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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 12 novembre 2014, n° 13/01304

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Relais FNAC (SAS)

Défendeur :

Mme Ehrenreich, M. Ehrenreich, DSL (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mme Roubertou, Mme Alzeari

Avocats :

Me Sengelen-Chiodetti, Me Planckeel

TGI Colmar, du 7 mars 2013

7 mars 2013

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 15 mai 2002, Mme Laurence Katz et M. Simon Ehrenreich (ci-après dénommés « L 'indivision Katz »), aux droits desquels vient depuis le ler janvier 2010 la SCl DSL, ont donné à bail à la société Relais Fnac des locaux et matériels à usage commercial situés dans l'ensemble immobilier sis [...], pour une durée de neuf années à compter du 15 mai 2002, moyennant un loyer annuel de 167.700 euros HT et HC ;

Dans la mesure où la société Relais Fnac exploitait par ailleurs son magasin principal suivant bail de douze ans en date du 23 octobre 1997 consenti par la SC1 Schopperle, l'indivision Katz a convenu avec la société Relais Fnac que, en cas de renouvellement du bail de son magasin principal pour une période de douze ans, le bail consenti par l'indivision Katz se renouvellerait aux mêmes dates, également pour une période de douze ans ;

Ainsi, le bail principal s'étant renouvelé pour douze ans, à compter du 1er avril 2009 suivant avenant sous seing privé des 23 avril et 5 mai 2009 3, il en résulte que le bail liant la société Relais Fnac a l'indivision Katz s'est concomitamment renouvelé automatiquement à cette même date et pour la même durée.

Estimant que 1'indivision Katz puis la SCI DSL lui facturaient une indexation annuelle de loyer en dehors de toute clause d'indexation dans le bail, l'article 14 'Révision' se bornant à rappeler la possibilité pour les parties de mettre en œuvre la révision triennale prévue par l'article L. 145 38 du Code de commerce, la société Relais Fnac en a fait part à l'indivision Katz et à la SCI DSL par courrier RAR du 08 avril 2011 et les a mis en demeure de lui rembourser la somme de 239.505,80 euros HT, TVA en sus, correspondant au montant des indexations de loyer indûment payées depuis le 1er Janvier 2006.

Par courrier RAR du 5 mai 2011, le conseil des bailleurs Katz a rétorqué que le bail prévoyait une clause d'indexation et que la société Relais Fnac avait donné son accord à l'indexation pratiquée.

La société Relais Fnac a saisi le Tribunal de grande instance de Colmar de ses demandes par assignation du 18 août 2011.

Par jugement du 7 mars 2013, le Tribunal a débouté la société Relais Fnac de toutes ses demandes.

Par déclaration du 18 Mars 2013, la société Relais Fnac a interjeté appel de ce jugement.

Le 02 avril 2013, Mme Laurence Katz et M. Simon Ehrenreich et la SCI DSL se sont constitués intimés.

Vu les dernières conclusions déposées par la société Relais Fnac le 19 novembre 2013, dans lesquelles elle demande que le jugement critiqué soit infirmé, et soutient l'absence de clause d'indexation, et à titre subsidiaire a présenté une demande fondée sur le caractère triennal de la clause d'indexation, si elle existe, en soutenant que la motivation du Tribunal appelait des réserves préalables ;

Vu les dernières conclusions déposées par Mme Laurence Katz et M. Simon Ehrenreich et la SCI Dsl, le 19 février 2014 par lesquelles ils sollicitent la confirmation du jugement et font valoir que les clauses du bail prévoient précisément une indexation du loyer et que cette indexation ne présente pas de caractère triennal, seul le loyer étant révisable tous les trois ans ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2014.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 13 Octobre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION :

La société Relais Fnac soutient

* que l'un des éléments essentiels de toute clause d'indexation est la stipulation d'une périodicité,

* que dès lors que le Tribunal écartait la périodicité triennale, il ne pouvait sans contradiction relever une périodicité annuelle dont il ne démontre nulle part l'existence dans le bail.

