CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 18 janvier 2018, n° 17/10299
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Syndicat National des Hôteliers Restaurateurs Cafetiers Traiteurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chevalier
Conseillers :
Mme Bodard-Hermant, Mme Dellelis
EXPOSÉ DU LITIGE
Le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs dit le "Synhorcat"est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 qui, selon ses statuts, a pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, matériels et moraux de la branche des hôtels, cafés et restaurants ainsi que des établissements ressortant habituellement de cette branche.
Le Synhorcat a saisi le président du tribunal de commerce de Paris d'une requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile visant à voir commettre un huissier pour se rendre au déjeuner ou au dîner qui aura été réservé par le requérant par l'intermédiaire d'un site internet ou autre auprès de Mme Soazig X et d'y effectuer les investigations énumérées dans le dispositif de la requête.
Le Synhorcat a demandé notamment au juge consulaire d'autoriser l'huissier, par dérogation aux dispositions de l'article 508 du code de procédure civile, à exécuter sa mission en dehors des horaires fixés dans cet article et cela jusqu'à 23h00.
Par ordonnance en date du 29 novembre 2016, le président du tribunal de commerce a fait droit à cette requête et commis la SCP Van K. pour exécuter la mission suivante :
- Se rendre, au déjeuner ou au dîner qui aura fait l'objet d'une réservation par le requérant auprès de Madame Soazig X ('l'Hôte') par l'intermédiaire des sites internet Vizeat.com, Voulezvousdiner.com, Airbnb.com, Cookening.com et Eatwith.com, y compris s'il s'agit du domicile de ce prestataire ;
- D'accéder aux pièces nécessaires à l'organisation et la réalisation des déjeuner ou dîner, et notamment, la cuisine, le salon, la salle à manger, muni d'un appareil photo et d'un enregistreur audio et/ou vidéo de son choix (y compris de type IPhone ou Go Pro), et procéder à tout enregistrement audio/vidéo et toute photographie qu'il estimerait nécessaire à l'exécution de sa mission ;
- D'interroger l'Hôte sur :
' Sa qualité de propriétaire ou locataire et, dans le dernier cas, la nature commerciale ou d'habitation du bail des locaux ;
' Sa qualité de commerçant ;
' Son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
' La présence de salariés et/ou de personnes associées à la fourniture et au service du déjeuner ou dîner ;
' La possession des licences et autorisations nécessaires :
Licence III, Licence IV ou Licence Restaurant ;
Permis d'exploitation nécessaire à la délivrance d'alcool entre 22h et 8h ;
La déclaration préalable auprès de la Direction de la Protection des Populations au sens de l'article R. 233-4 du Code Rural et de la Pêche Maritime ;
La possession, par l'Hôte ou par un ou plusieurs de ses salariés ou par une ou plusieurs des personnes associées à la fourniture du dîner ou du déjeuner, des diplômes et titres à finalité professionnelle de niveau V et supérieurs ;
L'accomplissement de la formation nécessaire, par l'Hôte ou ses salariés dénommés ou des personnes associées à la fourniture et au service du déjeuner ou du dîner :
' Formation nécessaire à l'obtention des Licence III, IV ou Restaurant ;
' Formation nécessaire à la délivrance d'alcool entre 22h et 8h ;
' Formation en matière d'hygiène alimentaire prévue par les articles L.233-4 et D. 233-6 du Code Rural et de la Pêche maritime
- De dresser un état des lieux des pièces et mobilier nécessaires à l'organisation et la réalisation des prestations fournies et notamment, la cuisine avec ses équipements et ses éléments de décoration, le salon, la salle à manger, et notamment :
' Décrire les mobiliers et matériaux employés et leur aptitude au contact alimentaire ;
' Décrire l'état d'hygiène apparent, en ce compris des personnes présentes impliquées dans la fourniture des déjeuner ou dîner ;
- Interroger l'Hôte et ses salariés et/ou les personnes associées à la fourniture et au service du déjeuner ou dîner, sur, constater et décrire :
' l'existence ou l'absence de plan de nettoyage et désinfection,
' la gestion des déchets et des poubelles,
' l'existence ou l'absence de plan de prévention et lutte contre les nuisibles,
' l'application du principe de la marche en avant dans l'espace ou le temps des matériaux utilisés,
' le mode d'entreposage des préparations dans et hors les chambres froides et/ou réfrigérateurs, et la présence ou non de dispositifs de contrôle des températures par catégorie de produits,
' la présence de filmage et datage des préparations,
- Constater la consommation d'alcool et de tabac,
- Constater la diffusion de musique et en décrire la source,
- Constater la présence ou l'absence des affichages relatifs, se les faire communiquer ou en justifier :
o A la signalisation de l'interdiction de fumer
o A la réglementation sur la répression de l'ivresse publique et la protection des mineurs,
o A la liste des boissons et de leur prix,
o A la provenance des produits carnés,
o A la présence d'allergènes,
- Dresser de l'ensemble de ses opérations un procès-verbal exhaustif et avec remise d'une copie à la requérante.
