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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 13 avril 2012, n° 11/01329

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Deltisol (SA)

Défendeur :

KP1 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseillers :

M. Rajbaut, Mme Nerot

Avocats :

Me Gerigny Freneaux, Me Bonnafons, Me Flauraud, Me Legrand

TGI Paris, 3e ch. sect. 3, du 17 mars 20…

17 mars 2010

La société KP1 anciennement dénommée BDI est copropriétaire du brevet français n° 0 112 985 intitulé 'Dispositif d'interruption thermique pour plancher en béton et plancher équipé d'un tel dispositif' déposé le 9 octobre 2001 et publié le 13 février 2004 ;

Estimant que la société DELTISOL fabriquait, détenait et offrait à la vente des rupteurs de ponts thermiques longitudinaux et transversaux qui mettaient en œuvre les enseignements de son brevet, la société KP1, après y avoir été autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Marseille le 12 novembre 2008, a fait procéder à une saisie-contrefaçon les 9 et 10 décembre 2008 ;

Le 30 décembre 2008, la société KP1 a fait assigner la société DELTISOL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de son brevet ;

L'assignation a été régulièrement notifiée à la société KNAUF, copropriétaire du brevet par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 15 janvier 2009 ;

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 17 mars 2010, le tribunal a :

- débouté la société DELTISOL de ses demandes de nullité des revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet français FR n° 0 112 985,

- dit que la société DELTISOL en fabriquant et en commercialisant des dispositifs reproduisant les revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet français n° 0 112 985 a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société KP1 copropriétaire,

- dit qu'en fournissant aux sociétés RECTOR LESAGE et POINT P MBM les éléments isolants commercialisés sous les dénominations 'rupteur longitudinal, rupteur transversal 200, 600 et Géoxia, la société DELTISOL s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon par fourniture de moyens de la revendication 18 du brevet français FR n° 0 112 985 dont la société KP1 est cotitulaire,

- fait interdiction à la société DELTISOL de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- ordonné le retrait du marché, le rappel des circuits commerciaux et la destruction, sous le contrôle de la société KP1 et aux frais de la société DELTISOL de tous les éléments isolants contrefaisants se trouvant entre ses mains, ainsi qu'en tous autres lieux, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

- condamné la société DELTISOL à payer à la société KP1 la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,

- condamné la société DELTISOL à payer à la société KP1 la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts provisionnels en réparation du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre,

- fait injonction à la société DELTISOL, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du jugement et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, de produire les éléments justificatifs du nombre d'éléments isolants contrefaisants fabriqués et vendus pendant la période non prescrite, ainsi que du stock d'éléments contrefaisants encore détenus, et les éléments justificatifs du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagnés d'une attestation de son commissaire aux comptes attestant de l'exhaustivité des éléments produits,

- dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

- sursis à statuer sur la liquidation définitive du préjudice dans l'attente de la communication de ces éléments comptables,

- débouté la société DELTISOL de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société DELTISOL à payer à la société KP1 la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par jugement rectificatif du 16 avril 2010, le tribunal a ordonné la rectification du jugement du 17 mars 2010 et dit que la phrase 'Dois-je statuer sur la combinaison des revendications 1 et 2" figurant en page 15 doit être retirée de la minute dudit jugement ;

Vu l'appel interjeté le 24 janvier 2011 par la société DELTISOL ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 février 2012 par lesquelles la société DELTISOL demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de débouter la société KP1 de toutes ses demandes,

- de dire que l'objet du brevet français n° 0 112 985 s'étend au-delà du contenu de la demande initiale en violation de l'article L. 613-25 c) du code de la propriété intellectuelle et de prononcer la nullité du brevet,

- subsidiairement, de prononcer la nullité partielle de la revendication 1 et la limiter à la seule configuration où la face extérieure du rupteur est dans le même plan que la face interne du mur et la rétablir ainsi dans sa réelle portée conformément aux dispositions de l'article L. 613-25 c) du code de la propriété intellectuelle,

