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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 28 février 2017, n° 14/02953

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage Renault la Milesse (SAS)

Défendeur :

La Terroirie (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mme Monge, Mme Portmann

TGI Mans, du 10 sept. 2014, n° 13/02128

10 septembre 2014

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 1er octobre 2002, la sci La Terroirie (la SCI) a donné à bail commercial à la société Garage Renault La Milesse (la société Garage Renault) un local situé [...], dans la Sarthe, pour une durée de 9 ans moyennant un loyer mensuel de 2 541 euros HT.

Le 4 avril 2013, la SCI a fait délivrer à la locataire un commandement de payer portant sur la somme principale de 53 157,62 euros visant la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte du 3 mai 2013, la société Garage Renault a formé opposition au commandement et assigné la SCI devant le tribunal de grande instance du Mans aux fins de faire juger nul le commandement et condamner la bailleresse à lui verser des dommages et intérêts et à réaliser des travaux.

Par jugement du 10 septembre 2014, le tribunal a rejeté la demande de nullité du commandement, dit que le bail s'était trouvé renouvelé tacitement à compter du 1er octobre 2011, dit qu'au 4 avril 2013, la société Garage Renault était redevable d'une somme de 46 047,89 euros TTC au titre d'un arriéré de loyers, condamné la SCI à payer à la société Garage Renault la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, condamné la société Garage Renault à payer à la SCI, après compensation des sommes réciproquement dues, la somme de 31 047,89 euros TTC avec intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 5 avril 2013, autorisé la société Garage Renault à se libérer de sa dette en 24 mensualités égales le 15 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la décision, dit que durant ces délais de paiement, les effets de la clause de résiliation de plein droit seraient suspendus, dit qu'à défaut de respect par le débiteur d'une seule échéance le solde deviendrait exigible 15 jours après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet, le bail se trouverait résilié de plein droit et la société Garage Renault demeurerait soumise à toutes les obligations du bail résilié et au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, débouté la société Garage Renault de ses demandes relatives à l'exécution de travaux d'entretien et de réparation de la toiture des locaux loués, ordonné l'exécution provisoire et laissé les dépens à la charge de la société Garage Renault, en ce compris le coût du commandement de payer, les frais de levée de l'état des inscriptions des privilèges, nantissement sur fonds de commerce et frais de saisie conservatoire, rejetant le surplus des demandes des parties.

Selon déclaration adressée le 19 novembre 2014, la société Garage Renault a interjeté appel de cette décision, intimant la SCI et la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (le Crédit agricole), cette dernière présente à la cause en qualité de créancier inscrit. La SCI a relevé appel incident.

Les parties ont toutes conclu.

Une ordonnance rendue le 5 décembre 2016 a clôturé la procédure.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les dernières conclusions, respectivement déposées les 25 novembre 2016 pour la société Garage Renault, 27 octobre 2016 pour la SCI et 16 juin 2015 pour le Crédit agricole, auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La société Garage Renault demande à la cour de déclarer la SCI irrecevable et en tout cas non fondée en son appel incident, d'infirmer le jugement entrepris en toutes les dispositions qu'elle conteste et de le confirmer pour le surplus, de constater que le commandement de payer a été délivré avec mention de causes trompeuses et erronées et de mauvaise foi par la bailleresse, de constater en toute hypothèse la renonciation implicite puis expresse de la bailleresse à toute indexation du loyer au-delà de la somme régulièrement versée de 2 771 euros HT durant toute la période considérée, de constater que l'acte de renouvellement du bail est valide avec effet au 1er octobre 2011, de dire qu'elle était entièrement à jour dans le paiement du loyer à la date de délivrance du commandement, en toute hypothèse, de déclarer ce commandement nul et de nul effet, de déclarer la SCI irrecevable et en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, de l'en débouter, à toutes fins de constater que toute réclamation au titre de la période antérieure au 4 avril 2008 est irrecevable comme prescrite, en toute hypothèse encore, d'ordonner la restitution et à tout le moins l'imputation sur le décompte d'arriéré de l'actualisation du loyer directement versée à la bailleresse depuis le mois de novembre 2012, de porter à une somme qui ne saurait être inférieure à 30 000 euros le montant de la condamnation de la SCI à titre de dommages et intérêts, de débouter la SCI de toutes ses prétentions et de la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de commandement et de saisie.

