CA Metz, 3e ch., 4 octobre 2016, n° 14/03094
METZ
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schneider
Conseiller :
M. Humbert
Exposé du litige
Par assignation délivrée le 3 juillet 2013, Madame Sandrine P. a assigné Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. devant le Juge de l'exécution du Tribunal d'Instance de THIONVILLE, aux fins de voir :
- constater qu'elle s'est acquittée du loyer de mars 2012 ;
- dire et juger que le bail n'est pas soumis à une indexation automatique et n'a aucun effet rétroactif ;
- dire que la somme correspondant à l'indexation du loyer, à savoir 9.454,68 euros, n'est pas due par elle,
En conséquence :
- prononcer la nullité du commandement de payer délivrer à Madame P. par Maître F. en date du 23 mai 2013 ;
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution effectuée sur les comptes bancaires de Madame P. en date du 5 juin 2013 ;
- condamner Monsieur et Madame T. à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
- condamner les époux T. à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner les époux T. aux dépens.
Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T., par conclusions enregistrées le 17 juin 2014, ont conclu au rejet de la demande et à la réduction des dommages et intérêts sollicités.
Par conclusions récapitulatives enregistrées le 20 juin 2014, Madame Sandrine P. a maintenu l'intégralité de ses demandes et a sollicité l'octroi de délais de paiement.
Par jugement du 16 septembre 2014, le Juge de l'exécution du Tribunal d'Instance de THIONVILLE a :
- déclaré non fondées les prétentions de Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. au titre de la révision du loyer ;
- annulé en conséquence le commandement de payer délivrer le 23 mai 2013 ;
- donné mainlevée de la saisie-attribution dénoncée le 13 juin 2013 ;
- dit que Madame Sandrine P. est uniquement redevable de la somme de 765 euros au titre du loyer de mars 2012 ;
- autorisé Madame Sandrine P. à se libérer de cette somme en 23 mensualités de 32 euros et une 24ème de 29 euros, et dit, sauf meilleur accord entre les parties, que la première mensualité devra être réglée avant le 10 octobre 2014 et les mensualités suivantes avant le 10 de chaque mois ;
- débouté Madame Sandrine P. de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. à payer à Madame Sandrine P. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à octroyer à Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. le bénéfice des dispositions de ce texte ;
- condamné Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. aux entiers frais et dépens de la procédure.
Par déclaration en date du 20 octobre 2014, le conseil de Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. a formé appel de ce jugement, dont ils ont eu notification le 6 octobre 2014, date de signature de l'accusé de réception.
Au terme de leurs conclusions justificatives d'appel datées du 20 janvier 2015, Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia T. née S. demandent à la Cour de :
- recevoir leur appel,
- infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- enjoindre Madame P. de justifier de sa nouvelle adresse, et à défaut de quoi dire et juger sa constitution et ses conclusions irrecevables conformément à l'article 961 du Code de procédure civile,
- débouter Madame P. de toutes ses demandes,
- condamner Madame P. aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par ordonnance du Conseiller de la Mise en état sur incident du 29 octobre 2015, les conclusions de Madame Sandrine P. datées du 25 mars 2015 ont été déclarées irrecevables, la clôture de la procédure a été ordonnée, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 2 février 2016, pour être mise en délibéré au 22 mars 2016
Par arrêt avant-dire droit en date du 22 mars 2016, la Cour a statué ainsi qu'il suit :
- ordonne la réouverture des débats,
- enjoint aux appelants de produire :
- l'acte notarié du 21 novembre 2005,
- la signification de l'acte notarié du 23 mai 2013
- le commandement de payer visant la clause résolutoire du 23 mai 2013,
- le procès-verbal de saisie-attribution du 5 juin 2013 et sa dénonciation.
- renvoie la suite des débats à l'audience de plaidoirie du 05 juillet 2016 à 14h15.
Sans produire de nouvelles conclusions, ni au demeurant leurs pièces numérotées 1 à 4, les appelants ont communiqué les pièces sollicitées par la Cour par bordereau du 3 mai 2016.
