CA Dijon, 1re ch. civ., 19 janvier 2016, n° 15/00586
DIJON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boury
Conseillers :
Mme Dumurgier, Mme Lavergne-Pillot
Pour faire suite au jugement prononcé le 14 novembre 2013 par le tribunal d'instance de Mâcon ayant constaté la résiliation du bail conclu entre Monsieur D. (locataire) et Monsieur V. (bailleur) et ayant ordonné l'expulsion de Monsieur D., jugement signifié le 3 décembre 2013, un commandement de quitter les lieux a été délivré le 3 juin 2014 à l'occupant qui devait donc libérer le logement pour le 4 août.
Ce commandement a été signifié à la personne de Monsieur D..
Le même jour, lui a été signifié un commandement aux fins de saisie-vente et le 30 juillet 2014, il a été fait itératif commandement de payer les sommes dues, transformé en procès-verbal de carence eu égard à l'état du logement jonché d'immondices. L'occupant, rencontré sur place, a déclaré à l'huissier qu'il allait partir le week-end du 2 et 3 août 2014 et qu'il allait lui rendre les clés.
Agissant toujours en vertu du jugement du 14 novembre 2013, et à défaut pour l'occupant d'avoir déféré au précédent commandement, l'huissier, le 16 septembre 2014, par procès-verbal transformé en procès-verbal de carence, a établi un nouveau procès-verbal de saisie-vente et, constatant l'absence de l'occupant, a fait procéder à son expulsion contenant assignation d'avoir à comparaître le mardi 21 octobre 2014 devant le juge de l'exécution, pour voir statuer sur le sort des meubles laissés sur place. Le procès-verbal a été signifié suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
Dans le cadre de la procédure visant à statuer sur le sort des meubles, Monsieur D. a conclu à la nullité du procès-verbal d'expulsion, motif pris de la violation de l'article L 142-1 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que le procès-verbal mentionne que l'huissier est entré à l'aide d'un serrurier alors que les dispositions de l'article L451-1 du même code prévoyant que l'huissier de justice peut procéder comme il est dit à l'article L 142-1 pour constater que la personne expulsée a volontairement libéré les locaux postérieurement à la signification du commandement, n'ont pas été respectées puisque selon cet article, en l'absence de l'occupant, l'huissier ne peut pénétrer dans les lieux qu'en présence d'une autorité ou, à défaut, de deux témoins majeurs, alors qu'en l'espèce, le procès-verbal d'expulsion ne mentionne pas l'intervention de témoins.
Le juge de l'exécution, par décision du 31 mars 2015, a
' rejeté l'exception de nullité du procès-verbal d'expulsion,
' débouté Monsieur Pascal D. de l'ensemble de ses prétentions,
' constaté que Monsieur V. acceptait de donner rendez-vous à Monsieur D. afin qu'il récupère son mobilier et, à défaut pour ce dernier de se présenter au rendez-vous,
' ordonné la vente aux enchères publiques des meubles ayant une valeur marchande et déclaré abandonnés ceux n'ayant pas trouvé acquéreur ou n'ayant pas de valeur marchande,
' condamné Monsieur D. aux dépens, ainsi qu'au paiement envers Monsieur V. d'une indemnité de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le juge de l'exécution, pour rejeter l'exception de nullité du procès-verbal a rappelé que l'article L431-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que les articles L 142-1 et L 142-3 ne s'appliquent pas en matière d'expulsion sous réserve des dispositions de l'article L451-1 et que dès lors que Monsieur D. prétendait qu'il résidait toujours dans les lieux, l'huissier n'avait pas à respecter les dispositions de l'article L 142-1, n'y étant tenu que dans l'hypothèse où le local aurait été volontairement libéré.
Par ailleurs, le juge de l'exécution a noté qu'en tout état de cause, le même jour, avait été dressé un procès-verbal de saisie-vente, respectant les prescriptions de l'article L 142-1 puisque l'huissier a pénétré dans les lieux en se faisant assister d'un serrurier et de deux témoins.