Elle soutient que la SCI avait renoncé à l'actualisation triennale en application de la clause d'indexation pour tenir compte de l'état médiocre des lieux et en veut pour preuve le fait qu'au moment de l'échéance du bail de septembre 2011, elle a soumis à sa signature un bail renouvelé au prix du loyer en cours fixé à la somme mensuelle de 2 771 euros. Elle explique que la dissension entre les parties est née de ce que le délabrement de la toiture imposait l'intervention rapide d'un couvreur que la SCI a refusé de prendre en charge. Elle fait valoir que c'est en l'état de ce désaccord que la SCI lui a réclamé, le 13 mars 2012, par l'intermédiaire de son conseil, une indexation rétroactive de 38 776,72 euros pour une période allant de 2005 à 2008 avant de lui délivrer, le 4 avril 2013 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant porté à la somme de 52 823,05 euros en principal.

Elle blâme le tribunal d'avoir écarté la nullité du commandement dont elle sollicitait le prononcé alors que d'une part, les sommes étaient imprécises et erronées, d'autre part, que la bailleresse avait agi de manière brutale et déloyale en se servant de l'indexation qu'elle n'avait pas jusqu'alors réclamée pour poursuivre la résiliation du bail et son expulsion. Elle conteste avoir dû prendre elle-même l'initiative de l'indexation qui n'était pas stipulée de plein droit et taxe de mauvaise foi le comportement de la bailleresse.

Elle approuve le tribunal d'avoir retenu que la demande en paiement afférente à une période antérieure de plus de cinq ans était prescrite mais le désapprouve de n'avoir pas tenu le bail renouvelé au prix de 2 771 euros HT comme parfait dès lors que les deux cocontractantes l'avaient signé.

Elle ajoute qu'après avoir régulièrement payé le loyer convenu de 2 771 euros HT, elle s'est acquittée à compter du mois de novembre 2012 et sous la menace d'expulsion brandie par la bailleresse d'un loyer porté à la somme de 3 464,21 euros qu'elle estime pour partie indu et dont elle réclame restitution.

Enfin, elle maintient sa demande de dommages et intérêts en raison de la brutalité dont elle a été l'objet et demande de rehausser l'indemnité allouée en première instance. Elle fait valoir, à cet égard, les difficultés de trésorerie qu'elle a rencontrées, en raison, notamment d'une saisie conservatoire pratiquée.

Subsidiairement, elle réitère sa demande de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.

La SCI demande à la cour de déclarer la société Garage Renault mal fondée en son appel, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, de débouter le Crédit agricole de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du commandement délivré le 4 avril 2013 et condamné la société Garage Renault à lui payer la somme de 46 047,89 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 4 avril 2013, de constater la résiliation du bail au 4 mai 2013, d'ordonner l'expulsion de la société Garage Renault, de la condamner à lui payer une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer à la date de la résiliation, de la condamner au règlement de pénalités de retard égales à 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter de la date de délivrance du commandement, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Garage Renault la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il a autorisé la locataire à se libérer de sa dette en vingt-quatre mensualités, en tout état de cause, dans le cas où des délais de paiement seraient accordés, de dire qu'à défaut de paiement d'un seul paiement à bonne date, le bail serait résilié sans autre formalité, de condamner la société Garage Renault au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens.

Elle fait valoir que le bail qu'elle a consenti le 1er octobre 2002 à la société Garage Renault prévoit en son article 9 l'indexation du loyer à l'expiration de chaque période triennale en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction publiée trimestriellement par l'INSEE. Elle explique que le 3 octobre 2011, elle a transmis une offre, signée de la main de son gérant, d'un nouveau bail prévoyant un loyer mensuel de 2 771 euros HT avec indexation annuelle en demandant à la société Garage Renault de lui retourner deux exemplaires de cette offre signée et que le gérant de celle-ci en a refusé les termes par courrier du 3 novembre 2011 et ne lui a pas retourné les deux exemplaires. Elle précise que par courrier du 13 mars 2012, elle a lui a répondu qu'elle ne souhaitait pas modifier son offre et qu'elle entendait lui demander l'indexation des loyers des cinq années précédentes. Elle soutient que devant le non-paiement des sommes réclamées et du retard pris dans le paiement des loyers courants, elle a été dans l'obligation de délivrer le 4 avril 2013 un commandement de payer les loyers pour un montant de 52 823,05 euros visant la clause résolutoire insérée au bail et que c'est sur opposition à ce commandement que le tribunal a statué.