Motifs de la décision
Vu les écritures déposées le 20 janvier 2015 par Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
L'appel, formé conformément aux dispositions de l'article R.121-20 du code des procédures civiles d'exécution, sera déclaré recevable ;
Sur la demande tendant à ce que l'intimée produise sa nouvelle adresse
Attendu qu'en application des articles 960 et 961 du code de procédure civile, la recevabilité de la constitution d'avocat par l'intimé est notamment soumise à l'indication du domicile de la partie qui constitue ;
Qu'en l'espèce, Madame Sandrine P. a constitué avocat par acte du 19 novembre 2014 et a déclaré son adresse sise [...] qui est celle du local loué ; que si les appelants font état de ce qu'il ne s'agit plus de son adresse en ce qu'elle a quitté ledit local le 28 novembre 2014, force est de constater qu'au 19 novembre 2014, date de sa constitution, les exigences pré-citées à peine d'irrecevabilité de la constitution et des conclusions ont été respectées ;
Qu'au demeurant, sauf à ce que les appelants se fondent sur ce moyen afin d'obtenir la nouvelle adresse de Madame Sandrine P., ce dernier est devenu inopérant au regard de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 octobre 2015 qui a d'ores et déjà déclaré les conclusions de l'intimée irrecevables sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile ;
Que Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. seront par conséquent déboutés de cette demande ;
Sur le loyer de mars 2012
Attendu que Madame Sandrine P., à qui incombe la charge de la preuve en application du second alinéa de l'article 1315 du code civil, ne justifie pas s'être acquittée du loyer dû au titre du mois de mars 2012 ; que le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit qu'elle était redevable de la somme de 765 euros de ce chef ;
Sur l'indexation du loyer
Attendu que Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. soutiennent que l'interprétation de la clause d'indexation prévue au bail ne relève pas du juge de l'exécution ; qu'ils ajoutent que le commandement ne pouvait être annulé pour être conforme aux dispositions de l'article L.145-42 du code de commerce et ce, quand bien même visait-il des sommes supérieures aux sommes dues ; que leur abstention à réclamer l'indexation du loyer ne peut être considérée comme une renonciation à leur droit d'en demander l'application ;
Attendu qu'au terme de son assignation en date du 3 juillet 2013, Madame Sandrine P. a entendu voir prononcer la nullité du commandement de payer qui lui a été délivré le 23 mai 2013 et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes le 5 juin 2013 ;
Que ladite saisie porte d'une part sur le loyer du mois de mars 2012 (765 euro) et d'autre part sur l'indexation des loyers du 1er juin 2008 au 31 mai 2013 (9454,68 euro) ;
Que Madame Sandrine P. contestant être redevable de cette indexation, il entre dans la compétence du juge de l'exécution de statuer sur cette contestation en application du premier alinéa de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive [...] des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Que c'est donc à bon droit que le premier juge a analysé la clause d'indexation du bail litigieux ;
Attendu qu'en page 9 du bail commercial reçu le 21 novembre 2005 par Maître J., notaire associé à HAGONDANGE (57) et signé entre les parties, est insérée une clause de révision du loyer ainsi libellée : « le loyer ci-dessus fixé sera susceptible d'être révisé à l'expiration de chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction » ;
Qu'il ne résulte nullement de cette clause, et ce au demeurant sans qu'aucune interprétation ne soit nécessaire, que l'indexation prévue soit automatique mais au contraire qu'elle constitue une possibilité (le loyer est « susceptible » d'être révisé) à mettre en œuvre par le bailleur à chaque date anniversaire du bail ;
Que Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. - qui se prévalent d'une demande d'indexation du 24 février 2010, soit à une date qui n'est pas celle anniversaire du bail et qui n'en justifient en tout état de cause pas, cette pièce n'étant pas produite - ne démontrent pas avoir sollicité la mise en oeuvre de la clause de révision du loyer depuis le début du bail (1er décembre 2005) et ce, jusqu'à la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du 23 mai 2013, soit pendant sept ans et demi ; qu'ils n'étaient dès lors pas fondés, et ce en application du bail notarié contracté et de l'article 1134 du code civil, à demander paiement de l'indexation des loyers revendiquée, l'indexation prévue ne l'étant que pour l'avenir et à la date d'anniversaire du bail ;
Qu'ils ne justifient pas plus avoir sollicité le paiement du loyer du mois de mars 2012 avant la délivrance de ce même acte, soit pendant 15 mois ;
Qu'il résulte de ce qui précède que le commandement de payer, de même que la saisie-attribution visaient des sommes majoritairement non dues (9454,68 euros sur 10.219,68 euro) ; que pour ne pas être nuls, ils ne pouvaient cependant qu'être ramenés à hauteur de la somme effectivement due, soit 765 euro ;
Attendu toutefois qu'en application des articles L.111-7 et L.111-8 du même code, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ; le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ;
Attendu qu'en application de ces dispositions, l'exécution forcée est soumise à un principe de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité, la loi réservant son usage au créancier d'un débiteur défaillant ;
Qu'en l'absence de mise en demeure préalable délivrée par les bailleurs à la locataire en vue d'obtenir le paiement du loyer d'un mois écoulé depuis 15 mois, ni le commandement de payer, ni la mesure de saisie-attribution ne s'imposait ;
Que les frais de ces actes, non nécessaires, doivent ainsi rester à la charge des créanciers qui y ont eu recours et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a donné mainlevée de la saisie-attribution pratiquée ;
Sur la demande de délais de grâce
Attendu que Madame Sandrine P., dont les conclusions sont irrecevables à hauteur d'appel, ne justifie pas de ses ressources et charges, de son impossibilité à s'acquitter de la somme de 765 euro immédiatement ni de sa capacité à s'en libérer dans un délai de 24 mois ; que partant, elle ne pourra qu'être déboutée de sa demande formée sur ce fondement ;
Sur la demande de dommages-intérêts
Attendu que les conclusions de l'intimée étant déclarées irrecevables, le dispositif du jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts formée par Madame Sandrine P. ;
Sur les demandes accessoires
Que Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T., qui succombent, seront tenus aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du même code ;
Dispositif
La Cour, par arrêt contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 octobre 2015,
Vu l'arrêt avant-dire droit de cette Cour en date du 22 mars 2016,
DECLARE l'appel recevable.
Au fond, le dit mal fondé et le rejette.
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré non fondées les prétentions de Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. au titre de la révision du loyer ;
- donné mainlevée de la saisie-attribution dénoncée le 13 juin 2013 ;
- dit que Madame Sandrine P. est uniquement redevable de la somme de 765 euro au titre du loyer de mars 2012 ;
- débouté Madame Sandrine P. de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. à payer à Madame Sandrine P. la somme de 1000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à octroyer à Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. le bénéfice des dispositions de ce texte ;
- condamné Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. aux entiers frais et dépens de la procédure.
L'INFIRME sur le surplus.
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Madame Sandrine P. de sa demande de délais de grâce.
DEBOUTE Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. du surplus de leurs demandes, notamment fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE in solidum Monsieur Lakhdar T. et Madame Nadia S. épouse T. aux dépens.