CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 2 juin 2020, n° 18/23074
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Adaequatio (SARL)
Défendeur :
Alter Egale (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Conseiller :
Mme Texier
Avocats :
Me Carron, Me Briand, Me Gagey
FAITS ET PROCÉDURE:
La société Alter égale exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine. Elle a pour associés Mme G M et M. K
La société Ad personam, dont M. L O était l'unique associé, exerçait une activité de courtage en assurances.
Par traité de fusion du 16 décembre 2014, avec effet rétroactif au 1er avril 2014, la société Alter égale a absorbé l'intégralité de la société Ad personam dont la clientèle a ainsi été transférée à la société Alter égale. M. O a par ailleurs acquis 19,63 % du capital social de la société Alter égale après fusion.
Le 2 janvier 2015, M. O a été nommé co gérant de la société.
Des dissensions sont apparues entre les associés historiques de la société Alter égale et M. P J Y N X, les parties ont conclu un protocole d'accord aux termes duquel M. O démissionnait de ses fonctions de co gérant, le capital social devait être réduit pour annuler les actions appartenant à M. O et la société Alter égale cédait à M. O le fichier clientèle apporté par la société Ad personam.
M. O a ensuite créé la société Adaequatio pour exercer son activité.
Le transfert de portefeuille à M. O étant subordonné à l'agrément ou autorisation des compagnies d'assurance, la société Alter égale a différé la cession du portefeuille.
Après avoir saisi le juge des référés qui a considéré comme sérieuse la contestation des conditions de transfert des contrats telles que stipulées dans le protocole d'accord, M. O et la société Adaequatio ont assigné la société Alter égale devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ordonner sous astreinte à la société Alter égale de procéder au transfert de l'ensemble de la documentation informatique et physique relative aux contrats dont la liste est annexée au protocole d'accord, de voir condamner la société Alter égale à payer à M. O diverses sommes au titre de cotisations sociales, de sa rémunération d'octobre 2015 et de dommages intérêts, et de voir condamner la société Alter égale à payer à la société Adaequatio des dommages intérêts et une somme correspondant à une facture d'expert-comptable.
A titre reconventionnel, la société Alter égale a engagé la responsabilité contractuelle de M. O, en sa qualité de représentant légal et d'actionnaire de la société Ad personam et en raison de ses agissements personnels, et demandé sa condamnation en paiement de dommages intérêts pour le préjudice financier et le préjudice moral subis et pour procédure abusive.
Par jugement du 14 septembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- ordonné à la société Alter égale de procéder au transfert de l'ensemble de la documentation informatique et physique relative aux contrats dont la liste est annexée au protocole d'accord du 3 novembre 2015 dans les 30 jours de la signification du jugement accompagné d'une liste exhaustive détaillant les pièces remises,
- condamné la société Alter égale à payer à la société Adaequatio et à M. L O la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Alter égale de ses demandes reconventionnelles,
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Alter égale aux dépens.
Par déclaration du 26 octobre 2018, la société Adaequatio et M. Orsini ont interjeté appel du jugement en intimant la société Alter égale. La déclaration d'appel porte sur la réformation du jugement en ce qu'il a débouté M. O de ses demandes en paiement au titre des cotisations sociales 2014 et 2015, de sa rémunération d'octobre 2015 et d'un préjudice moral, et en ce qu'il a débouté la société Adaequatio de sa demande de dommages intérêts et en paiement de la facture d'un expert-comptable.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 janvier 2020, M. O et la société Adaequatio demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté M. O de ses demandes tendant à la condamnation de la société Alter égale à lui régler la somme de 12.918 euros au titre des cotisations sociales 2014 et 2015, arrêtées au 3 novembre 2015, la somme de 4.000 euros au titre de sa rémunération du mois d'octobre 2015 et la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;
- débouté la société Adaequatio de sa demande visant à la condamnation de la société Alter égale à lui régler la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice du fait du comportement abusif et déloyal de la société Alter égale et la somme de 1.800 euros TTC au titre du remboursement de la facture de la société Apiq ;
- de le confirmer pour le surplus ;