Elle indique que la société Garage Renault n'a pas respecté les délais de paiement impartis par le tribunal, la contraignant à lui adresser, le 5 novembre 2015 une mise en demeure. Elle ajoute qu'elle a également fait procéder à la conversion de la saisie conservatoire pratiquée le 30 octobre 2013 et que le juge de l'exécution saisi par la société Garage Renault d'une contestation l'a rejetée par jugement du 24 octobre 2016.

Concernant la validité du commandement de payer, elle conteste qu'elle puisse être remise en cause dans la mesure où il respecte les prescriptions de l'article L.145-41 du code de commerce et que, selon elle, son objet est clairement identifié. Elle approuve le tribunal d'avoir statué en ce sens en retenant qu'à la date de délivrance du commandement était due la somme de 46 047,89 euros au titre des loyers impayés.

Elle insiste sur la mise en oeuvre régulière de l'indexation contractuellement prévue. Elle assure que le caractère automatique de l'indexation aurait dû conduire d'autorité la locataire à indexer le loyer à la fin de chaque période triennale et non à elle de formuler une quelconque demande à ce titre. Elle s'estime parfaitement fondée à solliciter rétroactivement le paiement des loyers dus par la locataire après indexation et nie avoir fait preuve de brutalité ou de déloyauté en la matière. Elle rappelle avoir fait précéder de deux réclamations les 13 mars 2012 et 19 juillet 2012 le commandement de payer. Elle affirme que la société Garage Renault a toujours été irrégulière dans le règlement de ses loyers la mettant en difficulté dans le remboursement du prêt souscrit pour financer l'acquisition du local commercial donné à bail. Elle en déduit que le tribunal a retenu à tort qu'elle avait été fautive dans l'exécution de la convention et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts. Elle conteste l'existence du préjudice allégué par la preneuse et se prévaut de l'approbation du juge de l'exécution qui a validé la mesure de saisie attribution. Elle conteste également avoir jamais renoncé à se prévaloir de l'indexation du loyer, rappelle qu'une renonciation ne se présume pas et s'oppose à ce qu'elle puisse être déduite de son offre de renouvellement de bail qui, non suivie d'effet, est, selon elle, devenue caduque. Elle observe, par ailleurs, que la locataire ne demande plus en cause d'appel sa condamnation à procéder à des travaux que le bail tacitement reconduit met à sa charge. Elle conclut au rejet des prétentions de la société Garage Renault tendant à faire juger que le loyer applicable ne serait que de 2 771 euros.

Elle maintient sa demande de constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire et ses demandes subséquentes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation et de pénalités de retard au taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal.

Enfin, elle critique les délais de paiement accordés en première instance et demande à la cour de réformer le jugement sur ce point et, en tout cas, les dispositions encadrant la déchéance du terme.

Le Crédit agricole demande à la cour de lui donner acte de ce qu'il donne adjonction aux conclusions d'appel de la société Garage Renault en ce qu'elles tendent à voir infirmer le jugement querellé et dire n'y avoir lieu à résiliation du bail commercial, en toute hypothèse, de débouter la SCI de ses demandes, de condamner la partie succombante à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros, outre les dépens.