L'ordonnance a autorisé l'huissier, par dérogation aux dispositions de l'article 508 du code de procédure civile, à exécuter sa mission jusqu'à 23 h.
La SCP Van K. a procédé à cette mesure d'instruction le 8 décembre 2016 à partir de 22h30 au domicile de Mme Soazig L., [...].
Par acte du 3 mars 2017, Mme L. a fait assigner le Synhordat devant le président du tribunal de commerce de Paris afin de voir juger, in limine litis, qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la requête et que celle-ci relevait de la compétence du tribunal d'instance, subsidiairement, que la mesure ordonnée est illégale et obtenir la rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2016.
Par ordonnance rendue le 12 mai 2017, le président du tribunal de commerce de Paris :
- s'est dit compétent ;
- a dit que la mesure commandée par l'ordonnance du 29 novembre 2016 n'était pas illégale ;
- a débouté Mme L. de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2016 ;
- a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme L. aux dépens.
Par déclaration du 22 mai 2017, Mme L. a fait appel de cette ordonnance.
Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 décembre 2017, Mme L. demande à la cour, sur le fondement des articles 117 et 75, 145, 875 du code de procédure civile, L. 121-1 et L. 721-3 du code de commerce et L. 141-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 12 mai 2017,
statuant à nouveau,
in limine litis,
- constater que l'exception d'incompétence au profit du président du tribunal d'instance du 3e arrondissement de Paris et, à titre subsidiaire, du président du tribunal de grande instance de Paris est recevable au regard des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile,
- constater que le président du tribunal de commerce n'était pas compétent pour prononcer l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2016,
en conséquence,
- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 29 novembre 2016,
- constater la nullité des opérations de constatations dépourvues de tout fondement juridique et la nullité du procès-verbal de constat de l'huissier Van K. du 8 décembre 2016,
- ordonner au Synhorcat de lui remettre l'original du procès-verbal de constat sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- faire interdiction au Synhorcat de conserver copie ou de procéder à des diffusions ou publications, par voie de presse ou par le biais de son site internet ou d'un site internet tiers, de tout ou partie du procès-verbal de constat, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée,
à titre subsidiaire,
- constater l'illégalité de la mesure ordonnée,
en conséquence,
- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 29 novembre 2016,
- constater la nullité des opérations de constations dépourvues de tout fondement juridique et la nullité du procès-verbal de constat du 8 décembre 2016,
- ordonner au Synhorcat de lui remettre l'original du procès-verbal de constat du 8 décembre 2016 sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- faire interdiction au Synhorcat de conserver copie ou de procéder à des diffusions ou publications, par voie de presse ou par le biais de son site internet ou d'un site internet tiers, de tout ou partie du procès-verbal de constat, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée,
en tout état de cause,
- condamner le Synhorcat à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Mme L. fait valoir en substance ce qui suit :
Sur l'incompétence matérielle du tribunal de commerce :
- elle n'a pas la qualité de commerçante, n'est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés et elle n'a réalisé que 5 dîners par l'intermédiaire des plateformes de mise en relation de particuliers ; elle est en recherche d'un emploi dans l'audiovisuel, son domaine de compétence ;
