé lors de la visite réalisée en juillet 2013 et lors du déplacement effectué avec les rapporteurs de l’ARCEP, que les TDR ne disposaient pas, à l’heure actuelle, d’une taille suffisante pour accueillir des opérateurs commerciaux en mode passif. En outre, cette solution impliquerait des PM avec une zone arrière de logements ou locaux professionnels supérieurs à 3000, ce qui entraînerait des longueurs de boucles locales optiques excessives nuisant à la qualité du service rendu au client final.
Se fondant sur la décision précitée de 2010 et sur la visite des lieux effectuée avec les parties le 5 juin 2014 portant tant sur des PRO que sur des TDR, l’ARCEP explique qu’après avoir mis en balance les avantages et inconvénients de chacune des deux solutions proposées par le SCPB, elle a estimé que la solution permettant l’accueil à terme de plusieurs opérateurs ( en plus de la société Orange) et qui ne nécessiterait pas de travaux complexes serait celle de la localisation des points de mutualisation aux 90 PRO alors que la localisation des PM aux TDR nécessiterait un aménagement du réseau qui passerait, en premier lieu, par le tirage de câbles supplémentaires impliquant des travaux de génie civil tels que des tranchées pour la pose de fourreaux, en second lieu, par l’agrandissement des armoires des TDR actuelles.
L’ARCEP ajoute que la réalisation de PM de forte capacité destinés à alimenter plusieurs milliers de logements ou locaux professionnels, organisés sur plusieurs armoires éventuellement distantes ne garantit pas la possibilité d’une exploitation fiable et pérenne, contrairement aux PM situés au niveau des PRO qui desserviront 200 lignes en moyenne, ce qui engendrera moins de risque d’erreurs et d’incidents lors des interventions des différents opérateurs tout au long de la vie du réseau.
En outre, l’ARCEP a observé que le SCPB a localisé ses propres équipements passifs au niveau des PRO qui sont situés plus près des locaux des clients finaux. Elle considère donc que proposer à la société Orange de situer ses équipements au niveau des TDR serait contraire au principe de non-discrimination posé par l’article L. 34-8-3 du code des postes et communications électroniques.
Les constatations effectuées sur les lieux par l’ARCEP à partir d’un échantillon de sites proposés par les parties elles-mêmes et les arguments avancés par chacune d’elles ainsi que les explications de l’ARCEP permettent d’établir que chacune des propositions du SCPB impliquera des travaux mais que la localisation des PM aux PRO nécessitera des travaux de moindre importance que celle concernant les TDR.
En outre, la solution de localiser les PM aux PRO bien qu’elle concerne une zone arrière de 200 logements ou locaux professionnels et qu'elle soit inférieure au seuil de 300 locaux fixé par la décision précitée de 2010, a été admise par l’ARCEP au titre des exceptions à la décision de 2010 et n’est pas contestée par la société Orange.
La solution de localiser le PM au P RO correspond aussi à la propre localisation par le SCPB de ses coupleurs ( équipements passifs).
Cette situation que le SCPB ne propose pas de modifier, exige que les opérateurs tiers, en l’occurrence la société Orange, bénéficie des mêmes conditions d’accès.
Pour toutes ces raisons, la solution de localiser les PM aux PRO est une solution raisonnable pour le SCPB tant sur le plan technique qu’économique et permet le raccordement effectif d’opérateurs tiers à des conditions économiques, techniques et d’accessibilité raisonnables.
Il y a lieu de souligner que le SCPB qui n’a pas sollicité le sursis à statuer de la décision contestée, met actuellement en œuvre, cette solution.
En l’absence de contestation sur la durée de mise à disposition des PM, l’article 1er de la décision contestée sera confirmé en son entier.