Il explique, qu'en la qualité de créancier inscrit qui est la sienne, il donne adjonction à l'appel de la société Garage Renault. Il considère que les conséquences d'une résiliation d'un bail commercial sont suffisamment graves pour que le bailleur s'assure d'une réelle dette de loyers de son locataire au jour où il lui fait délivrer commandement. Il estime qu'en l'état les pièces démontrent que la SCI ne s'est pas montrée suffisamment diligente. Il rappelle qu'aucune demande n'est formée à son en contre et demande à être indemnisé des frais irrépétibles exposés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du commandement de payer

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que par acte du 4 avril 2013 (pièce n° 1 de l'appelante), la SCI a délivré à la société Garage Renault un commandement de payer visant l'article L.145-41 du code de commerce ainsi que la clause résolutoire insérée au contrat de bail sous seing privé du 1er octobre 2002 dont il reproduisait le contenu respectif ;

Que l'acte spécifiait qu'il était ainsi fait commandement de payer les sommes suivantes :

- 'principal d'ouverture (loyers mars 2012 au 31/3/2013 ) : 52 823,05

- intérêts acquis : pour mémoire

- coût de l'acte ttc : 334,57

à déduire le(s) acompte(s) reçu(s)

solde à payer en euros : 53 157,62

résultant des loyers et charge impayés d'un local sis : au [...], cadastré section ZO n°48" ;

Attendu qu'un tel acte, susceptible d'entraîner la résiliation de plein droit du bail commercial si à l'expiration du délai d'un mois il est resté infructueux, ne peut être valable que s'il renseigne suffisamment par lui-même son destinataire sur la nature et le montant de la dette dont le recouvrement est poursuivi ;

Or attendu que contrairement à ce que soutient la SCI dans ses écritures, l'objet du commandement litigieux n'était pas du tout clairement identifié ;

Qu'en effet, ni la nature de la somme principale réclamée, ni le quantum de celle-ci, ni la période visée, n'étaient précisément et exactement mentionnés ;

Que s'agissant de la première, les termes de 'loyers' puis de 'loyers et charges' n'étaient pas appropriés puisque la somme indiquée représentait exclusivement un arriéré d'indexation triennale impayé ainsi que le démontre le décompte que la SCI a fourni devant le premier juge ;

Que le montant indiqué ne précisait pas s'il fallait l'entendre, à l'instar du coût de l'acte, toutes taxes comprises ou bien hors taxes ;

Que pour ce qui est de la période concernée, elle était trompeusement limitée à une année alors qu'il ressort des propres explications de la bailleresse, qu'elle s'étendait en réalité du 1er janvier 2006 au 31 mars 2013, soit sur plus de sept années ;

Que les articles 10, 11 et 12 du contrat de bail reproduits à la troisième page de l'acte ne pouvaient éclairer davantage le destinataire sur les sommes qui lui étaient réellement réclamées dès lors que portant uniquement sur 'les charges', 'la clause résolutoire' et des 'dispositions diverses', ils ne visaient en aucune façon l'indexation triennale du loyer, objet de l'article 9 du contrat ;

Qu'ainsi, les causes du commandement étant aussi imprécises qu'erronées, la preneuse n'était-elle pas mise à même de vérifier la réalité et l'étendue de la somme qu'il lui était commandé de payer dans le mois sous peine de s'exposer à la résiliation de son bail ;

Que la société Garage Renault est fondée à demander que le commandement de payer litigieux soit déclaré nul ;

Que le jugement qui a rejeté sa demande de nullité sera infirmé sur ce point ;

Sur la renonciation prétendue de la SCI à la mise en oeuvre de la clause d'indexation du contrat de bail

Attendu que la société Garage Renault soutient que la SCI a implicitement renoncé à l'indexation triennale du loyer en ne la lui réclamant pas depuis l'origine et en lui proposant de conclure un bail renouvelé au prix du loyer courant de 2 771 euros HT qu'elle versait sans application de l'indexation ;

Mais attendu que le silence observé, même durablement, ne vaut pas, à lui seul, manifestation non équivoque d'une volonté de renoncer au bénéfice d'une clause claire insérée au contrat ;

Et attendu, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, que le bail renouvelé dont se prévaut aujourd'hui la société Garage Renault n'a, en réalité, jamais été parfait, les parties ne s'étant pas accordées notamment sur le prix ainsi qu'en persuadent la lettre datée du 3 novembre 2011 (pièce n° 4 de la SCI) que la société Garage Renault a adressée à la SCI en réponse au courrier que celle-ci lui avait envoyé le 3 octobre précédent (pièce n°3 de la SCI) pour l'inviter à lui retourner, après signature, deux exemplaires du contrat qu'elle avait préparé et elle-même signé, et la lettre que le conseil de la SCI a envoyée, le 13 mars 2012 (pièce n°4 de l'appelante) à l'effet de notifier le désaccord de sa cliente sur les modifications sollicitées et son intention de prétendre à l'indexation jusqu'alors non appliquée ;

