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Décisions

Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-19.851

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Yves et Blaise Capron

Montpellier, du 13 mai 2015

13 mai 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 mai 2015), que, par un acte du 20 juin 2006, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Midi, aux droits de laquelle est venue la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc à la suite d'une opération de fusion (la Caisse) a consenti à la société CDSV (la société) un prêt, garanti par un nantissement sur son fonds de commerce et le cautionnement solidaire de l'ensemble des associés, dont M. [B], son gérant ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 12 janvier 2009, le tribunal a arrêté un plan de cession le 16 octobre 2009 au profit de M. [L] [H], Mme [R] et M. [J] pour le compte d'une société à constituer (les cessionnaires), ces derniers devant prendre en charge le règlement du prêt ; que la cession n'étant pas intervenue, la Caisse a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant à M. [B] ; que ce dernier a assigné la Caisse et les cessionnaires aux fins d'être déchargé de son engagement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger qu'il ne pouvait se voir réclamer aucune créance née postérieurement à la fusion-absorption de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Midi par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc alors, selon le moyen, qu'en cas de fusion de sociétés donnant lieu à la formation d'une personne morale nouvelle, l'obligation de la caution qui s'était engagée envers l'une des sociétés fusionnées n'est maintenue pour la garantie des dettes postérieures à la fusion que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager envers la nouvelle personne morale ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc était recevable à solliciter le paiement par M. [B] de la somme de 219 367,80 euros au titre de son engagement de caution du prêt accordé à la société CDSV, que l'obligation de cette dernière de rembourser le prêt qui lui avait été consenti par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Midi était née avant la fusion de celle-ci avec la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Gard et leur absorption par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc intervenue le 26 avril 2007, de sorte qu'elle lui avait été transmise, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la somme réclamée à M. [B] incluait une créance d'intérêts, de pénalités et de frais née postérieurement au jour de la fusion, par suite des incidents de paiement survenus à compter du 16 juin 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2292 du code civil et des articles L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en cas d'absorption de la société créancière, la caution demeure, au titre de l'obligation de règlement, tenue de garantir les dettes nées antérieurement à la fusion, peu important qu'elles ne soient pas exigibles à cette date, et qu'il en est ainsi de la créance relative aux intérêts, pénalités et frais afférents à un prêt, qui prennent naissance le jour où ce prêt a été contracté ; qu'il en résulte que la recherche invoquée par le moyen était inopérante et que la cour d'appel n'était pas tenue d'y procéder ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. [B] fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à être déchargé de son engagement de caution par application des dispositions de l'article 2314 du code civil alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en omettant de répondre aux conclusions de M. [B], par lesquelles il faisait valoir que le défaut de renouvellement par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc de l'inscription du nantissement dont elle bénéficiait sur le fonds de commerce de la société CDSV cédé à MM. [L] [H] et [J] et à Mme [R], devait entraîner la décharge de son engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu'en omettant de répondre aux conclusions de M. [B], par lesquelles il soutenait que l'abstention de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc à demander l'exécution du nantissement dont elle bénéficiait sur le fonds de commerce de la société CDSV cédé à MM. [L] [H] et [J] et à Mme [R], pendant plus de quatre ans et demi après l'adoption du plan de cession et alors que le fonds de commerce avait désormais perdu toute consistance par l'effet des difficultés rencontrées par les repreneurs, devait entraîner la décharge de son engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que M. [B] n'ayant pas allégué que le non-renouvellement par la Caisse de l'inscription du nantissement sur le fonds de commerce de la société emprunteuse, ou que le défaut de mise en oeuvre de ce nantissement à un moment où les poursuites n'étaient pas arrêtées par l'effet de l'ouverture du redressement judiciaire, résultaient d'une faute exclusivement imputable au créancier et que la perte de valeur du fonds de commerce était en relation directe avec cette faute, privant la caution du bénéfice de subrogation, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions insusceptibles d'avoir une influence sur la solution du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur ce moyen, pris en sa troisième branche, et sur les troisième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que M. [B] fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à être déchargé de son engagement de caution par application des dispositions de l'article 2314 du code civil, et de rejeter sa demande en réparation formée contre la Caisse au titre de son abstention à procéder au recouvrement de sa créance entre les mains de MM. [L] [H] et [J] et de Mme [R], ainsi que sa demande en réparation formée contre MM. [L] [H] et [J] et Mme [R] alors, selon le moyen :

