Cass. com., 28 avril 1998, n° 95-20.682
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Lassalle
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Parmentier, SCP Nicolay et de Lanouvelle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Z... ont consenti à leur fils Alain et à son épouse Sylvie A... un bail rural portant sur un fonds de 38 hectares 16 ares 31 centiares ; que, postérieurement au décès de M. Alain Y..., Mme A... a été mise en redressement judiciaire et a demandé au tribunal l'autorisation de céder le bail aux consorts X... ; que Mme Henry, veuve Y... et son fils Elie Y..., se prévalant des dispositions de l'article 82, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, ont, de leur côté, demandé au tribunal l'autorisation de reprendre le fonds pour son exploitation par ce dernier ; qu'après avoir, par un premier jugement, ordonné la réouverture des débats, le tribunal a débouté, par un second jugement, les consorts Y... de leur demande et autorisé la cession aux consorts X... de la totalité de l'exploitation, en ce compris le bail rural, pour le prix de 580 000 francs ; que l'arrêt a déclaré irrecevable l'appel-nullité de M. Elie Y... contre les deux jugements en retenant que l'article 82, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 n'était pas applicable en l'espèce, ainsi que l'appel incident de Mme Y..., parce que formé hors délai ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 82, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 et L. 411-35 du Code rural ;
Attendu que si malgré le statut du fermage et l'intransmissibilité de principe du droit à un bail rural le tribunal peut, en cas de redressement judiciaire, et sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant, attribuer le bail à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre aura été recueillie dans les conditions fixées aux articles 83, 84 et 85, cette faculté n'est prévue que dans l'hypothèse de la cession d'un ensemble essentiellement constitué du droit à un bail rural ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel de M. Elie Y... contre le jugement autorisant la cession du bail rural et, partant l'appel incident de Mme Z..., l'arrêt retient que l'exploitation agricole que Mme A... entend céder aux consorts X... ne peut être considérée comme un ensemble essentiellement constitué du droit à un bail rural au sens de l'article 82, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, de sorte que M. Elie Y... ne peut se prévaloir de cette disposition qui est inapplicable ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que le bail rural qui ne constitue pas l'essentiel d'un ensemble agricole demeure incessible, l'excès de pouvoir ainsi commis par les premiers juges rendant l'appel de M. Elie Y... et, partant celui de Mme Y..., recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la première branche :
Vu l'article 82, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour décider que l'exploitation agricole que Mme Sylvie A... se propose de céder aux consorts X... ne peut être considérée comme un ensemble essentiellement constitué du droit à un bail rural, l'arrêt retient que, suivant le rapport de l'expert agricole désigné comme conciliateur, l'actif de l'entreprise, composé outre le droit au bail rural d'une maison et des bâtiments d'exploitation évalués à 300 000 francs ainsi que du matériel agricole d'une valeur totale de 323 500 francs, s'élève à 623 500 francs et relève que la maison et les bâtiments d'exploitation appartiennent à Mme Sylvie A... personnellement et le matériel agricole à elle-même et à ses enfants ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure le caractère essentiel quant à l'équilibre économique de l'exploitation du droit au bail rural, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.