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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 19 février 2015, n° 14/00883

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Centre de Biologie Médicale (Selas), Dumfries (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farina

Conseillers :

Mme Aublin-Michel, Mme Bertoux

T. com. Havre, du 29 nov. 2013

29 novembre 2013

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 19/06/2002 Mmes G.-A. et Mme C. associées de la Selca Laboratoire d'analyses de biologie médicale des Deux Rives ont cédé à la société Centre de biologie médicale (CBM) leurs parts sociales, et au plus tard le 31/03/2007 pour la première.

Un pacte d'actionnaire a été signé le 19/06/2002 entre Mme G.-A. et la société Dumfries également associée dans la Selca des Deux rives et d'autre part entre le Centre de Biologie Médicale et M. S. G. .

Le même jour Mme G.-A. consentait une promesse de cession d'actions au profit du Centre de Biologie Médicale stipulant que l'acte définitif de cession devait intervenir au plus tard le 31/03/2007.

Divers contentieux judiciaires ont ensuite opposé les associés de la Selca des Deux Rives et le Centre de Biologie Médicale lesquels ont pris fin avec la signature d'un protocole d'accord auquel cette Cour a donné force exécutoire par un arrêt du 19/05/2008.

Le 31/03/2008 le Centre de Biologie Médicale titulaire de l'ensemble des actions de la Selca des Deux Rives décidait de dissoudre sans liquidation ladite société avec effet rétroactif purement fiscal au 1er/10/2007 l'acte était enregistré le 14/04/2008 au Sie de Rouen est.

Le 4/04/2008 à l'issue d'un contrôle fiscal la Direction générale des Impôts a notifié à la société CBM un redressement d'impôts de 20.083 € hors pénalités de 4.200 € pour la période du 1er/10/2004 au 30/09/2005 et de 25.492 € hors pénalités de 4.106 € pour celle du 1er/10/2005 au 30/09/2006.

L'administration fiscale reprochait à la Selca des Deux Rives une distribution de dividendes au profit de son actionnaire commanditaire de droit luxembourgeois Dumfries sans avoir pratiqué d'imposition à la source.

Le 29/04/2008 le conseil de Mme G.-A. contestait la proposition rectificative du 4/04/2008.

Le 24/12/2008 l'administration fiscale adressait au CBM une proposition de transaction que ce dernier acceptait.

Le 24/11/2010 la DGFP a notifié à la société CBM à l'issue d'un contrôle un redressement d'impôts de 72.284 € pénalités comprises pour la période du 1er/10/2007 au 30/04/2008.

Le 13/12/2010 le CBM a fait part de ses observations qui ont été écartées le 20/01/2011 par la DGFP.

Le 24/12/2010 une proposition de transaction a été émise par la DGFP et acceptée par la société CBM.

Par acte d'huissier du 22/03/2011 la société CBM a assigné Mme G.-A. et la société Dumfries devant le tribunal de commerce du Havre en paiement solidaire des sommes de 45.575 et 72.284 € en réparation de son préjudice et de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 27/01/2012 le tribunal a retenu sa compétence territoriale.

Par jugement du 29/11/2013 le tribunal considérant que Mme G.-A. avait commis une faute délictuelle en sa qualité de gérante a :

- Reçu la Selarl Centre de Biologie Médicale en ses demandes les a déclarées partiellement fondées,

- Condamné Mme G.-A. à payer à la Selarl Centre de Biologie Médicale la somme de 72.284 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec anatocisme,

- Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

- Reçu Mme A. en son appel en garantie de la société Dumfries l'a déclaré mal fondé,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- Débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

- Condamné Mme A. aux entiers dépens.

Mme G.-A. a relevé appel de ce jugement le 19/02/2014.

Selon ses dernières conclusions expressément visées en date du 13/11/2014 elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement dont appel,

- de rejeter la demande de la société CBM tendant au rejet des écritures et pièces produites le 12/11/2014,

à titre principal : rejeter la demande en paiement sur le fondement de la faute délictuelle,

à titre subsidiaire : rejeter la demande en paiement sur le fondement de la faute contractuelle,

à titre plus subsidiaire : condamner la société CBM à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent à ceux qu'elle pourrait devoir supporter

à titre infiniment subsidiaire :dire et juger que la faute commise par la société CBM est de nature à lui retirer son droit à indemnité ; condamner la société Dumfries à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

en tout état de cause : condamner la société CBM à lui payer une somme de 15.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.