1°/ que le cessionnaire d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances des prêts consentis à l'entreprise cédée pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent des sûretés immobilières et mobilières spéciales, et qui restent dues à compter de la conclusion des actes de cession ou de la prise de possession par le cessionnaire en vertu des dispositions du jugement arrêtant le plan de cession ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. [B] de sa demande tendant à être déchargé de son engagement de caution en raison de l'abstention de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc à exercer son droit d'agir contre les cessionnaires en paiement des échéances restant dues du prêt consenti à la société CDSV, que la banque ne disposait d'aucun titre pour réclamer le remboursement des échéances aux cessionnaires, motif pris que le plan de cession était devenu caduc, faute de passation des actes de cession dans les trois mois du jugement arrêtant le plan, cependant que les cessionnaires avaient pris possession de l'entreprise cédée le 16 octobre 2009, date du prononcé du jugement arrêtant le plan de cession, de sorte qu'ils étaient, dès cette date, obligés de s'acquitter entre les mains de la banque des échéances du prêt restant dues, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil et les articles L. 642-8 et L. 642-12 du code de commerce ;

2°/ que le cessionnaire d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances des prêts consentis à l'entreprise cédée pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent des sûretés immobilières et mobilières spéciales, et qui restent dues à compter de la conclusion des actes de cession ou de la prise de possession par le cessionnaire en vertu des dispositions du jugement arrêtant le plan de cession ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. [B] de sa demande en réparation formée contre la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, au titre de son abstention à procéder au recouvrement de sa créance entre les mains de MM. [L] [H] et [J] et de Mme [R], que la banque ne disposait d'aucun titre pour réclamer le remboursement des échéances aux cessionnaires, motif pris que le plan de cession était devenu caduc, faute de passation des actes de cession dans les trois mois du jugement arrêtant le plan, cependant que les cessionnaires avaient pris possession de l'entreprise cédée le 16 octobre 2009, date du prononcé du jugement arrêtant le plan de cession, de sorte qu'ils étaient, dès cette date, obligés de s'acquitter entre les mains de la banque des échéances du prêt restant dues, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et les articles L. 642-8 et L. 642-12 du code de commerce ;

3°/ que le cessionnaire d'une entreprise en liquidation judiciaire est tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances des prêts consentis à l'entreprise cédée pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent des sûretés immobilières et mobilières spéciales, et qui restent dues à compter de la conclusion des actes de cession ou de la prise de possession par le cessionnaire en vertu des dispositions du jugement arrêtant le plan de cession ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. [B] de sa demande d'indemnisation formée contre MM. [L] [H] et [J] et Mme [R], que ces derniers ne sont pas débiteurs du prêt contracté par la société CDSV, compte tenu de la caducité du plan de cession résultant de l'absence de régularisation des actes de cession dans les trois mois du jugement arrêtant le plan, cependant que les cessionnaires avaient pris possession de l'entreprise cédée dès le 16 octobre 2009, date du prononcé du jugement arrêtant le plan de cession, de sorte qu'ils avaient, alors, acquis la qualité de débiteurs principaux des échéances restant dues du prêt contracté par la société CDSV, la cour d'appel a violé l'article 2309 du code civil et les articles L. 642-8 et L. 642-12 du code de commerce ;
Mais attendu que le tribunal ayant, dans le jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise exploitée par la société emprunteuse au profit de MM. [H] et [J] et de Mme [R] pour le compte d'une société à constituer, décidé que les actes nécessaires à la réalisation de la cession devaient être accomplis dans les trois mois de son prononcé, c'est à bon droit que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que, compte tenu de la caducité du plan en l'absence de passation des actes dans le délai prescrit, les cessionnaires n'étaient pas débiteurs des échéances du prêt, faisant ainsi ressortir que leur prise de possession du fonds de commerce dès le prononcé du jugement arrêtant le plan ne pouvait être assimilée au transfert de propriété exigé par l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce pour opérer transmission sur leur tête du solde de la dette ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.