- statuant à nouveau, de condamner la société Alter égale à régler à M. O la somme totale de 12.918 euros, au titre des cotisations sociales 2014 et 2015, arrêtées au 3 novembre 2015, somme constituée du montant de la régularisation appelée par le Rsi au titre de l'année 2014 (3.555 euros), des cotisations appelées par l'Urssaf au titre de l'année 2015 (5.823 euro), des cotisations appelées par le Rsi au titre de l'année 2015 (2.810 euros) et des cotisations appelées par la Cipav au titre de l'année 2015 (730 euros), à titre subsidiaire, de condamner la société Alter égale à régler à M. O la somme de 12.918 euros à titre de dommages intérêts ;
- en tout état de cause, de condamner la société Alter égale à régler à M. O la somme 4.000 euros au titre de sa rémunération du mois d'octobre 2015 et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral du fait du comportement abusif et déloyal de la société Alter égale, de condamner la société Alter égale à verser à la société Adaequatio la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice du fait du comportement abusif et déloyal de la société Alter égale et celle de 1.800 euros TTC au titre du remboursement de la facture de la société Apiq, de débouter la société Alter égale de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 janvier 2020, la société Alter égale demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement déféré s'agissant du caractère mal fondé et sans objet des demandes formulées par M. O et la société Adaequatio et de débouter M. O et la société Adaequatio de l'ensemble de leurs demandes ;
- à titre reconventionnel, de constater le caractère abusif de l'appel formé par M. O et la société Adaequatio à son encontre et, en conséquence, de condamner chacun des appelants au paiement d'une amende civile de 10.000 euros au titre de la procédure abusive initiée ;
- en tout état de cause, de condamner chacun des appelants au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE,
Il résulte de l'appel principal et des conclusions de la société Alter égale, qui n'a pas formé d'appel incident, qu'aucun appel n'a été formé à l'égard des chefs du jugement déféré qui ont ordonné à la société Alter égale de procéder au transfert de l'ensemble de la documentation informatique et physique relative aux contrats cédés, condamné la société Alter égale à payer à la société Adaequatio et à M. O la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Alter égale de ses demandes reconventionnelles et condamné la société Alter égale aux dépens.
Sur la nature du protocole d'accord du 3 novembre 2015 :
La société Alter égale oppose à M. O et à la société Adaequatio le protocole d'accord du 3 novembre 2015. Elle considère que ce protocole, qui comprend des concessions réciproques, est une transaction, que cette transaction est globale et porte sur les conditions de sortie de M. O et qu'en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au protocole et de son effet extinctif, toutes les demandes de M. O et de la société Adaequatio sont infondées. Elle fait ainsi valoir que les éventuelles sommes ou rémunérations prétendument dues à M. O relèvent des modalités de son départ, qu'ayant renoncé à tous droits, actions et prétentions relatifs à son départ, il est mal fondé à en réclamer le paiement, que les régularisations de cotisations sociales signifiées à M. O après la signature du protocole d'accord pour les années 2014 et 2015 ne constituent pas un élément nouveau des modalités de sa sortie, aucune décision sociale ou contrat ne prévoyant la prise en charge des cotisations sociales de ce dernier par la société Alter égale ni d'éventuelles régularisations ou pénalités liées à ces cotisations sociales.
Les appelants soutiennent que le protocole d'accord n'est pas une transaction dès lors qu'il ne prévoit aucune renonciation générale des parties à tout recours et qu'il a pour seul objet de régler les modalités de sortie de M. O, c'est-à- dire l'annulation de ses parts sociales et la reprise de sa clientèle. Ils font valoir que la clause par laquelle M. O s'est engagé à renoncer à tout droit émanant de la société Alter égale porte sur la seule réduction du capital social et que la somme de 2.000 euros prévues à l'article 3 ne constitue pas une indemnité à caractère forfaitaire et définitif pour solde de tout compte entre les parties mais a pour seul objet de compenser la perte des honoraires et commissions qu'aurait dû percevoir M. O sur les contrats des clients lui revenant, postérieurement à la signature du protocole, dans l'attente de l'obtention de ses agréments auprès des compagnies d'assurance. Ils affirment que si le protocole d'accord a un caractère transactionnel, la transaction ne pourrait porter, en tout état de cause, que sur des éléments connus des parties, que M. O n'ayant eu connaissance qu'en janvier 2016 du défaut de règlement par la société Alter égale des cotisations 2014 et 2015 n'a pas pu renoncer à en réclamer le paiement par cette société, que la question de sa rémunération d'octobre 2015 n'a pas été évoquée dans le protocole d'accord.