Qu'aucun bail renouvelé n'étant intervenu, le tribunal en a exactement déduit que le bail d'origine s'était tacitement prolongé au-delà de son terme avec toutes ses stipulations dont la clause d'indexation triennale ;

Que le dispositif du jugement qui dit que le bail s'est trouvé 'renouvelé' tacitement et non prolongé, sera rectifié sur ce point ;

Sur les sommes dues par la société Garage Renault au titre de l'indexation triennale

Attendu que la SCI demande à la cour de confirmer le montant de 46 047,89 euros TTC, arrêté au 4 avril 2013, retenu par le tribunal et qui tient compte de ce que les sommes échues antérieurement au 4 avril 2008 étant atteintes par la prescription quinquennale n'étaient plus exigibles ;

Que, pour s'y opposer devant la cour, la société Garage Renault invoque uniquement une renonciation de la part de la bailleresse au principe même d'une indexation dont il vient d'être dit qu'elle n'était pas établie et fait valoir que sous la menace d'une éventuelle résiliation du bail, elle avait versé à compter du mois de novembre 2012 un loyer actualisé de 3 464,21 euros qui doit ainsi être imputé sur la somme réclamée ;

Que sur ce dernier point, la SCI ne forme aucun commentaire ;

Que la cour constate, cependant, au vu des relevés produits par la SCI (pièce n°10 de la SCI) que la somme de 3 464,21 euros acquittée correspond au montant cumulé d'un loyer de 2 771 euros HT, d'un acompte sur taxes foncières de 125,50 euros HT et de la TVA de 19,6 % applicable sur ces deux sommes ;

Qu'elle ne se confond donc pas avec le loyer actualisé après application de l'indexation, lequel s'élevait d'ailleurs à compter d'octobre 2011 à la somme mensuelle de 3 526,92 euros HT;

Que la somme de 46 047,89 euros TTC sera reprise ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Garage Renault

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adoptera, le tribunal a retenu que la SCI avait commis une faute en n'exécutant pas le contrat de bonne foi ;

Qu'il n'est en effet pas indifférent que la somme réclamée en l'espèce corresponde à un arriéré d'indexation que la SCI a laissé s'accumuler au fil des années en s'abstenant volontairement d'en solliciter paiement, étant relevé que, contrairement à ce que celle-ci soutient dans ses écritures, il n'était pas stipulé que l'indexation jouerait de plein droit et qu'il appartiendrait à la locataire de la calculer et de la régler spontanément à l'expiration de chaque période triennale, le contrat de bail loin de mettre une telle obligation à sa charge prévoyant, au contraire, expressément, qu'elle n'avait aucune initiative à prendre à cet égard puisque, aux termes de l'article 8, le loyer était 'payable dans les quinze jours qui suivront la réception de l'avis de quittancement qui sera adressé mensuellement et en fin de mois par le bailleur ou son représentant', le preneur devant 'faire les paiements au bailleur ou à son représentant dûment désigné, à l'adresse qui lui sera(it) communiquée' ;

Qu'il n'est pas sérieusement contestable que la brusque demande de plusieurs années d'indexation représentant l'équivalent de plus de treize mois du loyer jusqu'alors accepté sans réserves, sans même une proposition d'échelonnement dans le temps et sous la menace d'une résiliation quasi immédiate d'un bail exécuté sans incident depuis dix ans, revêt un caractère brutal incompatible avec la bonne foi qui doit présider à l'exécution des conventions ;

Que le tribunal a, à raison, relevé que la SCI, sans attendre l'issue de l'instance introduite devant le tribunal par la société Garage Renault dès le 3 mai 2013, avait pratiqué par acte du 30 octobre 2013 une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la société Garage Renault et immobilisé la somme qui s'y trouvait de quelque 24 192 euros ;

Que ce faisant, la SCI a gravement privé sa locataire d'une part importante de sa trésorerie, le solde du compte bancaire ayant été ramené d'abord à quelque 4 000 euros, puis 2 400 euros avant de devenir, le 30 décembre 2013, débiteur de 8 500 euros (pièces n° 19, 20 et 21 de l'appelante) ;