Dans ses dernières écritures expressément visées en date du 13/11/2014 la Selas CBM venant aux droits de la Selarl CBM demande à la Cour de rejeter les pièces et conclusions tardives déposées le 12/11/2014 pour Mme G.-A. ; elle poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné celle-ci au paiement de la somme de 72.284 € avec intérêts à compter de l'assignation et forme appel incident pour le surplus en demandant la condamnation solidaire de Mme G.-A. et de la société Dumfries au paiement de la somme complémentaire de 45.575 € au titre du redressement fiscal pour la période du 1er/10/2004 au 30/09/2005 ainsi que la somme de 25.492 € au titre du complément de prix.

Elle sollicite en outre leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 10.000 € pour résistance abusive avec intérêts à compter de la demande et anatocisme ainsi qu'à tous les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.

Dans ses dernières écritures expressément visées en date du 12/11/2014 la société Dumfries poursuit la confirmation du jugement, le débouté des parties adverses et leur condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 3/12/2014.

SUR CE

Sur la demande de rejet des conclusions et pièces de Mme G.-A.

L'ordonnance de clôture ayant été rendue le 3/12/2014, les conclusions et pièces de l'appelante en date du 13/11/2014 n'apparaissent nullement tardives de sorte que la demande visant à les rejeter doit être écartée.

Sur la responsabilité de Mme G.-A. et de la société Dumfries

Au soutien de son appel Mme G.-A. expose qu'elle ne saurait engager sa responsabilité sur le fondement délictuel ; que le litige concerne la seule responsabilité délictuelle dès lors que lorsqu'elle s'est prévalue de la clause de compétence territoriale insérée aux contrats le CBM indiquait en défense que son action de nature délictuelle lui rendait inopposable ladite clause ; que pour retenir sa compétence territoriale le tribunal de commerce du Havre dans sa décision du 27/01/2012 l'a fait uniquement sur le fondement de la responsabilité délictuelle et qu'il n'a pas été formé de contredit à ce jugement ; que le CBM a entendu actionner sa responsabilité personnelle pour faute de gestion et ès qualité de tiers victime et a renoncé au bénéfice d'une action contractuelle en application des articles 409 et 417 du code de procédure civile ;

La Selas CBM réplique qu'elle n'a jamais renoncé à invoquer le fondement contractuel et peut le faire jusqu'à la clôture des débats.

L'article 46 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut saisir à son choix outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

''en matière délictuelle la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; "

En l'espèce le CBM avait invoqué en première instance la compétence du tribunal de commerce du Havre en reprochant à Mme G.-A. une faute de nature délictuelle ; en cause d'appel il est recevable à soutenir de nouveaux moyens notamment la faute contractuelle de cette dernière dès lors que la demande en paiement est la même, conformément à l'article 563 du code de procédure civile.

L'alternative offerte par le texte susvisé interdit seulement d'alléguer une autre option relative à la compétence territoriale en cause d'appel.

Il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande fondée sur l'article 1134 du code civil.

Mme G.-A. fait valoir sur le fond que la responsabilité du gérant envers les tiers soumis aux dispositions des articles L 226-12 l 225-109 et L 225-249 du code de commerce, suppose qu'une faute détachable de ses fonctions ait été commise c'est-à-dire une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant ;

Qu'en l'espèce elle a fait virer à la société Dumfries des dividendes le 17/04/2008 sans avoir connaissance de la proposition rectificative de l'administration fiscale en date du 4/04/2008 cette date figurant sur le courrier ne signifiant pas qu'il a été expédié ou reçu le même jour ;

Qu'en tout état de cause la connaissance par la cogérance de la proposition rectificative du 4/04/2008 ne caractérise pas une faute dès lors qu'il ne s'agit que d'une proposition rectificative contestable auprès de l'administration et des juridictions administratives ; que le versement des dividendes à la société Dumfries a préalablement été voté par délibération de l'assemblée générale ordinaire des associés de la Selca des Deux Rives le 27/03/2008 ; qu'en exécution du protocole du 1er/02/2008 la distribution des bénéfices de l'exercice clos au 30/09/2007 et la cession des actions devaient être concomitants ;