- plus subsidiairement, de dire que les revendications opposées par la société KP1 sont dépourvues d'activité inventive et ne satisfont pas aux exigences des articles L. 611-10 et L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle,

- de prononcer la nullité des revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet français n° 0 112 985 conformément aux dispositions des articles L. 613-25 a), b), c) du code de la propriété intellectuelle,

- très subsidiairement, de dire que la demande de contrefaçon ne saurait prospérer faute par l'intimée d'en administrer la preuve,

- de dire que les modèles n° 1, 2 et 7, objet du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date des 9 et 10 décembre 2008 et référencés RUPTTRAN7GEO, RUPTTRAN8GEO, RUPTLONG GEO qui sont positionnés en aplomb sur le mur, ne peuvent constituer la contrefaçon du brevet,

- de dire que les modèles n° 3 et 4 référencés RUPTTRANS 600 et RUPTTRANS 630 qui sont positionnés en aplomb sur le mur comme les poutrelles sur lesquelles ils reposent ne peuvent constituer la contrefaçon du brevet,

- de dire que les modèles n° 5 et 6 référencés RUPTTRANS 200 et RUPTTRANS 160 et qui bien qu'implantés au droit du mur longitudinal ne peuvent constituer des contrefaçons puisqu'ils ne constituent qu'un seul élément du jeu d'éléments isolants expressément revendiqués dans le brevet,

- de dire qu'aucun fait de contrefaçon ne saurait lui être reproché,

- de condamner la société KP1 à lui payer la somme de 100.000 euros en raison du caractère particulièrement abusif de la procédure dirigée contre elle, la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 février 2012 par lesquelles la société KP1 demande à la cour :

- de déclarer la société DELTISOL irrecevable en sa demande en annulation des revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet français n° 0 112 985,

- de confirmer le jugement du 17 mars 2010 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de publication judiciaire et sauf à préciser que les condamnations prononcées s'étendent à l'ensemble des éléments isolants longitudinaux et transversaux composant les gammes Deltirupteurs et Geoxia, en particulier aux rupteurs RUPLONG 160, RUPLONG 16X, RUPLONG 200, RUPLONG 200M1, RUPTRANS49, RUPTRANS51, RUPTRANS60, RUPTRANS60M1, RUPTRANS63, RUPTRANS70, LONG49, RUPLONGGEO, RUPLONGGEOM, RUPTRAN7GEO, RUPTRAN8GEO et RUPTRAN8GEOM,

- de l'infirmer sur le premier de ces points et, statuant à nouveau, d'ordonner la publication de l'arrêt à venir in extenso ou par extrait dans cinq journaux ou périodiques de son choix et aux frais de la société DELTISOL dans la limite de 5.000 euros hors taxes par insertion,

- de dire que la société DELTISOL s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1 à 4, 16 à 18 du brevet FR 0112 985 par fourniture de moyens,

- de déclarer la société DELTISOL mal fondée en ses demandes,

- de condamner la société DELTISOL à lui payer la somme de complémentaire de 50.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la recevabilité de la demande en annulation formée par la société DELTISOL :

La société KP1 est cotitulaire du brevet FR 0 112 985 avec la société KNAUF SNC laquelle s'est vu notifier par le cotitulaire l'assignation délivrée à la société DELTISOL le 30 décembre 2008 par lettre recommandée dont il a été accusé réception le 15 janvier 2009 (pièce n° 10) ;

La société KP1 soulève l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle en annulation du brevet formée par la société DELTISOL au motif que si les dispositions de l'article L.613'29 b) du code de la propriété intellectuelle lui permettent, dans le cas d'une copropriété du brevet, d'agir en contrefaçon à son seul profit, en revanche l'action reconventionnelle en annulation du brevet engagée par la société DELTISOL aurait dû, selon elle, être notifiée à la société KNAUF afin de permettre à celle-ci de faire valoir ses droits ;