3- Sur l’offre d’accès
Le SCPB ne conteste que les points suivants de l’article 2 de la décision, à savoir :
L’obligation de proposer des spécifications techniques complètes ;
L’obligation de fournir des routes optiques dans un délai inférieur à 5 jours ouvrés ;
L’obligation de ne demander aucun dépôt financier préalable à la négociation et à la signature du contrat ;
a) Sur l’obligation de proposer des spécifications techniques complètes
Le SCPB reconnaît que dans l’offre d’accès adressée à la société Orange, elle a décrit les principes généraux de fonctionnement des équipements de son réseau et qu’elle souhaitait avoir avec elle un échange pour déterminer les solutions techniques d’accès.
Mais dès lors qu’il a été décidé précédemment qu’il appartenait au SCPB de localiser les PM aux PRO et de les réaliser lui-même pour les mettre ensuite à disposition des opérateurs tiers, en l’occurrence la société Orange, il revient au SCPB d’énoncer dans l’offre d’accès, les spécifications techniques complètes des équipements de son réseau qui sont concernés par l’accès par un opérateur tiers ou par l’hébergement de ses équipements.
La décision contestée sera donc confirmée sur ce point.
b) L’obligation de fournir des routes optiques dans un délai inférieur à 5 jours ouvrés
Le SCPB fait valoir que cette obligation n’est ni raisonnable, ni proportionnée, eu égard à ses moyens.
La société Orange, en réplique, explique que lorsque l’opérateur commercial construit lui-même le raccordement pour son client, la prestation fournie par l’opérateur d’immeuble consiste à lui transmettre une route optique, c’est-à-dire à extraire du système informatisé les informations permettant de repérer la fibre optique et de les transmettre à l’opérateur en respectant un format normalisé.
L’ARCEP confirme cette analyse en indiquant qu’il s’agit d’un flux d’échange de données qui a vocation à être automatisé par l’outil d’aide à la prise de commande (le web service).
Dans la mesure où l’ARCEP ouvre la possibilité de dépasser le délai de 5 jours dans des cas exceptionnels dûment motivés, la décision de limiter à 5 jours le délai de fourniture d’une route optique est raisonnable au regard des moyens dont dispose le SCPB et permet aussi à l’opérateur tiers d’accéder dans des conditions raisonnables au réseau de le SCPB.
La décision contestée sera donc confirmée sur ce point et pour son surplus qui n’est pas contesté.
c) Sur l’obligation de ne demander aucun dépôt financier préalable à la négociation et à la signature du contrat ;
A la lecture du projet d’offre d’accès litigieux, conditions particulières, annexe 2 relatif aux modalités de consultation (pièce 6 du dossier de la société Orange), il ressort que l’opérateur qui répond à l’offre d’accès, s’engage sur une zone donnée et un niveau de cofinancement. Cet engagement prend la forme d’une lettre envoyée au SCPB. Il est stipulé que « la prise en compte de cette demande d’investir est assortie du versement d’un dépôt de 10% du montant du premier versement lié à l’investissement. Ce dépôt est limité à 15 000 euros et est définitivement acquis au SCPB au titre des études liées à la conclusion du contrat définitif. Ce dépôt sera transformé en avoir lors de la conclusion du contrat définitif. »
Le SCPB qualifie le versement de cette somme de clause de dédit, d’usage courant dans le domaine contractuel.
De son côté, la société Orange estime qu’au stade de la lettre de demande de cofinancement, il n’y a pas encore d’accord sur la chose et le prix et que le versement de cette somme est en réalité un préalable à une négociation sur le contrat d’accès et qu’il est de ce point de vue, inacceptable.
Selon l’ARCEP, compte tenu de son mécanisme, cette clause apparaît comme léonine et donc dissuasive pour les opérateurs tiers.
Dans le domaine général du contrat, il est constant qu’avant la conclusion définitive du contrat, une période de négociation puisse s’ouvrir. Au cours de celle-ci, un ou des accords intermédiaires peuvent être conclus qui engagent une des parties ou les deux ; ce ou ces accords intermédiaires prévoient généralement qu’ils deviendront caducs si le contrat définitif n’intervient pas à une date déterminée ou si certaines conditions ne se sont pas réalisées.