- elle n'a pas non plus réalisé des actes de commerce au sens de l'article L 721-3, 3° du code de commerce, cette disposition visant exclusivement les actes de commerce par nature et non les contrats de vente ou d'entreprise qui sont des actes civils ; en outre, il a été jugé que cet article ne confère pas compétence au tribunal de commerce pour statuer sur des actes de concurrence déloyale lorsque l'auteur n'est pas commerçant ;
- l'organisation des cinq dîners sur l'année 2016 n'a pas constitué une activité lucrative compte tenu du montant de l'indemnité payée par chaque invité, soit 60 euros en moyenne ;
- le Synhorcat n'est pas non plus fondé à lui reprocher d'avoir réalisé des investissements dans le but d'exercer cette activité ;
- la requête relevait donc de la compétence du président du tribunal d'instance du 3ème arrondissement de Paris et, subsidiairement, de celle du président du tribunal de grande instance ;
Sur l'illégalité de la mesure ordonnée :
- l'article L. 141-1 du code des procédures civiles d'exécution précise et complète l'article 508 du code de procédure civile et permet de déroger aux heures légales d'exécution uniquement dans les lieux qui ne servent pas à l'habitation ; l'autorisation délivrée par le président du tribunal de commerce est donc illégale.
Dans ses dernières conclusions du 4 décembre 2017, le Synhorcat demande à la cour, sur le fondement des articles L.110-1, L. 121-1 et L. 721-3 du code de commerce et 145 et 508 du code de procédure civile, de débouter Mme L. de l'intégralité de ses réclamations, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner celle-ci au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'appel.
Le Synhorcat soutient en résumé les éléments suivants :
- Sur la compétence du président du tribunal de commerce, la prestation fournie par Mme L. consistant à acheter des matières premières pour les revendre après les avoir travaillées et mises en oeuvre constituent des actes de commerce au sens de l'article L 110-1 du code de commerce, de sorte que les litiges qui en découlent relèvent de la compétence de la juridiction consulaire, conformément à l'article L 721-3 3° du même code ; en outre, Mme L. n'a pas effectué cette prestation de manière isolée mais à cinq reprises au moins et elle l'a proposée de manière continue sur les plateformes accessibles sur internet ; de plus, les prix pratiqués, de 70 à 85 euros, démontrent la finalité lucrative ; enfin, Mme L. a réalisé des investissements importants : cuisinière, Master de gastronomie ;
- Sur la légalité de la mesure ordonnée, l'article L. 141-1 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas applicable car il ne l'est que dans les relations débiteur-créancier et aux opérations d'exécution ; la mesure d'instruction litigieuse a été légalement ordonnée en application de l'article 508 du code de procédure civile et la dérogation aux heures légales spécialement motivée en raison du but poursuivi, notamment la constatation de la consommation d'alcool après 22h00.
SUR CE LA COUR
Sur la compétence du président du tribunal de commerce
En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Il ressort de l'article 875 du même code que le président du tribunal de commerce est compétent pour ordonner sur requête une telle mesure d'instruction lorsque le litige pour la solution et dans la perspective duquel elle est requise relève de la compétence de ce tribunal.
Selon l'article L 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Aux termes de l'article L 110-1 du même code, la loi répute acte de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre. Il résulte de cette disposition que l'achat de biens pour les revendre avec ou sans transformation constitue un acte de commerce s'il est exécuté avec un but lucratif.