Que le fisc commet une erreur d'appréciation en partant du postulat erroné que la société Dumfries est elle-même détenue par la société Wells Limited Tortola basée dans les iles vierges britanniques pays à fiscalité privilégiée ; qu'il n'a pas tenu compte du fait que la société Dumfries dispose d'un siège effectif au Luxembourg depuis le 20/09/1996, qu'elle acquitte régulièrement ses impôts auprès de l'Etat Luxembourgeois et que les actions de Welles Limited Tortola font l'objet de titres représentatifs au porteur au profit de résidents fiscaux luxembourgeois ;

Qu'elle est fondée à reprocher au CBM de ne pas avoir pris l'attache de l'ancienne direction de la Selca des Deux Rives ou encore de la société Dumfries pour obtenir les éléments de nature à démontrer à l'administration fiscale le bien-fondé de l'exemption de retenue à la source ;

Que le CBM disposait de la qualité d'actionnaire de la Selca depuis le 6/02/2008 en exécution du protocole de cession ; qu'il a refusé de participer à l'assemblée générale du 27/03/2008 où il lui était loisible de faire valoir ses observations et de voter contre la résolution adoptant la distribution de dividendes en faveur de la société Dumfries ;

Qu'elle pouvait aussi contester le virement litigieux pendant un mois à compter du 17/04/2008 ;

Qu'en aucun cas la faute de prudence retenue par le tribunal ne peut être qualifiée de détachable des fonctions de gérante ou de particulièrement grave alors même que les autres cogérants de la société n'ont pas été inquiétés ;

Qu'elle ne pouvait anticiper l'opinion du Fisc concernant le problème de retenue à la source ni prévoir que la proposition rectificative serait rédigée le 4/04/2008 quelques jours après l'assemblée générale du 27/03/2008 et après le virement au profit de la société Dumfries ;

Que subsidiairement elle n'a pas commis de faute contractuelle en qualité de gérante et d'associée de la Selca des Deux Rives ;

Que l'action en réparation du préjudice social visée à l'article L 225-252 du code de commerce doit être rejetée pour les motifs précités ;

Qu'elle s'est toujours entourée de conseils qualifiés expert-comptable commissaire aux comptes avocat fiscaliste, et s'est comportée avec prudence et diligence ; que la société cédée était en parfaite santé financière ;

Que l'action en réparation du préjudice personnel ne peut davantage prospérer puisque la société CBM n'a versé aucun denier personnel en sa qualité d'associée et ne subit aucun préjudice ;

Que subsidiairement elle n'a pas commis de faute ni de dol en sa qualité de cédante ;

Que le CBM ne cite la violation d'aucune clause particulière du contrat de cession d'actions en date du 1er/02/2008 ; qu'elle a respecté son obligation de délivrance ;

Que le montant des propositions rectificatives de l'administration ont été fonction des bénéfices distribués en rémunération des actions de la société Dumfries, et non de ceux distribués en rémunération des actions de Mme G.-A. ;

Que personne ne pouvait anticiper que le 4/04/2008 l'administration fiscale produirait une proposition rectificative contestant le bénéfice de l'exemption de retenue à la source pour la période comprise entre le 1er/10/2004 et le 30/09/2007 puis opérerait un nouveau contrôle pour la période postérieure en 2010 ;

Que quand bien même une faute serait caractérisée à son encontre, elle ne présenterait aucun lien de causalité avec le préjudice invoqué, la cause du dommage étant l'exécution des résolutions votées par la communauté des associés lors de l'assemblée du 27/03/2008 ;

La Selas CBM fait valoir en réponse que Mme G.-A. engage sa responsabilité en sa qualité de gérante au regard des dispositions des articles L 226-12 et L 225-51 du code de commerce ;

Qu'elle devait respecter les dispositions légales et fiscales imposant une retenue à la source au titre du versement des dividendes à la société Dumfries associée de la Selca des Deux Rives mais détenue à 99,99% par une société dont le siège est aux iles vierges britanniques ; que l'administration fiscale a estimé que l'exemption était exclue dans la mesure où les titres étaient détenus par deux avocats au Luxembourg ayant ainsi la qualité de mandataires ;