Le protocole d'accord indique, en page 3, que 'les parties se sont rapprochées et ont souhaité régler les modalités de sortie de M. O de manière amiable' et que c'est dans cet objectif qu'il a été établi. Si ce protocole prévoit des engagements de chacune des parties, il ne fait état d'aucune contestation née ou à naître entre les parties auquel il serait mis fin. Aucune renonciation à tout recours de portée générale ou propre à chacun des engagements n'y figure, seules étant prévues, d'une part, les renonciations de la société Alter égale au recouvrement des frais engagés au lieu et ... et à l'application de la clause d'exclusivité du pacte d'actionnaires et, d'autre part, la renonciation de M. O aux droits 'émanant de la société Alter égale' dès la date du protocole, ces deux dernières renonciations étant des conséquences de la sortie de M. O du capital de la société Alter égale.
Les engagements énoncés dans ce protocole ne constituent donc pas des concessions réciproques par lesquelles la société Alter égale et M. O ont mis fin à un litige mais définissent les seules modalités de sortie de M. O du capital de la société Alter égale. Le protocole d'accord n'a donc pas de caractère transactionnel.
Sur le remboursement des sommes réclamées par les organismes sociaux à M. O :
M. O et la société Adaequatio soutiennent que la société Alter égale est tenue, aux termes du traité de fusion ayant un effet rétroactif au 1er avril 2014, de prendre en charge la régularisation des cotisations Rsi au titre de l'année 2014 et qu'elle est redevable des cotisations de l'année 2015 dues au titre de ses fonctions d'associé gérant. Ils font valoir que la commune intention des parties était que la société Alter égale prenne en charge les cotisations sociales dues à la Cipav, au Rsi et à l'Urssaf comme elle l'a fait pour tous les associés, que la société Alter égale reconnaît dans ses écritures avoir volontairement pris en charge ces cotisations au titre de 2014 et 2015 et avoir cru s'en être acquittée puisqu'elle affirme avoir renoncé à leur remboursement dans le protocole d'accord. Ils estiment que l'absence de décisions collectives des associés n'empêche pas la prise en charge des cotisations sociales des associés par la société si les parties ont décidé sans équivoque de cette prise en charge, ce qui est le cas en l'espèce.
La société Alter égale soutient que la prise en charge des cotisations sociales du gérant par la société est assimilée à une rémunération de sorte qu'elle doit être décidée par une décision collective des associés, que les appelants n'apportent pas la preuve d'une telle décision fixant la rémunération de M. O ni d'une commune intention des parties, qu'elle-même ne s'est jamais engagée à s'acquitter de ces cotisations, que l'acte de fusion ne précisait pas que le passif de la société Ad personam intégrait un arriéré ou des majorations de cotisations sociales dus par M. O pour l'année 2014 et qu'il n'est produit aucune décision sociale indiquant que les cotisations sociales étaient prises en charge par la société Ad personam. Elle ajoute qu'elle a effectivement payé certaines cotisations sociales, sans y être obligée ni s'y être engagée, et qu'elle a renoncé dans le protocole d'accord à réclamer à M. O les frais engagés depuis l'opération de fusion qui comprenaient les cotisations dont elle s'était ainsi acquittée.
Aux termes du traité de fusion, la société Alter égale, société absorbante, déclare accepter de supporter et de s'acquitter de tous impôts, contributions, taxes, loyers et primes d'assurance à compter du jour de la réalisation de la fusion (article 2.1) et elle prend à sa charge l'intégralité des passifs résultant de la poursuite de l'exploitation de la société Ad personam, société absorbée, entre la date du jour d'arrêté du bilan au 31 mars 2014 servant de base à la fusion jusqu'à la date de réalisation définitive de celle-ci (article 2.2), laquelle intervient, selon l'article 4.3, à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société Alter égale décidant de l'augmentation de capital à effectuer en contrepartie de la fusion. Il en résulte que la société Alter égale est redevable du passif généré par l'exploitation de la société Ad personam en 2014, que ce soit au titre de la reprise du passif arrêté au 31 mars 2014 ou de celui généré après cette date. Or les comptes sociaux de la société Ad personam, société dont l'associé unique est M. O, arrêtés au 31 mars 2014 font apparaître le paiement de cotisations sociales au Rsi, établissant ainsi la prise en charge par la société des cotisations de M. P E conséquence de la fusion, la société Alter égale est donc redevable des cotisations restant dues au Rsi au titre de l'année 2014, soit une somme de 3.555 euros correspondant à une régularisation selon l'avis avant poursuites adressé à M. O le 26 janvier 2016.