Par déclaration du 3 avril 2015, Monsieur D. a fait appel de cette décision demandant à la cour, en l'état de ses conclusions du 2 juillet 2015, de
- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,
- infirmer le jugement rendu le 31 mars 2015,
et, statuant à nouveau,
- constater que son expulsion est intervenue en violation des dispositions de l'article L 142-1 et L 451-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- annuler le procès-verbal d'expulsion dressé le 16 septembre 2014 et signifié le 17 septembre 2014, celui-ci n'étant signé que par l'huissier et par un serrurier,
- ordonner sa réintégration dans son logement,
- condamner Monsieur V. à lui payer une somme de 3 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de ses préjudices,
- condamner Monsieur V. à lui payer une somme de 1 500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Florian L., Avocat aux offres de droit.
Monsieur D. reprend la même argumentation que devant le juge de l'exécution, à savoir la nullité du procès-verbal d'expulsion qui a été dressé en présence du seul serrurier, en l'absence de la force publique et en l'absence de deux témoins au mépris des dispositions de l'article L 142-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il soutient qu'en l'absence de l'occupant des lieux il lui appartenait de requérir le concours de la force publique pour être autorisé à cette expulsion, alors qu'il prouve par diverses attestations et notamment celle du maire de la commune qu'il habitait toujours dans les lieux.
Monsieur D. considère qu'il ne pouvait être statué sur le sort de ses biens eu égard à l'irrégularité de la procédure d'expulsion.
Par ses conclusions du 1er septembre 2015, Monsieur V. demande à la cour
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions en confirmant l'expulsion intervenue le 16 septembre 2014 et en statuant sur le sort des biens inventoriés, en autorisant leur enlèvement aux frais de Monsieur D.,
- de constater que Monsieur D. est relogé et le débouter de sa demande de réintégration, ainsi que de ses autres demandes,
- de donner acte à l'intimé de ce qu'il accepte de fixer rendez-vous à Monsieur D., en présence de l'huissier, pour qu'il récupère ses effets personnels et libère le logement des meubles, déchets, détritus et autres garnissant le logement, de condamner en tout état de cause Monsieur D. à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens avec le bénéfice de l'article 699 au profit de la société d'avocats A..
Le bailleur rappelle qu'un commandement de quitter les lieux a été signifié le 3 juin 2014 et qu'une copie de ce commandement a été adressée à la préfecture de Saône-et-Loire par courrier du 4 juin 2014 conformément à l'article L412-5 du code des procédures civiles d'exécution.
Il fait valoir que dans les lieux, l'huissier n'a trouvé aucune literie, ni vêtements ou effets personnels de telle sorte que le logement ne pouvait être considérée comme étant occupé par Monsieur D., alors que celui-ci n'y avait pas été vu depuis plusieurs semaines.
Dans ces conditions il estime que l'huissier était en droit de procéder à l'expulsion.
Par ailleurs si Monsieur D. prétend que seul le serrurier était présent sans la force publique et sans témoin, Monsieur V. fait observer que le procès-verbal de saisie vente dresser le même jour l'a été en présence de deux témoins et qu'en conséquence les dispositions de l'article L 142-1 ont parfaitement été respectés.
De plus le bailleur fait valoir que l'huissier a bien procédé à toutes les démarches nécessaires pour tenter de retrouver Monsieur D..
Il fait également observer que l'huissier n'avait à recourir à la force publique qu'en cas d'opposition de l'intéressé ce qui n'était pas le cas.
Enfin il souligne que Monsieur D. a été relogé.