Que le préjudice qui en est résulté, notamment en difficultés de fonctionnement, sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros ;

Que le jugement sera réformé de ce chef ;

Sur la demande de délais de paiement

Attendu qu'après compensation entre la somme due par la société Garage Renault au titre de l'arriéré d'indexation et la somme due par la SCI au titre des dommages et intérêts alloués, il y a lieu de condamner la société Garage Renault au paiement d'un solde de 41 047,89 euros TTC assorti d'intérêts au taux prévu à l'article 8 du contrat de bail de 1,5 fois le taux légal à compter du 5 avril 2013 ;

Que le jugement sera réformé en ce sens ;

Attendu que, accueillant la demande de la société Garage Renault, le tribunal a autorisé celle-ci à se libérer de sa dette moyennant 24 mensualités, chacune payable le 15 de chaque mois et pour la première fois au plus tard le 15 du mois suivant la signification du jugement ;

Que la cour confirmera, sous la réserve ci-après, ces dispositions que justifiait la situation financière de la société Garage Renault, débitrice malheureuse et de bonne foi, dont le compte de résultat accusait une perte de 5 279 euros ;

Qu'il sera ajouté que la vingt-quatrième mensualité de paiement sera augmentée de la somme de 10 000 euros que le tribunal avait allouée à la société Garage Renault et que la cour n'a pas reprise ;

Que si les conditions dans lesquelles le tribunal avait prévu que le solde restant dû pourrait devenir exigible seront approuvées, il sera, en revanche, précisé que la suspension des effets de la clause résolutoire entraînée par l'octroi de ces délais de paiement n'a plus d'utilité aujourd'hui, en l'état de la déclaration de nullité du commandement qui permettait la mise en oeuvre de cette clause ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que chacune des parties succombant en partie de ses prétentions conservera à sa charge les dépens d'appel par elle exposés ;

Que la SCI supportera en sus le coût du commandement de payer du 4 avril 2013 et les dépens de première instance et d'appel afférents à la mise en cause du Crédit agricole et sera condamnée à verser à celui-ci la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que la société Garage Renault et la SCI seront déboutées de leur propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a dit qu'au 4 avril 2013, la société Garage Renault La Milesse était redevable à l'égard de la sci La Terroirie d'une somme de 46 047,89 euros TTC, en ce qu'elle l'a autorisée à se libérer de sa dette en 24 mensualités et prévu qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité le solde deviendrait exigible quinze jours après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée sans effet, SAUF en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives à des travaux d'entretien et de réparation de la toiture, et SAUF en ce qu'il laissé à sa charge le coût du commandement de payer et les frais afférents à la mise en cause de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le commandement de payer délivrer le 4 avril 2013 à la société Garage Renault La Milesse à la demande de la sci La Terroirie nul et de nul effet,

En conséquence DIT n'y avoir lieu de statuer sur les effets de la clause de résiliation de plein droit qui n'a pas valablement été mise en oeuvre,

DIT que le bail signé le 1er octobre 2002 s'est trouvé prolongé tacitement à compter du 1er octobre 2011,

CONDAMNE la sci La Terroirie à payer à la société Garage Renault La Milesse une somme de cinq mille euros (5 000 euros) à titre de dommages et intérêts,

Après compensation entre les créances respectives de la sci La Terroirie et de la société Garage Renault La Milesse, CONDAMNE cette dernière à payer à la sci La Terroirie la somme de quarante-et-un mille quarant-sept euros quatre-vingt-neuf centimes (41 047,89 euros) TTC avec intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 5 avril 2013,

DIT qu'à la vingt-quatrième échéance de paiement par la société Garage Renault La Milesse de la somme mise à sa charge par le jugement s'ajoutera la somme de dix mille euros (10 000 euros),

DIT que la société Garage Renault La Milesse et la sci La Terroirie conserveront chacune à sa charge les dépens d'appel par elles exposés,

CONDAMNE la sci La Terroirie à supporter en sus le coût du commandement de payer du 4 avril 2013 et les dépens afférents à la mise en cause de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

La CONDAMNE à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.