Livv
Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 25 juin 2020, n° 19/03350

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Ceradis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beneix Bacher

Conseillers :

M. Poirel, M. Blanque Jean

Avocats :

Me Decharme, Me Brunet Alayrac

TI Castelsarrasin, du 11 juill. 2019, n°…

11 juillet 2019

Exposé du litige :

Le 24 janvier 2019, la Sarl Ceradis a saisi le tribunal d'instance de Castelsarrasin aux fins de mise en place d'une saisie des rémunérations de M. X Y contre lequel elle dispose d'un titre exécutoire constitué par un jugement du tribunal d'instance de Castelsarrasin en date du 21 janvier 2016.

M. Y a résisté à la demande au motif essentiel que sa dette serait éteinte en application des dispositions de l'article L 645-11 du Code de commerce.

Par jugement en date du 11 juillet 2019, le tribunal d'instance de Castelsarrasin a :

- Débouté M. Y tendant à voir juger effacée la créance de la Sarl Ceradis.

- Débouté M. Y de sa demande en restitution de sommes par la Sarl Ceradis et en dommages et intérêts pour préjudice moral.

- Fixé la créance de la Sarl Ceradis à l'égard de M. Y à la somme de 16 121,38€ en principal, intérêts et frais à la date du 15 janvier 2019, déduction faite de la somme de 780,64€.

- Ordonne la saisie des rémunérations de M. X Y au profit de la Sarl Ceradis.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamné X Y aux dépens de l'instance.

Par déclaration électronique en date du 17 juillet 2019, M. X Y a interjeté appel limité de ce jugement en chacune de ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions en date du 31 octobre 2019, il demande à la cour, au visa des dispositions des articles L645-8, L 645-11 et R 645-10 du Code de commerce et 1353 du Code civil de réformer le jugement entrepris de l'ensemble des chefs déférés et statuant à nouveau de ces chefs de :

- juger que la créance de la société Ceradis à l'encontre de M. X Y en vertu du jugement du tribunal d'instance de Castelsarrasin en date du 21 janvier 2016 est éteinte par l'effet du jugement de clôture de sa procédure de rétablissement professionnel prononcée par le tribunal de commerce de Montauban le 14 octobre 2016.

- Débouter en conséquence la Sarl Ceradis de sa demande de saisie des rémunérations de M. Z

- Juger que du fait de l'effacement de sa créance, la société Ceradis ne justifiait pas d'un titre exécutoire pour saisir les comptes du concluant.

- Condamner en conséquence la Sarl Ceradis à rembourser à X Y la somme de 780,64€ au titre de la répétition de l'indu.

- Juger fautive la poursuite de multiples voies d'exécution pour recouvrer une dette que le créancier savait éteinte.

- Condamner la Sarl Ceradis à payer à X Y une somme de 5 000,00€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

- Condamner la Sarl Ceradis à payer à M. Y la somme de 1000,00€ au titre de ses frais irrépétibles de première instance.

Ajoutant à la décision entreprise :

- Condamner la Sarl Ceradis à rembourser à X Y les rémunérations saisies jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.

- Condamner la Sarl Ceradis à payer à M. Y la somme de 5 000,00€ au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux entiers dépens qui seront recouvrés par ses conseils conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il expose qu'il a déposé le 19 mai 2016 auprès du greffe du tribunal de commerce de Montauban une demande de rétablissement professionnel, procédure qui a été ouverte à son égard par décision en date du 14 juin 2016, maître Brunet étant désigné juge commis et maître Enjalbert, en qualité de mandataire judiciaire et que :

- M. Y a déclaré auprès de ce dernier, les 19 juin 2016, 22 juin 2016 et 19 juillet 2016, la liste de ses créanciers, le montant de ses dettes et ses principaux contrats en cours , dont la dette envers la société Ceradis.

- Maitre Enjalbert, par courrier en date du 25 juillet 2016 a informé la société Ceradis de la procédure de rétablissement processionnel ouverte au profit de M. Y et l'a invitée à lui communiquer sous deux mois le montant de sa créance avec indication des sommes à échoir et des dates d'échéance et toute information utile.