La clôture de la procédure a été prononcée le 1er octobre 2015.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
SUR QUOI
Sur l'irrégularité du procès-verbal d'expulsion
attendu que par une motivation pertinente que la Cour fait sienne, le juge de l'exécution a estimé régulière la procédure d'expulsion de Monsieur Pascal D. dès lors qu'à bon droit, il a été relevé que si, comme le soutenait Monsieur D., il était toujours occupant de son logement le jour de l'expulsion - ce qu'il soutient encore à hauteur d'appel - les dispositions de l'article L 142-1 et L 142-3 du code des procédures civiles d'exécution imposant la présence d'une autorité communale ou de police ou, à défaut, de deux témoins, en l'absence de l'occupant des locaux, n'étaient pas applicables ainsi qu'en dispose l'article L 431-1 du même code ;
que dès lors, l'huissier qui avait délivré un commandement de quitter les lieux le 3 juin 2014, signifié à personne et dont la régularité n'est pas remise en cause, pouvait, ainsi qu'il l'a fait, procéder à l'expulsion de Monsieur D. le 16 septembre 2014, plus de deux mois après la délivrance du commandement, sans avoir à recourir à la présence d'une autorité ou de deux témoins ;
que si l'article L 431-1 du code des procédures civiles d'exécution réserve le cas de l'article L 451-1 selon lequel l'huissier chargé de l'exécution de la mesure d'expulsion peut procéder comme il est dit à l'article L 142-1 pour constater que la personne expulsée et les occupants de son chef ont volontairement libéré les locaux postérieurement à la signification du commandement prévu à l'article L 411-1 et procéder à la reprise des lieux, en l'espèce, il n'a pas été fait application de cette disposition puisque l'huissier a dressé un procès-verbal d'expulsion et non pas un procès-verbal de reprise des lieux tel que prévu par l'article R 451-2 du code des procédures civiles d'exécution lorsqu'il est fait application de l'article L 451-1 ;
qu'au demeurant, l'application de la procédure simplifiée de reprise des locaux abandonnés n'avait en l'espèce aucun intérêt dès lors que le bailleur disposait d'un titre d'expulsion, et qu'il avait délivré un commandement de quitter les lieux depuis plus de deux mois ;
que dans ces conditions, en l'absence de l'occupant du logement, l'huissier pouvait pénétrer dans les lieux avec le simple concours d'un serrurier, sans avoir obligatoirement à requérir la force publique, contrairement à ce que soutient Monsieur D. et ce, d'autant moins qu'à l'occasion de la saisie-vente ayant donné lieu à un procès-verbal de carence dressé en présence de monsieur D. le 30 juillet 2014, l'occupant avait déclaré à l'huissier qu'il comptait partir durant le week-end du 2/3 août 2014 et que l'huissier n'avait donc à craindre aucune résistance de la part de l'occupant ;
qu'au surplus, de manière d'ailleurs superfétatoire, le juge de l'exécution a relevé qu'avant de procéder à la procédure d'expulsion, l'huissier était, en tout état de cause, entré dans les lieux en respectant les dispositions de l'article L 142-1 du code des procédures civiles d'exécution en se faisant assister du serrurier et de deux témoins pour pénétrer dans le logement afin d'y procéder à une saisie-vente ;
que dès lors, aucune irrégularité n'affecte le procès-verbal d'expulsion dressé le 16 septembre 2014 ; que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur D. de ses prétentions et rejeté l'exception de nullité du procès-verbal d'expulsion ;
sur le sort des meubles
attendu que la décision relative au sort des meubles n'était critiquée par Monsieur D. que parce qu'elle découlait d'une expulsion irrégulière ;
que dès lors que la Cour confirme la régularité des opérations d'expulsion, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge quant au sort des biens ; qu'en effet, l'huissier, conformément à l'article R 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, a dressé dans la mesure où il le pouvait, l'inventaire des biens laissés sur place et composés pour l'essentiel, hormis un appareil électro-ménager neuf encore dans son emballage, d'un mobilier limité, en mauvais état laissé au milieu d'un tas d'immondices jonchant la totalité de l'appartement ayant l'aspect d'une décharge ; que l'huissier a fait sommation à la partie expulsée d'avoir à retirer ses meubles dans le délai d'un mois à compter du jour de l'expulsion et a délivré assignation à comparaître à l'audience du juge de l'exécution pour le 21 octobre 2014, soit à une date postérieure au délai d'un mois, pour statuer sur le sort des biens ;
sur les demandes accessoires
attendu que le sens de la décision conduit au rejet de toutes prétentions plus amples ou contraires de Monsieur D. et notamment de sa demande de dommages-intérêts sans fondement et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
attendu que monsieur D. qui succombe supportera les dépens ;
que l'équité commande de condamner Monsieur D. au paiement de la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de sa participation aux frais non récupérables comme dépens exposés par son adversaire ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Condamne Monsieur D. au paiement envers Monsieur V. de la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur D. aux dépens.