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Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 18 mai 2015, n° 14/03070

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseillers :

Mme Labaye, Mme Poitou

JEX Évreux, du 6 juin 2014

6 juin 2014

En exécution d'un jugement en date du 11 avril 2011 rendu par le conseil des prud'hommes de Bernay, Me D., ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Beauté Recherche et Production, BRP, avait été amenée à procéder au versement d'une somme de 42.198,82 € à Mme L., et ce, en vertu de l'exécution provisoire.

Me D. a interjeté appel de ce jugement, par arrêt en date du 26 Juin 2012, la cour d'appel de Rouen a réduit le montant des indemnités dues à Mme L. à la somme de 36.612,33 €, soit un trop perçu net à récupérer par le liquidateur de 5.586,49 €.

Un commandement aux fins de saisie vente visant le principal de 5.586,49 € a été délivré à Mme L. le 26 avril 2013.

A la suite de ce commandement, Mme L. a indiqué à l'huissier avoir réglé directement le 14 mai 2013, entre les mains de Maître D. une somme de 5.177,75 €. Par courrier en date du 10 novembre 2013, adressé à Mme L., l'huissier indique avoir bien eu la confirmation du règlement entre les mains de Me D. qui réclamait le solde restant dû soit 583,27 €.

Faute de paiement de Mme L., l'huissier a dressé un procès-verbal de saisie vente le 11 Mars 2014 pour un total de 694,95 €.

Saisi par Mme L., le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux par jugement du 06 juin 2014 a :

- dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité de la saisie-vente pratiquée le 11 mars 2014 par Me L., huissier de justice à Beaumont le Roger, à la demande de Maître D. en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre sociale, en date du 26 juin 2012

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme Marie-Line L. aux dépens

- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

Mme Marie-Line L. a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 25 juin 2014 ; dans ses dernières conclusions en date du 1er septembre 2014, elle demande à la cour de :

Vu le code des procédures civiles d'exécution, article L.142-1 notamment

Vu le non-respect des formalités préalables à la saisie vente et notamment l'ouverture des portes

- dire et juger recevable son appel à l'encontre du jugement rendu le 06 Juin 2014 par le juge de l'exécution d'Evreux

- déclarer nul et de nul effet le procès-verbal de saisie du 11 mars 2014 diligenté ' par les ouvertures ' sans respect des formalités préalables à la vente notamment quant à l'ouverture des portes et sans constitution de gardien

- annuler le procès-verbal de saisie litigieux

- condamner Maître D. mandataire judiciaire requérant à lui régler une somme de 1 000 € à titre de dommages intérêts

- la condamner à régler une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme L. conclut que le procès-verbal de saisie-vente du 11 mars 2014 a été dressé en méconnaissance des dispositions applicables aux saisie-ventes.

La saisie portant sur des meubles corporels implique l'accomplissement d'actes matériels, même si les objets appréhendés sont laissés sur place et elle suppose, selon l'appelante, notamment la pénétration de l'huissier à l'intérieur des locaux dans lesquels ils sont entreposés, afin de vérifier leur nature, leur état, leur saisissabilité et leur valeur marchande. En l'espèce, le procès-verbal de saisie-vente du 11 mars 2014 mentionne que les biens ont été saisis 'par les ouvertures'. Il en résulte que la liste dressée par l'huissier instrumentaire est particulièrement imprécise. Il n'a pas été procédé à l'ouverture des portes dans le cadre légal, il n'a pas été constitué gardien, il n'est pas fait état des témoins accompagnant l'huissier lors de ses opérations souligne Mme L. pour estimer que la saisie est nulle.

Dans ses dernières écritures en date du 06 octobre 2014, Me Brigitte D., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société BRP, demande à la cour de :

Vu le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux en date du 06 juin 2014

- voir confirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la saisie vente pratiquée le 11 mars 2014

- voir confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Mme L. de sa demande de dommages et intérêts d'autant que cette demande est irrecevable

- voir réformer ledit jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700

- voir condamner Mme L. au paiement de la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 pour la procédure de première instance

- voir condamner Mme L. au paiement de la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 en cause d'appel

- voir condamner Mme L. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour contester le non-respect des formalités de saisie, Mme L. précise que sur le fondement de l'article L. 142-1 du code de procédure civile, en l'absence de l'occupant, l'huissier ne peut pénétrer sans la présence de témoins ou représentants du Maire ou autorité de police. Or, selon l'intimée, une saisie peut se faire sans pénétrer dans les lieux.

