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Décisions

Cass. 3e civ., 10 septembre 2020, n° 19-13.818

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Dagneaux

Avocats :

Me Haas, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Aix-en-Provence, du 20 décembre 2018

20 décembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 décembre 2018), M. Y... a acquis, en vue d'y construire un immeuble, des parcelles de terre traversées par le Verdon, dont la concession avait été consentie à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale. En 1971, il a conclu avec cette société une convention par laquelle celle-ci l'autorisait à occuper temporairement l'emprise d'une partie du canal et lui-même s'engageait à racheter l'emprise rattachée à sa propriété dans un délai de six mois après notification de l'offre de rétrocession sur l'emprise du canal. M. Y... s'engageait, par ailleurs, à incorporer ces conditions dans tous les actes intéressant l'emprise en cause, notamment en vue de rendre ces conditions opposables aux tiers susceptibles de se porter acquéreurs des constructions projetées ou édifiées.

2. La société du canal de Provence et de la région provençale, devenue propriétaire, en 1977, de la parcelle [...] , sur laquelle M. Y... bénéficiait de l'autorisation d'occupation temporaire, a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble construit par la société [...], aux droits de M. Y..., en condamnation à acquérir cette parcelle.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'en cas de promesse d'achat, la capacité du vendeur à conclure le contrat définitif doit être appréciée au jour où celui-ci lève l'option et devient débiteur des obligations nées du contrat de vente ; qu'en l'espèce, la convention d'occupation temporaire ne renfermait qu'une promesse d'achat souscrite par M. Y... ; qu'en se plaçant à la date de la signature de cette convention pour apprécier la qualité de propriétaire de la société du canal de Provence, et non à date à laquelle celle-ci avait notifié l'offre de rétrocession, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1108, 1131 et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

4. Selon le premier de ces textes, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la personne qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation. Selon le deuxième, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Selon le troisième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

5. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que, lors de la signature de la convention, le 9 novembre 1971, la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale n'était pas propriétaire des parcelles situées sur laquelle l'emprise s'exerçait, qu'elle n'a acquis cette qualité que par acte des 10 et 16 novembre 1977, qu'elle ne pouvait donc vendre les terrains, objets de la convention, qu'il importe peu qu'elle en soit aujourd'hui propriétaire, dans la mesure où, en application de l'article 1131 susvisé, il faut se placer au moment de la formation du contrat pour apprécier l'existence de la cause des obligations d'un contrat, qu'il en résulte que, le 9 novembre 1971, la promesse de rachat de l'emprise consentie par M. Y... était irréalisable, de sorte que la cause faisait défaut et la convention ne pouvait avoir d'effet.

6. En statuant ainsi, alors que la capacité du bénéficiaire d'une promesse unilatérale d'achat à conclure le contrat définitif doit être appréciée au jour où il lève l'option, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] et le condamne à payer à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par