Dans l'affaire en examen, il ressort des débats et des pièces produites que Mme L. a mis en ligne sur le site internet 'voulezvous diner.com' une offre en anglais et en français rédigée comme suit : ' je suis bretonne et j'ai un Master en gastronomie française du Ritz Escoffier en cuisine, pâtisserie et viennoiserie. Je peux recevoir pour des repas d'affaire ou entre amis jusqu'à 10 personnes. La cuisine faite sur un AGA Cooker est un trait d'union entre la cuisine de Vatel et celle d'aujourd'hui [...]'.
L'offre est suivie de plusieurs photographies sous le titre 'mes prochains dîners' montrant de manière attractive des plats cuisinés ou des personnes dans un intérieur devant une table de travail avec, pour chacune d'elles, la mention d'un prix allant de 36 euros à 84 euros.
Elle comporte enfin un menu accompagné de la mention : 'Vins de la maison Perrin ou ceux que vous aimez'.
Il en résulte également que Mme L. a mis en ligne sur le site VizEat.com la même offre que ci-dessus, en anglais et en français, suivie d'autres photographies à vocation également attractive et d'offres de dîner, avec ou sans menu, au prix de 75 euros par invité et d'un petit déjeuner breton au prix de 35 euros par invité. Le menu proposé comporte la même mention que sur le site précédent en ce qui concerne les vins.
Mme L. conteste avoir proposé ces prestations dans un but lucratif. Elle souligne également n'avoir réalisé que cinq dîners en 2016, de sorte qu'il ne s'agirait que d'une activité purement occasionnelle dans le cadre de laquelle le bénéfice dégagé aurait été très insuffisant pour en faire un moyen d'existence et, rapporté au nombre d'heures qu'elle y a consacrées, très inférieur au montant du salaire minimum.
La cour retiendra cependant que, si Mme L. ne bénéficie pas des prix avantageux que les restaurateurs professionnels peuvent obtenir auprès de centrales d'achat et de leurs fournisseurs habituels, elle n'en supporte pas non plus les charges.
Dans cette mesure, les prix annoncés sur les deux sites précités sont suffisamment élevés pour lui permettre de dégager un bénéfice. Il convient de relever, à cet égard, que Mme L. n'a pas produit de décompte pour chacun des plats ou menus proposés et des cinq dîners qu'elle reconnaît avoir organisés afin de combattre utilement cette analyse.
En outre, l'examen des offres qu'elle a mises en ligne sur les deux sites susvisés démontre qu'elle y vante sa compétence et y présente de manière attractive les plats et les menus qu'elle propose, tout comme le ferait un restaurateur professionnel.
Par ailleurs, elle ne conteste pas que ses offres sont demeurées en ligne du 29 novembre 2016 au 11 juillet 2017, date de l'audience devant le juge des référés saisi par le Synhorcat d'une demande visant à la voir condamner à cesser cette activité. Cette circonstance, ajoutée à la mise en ligne de commentaires très flatteurs de convives ayant répondu à son offre, démontre également qu'elle a cherché à développer cette activité, tout comme le ferait aussi un restaurateur professionnel.
Il se déduit donc de ces éléments que Mme L. a fourni à cinq reprises au moins et a proposé de manière continue sur internet des prestations de restauration dans un but lucratif et accompli ainsi un acte de commerce au sens de l'article L 110-1, précité.
La requête du Synhorcat, visant à obtenir une mesure d'instruction destinée à établir les éléments nécessaires à un procès futur visant à voir cesser cette activité en ce qu'elle constituerait une concurrence déloyale au préjudice des professionnels dont il a pour but de défendre les intérêts, relève ainsi de la compétence du président de la juridiction consulaire.
L'exception d'incompétence soulevée par Mme L. sera, par conséquent rejetée et l'ordonnance attaquée sera confirmée sur ce point.
Sur la légalité de la mesure ordonnée
L'article 508 du code de procédure civile, sur lequel le premier juge s'est fondé et qui se rapporte aux conditions générales de l'exécution d'une décision de justice, prévoit qu'aucune exécution ne peut être faite avant 6h00 et après 21h00 non plus que les jours fériés ou chômés si ce n'est en vertu de la décision du juge en cas de nécessité.
