Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-13.721
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SARL Cabinet Briard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 janvier 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 novembre 2016, pourvoi n° 15-11.016), la société [...] (la banque) a consenti à la société Sifo Sogecom industrie (la société Sifo), par un acte du 17 décembre 2004, un prêt garanti par un nantissement sur les outillages et matériels financés, remboursable en vingt trimestrialités. La société Sifo, qui était encore débitrice de trois échéances, a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire par un jugement du 10 mars 2009, puis a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par un jugement du 31 août 2010, qui prévoyait le rééchelonnement de la dette non échue au jour du jugement d'ouverture sur une durée de dix ans avec maintien du nantissement. Le 6 janvier 2012, le tribunal a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société débitrice. Le 27 mars suivant, il a arrêté un plan de cession en faveur de la société Sifo.
2. Faisant valoir que la société Sifo ne s'était pas acquittée des sommes qu'elle devait au titre des échéances du prêt mises à sa charge et qui avaient été déclarées et admises, la banque l'a assignée en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du prêt et paiement du solde.
Examen du moyen unique
Sur le moyen
Enoncé du moyen
3. La société Sifo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque la somme de 22 520,33 euros, alors :
« 1°/ que sauf accord avec le créancier, le cessionnaire d'un bien financé par un crédit garanti par une sûreté portant sur ce bien ne doit s'acquitter que du montant des échéances qui n'étaient pas encore exigibles à la date du transfert de propriété ; que l'échelonnement par paiements répartis dans le temps d'une dette entièrement échue ne reporte pas dans le temps son exigibilité; que le crédit ayant servi au financement de machines-outils, accordé en 2004 à la société Sifo par la banque, venait à échéance en octobre 2009 ; que le plan de redressement du 31 août 2010 qui a prévu un échelonnement de la dette issue de ce prêt, échue depuis octobre 2009, en 120 mensualités concernait un crédit qui aurait dû être remboursé à sa date et donc des échéances échues ; que les échéances étaient donc toutes exigibles antérieurement à la cession des machines-outils décidée par le jugement du 27 mars 2012 arrêtant un plan de cession ; qu'en condamnant pourtant la société Sifo à paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 642-12, alinéa 4 du code de commerce ;
2°/ qu'à supposer de prendre en compte l'échelonnement portant sur l'arriéré exigible du prêt de 2004, la résolution du plan de continuation fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé ; que le jugement du 31 août 2010 a arrêté un plan de continuation de la société Sifo incluant un échelonnement de la dette issue du prêt, accordant ainsi au débiteur des délais de paiement ; que la résolution du plan de continuation prononcée en janvier 2012 a entraîné la fin de cet échéancier ; qu'en affirmant que le prêt réaménagé n'avait pas été résolu par la résolution du plan de continuation, quand il s'agissait d'un simple échelonnement des dettes arrêté par le jugement du 31 août 2010 portant plan de continuation de la société, dont sa résolution a annulé l'échéancier et rétabli l'exigibilité de la dette d'arriéré en janvier 2012, soit antérieurement au plan de cession du 27 mars 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 626-27 alinéa 5 du code de commerce ;
3°/ qu'affirmant que le cessionnaire aurait repris à son compte "le prêt réaménagé" aux motifs qu'il aurait proposé de reprendre l'outillage financé et gagé pour une somme inférieure à celle que revendique la banque, ou encore que l'offre figurant au jugement du 27 mars 2012 mentionne "prêts transmissibles sur matériels nantis, les trois contrats sont repris (Crédit mutuel, [...], Banque populaire Lorraine)", indépendamment de toute mention d'accord pour reprendre une dette d'arriéré sur des échéances laissées impayées, la cour d'appel n'a caractérisé aucun accord du cessionnaire sur le paiement à la société [...] de la dette impayée de la société liquidée pour le montant déclaré par la banque ; qu'en affirmant pourtant par ces motifs l'existence d'un accord pour reprendre dans son intégralité la dette de la société Sifo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 642-12 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt relève, d'abord, qu'à l'occasion de la préparation du plan de redressement, la société débitrice était convenue avec la banque d'un nouveau tableau d'amortissement du prêt, qui n'a pas été remis en cause par la résolution du plan. Il relève ensuite que, dans son offre d'acquisition, la société Sifo mentionne expressément la reprise du prêt finançant le matériel nanti, puis que le jugement arrêtant le plan de cession précise que le cessionnaire sera tenu d'acquitter entre les mains de la banque les échéances convenues avec elle et qui restaient dues à compter du transfert de propriété. Il constate enfin que la société Sifo a proposé à la banque une solution de cession amiable pour le matériel gagé et un règlement de la créance à hauteur d'une certaine somme.
6. C'est donc par une appréciation souveraine de la commune intention des parties que la cour d'appel en a déduit que la société cessionnaire avait accepté de reprendre à sa charge le prêt réaménagé en dehors du plan de redressement.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.