Qu'aucune retenue à la source n'a été opérée entre 2004 et 2008 ; que Mme A. a été informée d'un contrôle pendant les années 2004/2007 et n'en a rien dit et qu'elle a laissé l'assemblée générale des actionnaires répéter cette erreur en 2008 alors qu'un redressement était en cours ; que les sommes versées l'ont été en toute connaissance de cause si bien que l'administration fiscale a considéré que les pénalités étaient justifiées pour manquement délibéré ;

Que la gérante a opéré subrepticement le virement litigieux le 17/04/2008 après la notification de redressement fiscal du 4/04 ; que si le commissaire aux comptes a certifié les comptes il ignorait qu'un contrôle fiscal était en cours car il aurait le cas échéant préconisé une provision ;

Que Mme A. s'est rendue coupable de fraude fiscale ;

Que Mme A. engage également sa responsabilité en qualité d'associée commanditée sur le fondement de l'article 1134 du code civil ;

Que compte tenu des relations conflictuelles entre les parties le CBM n'a participé à aucune des assemblées générales ;

Que Mme A. a décidé du versement de dividendes à la société Dumfries dont elle était actionnaire sans retenue à la source quatre jours avant de céder ses titres ; qu'elle reconnaît ne pas en avoir informé les acquéreurs qui vont découvrir cette dissimulation lors de la notification des redressements ; qu'elle n'a été informée à aucun moment d'un contentieux fiscal avec l'administration ;

Que la cédante des parts a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de cession de titres et plus encore est responsable d'un dol ;

Qu'elle soit fondée à solliciter l'annulation des délibérations du 27/03/2008 décidant du versement des dividendes ; que Mme A. a en réalité pris seule cette décision puisqu'elle représentait la société Dumfries du Luxembourg dont elle est la seule actionnaire réelle ;

En réponse la société Dumfries reprend à son compte le moyen selon lequel le CBM a renoncé au fondement contractuel de sa demande ;

Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute ; qu'elle est une entreprise anonyme de droit luxembourgeois constituée en 1996 et propriété des Mrs G. et B. seuls porteurs de la majorité des actions ;

Que le CBM est fautif pour avoir transigé et réglé sans contester le principe de l'exigibilité des sommes litigieuses ;

Qu'aucune complicité de Mme G.-A. ne peut être retenue à son encontre.

L'article L 226-1 du code de commerce relatif aux sociétés en commandite par actions dispose que les associés commandités répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

L'article L 226-12 du code de commerce prévoit que les dispositions des articles L 225-109 et L 225-49 sont applicables aux gérants et membres du conseil de surveillance. Les dispositions des articles L 225-52 L 225-251 et L 225-255 sont applicables aux gérants même non associés.

L'article L 225-251 applicable au gérant d'une commandite par action énonce que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts soit des fautes commises dans leur gestion.

Aux termes de l'article L 225-252 du même code outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement les actionnaires peuvent soit individuellement soit 'intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle le cas échéant, les dommages et intérêts sont alloués.

Il résulte par ailleurs de l'article 13 de la loi du 31/12/1990 relatif à l'exercice sous forme de sociétés d'exercice libéral des professions libérales soumises à un statut législatif que les associés commandités d'une société d'exercice libéral en commandite par actions n'ont pas de ce fait la qualité de commerçants. Ils répondent néanmoins indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Le protocole d'accord liant les parties en date du 19/06/2002 stipule que les parties conviennent de ne pas s'opposer aux distributions de dividendes réalisées dans le cadre de l'assemblée générale ordinaire annuelle. Toutefois le montant de chaque distribution annuelle s'élèvera au maximum à la somme de 270000 € hors avoir fiscal.

En l'espèce il est constant que Mme G.-A. était gérante et associée dans la société d'exercice libéral en commandite par actions des deux Rives jusqu'au 31/03/2008 date à laquelle la société a été dissoute.

Elle ne conteste pas avoir versé en sa qualité de gérante des dividendes à la société Dumfries actionnaire commanditaire de la Selca des Deux Rives, au titre des exercices de 2004 à 2007 sans avoir procédé à la retenue à la source que l'administration fiscale a considéré comme impérative, nonobstant le fait que les porteurs des actions de cette société aient été résidents fiscaux luxembourgeois.