- Le 14 octobre 2016, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure de rétablissement professionnel de M. X Y, le jugement ne comportant pas l'indication de la liste des créanciers effacée par erreur.

- Le 6 juin 2018, la société Ceradis a fait procéder à la saisie attribution de ses comptes à la banque postale et bloqué la somme de 331,57€ et M. Y a vu sa contestation devant le juge de l'exécution déclarée irrecevable.

Pour contester la décision du premier juge, il fait valoir que :

- le tribunal ne pouvait sans méconnaître les dispositions de l'article L 645-11 du Code de commerce qui emporte «effacement des dettes nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel qui ont été portées à la connaissance du juge commis par le débiteur et ont fait l'objet de l'information prévue à l'article L 645-8 du Code de commerce», comme il a été effectué en l'espèce, juger qu'il n'était pas établi que la Sarl Ceradis a été avisée de l'ouverture de la procédure et que ne figurant pas sur la liste des créanciers établie avec l'aide du mandataire correspondant à la liste que le tribunal entendait effacer par son jugement et qu'il n'était justifié d'aucune procédure en rectification d'omission, sa créance n'était en conséquence pas éteinte du fait de la clôture de la procédure de rétablissement professionnel.

- ce faisant le tribunal a ajouté une condition non prévue par le texte susvisé dès lors qu'il ressort des dispositions de la première phrase de l'article L 645 que la mention dans le jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel des dettes effacées ne constitue pas une condition de leur effacement et qu'il importait seulement que la créance de la Sarl Ceradis soit antérieure au jugement d'ouverture, qu'elle ait été portée à la connaissance du juge commissaire par le débiteur et que le créancier ait été informé de la procédure par lettre simple du mandataire judiciaire le 25 juillet 2016, ainsi qu'il en est surabondamment justifié,

- au surplus, par décision en date du 23 octobre 2019, le jugement du 14 octobre 2016 du tribunal de commerce de Montauban a été rectifié, mentionnant l'effacement de la dette de la Sarl Ceradis dans son dispositif, ce qui prive d'objet ce moyen de contestation,

- la créance de la Sarl Ceradis étant effacée, il y a aura lieu d'infirmer la décision en ce qu'elle autorisé la saisie arrêt des rémunérations et d'ordonner les restitutions qui en découlent ainsi que la répétition de l'indu résultant de la procédure de saisie sur compte bancaire entreprise sans titre exécutoire, à hauteur d’une somme de 780,64€.

- l'acharnement de la Sarl Ceradis qui a bien été informée de la procédure de rétablissement professionnel, à poursuivre de multiples mesures d'exécution sur la base d'une créance effacée, lui a occasionné un préjudice moral.

Dans ses dernières écritures en date du 15 novembre 2019, prises au visa du jugement du tribunal de commerce de Montauban en date du 23 octobre 2019, la Sarl Ceradis demande à la cour de :

- Donner acte à la Société Ceradis de ce qu'elle s'en remet à justice sur la demande de réformation du jugement entrepris.

- Donner acte à la Société Ceradis de ce qu'elle s'en remet à justice sur la demande de restitution d'indu.

- Débouter M. Y de ses demandes subséquentes.

- Condamner M. Y à payer à la Sarl Ceradis une somme de 1 000,00€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Le condamner aux entiers dépens.

A l'appui de ses écritures, la Sarl Ceradis se range finalement aux dispositions du jugement du tribunal de commerce de Montauban du 23 octobre 2019 qui a rectifié l'erreur matérielle contenue dans le jugement du 14 octobre 2018, incluant ainsi dans la liste des créances effacées la créance de la société Ceradis, celle-ci déclarant accepter ledit jugement, avec pour conséquence la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a accueilli sa demande de mise en place d'une procédure de saisie des rémunérations et débouté M. Y de sa demande en restitution de la somme saisie par voie de saisie sur ses comptes bancaires.

Elle estime cependant que M. Y qui a été parfaitement défaillant dans le remboursement de ses dettes dans le cadre de la procédure de rétablissement professionnel ne saurait prospérer en sa demande de dommages et intérêts, que de même il a tardé à faire rectifier le jugement du tribunal de commerce ce qui l'a contrainte à engager des frais.