Dans le dispositif de ses dernières écritures, la société DELTISOL demande à la cour de débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions mais ne développe dans le corps de celles-ci aucune argumentation sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société KP1 ;

Or si le copropriétaire d'un brevet est autorisé, sous réserve de la notification de l'assignation aux autres copropriétaires, à agir à son seul profit en contrefaçon du brevet, le défendeur a de son côté l'obligation de mettre tous les copropriétaires dans la cause lorsqu'il forme une demande reconventionnelle en annulation du brevet laquelle vise l'anéantissement du titre appartenant à la copropriété ;

Omettre cette formalité substantielle reviendrait à ignorer les droits que les autres copropriétaires possèdent sur le brevet lequel ne peut être annulé sans que tous les copropriétaires aient pu faire valoir leurs prétentions et moyens en fait et en droit face à ceux développés dans la demande reconventionnelle en nullité ;

L'article 14 du code de procédure civile prévoit que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée et l'article 16 impose au juge de faire observer et d'observer lui-même en toute circonstance le principe de la contradiction ;

La société KNAUF n'ayant pas été appelée dans la présente procédure, la demande reconventionnelle en nullité des revendications1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet FR 0 112 985 devra par conséquent être déclarée irrecevable ;

La validité du titre tel que délivré est donc reconnue au brevet dont la société KP1 est copropriétaire ;

Demeure seule à examiner l'action en contrefaçon des revendications 1 à 4, 10, 11 et 16 à 18 du brevet telles qu'elles ont engagée par la société KP1 à l'encontre de la société DELTISOL, sous les réserves qui vont suivre en ce qui concerne les revendications 10 et 11 ;

Sur l'objet et la portée du brevet FR 0 112 985 :

L'invention se rapporte au domaine de la construction des bâtiments et concerne un dispositif d'interruption thermique pour un plancher à poutrelles en béton ; elle s'applique notamment aux planchers en béton qui comprennent une dalle en béton coffrée sur une structure à poutrelles ou entrevous qui prend appui sur des murs d'un bâtiment ;

Les planchers en béton qui sont essentiellement utilisés dans la construction de maisons individuelles dont les murs comprennent une isolation thermique intérieure ont pour inconvénient de créer un pont thermique avec les murs qui les supportent avec pour effet d'entraîner des déperditions thermiques élevées incompatibles avec les normes en vigueur ;

Dans le but de remédier à ces inconvénients, l'invention propose un dispositif d'interruption thermique qui comprend un jeu d'éléments isolants propres à être implantés chacun dans l'épaisseur du plancher, avant coulage du béton, entre le plancher et les murs, sensiblement au droit de ces murs, pour diminuer les ponts thermiques entre le plancher et les murs adjacents (page 2 lignes 33 à 37) ;

Ces éléments isolants viennent ainsi interrompre la liaison entre le plancher en béton et les murs qui le supportent, sauf dans les régions où les poutrelles viennent en appui sur les murs du bâtiment ;

Ainsi si des jonctions limitées existent entre les extrémités des poutrelles et les murs transversaux qui les supportent, en revanche les liaisons sont quasiment supprimées entre le plancher en béton et les murs longitudinaux lesquels s'étendent dans une direction parallèle ou sensiblement parallèle aux poutrelles ;

Ce dispositif permet ainsi de dissocier pratiquement complètement le plancher en béton des murs porteurs qui le soutiennent et permet en particulier de dissocier le plancher du chaînage qui est incorporé dans le mur, lors de la construction, et plus particulièrement lors du coffrage de la dalle en béton (page 3 lignes 17 à 22) ;

Dans une forme de réalisation préférée, les éléments isolants comprennent des éléments isolants longitudinaux destinés à être implantés chacun entre le plancher et un mur longitudinal parallèle à une poutrelle, en prenant appui sur ce mur longitudinal et sur cette poutrelle, ainsi que des éléments isolants transversaux destinés à être implantés chacun entre le plancher et un mur transversal, perpendiculaire aux poutrelles en prenant appui sur deux poutrelles voisines ;