Il est acquis que l'administration fiscale a notifié à la Selca des Deux Rives un premier redressement le 4/04/2008 à hauteur de 45575 € et à la société CBM un second redressement le 24/11/2010 de 72284 € au titre de l'exercice 2007/2008 en raison du défaut de retenue à la source sur les dividendes versés à la société Dumfries.

En sa qualité de gérante associée et commanditée, l'appelante est tenue du passif sans limite, même en l'absence de toute faute de sa part, de sorte qu'elle ne saurait se retrancher derrière les procès- verbaux d'assemblée générale des actionnaires en date du 27/03/2008 autorisant le versement des dividendes.

Le moyen tiré de l'absence de faute d'une intentionnelle gravité n'est pas pertinente s'agissant d'une condition applicable aux sociétés à responsabilité limitée.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a retenu la faute de la gérante liée au dernier versement de dividendes de 317.000 € en avril 2008.

Il convient cependant y ajoutant, de dire que Mme G.-A. est également responsable du passif fiscal généré par les versements de dividendes antérieurs au titre des exercices 2004 à 2007.

S'agissant de la société Dumfries actionnaire commanditaire de la Selca des Deux Rives, il doit être fait application des dispositions de l'article L 226-1 du code de commerce selon lesquelles les actionnaires commanditaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports.

L'examen des statuts de la Selca montre que la société Dumfries n'était pas encore entrée dans le capital à l'origine en 1997 et il apparaît au vu de la promesse de cession et d'achat d'actions en date du 19/06/2002 qu'elle disposait de 1361 actions d'une valeur 20 € à cette date ; elle doit donc être tenue solidairement avec Mme G.-A. au paiement de la somme de 27.220 € (1361 x 20) correspondant à la valeur de ses apports.

Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

La demande d'annulation des délibérations des assemblées générales ordinaires de la Selca des Deux Rives doit être déclarée irrecevable faute d'avoir été réitérée dans le dispositif des écritures de l’intimée, en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur le préjudice de la société CBM

L'appelante expose qu'à titre infiniment subsidiaire, le CBM a participé à son propre dommage en n'exerçant pas les recours contre la décision de l'administration fiscale ce qui l'exonère de sa responsabilité ;

La société CBM réplique que son préjudice est égal au montant des redressements fiscaux de 117859 € et du complément de prix qu'elle a versé en fonction du résultat 2006 en application du protocole à hauteur de 25 492 € ;

Que Mme A. ne démontre pas de manière pertinente que la société Dumfries pouvait prétendre à l'exonération de retenue à la source ladite retenue étant prévue par l'article 119 bis 2 du code général des impôts ; que l'administration fiscale a enquêté sur les montages juridiques de la société Dumfries laquelle est complice des agissements de son associée et doit être tenue solidairement avec elle.

Il n'appartient pas à cette Cour saisie de l'action en responsabilité contre l'ancienne gérante associée, de se prononcer sur les chances de succès d'un recours de la société cessionnaire contre la décision de l'administration fiscale, en toute hypothèse les arguments objectés à celle-ci par Mme G.-A. après le premier contrôle fiscal d'avril 2008 n'ont pas abouti ;

Il y a lieu de rejeter ce moyen inopérant, de dire que le CBM n'a commis aucune faute et de condamner l'appelante au paiement de la somme complémentaire de 45.575 € correspondant au montant du premier redressement fiscal subi par l'intimée majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

La société CBM sollicite paiement de la somme de 25492 € au titre de l'incidence du résultat de l'exercice 2006 sur le complément de prix de la cession des titres.