* que les propres constatations du Tribunal auraient dû le conduire à écarter toute clause d'indexation et donc à faire droit à la demande principale de la société Relais Fnac.

* qu'à la lumière de la distinction qui doit être faite entre la clause d'indexation et la clause de rappel de la révision triennale, il apparaît manifeste que la qualification de clause d'indexation n'est pas adéquate en 1`espèce, la facturation demeurant à cet égard indifférent ;

* qu'il doit être opéré une distinction entre la clause d'indexation et la c1ause de rappel de la révision triennale ;

* que le renvoi opéré par les clauses du bail et notamment l'article 14 du bail est incompatible avec la stipulation d'une clause d'indexation ;

* que les éléments caractérisant une clause d'indexation comme l'automaticité, la périodicité et les indices de calcul font défaut.

L'indivision Katz et la SCI Dsl demandent à la Cour de ne pas retenir cette argumentation aux motifs principaux que la clause selon laquelle le loyer est indexé est une clause d'indexation, que l'article 13 du bail prévoit les modalités de cette indexation, et que la société appelante a procédé au règlement des loyers sans la moindre contestation.

Le code de commerce organise deux types de révisions légales du loyer commercial, d'une part la révision triennale applicable en l'absence d'une clause d'indexation et qui est prévue à l 'article L145-38 du code de commerce et d'autre part, la révision qui résulte de la présence d'une clause d'échelle mobile prévue à l'article L145-39 du code de commerce.

En l'espèce le bail du 15 mai 2002, dont toutes les clauses et conditions sont applicables au bail renouvelé le 23 avril 2009, prévoit, à son article 13 le montant du loyer et ses modalités de paiement, puis, à l'article 14 intitulé 'Révision', les modalités de sa révision dans les termes suivants :

14.1. Le loyer est fixé pour la première période triennale seulement et sera susceptible d'être révisé au début de chacune des autres périodes, dans les conditions prévues par la législation en vigueur.

14.2. Ce loyer est révisé en fonction des variations de 1'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE (Ie dernier indice connu est celui du 4ème trimestre 2001, soit 1140 points), à moins que ne soit rapportée la preuve d'un changement notable de la destination des lieux, ou d 'une modification matérie1le des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

14.3. En cas de disparition de l'indice convenu, les parties se rapprochent pour adopter un indice de remplacement et, à défaut d 'accord désigner un tiers qui déterminera 1'indice retenu.

La clause d'indexation est un mécanisme conventionnel dont le propre est de faire varier le loyer automatiquement, les parties prévoyant à 1'avance de quelle manière le loyer variera, ce qui suppose qu'elles stipulent à quel moment le loyer variera (stipulation de la périodicité) et à quel indice il sera fait référence, qu'il s'agisse du type d'indice retenu ou des trimestres utilisés pour le calcul.

En revanche, la révision triennale constitue un mécanisme légal de révision du loyer, prévu à l'article L. 145-38 du Code de commerce, qui ne peut être mis en oeuvre que si la révision est demandée en respectant le formalisme prévu par l'article R. 145 20 (acte d'huissier ou lettre RAR précisant le prix demandé). Ainsi, selon l'alinéa 3 du même texte, la révision ne prend effet que du jour de cette demande.

Il convient de constater que la clause du bail ne fait, à aucun moment, référence à une indexation du loyer, et rappelle seulement les modalités de mise en oeuvre de la révision triennale légale prévue par l'article L. 145-38 du Code de commerce.

L'article 14 du contrat de bail 14 prévoit seulement que le loyer « sera susceptible d 'être révisé » et subordonne expressément cette révision aux conditions prévues par la législation en vigueur.

Ce renvoi aux conditions légales est incompatible avec la stipulation d'une clause d'indexation, qui opère automatiquement, sans aucune condition autre que la variation de l'indice de référence.

En revanche la référence aux articles L. 145- 38 et R.145 -20 du Code de commerce, concerne la seule révision triennale.