La maison de Mme L. dispose d'une grande baie vitrée sans rideaux et l'huissier a dressé un inventaire précis et détaillé des différents meubles au travers de cette baie vitrée, ce faisant, l'huissier a évité des frais onéreux d'intervention d'un serrurier et de l'assistance du Commissaire de police dont le coût aurait incombé à la débitrice. La loi n'interdit nullement de procéder ainsi, la jurisprudence non plus, selon Me D.. Pour vérifier la validité des opérations, le juge a seulement l'obligation de s'assurer que les opérations matérielles menées permettent de vérifier la nature, le nombre, l'état et la valeur marchande des objets saisis, ce qui est le cas en l'espèce et il n'y a pas lieu à annulation du procès-verbal de saisie.

Me D. estime la demande de dommages et intérêts présentée par Mme L., irrecevable et sans fondement en droit et en fait, Mme L. se reconnaît débitrice et elle ne peut pas obtenir des dommages et intérêts pour une dette qu'elle ne règle pas. La saisie était régulière, justifiée et nullement disproportionnée par rapport au montant de la dette.

Me D. prétend n'avoir fait qu'exercer son droit légitime au nom de la liquidation pour récupérer les sommes indûment perçues qu'elle devra d'ailleurs restituer au Fonds de Garantie des Salaires qui a procédé à l'avance. Elle a dû avoir recours à l'huissier pour récupérer ce trop perçu et doit faire assurer sa défense. Elle réclame une somme pour ses frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

SUR CE

Selon l'article L.142-1 du code des procédures civiles d'exécution : en l'absence de l'occupant du local ou si ce dernier en refuse l'accès, l'huissier de justice chargé de l'exécution ne peut y pénétrer qu'en présence du maire de la commune, d'un conseiller municipal ou d'un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d'une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l'huissier de justice chargé de l'exécution.

Selon l'article R. 221-16 du même code : l'acte de saisie contient à peine de nullité : (…) 2° L'inventaire des biens saisis comportant une désignation détaillée de ceux-ci

(.....)

Le procès-verbal de saisie- vente du 11 mars 2014 mentionne que les biens ont été saisis 'par les ouvertures' avec le détail des objets notamment le nom de la marque concernant le téléviseur et l'ordinateur.

Par courrier du 30 avril 2014, l'huissier précise que la maison de Mme L. dispose d'une grande baie vitrée, sans rideaux, située en façade, donnant accès vers l'intérieur, depuis cette ouverture, le séjour, le salon et les objets s'y trouvant étaient parfaitement visibles, il a pu ainsi dresser un inventaire précis et détaillé des différents meubles au travers de cette baie vitrée. La valeur des biens saisis couvrait la dette.

L'article L. 142-1 du code des procédures civiles d'exécution permet à l'huissier, en respectant certaines conditions, de pénétrer chez le débiteur même en son absence, il doit en effet pouvoir, s'agissant de ces biens, vérifier leur nature, leur nombre, leur état, leur valeur marchande, en donner une description suffisante pour pouvoir les identifier lors de leur enlèvement ultérieur. Dès lors que l'huissier peut procéder à une description détaillée des biens qui répond aux dispositions de l'article R. 221-16 et en l'absence de toute contestation sur la nature, la propriété, la saisissabilité des biens, le fait que la saisie ait été pratiquée en identifiant les biens à travers les vitres de l'habitation ne peut entraîner la nullité du procès-verbal.

Comme relevé par le premier juge, Mme L. ne démontre pas que la saisie serait disproportionnée du fait que la valeur des biens saisis serait excessive par rapport au montant de sa dette ; l'huissier n'a pas eu à pénétrer dans les lieux, or, le coût des intervenants notamment du serrurier aurait été à la charge de la débitrice et la procédure n'étant pas annulée, le rejet de la demande de dommages et intérêts de Mme L. sera confirmé.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance, en cause d'appel Mme Marie-Line L. supportera les dépens et devra verser à Me D., es-qualités, une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux le 06 juin 2014 ;

Y ajoutant :

Condamne Mme Marie-Line L. à payer à Me Brigitte D., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Beauté Recherche et Production la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme Marie-Line L. aux dépens de la procédure d'appel.