S'agissant de la prise en charge par la société Alter égale des cotisations sociales de M. O au cours de l'année 2015, M. O ne produit pas de pièces actant une décision des associés en ce sens.
En effet, M. O verse aux débats, d'une part, les comptes annuels de la société Alter égale arrêtés au 31 décembre 2014, qui font apparaître en charges à payer les charges sociales 'travailleurs non-salariés' des trois associés et gérants à hauteur de 35.493 euros pour M. K, de 67.246 euros pour Mme M et de 9.799 euros pour M. O, et d'autre part des courriels de Mme M des 3 et 4 décembre 2014 adressés à MM. K et O transmettant le prévisionnel de la société en 2015, le premier courriel intégrant comme charges les rémunérations de chacun des trois, charges sociales comprises, soit un montant de 16.800 euros pour MM. K et O chacun et de 31.850 euros pour Mme M, et le second courriel présentant un montant global de charges de rémunération, cotisations sociales, frais de réception et assurances personnelles pour chacun des trois.
Il ressort en outre d'un courriel du 4 mai 2015 de M. K à l'expert-comptable de la société lui transmettant des documents du Rsi concernant M. O, dont un appel de cotisations, d'un échange de courriels le 13 mai 2015 entre M. K et l'avocat de la société dans lequel le premier transmet au second pour lui-même et M. O leur numéro de sécurité sociale, la désignation du Rsi comme organisme d'assurance maladie et le choix du régime 'travailleur non salarié', et d'un courriel du 19 juin 2015 de Mme M à l'expert-comptable indiquant que le Rsi ne trouve pas trace de l'enregistrement de MM. K et O, que le Rsi a bien acté la radiation de M. O sur son ancienne structure mais que, depuis, il n'est pas enregistré. Ces trois courriels démontrent que les démarches ont été entreprises pour mettre en oeuvre la décision de maintenir la prise en charge des cotisations sociales des gérants par la société en 2015. Dans un courriel du 7 septembre 2015, Mme M, faisant le bilan des charges et chiffres d'affaires générés par les uns et les autres en 2014 et
2015 en vue de définir les conditions financières du départ de M. O, indique qu'au 30 juin 2015 la rémunération de ce dernier a été de 25.000 euros et ses charges sociales de 13.463 euros, confirmant ainsi la décision de faire supporter les cotisations sociales des associés et gérants par la société.
Toutefois, ces pièces tendent à établir un accord entre les trois associés également gérants de la société Alter égale alors qu'au vu du procès-verbal de l'assemblée générale des associés du 2 janvier 2015 désignant M. O comme cogérant, la société avait alors pour associés également M. S D (180 parts sociales), M. Q B (une part sociale), Mme Z H (une part sociale), M. I Q A (une part sociale) et la société BBF (une part sociale), ces associés représentant ensemble 5,13 % du capital social. Or M. O ne produit aucune pièce faisant état de l'accord de l'ensemble des associés sur la prise en charge des cotisations sociales des gérants par la société en 2015.
Il en résulte que M. O doit être débouté de sa demande au titre des cotisations sociales de l'année 2015.
Il sera donc fait droit à sa demande principale à hauteur de 3.555 euros correspondant aux seules cotisations sociales dues aux différents organismes au titre de l'année 2014.
A titre subsidiaire, les appelants sollicitent des dommages et intérêts, à hauteur de la somme de 12.918 euros, en arguant de la mauvaise foi de la société Alter égale. La société Alter égale estime cette demande irrecevable car nouvelle en cause d'appel, n'ayant pas été formée dès les premières conclusions d'appelant et dépourvue de tout moyen en fait et en droit.