Le protocole d'accord en date du 19/06/2002 prévoit que le prix provisoire de 1.200.000 € sera majoré ou minoré de la moitié de la variation du résultat net avant impôt constatée entre le 30/09/2001 et le 30/09/2006 ; dès lors le CBM n'est pas fondé à réclamer une seconde fois le montant de l'impôt issu du redressement fiscal de 25.492 € pour la période du 1er/10/2005 au 30/09/2006.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Au soutien de ses prétentions Mme G.-A. soutient qu'à titre plus subsidiaire, le CBM a commis une faute en acquiesçant aux propositions de l'administration fiscale des 4/04/2008 et 24/11/2010 alors que des recours hiérarchiques et contentieux pouvaient être exercés pour faire valoir l'exemption de retenue à la source sur les dividendes versés à la société Dumfries ;

Qu'elle a elle-même tenté de sauvegarder les droits de la Selca des Deux Rives en contestant la proposition rectificative initiale dans le délai de 30 jours ; que le CBM a eu connaissance de celle- ci le 24/12/2008 mais a sollicité le bénéfice d'une transaction ;

Qu'elle n'est nullement actionnaire de la société Dumfries et n'avait aucun intérêt personnel au versement des dividendes sans retenue à la source ; que cette dernière dispose de 1250 actions toutes détenues par Mrs G. et B. ;

Que la société CBM n'a pas participé à l'assemblée générale du 27/03/2008 ni contesté a postériori la légalité de celle-ci ;

Que le CBM n'étaye pas son argumentation selon laquelle les porteurs de parts de la société Welles Limited étant des avocats, et donc des mandataires, l'exemption de retenue à la source serait exclue ;

Qu'elle est fondée à réclamer des dommages et intérêts au CBM d'un montant équivalent à ceux qu'elle pourrait devoir supporter à raison de la perte d'une chance de voir aboutir les recours possibles contre la décision fiscale ;

Pour les motifs précédemment explicités, la demande de dommages et intérêts de Mme G.-A. ne peut prospérer.

Il convient également de rejeter la demande de dommages et intérêts supplémentaires de la société CBM pour malversation et détournement des biens de la société au profit d'un actionnaire, aucune intention malveillante n'étant démontrée à l'encontre de Mme G.-A..

Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société Dumfries

L'appelante expose qu'elle serait fondée en cas de condamnation à solliciter la garantie de la société Dumfries qui a seule bénéficié des dividendes litigieux en application de l'article 1251-3 du code civil, et qui doit être tenue à restitution de l'indû en vertu des articles 1235 et 1376 du code civil .

Il n'est pas établi que l'appelante soit associée de la société Dumfries avec laquelle elle n'est pas liée d'intérêt.

En revanche cette société ne conteste pas avoir bénéficié de l'intégralité des dividendes litigieux dont le principe du versement avait été voté aux assemblées générales annuelles de la Selca des Deux Rives, par l'intermédiaire de Mme G.-A. qui la représentait alors.

L'article 1251-3° qui dispose que la subrogation a lieu de plein droit 'au profit de celui, qui étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette avait intérêt de l'acquitter n'est pas applicable au présent litige dans la mesure où la société Dumfries n'est pas débitrice de la société CBM.

Par ailleurs l'article 1376 du code civil énonce que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'occurrence seule la société des Deux Rives ayant versé des dividendes à la société Dumfries, et non Mme G.-A. personnellement (quand bien même elle se trouve aujourd'hui condamnée au paiement de dommages et intérêts au profit de la société cessionnaire) cette dernière ne saurait être accueillie en son appel en garantie sur le fondement de la répétition de l'indû.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la société CBM la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens, qu'il y a lieu d'évaluer à 5000 euros, indemnité à laquelle seront tenues solidairement l'appelante et la société Dumfries.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme G.-A. à régler une indemnité de procédure à la société CBM.

Sur les dépens

L'appelante et la société Dumfries qui succombent dans la présente instance seront tenues solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la demande tendant à voir écartées les pièces et conclusions de Mme G.-A..

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Marie- Noelle G. divorcée A. au paiement de la somme de 72284 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 22/03/2011 avec anatocisme et au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

Le réforme pour le surplus.

Et statuant à nouveau,

Condamne solidairement Mme Marie - Noelle G. divorcée A. , et la société Dumfries, celle-ci dans la limite de la somme de 27 220 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2011, à payer à la SELAS Centre de biologie médicale la somme complémentaire de 45 575 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2011.

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande d'annulation des procès- verbaux d'assemblée générale de la Selca des Deux Rives en date du 27/03/2008.

Condamne solidairement Mme Marie - Noelle G. divorcée A. et la société Dumfries à payer à la Selas Centre de Biologie Médicale une indemnité complémentaire de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne solidairement Mme Marie - Noelle G. divorcée A. et la société Dumfries aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.