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Décisions

Cass. 2e civ., 7 décembre 2017, n° 16-23.603

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Avocats :

SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

TGI Aix-en- Provence, du 17 oct. 2013, n…

17 octobre 2013


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de la société Aegitna, adjudicataire d'un marché public conclu avec l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (l'ENSOSP), établissement public national à caractère administratif, entre les mains de cette dernière ; que l'URSSAF a assigné l'ENSOSP devant un juge de l'exécution ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que l'ENSOSP fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à la société Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo 13 et renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, puis de condamner l'ENSOSP à payer à l'URSSAF une somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article R. 211-5, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, alors, selon le moyen :

1°/ que la régularité du transfert d'un marché public à un tiers en l'absence d'avenant relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'en retenant, pour décider n'y avoir lieu de renvoyer à la connaissance de la juridiction administrative la question de la régularité du transfert du marché public dont était titulaire la société Aegitna à la société Amo 13 à compter 1er octobre 2011, que les modifications affectant la personne titulaire d'un marché public doivent donner lieu à la passation d'un avenant, dont la notification conditionne le commencement d'exécution des prestations, que le pôle national de soutien aux réseaux d'établissements publics nationaux avait précisé à l'ENSOSP qu'il lui appartenait de conclure un avenant de transfert entre les deux entreprises, que l'avenant du 3 février 2012 ne contient aucune mention selon laquelle le transfert aurait pris effet à compter du 1er octobre 2011, et que l'ENSOSP ne justifiait pas d'éléments objectifs établissant la réalité du transfert à cette date, la cour d'appel, qui a statué au terme d'une analyse révélant l'existence d'une difficulté sérieuse, a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en tout état de cause, si la cession d'un marché public à un tiers ne peut avoir lieu qu'avec l'assentiment préalable de la collectivité contractante, cet assentiment peut être tacite et résulter du comportement dépourvu d'ambiguïté que la collectivité manifeste à l'égard du cessionnaire au cours de l'exécution du contrat ; qu'en affirmant que les modifications affectant la personne titulaire d'un marché public, notamment en cas d'apport du marché par son titulaire une autre société, doivent donner lieu à la passation d'un avenant, pour décider que la question de la régularité du transfert du marché public dont était titulaire la société Aegitna à la société Amo 13 à compter 1er octobre 2011 ne présentait pas de caractère sérieux et qu'il n'y avait pas lieu d'en renvoyer la connaissance à la juridiction administrative, la cour d'appel a violé l'article 20 du code des marchés publics, dans sa version issue du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics ;

Mais attendu que, dès lors que les parties au marché public avaient conclu un avenant suite à la cession de contrat résultant du contrat de location-gérance passé entre la société Aegitna et la société Amo 13, il appartenait au juge de l'exécution ainsi qu'à la cour d'appel, compétents pour se prononcer sur les effets de la saisie-attribution, de rechercher la portée dudit avenant dont il n'est pas contesté que les clauses sont claires et précises ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen pris en ses deux premières branches, après avis donné aux parties, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches annexées, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour décider que la procédure de saisie-attribution avait produit son effet attributif au profit de l'URSSAF sur les sommes dues jusqu'au 3 février 2012 par l'ENSOSP à la société Aegitna, l'arrêt retient que l'avenant signé le 3 février 2012 ne contient aucune mention selon laquelle le transfert aurait pris effet à compter du 1er octobre 2011, date du contrat de location-gérance conclu entre les sociétés Aegitna et Amo 13 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il est écrit dans ledit avenant, « Les sociétés Aegitna Sécurité Services et AMO STPI ont conclu un contrat de location-gérance auprès de la société AMO 13. A compter du 1er octobre, la totalité des salariés de ces deux sociétés feront partie de la société AMO 13. Par cette location-gérance, Aegitna Sécurité Services et AMO STPI ont transféré à AMO 13, dans le cadre de la location de son fonds, l'ensemble de ses contrats clients et fournisseurs, dont le marché n° 11 01 004 00 628 13 01 " prestation d'accueil et de gardiennage " qui nous lie. Cet avenant a pour effet le transfert direct de l'attribution du marché à la société AMO 13 », la cour d'appel, qui a dénaturé par omission l'avenant, a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen emporte par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt du 1er juillet 2016 ayant condamné l'ENSOSP à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article R. 211-5, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution et une somme de 30 000 euros par application de l'article R. 211-9 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il a infirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 17 octobre 2013 ayant déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo, et renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif, l'arrêt rendu le 1er juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.