M. O et la société Adaequatio n'ont pas formé de nouvelles prétentions dans leurs dernières écritures mais ont ajouté, à l'appui de leur demande en paiement, un fondement juridique nouveau, subsidiaire et différent de celui invoqué à titre principal. Il en résulte que les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 908 à 910 du code de procédure civile, qui portent sur les seules prétentions des parties à l'exclusion des moyens invoqués à leur soutien, ne sont pas encourues en l'espèce. L'absence de moyen en fait ou en droit, quant à elle, ne constitue pas une fin de non-recevoir.
M. O et la société Adaequatio sollicitent des dommages et intérêts en se bornant à alléguer une prétendue mauvaise foi de la part de la société Alter égale. Ils n'invoquent toutefois pas de faits précis caractérisant un comportement fautif de la société Alter égale ni ne font la démonstration d'un préjudice qui en résulterait et qui serait constitué du montant des cotisations sociales dont M. O a dû s'acquitter auprès des organismes sociaux. Ils doivent donc être déboutés de leur demande indemnitaire.
Sur le paiement de la rémunération du mois d'octobre 2015 de M. O :
M. O et la société Adaequation soutiennent qu'une rémunération annuelle nette d'un montant de 48.000 euros au profit de M. O avait été convenue entre les parties et que la société Alter égale n'a jamais versé la rémunération d'octobre 2015 alors même qu'il était toujours co gérant. Ils prétendent que l'indemnité de 2.000 euros, prévue par le protocole d'accord à titre de compensation des commissions perçues par la société Alter égale devant revenir à M. O, n'a pas été versée pour solde de tout compte, que M. O n'a pas renoncé à sa rémunération due au titre du mois d'octobre 2015. Ils font valoir que la rémunération de M. O se déduit de la commune intention des parties, nonobstant l'absence de délibération des organes sociaux, et que la société Alter égale a expressément reconnu le droit à rémunération de M. O à hauteur de 4.000 euros nets mensuels.
La société Alter égale invoque l'absence de décision collective des associés fixant la rémunération de M. O et l'absence d'engagement contractuel. Elle prétend en outre que la somme forfaitaire de 2.000 euros, prévue par le protocole d'accord à titre d'indemnité au bénéfice de M. O, comprenait nécessairement tout règlement éventuellement dû à M. O pour le mois d'octobre 2015.
Aucune stipulation du protocole d'accord ne règle la question de cette rémunération mensuelle, M. O n'y ayant pas renoncé expressément, que ce soit par une clause particulière ou une clause de portée générale, et l'indemnité de 2.000 euros invoquée par la société Alter égale étant prévue en compensation d'honoraires ou commissions que M. O n'aurait pas perçus et non comme solde de tout compte.
M. O verse aux débats, d'une part, des courriels des 3 et 4 décembre 2014 adressés par Mme M à MM. K et O transmettant le prévisionnel de la société en 2015, lequel intègre comme charges les rémunérations de chacun des trois, celle de MM. K et O étant fixée à 48.000 euros annuels, mais précise qu''en fonction du chiffre d'affaires réalisé en fin d'année 2015, nous pourrons toujours augmenter cette rémunération.', de deuxième part un courriel de Mme M du 7 septembre 2015 faisant état de la rémunération perçue par M. O au 30 juin 2015, soit 25.000 euros, et de troisième part un courriel du conseil de la société Alter égale, daté du 1er octobre 2015, répondant au conseil de M. O, qui avait demandé le paiement de la rémunération de son client pour le mois de septembre 2015, qu''il n'[avait] jamais été question de ne pas rémunérer M. O qui sera évidemment réglé.'
S'il se déduit de ces éléments que le principe d'une rémunération mensuelle de M. O a été accepté entre les trois associés également gérants, et ce à hauteur de 4.000 euros, M. O ne produit aucune pièce faisant état de l'accord de l'ensemble des associés sur cette rémunération alors qu'il a été précédemment constaté qu'au jour de sa désignation comme gérant la société Alter égale avait, outre les trois associés gérants, cinq autres associés.
Faute de démontrer l'existence d'une décision collective de l'ensemble des associés de la société Alter égale quant au principe et au montant de sa rémunération, M. O doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 4.000 euros.