L'article 664 du même code, qui concerne la signification des actes d'huissier, prévoit dans les mêmes termes qu'aucune signification ne peut être faite avant 6h00 et après 21h00 non plus que les jours fériés ou chômés si ce n'est en vertu de la décision du juge en cas de nécessité.
Ces articles ne régissent pas explicitement les constats d'huissiers effectués sur autorisation de justice. Cependant, faute de disposition propre à ces constats, il est admis que l'encadrement horaire qu'ils prévoient s'applique également à ceux-ci. En effet, la volonté du législateur de protéger le repos et la tranquillité des intéressés, notamment contre les opérations nocturnes qui, même menées par des agents de l'autorité publique, sont estimées attentatoires à la vie privée s'étend logiquement aux constats réalisés par ces mêmes agents. Cet encadrement horaire des mesures probatoires se justifie également au regard de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 226-4 et 432-8 du code pénal pour ce qui concerne le domicile, et par l'article 8 de la même convention, l'article 9 du code civil et l'article 226-1 du code pénal pour ce qui concerne la vie privée.
L'article L 141-1 du code des procédures civiles d'exécution, dont Mme L. se prévaut, prévoit, quant à lui, qu'aucune mesure d'exécution ne peut être commencée avant six heures et après vingt et une heure si ce n'est en vertu d'une autorisation du juge en cas de nécessité et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l'habitation.
Certes, comme le Synhorcat le relève, cet article fait partie du code des procédures civiles d'exécution qui, ainsi qu'il ressort du rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, regroupe les mesures de contrainte qu'un créancier peut exercer à l'encontre de son débiteur en vue de recouvrer une créance constatée ou prochainement constatée par un titre exécutoire, ou de reprendre un bien qui lui appartient.
Pour autant, il n'y a pas moins de raison de rendre l'article 141-1, précité, applicable aux constats d'huissiers qu'il n'y en a s'agissant des articles 508 et 664 du code de procédure civile.
Et la précision apportée par l'article L 141-1 en ce qui concerne l'habitation ne fait que consacrer sa qualité de sanctuaire de la protection des individus.
Cependant, il doit pouvoir être dérogé à cette protection absolue de l'habitation lorsque, comme dans l'affaire en examen, celle-ci est utilisée par la personne visée par le constat comme le lieu d'accomplissement, après 21h00, d'un acte de commerce dans le cadre duquel elle reçoit du public et qui est potentiellement constitutif d'un acte de concurrence déloyale.
Dans l'affaire examinée, le Synhorcat a justifié avoir un intérêt légitime, au regard de la législation applicable à la vente de boisson alcoolisée après 22h00 et des offres mises en ligne par Mme L. sur les sites 'voulezvous diner.com' et 'VizEat', selon lesquelles elle servait à ses convives des vins de la maison Perrin ou ceux de leur choix, à ce que l'huissier puisse effectuer son constat après 22h00.
Par ailleurs, l'ordonnance attaquée a fait un équilibre juste et approprié des droits des parties en présence en limitant le droit d'accès de l'huissier dans l'habitation de Mme L. aux seules pièces nécessaires à la réalisation du dîner et en lui impartissant d'achever sa mission à 23h00 au plus tard.
En l'état de ces considérations, le moyen de Mme L. tiré de l'illégalité de la mesure ordonnée doit être rejeté.
L'ordonnance attaquée du 7 juillet 2017 doit donc être également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2016.
Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile
et fondée de l'article 696 du même code, de sorte que l'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée de ces chefs.
En cause d'appel, Mme L., dont le recours est rejeté, devra supporter les dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME l'ordonnance rendue le 7 juillet 2017 en toutes ses dispositions ;
Ajoutant à celle-ci,
CONDAMNE Mme L. aux dépens d'appel et DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.