CA Dijon, référé, 18 novembre 2014, n° 14/00047
DIJON
Ordonnance
Autre
PARTIES
Défendeur :
Grand Canyon SCEA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robert
Par acte du 22 octobre 2014, Michel R. a assigné en référé Me Isabelle M., huissier de justice, et la SCEA du Grand Canyon représentée par son co-gérant Christophe R. pour voir, sur le fondement de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution , ordonner le sursis à exécution d'une décision du 12 septembre 2014 par laquelle le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon a :
- dit qu'il y avait lieu d'accueillir favorablement la préconisation formulée par Me M. aux termes de sa requête,
- désigné Me Isabelle C. en qualité de séquestre des fonds versés par Michel R. sur le compte de la SCEA du Grand Canyon au titre de l'exécution partielle de la décision d'appel du 12 juin 2012, à hauteur de 131'000 € en principal et 9900 € correspondant au montant des intérêts, et ce jusqu'à accord écrit des co-gérants sur la destination des fonds à défaut une décision de justice en établissant la destination,
- autorisé Me M. à donner après enregistrement comptable desdits versements, mainlevée de la procédure de saisie des droits d'associés et valeurs mobilières régularisée en date du 11 janvier 2013.
Michel R. qui indique avoir relevé appel de cette décision le 22 septembre 2014 et sollicite la condamnation à lui payer une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soutient qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement du 12 septembre 2014.
En effet, selon lui, la mesure de consignation ordonnée est dépourvue de fondement juridique, et ne constitue pas une entrave aux opérations de saisie de l'huissier, qui seule aurait permis à ce dernier de solliciter l'intervention du juge de l'exécution en application de l'article R. 151-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il indique qu'il a bien exécuté la condamnation prononcée à son encontre par l'arrêt du 12 juin 2012, au profit de la SCEA du Grand Canyon en effectuant sur le compte de celle-ci deux versements correspondant au principal et aux intérêts : il en déduit que l'huissier ne pouvait poursuivre sa procédure de saisie à son encontre et il n'y avait pas davantage lieu pour elle d'assigner les parties devant le juge de l'exécution, comme elle l'a fait le 7 avril 2014 en sollicitant sa désignation comme séquestre des sommes dues à la SCEA du Grand Canyon, en affirmant que Christophe R., co-gérant de cette dernière maintenait sa demande de poursuite de la procédure au motif que les fonds virés sur le compte de la société ne constituaient pas une garantie suffisante, son père pouvant les retirer en sa qualité de co-gérant de la même société.
Michel R. ajoute que la consignation ordonnée par le premier juge est génératrice de frais, et prive la SCEA du Grand Canyon des intérêts que rapportent les fonds, placés sur un compte sur un compte d'épargne.
De son côté, la SCEA du Grand Canyon représentée par Christophe R. en sa qualité de co-gérant sollicite le rejet des prétentions de Michel R. et sa condamnation au paiement d'une amende civile de 3000 € ainsi que d'une somme de même montant à son profit en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelant que les demandes de mainlevée des procédures de saisie attribution de compte et de saisie des droits d'associés ou de valeur mobilière formées par Michel R. ont été définitivement rejetées par une décision du juge de l'exécution du 14 janvier 2014, la SCEA du Grand Canyon soutient qu'il n'existe pas aujourd'hui de moyens sérieux de réformation du jugement du 12 septembre 2014.
Elle fait valoir en effet que si Michel R. justifie avoir versé les sommes de 131'000 € et 9900 € sur le compte ouvert au nom de la société, c'est lui-même qui en détient seul la signature, de sorte que ce versement ne garantit pas pour l'avenir la représentation des fonds, alors surtout que la condamnation prononcée par l'arrêt du 12 juin 2012 qu'il s'agit d'exécuter a précisément pour cause des mouvements injustifiés sur les comptes courants des associés, c'est-à-dire des prélèvements illégaux effectués par Michel R. entre 1997 et 2006.
Indiquant redouter que Michel R. renouvelle ses agissements, la SCEA considère qu'il était bien de son intérêt que les fonds versés soient bloqués dans l'attente de connaître leur affectation : elle estime donc particulièrement équitable la décision du premier juge.
Me Isabelle M. ne comparait pas.
SUR CE, NOUS, PREMIER PRÉSIDENT :
Attendu que selon l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être accordé par le premier président s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour ;
Attendu qu'en l'espèce le juge de l'exécution a été saisi par Me M., huissier de justice chargée pour le compte de la SCEA du Grand Canyon, et en fait à la requête de l'un de ses cogérants, Christophe R., de recouvrer les causes d'une condamnation au paiement d'une somme principale de 131'000 € prononcée à l'encontre de Michel R. par un arrêt du 12 juin 2012 ; que cet huissier avait indiqué dans son procès-verbal des difficultés d'exécution et assignation du 7 avril 2014, que, malgré la justification par Michel R. du versement de la somme de 140'900 € par virement sur un compte bancaire de la SCEA du Grand Canyon, Christophe R., ès-qualité de co-gérant de celle-ci, maintenait sa demande de poursuite de la procédure au motif que ledit versement n'offrait pas suffisamment de garanties pour l'avenir de la représentation des fonds ;
Attendu que pour faire droit à cette demande et ordonner la consignation des fonds, le juge de l'exécution a retenu que dans un contexte hautement conflictuel, Michel R. omettait de considérer que ses prérogatives de cogérant de la SCEA du Grand Canyon pourraient lui permettre de compromettre la représentation des fonds ;
Mais attendu que cette mesure a été prise alors que les dispositions de l'arrêt condamnant Michel R. seul ont été exécutées dans leur intégralité par le versement des sommes mises à sa charge sur un compte de la SCEA du Grand Canyon qui les a donc effectivement encaissées ; qu'il n'était donc pas possible au juge de l'exécution, et pas davantage avant lui à l'huissier de présumer d'un éventuel et futur comportement irrégulier ou frauduleux de Michel R. en sa qualité de co-gérant de la SCEA du Grand Canyon pour considérer en quelque sorte que le paiement intervenu était provisoire et réversible;
Que la mesure de consignation instituée, contraire aux intérêts de la SCEA du Grand Canyon elle-même, privée de la disposition des fonds et des intérêts qu'ils peuvent produire, apparaît donc se heurter à un moyen sérieux de nature à rendre vraisemblable la réformation du jugement du 12 septembre 2014 ;
Qu'il n'est pas sans intérêt à cet égard d'observer que les fonds ont été virés sur un compte dit Livret Opti Plus antérieurement créditeur de 212'672 €, ce qui révèle que contrairement à ce qui a été suggéré par Christophe R. auprès de l'huissier, il ne s'agissait nullement d'un compte ouvert pour la circonstance par Michel R. ;
Attendu qu'il convient donc de faire droit à la demande de sursis à exécution ;
Attendu que la SCEA du Grand Canyon supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Déclarons recevable et bien fondée la demande de Michel R. ;
Ordonnons le sursis à exécution des décisions prises par le juge de l'exécution dans le jugement du 12 septembre 2014 ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Disons que la SCEA du Grand Canyon supportera les dépens.