Lorsque le versement d’une somme d’argent est prévu préalablement à la conclusion du contrat définitif, son régime juridique peut varier selon qu’il s’agit d’une clause de dédit, d’une clause pénale ou d’arrhes, en fonction de la finalité du versement de cette somme.
S’agissant plus particulièrement de la clause de dédit, il s’agit d’une clause qui offre à une partie déterminée ou aux deux, la faculté de se dédire, c’est-à-dire de se dégager d’un contrat déjà conclu. Elle se distingue de la clause pénale en ce qu’elle ne sanctionne pas une inexécution.
Cependant, pour être valable, la clause de dédit suppose qu’un contrat unilatéral ou synallagmatique ait été passé entre les parties, c’est-à-dire à tout le moins que la personne qui fasse l’offre ait manifesté sa volonté d’être liée en cas d’acceptation, son offre étant irrévocable pendant un délai déterminé ou une durée raisonnable. L’offre doit, bien entendu, contenir les éléments essentiels du futur contrat définitif puisque l’acceptation de l’offre donne naissance au contrat définitif.
Ainsi la clause de dédit compense le préjudice résultant pour le promettant d’être resté à la disposition exclusive du bénéficiaire pendant certain temps et de l’absence de la levée de l’option par ce dernier.
En l’espèce, l’analyse de la clause financière stipulée par le SCPB, ne permet pas d’avoir la certitude qu’il est engagé par l’offre qu’il propose alors que l’opérateur tiers s’engage juridiquement et financièrement.
Ainsi le SCPB dispose du pouvoir discrétionnaire de mettre fin à l’accord intermédiaire signé par le tiers opérateur tout en conservant la somme d’argent que ce dernier a versé.
En outre, il a été établi dans les paragraphes précédents que l’offre du SCPB était encore incomplète et ne prévoyait pas les éléments essentiels du futur contrat.
Dans ces conditions, en l’absence de volonté ferme du SCPB de s’engager et d’offre prévoyant les éléments essentiels du futur contrat, la clause de versement d’une somme d’argent par l’opérateur tiers à l’opérateur historique, n’est pas valable et doit être annulée.
La décision contestée qui a écarté cette clause de dépôt financier préalablement à la négociation et la signature d’un contrat sera donc confirmée.
2- Sur la durée de l’offre de cofinancement ab initio
Le SCPB fait valoir qu’il était d’accord avec la demande de la société Orange de souscrire une offre ab initio mais que, estimant que l'offre d’accès est valable, il considère qu’il n’a pas à proposer à nouveau une offre ab initio pendant une durée de trois mois.
Toutefois, il précise qu’il a publié une nouvelle offre le 27 février 2015 et que la société Orange ne s’est pas encore engagée.
En réplique, la société Orange fait valoir que Le SCPB ne peut subordonner l’accès de la société Orange à une commande ferme de sa part.
En l’occurrence, ainsi que le rappelle l’ARCEP dans ses observations, l’engagement de cofinancement ne peut intervenir qu’une fois publiée une offre d’accès complète, lisible et exploitable conformément à l’article 8 de la décision n° 2010-1312 du 14 décembre 2010.
Or, dans la situation présente et le SCPB ne le conteste pas, la mise à niveau du réseau de fibre optique et notamment, l’installation des points de mutualisation est en cours, par conséquent, l’offre d’accès du SCPB n’est pas encore complète, lisible et exploitable.
L’obligation imposée au SCPB dans l’article 3 de la décision contestée n’a donc pu être valablement exécutée par celui-ci jusqu’à présent ; elle doit donc être confirmée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les circonstances de fait ne justifient pas qu’il soit fait droit à la demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile et que le SCPB soit condamné à payer à la société Orange une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, le SCPB sera condamné aux dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Rejette le recours formé à l'égard de la décision n° 2014-0844 rendue le 22 juillet 2014 par l’ARCEP ;
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne Le SCPB aux dépens du recours.