L'affaire, initialement inscrite au rôle de l'audience du 20 avril 2020 à 14h00, a été retenue sans audience, en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et de l'article 6 de l'ordonnance n°2020-595 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 modifié par l'article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire, pour faire face à l'épidémie de covid-19.

Me DECHARME et Me BRUNET ALAYRAC ont consenti à l'application de ce texte par déclarations des 04 et 20 mai 2020.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par jugement en date du 23 octobre 2019, le tribunal de commerce de Montauban a finalement rectifié l'erreur matérielle contenue dans le jugement du 14 octobre 2018 de sorte que la créance de la SARL Ceradis figure désormais dans le jugement au rang des créances effacées par le jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel de M. Z

La conséquence en est que la Sarl Ceradis est réputée n'avoir jamais disposé d'un titre exécutoire lui permettant d'entreprendre les procédures de saisies sur compte bancaire et des rémunérations ce qui emporte en conséquence nécessairement infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a autorisé la saisie des rémunérations ainsi que la restitution de toutes sommes distribuées à la Sarl Ceradis dans le cadre de cette procédure, de même que la restitution de l'indu s'agissant des sommes saisies dans le cadre de la saisie sur compte bancaire.

Il ressort de la procédure et notamment de l'inscription de la créance de la Sarl Ceradis dans le jugement de clôture rectifié au rang des créances effacées que la Sarl Ceradis a nécessairement été informée de la procédure de rétablissement professionnel par le mandataire judiciaire ainsi que M. Y en justifiait d'ailleurs de manière surabondante, ce par courrier simple adressé selon la procédure prévue à l'article R 645-10 du code de commerce, le 25 juillet 2016, comme résultant d'un listing des envois datés et numérotés qui n'est pas utilement contredit et que, nonobstant cela, la Sarl Ceradis a choisi de poursuivre des mesures d'exécution à l'encontre de M. Y en faisant pratiquer, le 6 juin 2018, une saisie attribution de ses comptes à la Banque Postale puis a entrepris le 24 janvier 2019, après s'être désistée d'une précédente demande aux mêmes fins, la présente procédure de saisie des rémunérations.

Ce faisant, la Sarl Ceradis a agi en connaissance de cause, non sans témérité, prenant ainsi des risques au détriment de M. Y, lui occasionnant un préjudice moral certain fait de contrariétés et de désagréments qui lui sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 2 500,00€ de dommages et intérêts, ce quand bien même M. Y aurait tardé à faire rectifier le jugement du 14 octobre 2018, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté M. Y de sa demande de ce chef.

Au vu de l'issue du présent litige, le jugement entrepris sera également réformé en ce qu'il a condamné M. Y aux dépens de première instance et l'a débouté en conséquence de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la Sarl Ceradis étant condamnée aux dépens de première instance ainsi qu'à payer en équité à M. Y une somme de 1 000,00€ au titre des ses frais irrépétibles de première instance.

Pour les mêmes motifs, la Sarl Ceradis sera condamnée aux dépens du présent recours et à payer en équité à M. Y une somme de 2 500,00€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel, la Sarl Ceradis étant en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Rejetant toute demande plus ample ou contraire des parties :

Infirme la décision entreprise de l'ensemble des chefs déférés.

Statuant à nouveau des chefs réformés :

- Déboute la Sarl Ceradis de sa demande de saisie des rémunérations de M. X Z

- Ordonne en conséquence la restitution à M. X Y de toutes sommes perçues par la Sarl Ceradis dans le cadre de cette procédure.

- Ordonne la restitution par la Sarl Ceradis à M. X Y de la somme de 780,64€ indûment perçue dans le cadre de la saisie sur compte bancaire.

- Condamne la Sarl Ceradis à payer à M. X Y une somme de 2 500,00€ de dommages et intérêts.

- Condamne la Sarl Ceradis à payer à M. X Y une somme de 1 000,00€ au titre de ses frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant :

- Condamne la Sarl Ceradis à payer à M. X Y une somme de 2 500€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

- Condamne la Sarl Ceradis aux entiers dépens de première instance et d'appel.