L'alinéa 2 de l'article 14 du bail, fait explicitement référence aux mécanismes de fixation du loyer révisé dans le cadre de l'article L. l45- 38 du code de commerce, dès lors qu'il prévoit la révision du loyer en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, qui constituait en 2002, le seul indice prévu pour la loi pour le plafonnement, puis excepte l'hypothèse d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, ce qui constitue l'hypothèse de déplafonnement expressément prévue par l'article L. 145-38 du code de commerce, et l'hypothèse de la preuve d'un changement notable de la destination des lieux, ce qui constitue un renvoi à l'article L. 145 47, alinéa 4, qui permet, lors la première révision triennale faisant suite à une déspécialisation simple, de fixer le loyer révisé à la valeur locative lorsque l'adjonction des nouvelles activités commerciales a entraîné par elle-même une modification de la valeur locative.

Ces dispositions contractuelles ne relèvent pas du mécanisme de la clause d'indexation.

En conséquence, il ne peut être soutenu par l'indivision Katz et la SCI Dsl que le bail était assorti d'une clause d'indexation.

Le paiement ne suffit pas à caractériser une renonciation aux clauses du bail.

Le paiement des factures des loyers indexés ne pouvait emporter une quelconque renonciation du locataire aux droits qu'il tient du bail, la renonciation ne se présumant pas.

L'erreur du solvens n'est pas une condition nécessaire de l'action en répétition de l'indû, de sorte que l'action est ouverte même lorsque le paiement est effectué en toute connaissance de cause.

Comme l'a jugé la Cour de cassation, le seul fait de payer une facture de loyer ou de charges ne suffit pas à caractériser une acceptation non équivoque du loyer payé.

Par ailleurs, le bail prévoit dans son article 30 intitulé « Tolérances », que toute tolérance relative au respect des clauses et conditions du bail ne peut en aucun cas être considérée, quelque soit soit la fréquence ou la durée, comme une renonciation de l'une ou de l'autre des parties à faire valoir ses droits.

En conséquence, la société Relais Fnac est fondée, sur le fondement des règles de la répétition de l'indu, à demander le remboursement des sommes payées au-delà du montant contractuel du loyer depuis le ler janvier 2006, ainsi que le montant du dépôt de garantie réajusté soit les sommes suivantes arrêtées au 31 décembre 2013 :

- 409 706,52 € HT au titre de l'indexation du loyer

- 18 352,70 € HT à l’une de indexation au dépôt de garantie

Soit un total de 428 059,22 € HT, soit 511 958,82 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 avril 2011 et à parfaire des sommes payées ultérieurement au titre de l'indexation.

La TVA devra être remboursée à la société Relais Fnac avec les loyers qui lui ont servi d'assiette.

Les conditions d'application des dispositions de l'article 1154 du code civil sont réunies.

Madame Laurence Ehrenreich épouse Katz, Monsieur Simon Ehrenreich et la SCI Dsl succombant seront condamnés aux dépens ;

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Relais Fnac.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame Laurence Ehrenreich épouse Katz, Monsieur Simon Ehrenreich et la SCI Dsl.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 7 mars 2013 par le Tribunal de grande instance de

Colmar dans toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

Dit que le bail consenti par Mme Laurence Katz et M. Simon Ehrenreich à 1a société Relais Fnac le 15 mai 2002, puis renouvelé le 1er avril 2009, ne comporte aucune clause d'indexation ;

En conséquence, Condamne solidairement Mme Laurence Katz, M. Simon Ehrenreich et la SCI Dsl à rembourser à la société Relais Fnac la somme indûment facturée, soit la somme de 428 059,22 € HT, soit 511 958,82 € TTC, à parfaire des indexations ultérieurement payées après le 31 décembre 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 avril 2011 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus annuellement conformément aux dispositions de l'artic1e 1154 du Code civil ;

Condamne in solidum Mme Laurence Katz, M. Simon Ehrenreich et la SC1 Dsl aux entiers dépens ;

Condamne in solidum Mme Laurence Katz, M. Simon Ehrenreich et la SC1 Dsl à payer à la société Relais Fnac une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à appliquer les dipositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme Laurence Katz, M. Simon Ehrenreich et la SC1 Dsl.