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Décisions

Cass. 1re civ., 4 juin 2014, n° 13-16.794

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Rapporteur :

Mme Dreifuss-Netter

Avocat général :

M. Sudre

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Paris, du 15 févr. 2013

15 février 2013

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 octobre 2011 et 15 février 2013), que la société coopérative Giphar (la société), exerçant sous l'enseigne Sogiphar, et l'association Mouvement national des pharmaciens Giphar (l'association) ont engagé, en décembre 2008, une campagne de communication dans plusieurs médias, ayant pour thème « mon conseil santé Giphar » et véhiculant l'idée que les pharmaciens membres du groupement étaient à même de délivrer un conseil personnalisé pour la santé des patients, que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) a recherché leur responsabilité ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société et l'association font grief à l'arrêt de dire qu'ils ont commis une faute en menant des campagnes publicitaires prohibées, de les condamner à verser au CNOP des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et d'autoriser le CNOP, à titre de réparation, à faire procéder à la publication du dispositif de la présente décision dans le journal Le Monde et dans le Quotidien du Pharmacien, les frais de cette publication étant supportés par la société et l'association, in solidum, dans la limite de 6 000 euros HT par publication ;

Attendu que, le Conseil constitutionnel ayant, par sa décision 2013-364 QPC du 31 janvier 2014, déclaré conforme à la Constitution l'article L. 5125-31 du code de la santé publique et le 5° de son article L. 5125-32, le moyen est inopérant ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé, pris en ses deux branches :

Attendu que les griefs, qui manquent en fait, ne permettent pas l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société et l'association font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à question préjudicielle devant le Conseil d'Etat sur la légalité de l'article R. 5125-29 du code de la santé publique, alors, selon le moyen, que le juge judiciaire doit surseoir à statuer et poser une question préjudicielle lorsqu'une difficulté sérieuse relative à la légalité d'un acte administratif lui est posée ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu à question préjudicielle, quand l'illégalité de l'article R. 5125-29 suscitait une difficulté sérieuse qui échappait à la compétence de la juridiction judiciaire, dès lors que les missions dévolues aux pharmaciens par l'article 38 de la loi HPST n° 2009-879 du 21 juillet 2009 impliquent qu'ils puissent communiquer auprès du public et non pas seulement auprès de leur patientèle, communication qui ne peut être mise en oeuvre que par des groupements de pharmacies, la cour d'appel a violé l'article 49 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 38 de la loi du 21 juillet 2009 avait confié aux pharmaciens d'officine de nouvelles missions, notamment en termes d'éducation thérapeutique et d'actions d'accompagnement des patients, ainsi que de conseils et de prestations destinés à favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes et exactement retenu que ces dispositions n'étaient pas en contradiction avec l'interdiction faite aux groupements, par l'article litigieux, de toute publicité auprès du public, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la question était dépourvue de caractère sérieux, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à renvoi préjudiciel relativement à la légalité de ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la société et l'association font grief à l'arrêt de rejeter le moyen de non-conformité de l'article R. 5125-29 du code de la santé publique aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, alors, selon le moyen, que la publicité, qui constitue pour le citoyen un moyen de connaître les caractéristiques des services et des biens qui lui sont offerts, est un moyen d'expression ; que si l'exercice de cette liberté peut faire l'objet de restrictions ou de limitations, notamment pour tenir compte des particularités d'une activité commerciale ou d'une profession déterminée, elle ne peut faire l'objet d'une interdiction totale et générale ; qu'en décidant que l'interdiction de toute publicité en faveur des groupements ou réseaux d'officine était justifiée par un objectif de santé publique, celui de conserver une répartition géographique équilibrée des officines sur le territoire national, quand l'interdiction totale et générale de ce moyen d'expression n'est ni nécessaire ni proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'interdiction de toute publicité auprès du public, faite aux groupements ou réseaux d'officine, était justifiée par un objectif de protection de la santé publique, celui de conserver une répartition géographique équilibrée des officines sur le territoire national, afin de protéger les petites officines et d'éviter de fragiliser celles qui n'appartiennent pas à un réseau fort, susceptible d'investir dans des campagnes publicitaires au profit de ses adhérents, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que les articles R. 5125-26 et R. 5125-28 du code de la santé publique autorisent certaines formes de publicité par les officines prises individuellement et que les groupements mentionnés à l'article D. 5125-24-1 peuvent communiquer, dans les conditions prévues à l'article D. 5125-24-2, au bénéfice exclusif de leurs adhérents, sur des thèmes de santé publique, que cette interdiction apportait, à la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, une atteinte nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société coopérative Giphar exerçant sous l'enseigne Sogiphar, et l'association Mouvement national des pharmaciens Giphar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.