Sur les demandes de dommages et intérêts :
M. O et la société Adaequatio soutiennent que la société Alter égale a multiplié les actes dilatoires et déloyaux en inventant des conditions supplémentaires au transfert de la clientèle puis en opposant un refus audit transfert, que ces manoeuvres ont retardé le transfert de clientèle jusqu'à 18 mois, qu'ils ont été contraints d'engager deux procédures judiciaires, que M. O s'est ainsi trouvé privé de tout revenu de novembre 2015 au premier trimestre 2016, qu'il n'a pu développer son activité pendant cette période et qu'il a dû faire appel à un expert-comptable pour régulariser sa situation auprès des organismes sociaux. Ils prétendent que la société Adaequatio a subi un préjudice constitué, d'une part, de la différence entre son chiffre d'affaires et celui qu'avait réalisé la société Ad personam en 2014 et, d'autre part, d'une facture de travaux d'expertise comptable et que M. O a subi un préjudice moral.
La société Alter égale réplique qu'elle a respecté les termes du protocole et les règles de transfert de clientèle en exigeant que M. O établisse avoir obtenu les agréments et autorisations des compagnies d'assurances pour opérer le transfert des contrats et qu'aucun comportement déloyal ou abusif de sa part n'est démontré. Elle ajoute que les appelants n'apportent pas la preuve du préjudice financier prétendument subi par la société Aedequatio ni d'un lien de causalité entre ce préjudice et une faute qu'elle aurait commise, qu'au jour de l'assignation seuls quatre comptes clients n'avaient pu être récupérés par M. O, que la baisse du chiffre d'affaires invoquée peut résulter d'autres facteurs, qu'elle n'est pas responsable de l'inactivité professionnelle de M. O, qui n'apporte pas non plus la preuve d'un préjudice moral, qu'il ne lui appartient pas d'assumer les frais d'expertise comptable invoqués.
Aux termes de l'article 1.4 du protocole d'accord, la société Alter égale s'est engagée à céder à M. O le fichier clientèle apporté par ce dernier lors de la fusion des sociétés Alter égale et Ad personam et à transférer à M. O tous les dossiers physiques et informatiques, l'effectivité de la cession étant conditionnée à l'obtention par M. O des agréments nécessaires à la poursuite des contrats transférés à la société Alter égale au terme de la fusion et la clientèle étant cédée au fur et à mesure de l'obtention des agréments par les compagnies d'assurance. L'article 2.2 précise que, dans l'attente de l'obtention de l'agrément donné par la compagnie d'assurance déclenchant la réalisation définitive de la cession de chacun des clients, ces derniers restent attachés à la société Alter égale et que M. O ne peut prétendre à aucun droit s'y rattachant, dont les commissions y afférentes.
Il résulte de cette clause que la cession de clientèle est conditionnée à la seule obtention par M. O de l'obtention des agréments par les compagnies d'assurance à l'exclusion de toute autre démarche de sa part ou de la part de la société Alter égale, l'acceptation du transfert de chaque contrat par la société cédante étant exprimée dans le protocole et la liste des contrats concernés qui lui était annexée. Aucune des stipulations du protocole ne prévoyait que la société Alter égale approuve chaque transfert de contrat après obtention de l'agrément par M. P
Il s'ensuit qu'en exigeant, dès le 17 décembre 2015, de pouvoir donner son propre accord au transfert de chaque client après obtention par M. O de l'agrément de chaque compagnie d'assurance, puis en réclamant, le 23 décembre 2015, les conventions des premiers assureurs ayant donné leur agrément à M. O signées par les deux parties et en imposant d'obtenir l'accord de chaque assureur sur la demande de cession et de signer elle-même un document de la compagnie, et en demandant à M. O de lui fournir le nom des clients ayant permis son agrément auprès des assureurs, la société Alter égale a ajouté des conditions à la cession de clientèle et a commis une faute en ne respectant pas les termes du protocole d'accord. La société Alter égale a également commis une faute en s'opposant auprès de compagnies d'assurance au transfert de client, en exigeant un acte de cession et en invoquant à tort le caractère confidentiel de ce protocole pour s'opposer à ce que M. O puisse en faire état auprès d'elles. La société Alter égale a ainsi obtenu le blocage de transfert de clients auprès des sociétés Macif, Apred diffusion et Vie plus en février 2016. Par son comportement, elle a privé M. O des revenus tirés des commissions attachées à cette clientèle.
La société Alter égale a également fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du protocole d'accord en ne transmettant pas à M. O les dossiers papier et informatiques des clients transférés et en ne s'acquittant de son obligation qu'en exécutant le jugement déféré alors que M. O avait saisi le juge des référés en ce sens dès mars 2016.
Les fautes de la société Alter égale ont causé un préjudice financier à la société Aedequatio, bénéficiaire du transfert de clientèle, qui a subi une perte de revenus en ne touchant pas les commissions qu'elle aurait dû percevoir et en étant privée de la possibilité de se consacrer au développement de sa clientèle pendant cette période où elle a dû engager un conseil et des procédures judiciaires pour faire valoir ses droits. La société Aedequatio ne justifie pas du montant des commissions non perçues mais elle justifie d'une différence de chiffre d'affaires entre celui qu'elle a réalisé en 2015-2016 ramené sur douze mois (83.000 euros) et celui que la société Ad personam avait réalisé en 2014 (106.000 euros). Cette différence permet d'évaluer le préjudice subi résultant des fautes de la société Alter égale qui sera arrêté à la somme de 8.000 euros.
S'agissant de la facture d'expertise comptable, les appelants justifient des travaux réalisés par le cabinet Apiq correspondant à la régularisation de la situation de M. O au regard des organismes sociaux. Ces frais engagés sont toutefois sans lien avec les fautes retenues à l'encontre de la société Alter égale dans le transfert de clientèle prévu par le protocole d'accord et les appelants se bornent à demander le remboursement de cette facture sans alléguer de faute à l'encontre de la société Alter égale de nature à engager sa responsabilité.
Il résulte de ces éléments que la société Alter égale sera condamnée à payer une somme de 8.000 euros à la société Aedequatio en dédommagement du préjudice financier subi à raison de son comportement déloyal et abusif. Le jugement sera infirmé sur ce point.
M. O a quant à lui subi un préjudice moral, ayant dû faire face à l'opposition réitérée de la société Alter égale au transfert de clientèle convenu, entreprendre des démarches et introduire des actions en justice pour obtenir ce transfert, les dossiers associés aux clients ne lui ayant été remis qu'après le jugement déféré rendu près de trois ans après la conclusion du protocole d'accord. M. O invoque sa situation familiale sans toutefois en justifier. Il lui sera alloué une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant également infirmé sur ce point.
Sur les demandes formées par la société Alter égale :
Invoquant l'article 559 du code de procédure civile, la société Alter égale soutient que l'appel de M. O et de la société Aedequatio est abusif, le jugement déféré ayant souligné le mal fondé de leurs demandes et les appelants ne justifiant pas en appel d'éléments tangibles de nature à fonder leurs prétentions. Elle réclame des dommages et intérêts et le versement d'une amende civile.
L'issue du litige en appel commande de ne pas faire droit à la demande de dommages et intérêts de la société Alter égale et la demande de prononcé d'une amende civile n'est pas recevable, l'intimée n'y ayant pas intérêt.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. L O de ses demandes en paiement au titre des cotisations sociales 2014 et au titre de son préjudice moral et en ce qu'il a débouté la société Adaequatio de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. L O de ses demandes en paiement au titre des cotisations sociales 2015 et de sa rémunération du mois d'octobre 2015 et en ce qu'il a débouté la société Adaequatio de sa demande en paiement de la somme de 1.800 euros TTC au titre du remboursement de la facture de la société Apiq ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Alter égale à payer à M. L O la somme de 3.555 euros au titre des cotisations sociales 2014 et la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société Alter égale à payer à la société Adaequatio la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Y ajoutant,
Dit recevable la demande en paiement de dommages et intérêts au titre des cotisations sociales formée par M. L O mais l'en déboute ;
Déboute la société Alter égale de sa demande de dommages et intérêts ;
Déclare irrecevable la demande de prononcé d'une amende civile formée par la société Alter égale ;
Condamne la société Alter égale à payer à M. L O et à la société Adaequatio ensemble la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Alter égale aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.