Il est ainsi réalisé des éléments isolants de deux types :

- les uns longitudinaux destinés à une implantation longitudinale parallèle aux poutrelles et aux murs longitudinaux,

- les autres transversaux destinés à une implantation transversale et perpendiculaire aux poutrelles et parallèles aux murs transversaux ;

Les éléments isolants et leur positionnement dans l'épaisseur du plancher et entre celui-ci et les murs ont donc pour objet de dissocier autant que faire se peut le plancher des murs, aucune liaison ne devant exister entre le plancher et les murs longitudinaux, exception faite des planchers de grande portée et des planchers mis en œuvre dans des régions où des normes antisismiques sont en vigueur, et des liaisons entre le plancher et les murs transversaux lesquelles sont limitées au niveau des extrémités des poutrelles ;

Sur les actes de contrefaçon du brevet FR 0 112 985 imputés à la société DELTISOL :

' Sur les revendications 1 et 2 :

La revendication 1 se lit comme suit :

' Dispositif d'interruption thermique pour un plancher en béton, ce béton comprenant une dalle en béton coffrée sur une structure à poutrelles et entrevous prenant appui sur des murs d'un bâtiment, caractérisé en ce qu'il comprend un jeu d'éléments isolants (46 et 48), avant coulage du béton, entre le plancher et les murs (12, 14), sensiblement au droit de ces murs, pour diminuer les ponts thermiques entre le plancher (10) et les murs adjacents (12, 14) ;

Fig1

- 12 = mur longitudinal - 14 = mur transversal

- 32 = dalle en béton - 30 = armatures

- 37 = chaînage - 16 = poutrelles

- 18 = entrevous - 37 = chaînage

- 46 = élément isolant longitudinal - 48 = élément isolant transversal

La revendication 2 se lit comme suit :

'Dispositif selon la revendication 1, caractérisé en ce que les éléments isolants comprennent des éléments isolants longitudinaux (46) destinés à être implantés chacun entre le plancher (10) et un mur longitudinal (12) parallèle à une poutrelle (16), en prenant appui sur ce mur longitudinal et sur cette poutrelle, ainsi que des éléments isolants transversaux (48) destinés à être implantés chacun entre le plancher (10) et un mur transversal (14), perpendiculaire aux poutrelles (16) en prenant appui sur deux poutrelles voisines (16)' ;

Fig2

- 50 = âme - 52 = face intérieure

- 56 = face supérieure - 54 = face extérieure

- 58 = face inférieure - 60 = rebord intérieur d'appui

- 62 = rebord extérieur d'appui

La charge de la preuve de l'existence des actes de contrefaçon imputés à la société DELTISOL repose sur la société KP1 ;

Celle-ci s'appuie sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 9 et 10 décembre 2008 par un huissier de justice qui a découvert dans l'entrepôt de la société DELTISOL sept modèles de rupteurs de pont thermique longitudinaux et transversaux ainsi référencés :

Modèle 1 : RUPT TRAN 7 GEO

Modèle 2 : RUPT TRANS 8 GEO

Modèle 3 : RUPT TRAN 600

Modèle 4 : RUPT TRANS 630

Modèle 5 : RUPT LONG 200

Modèle 6 : RUPT LONG 160

Modèle 7 : RUPT LONG GEO

Le conseil en propriété industrielle interrogé par l'huissier et présent sur les lieux de la saisie-contrefaçon a indiqué que les 4 premiers modèles étaient des rupteurs transversaux ou d'about et que les rebords d'extrémité étaient destinés à venir en appui sur les deux poutrelles adjacentes ; que les 3 derniers modèles étaient des rupteurs longitudinaux ou de rives, l'un des rebords venant en appui sur le mur tandis que l'autre des rebords vient en appui sur une poutrelle parallèle au mur ;

Le PDG de la société DELTISOL a confirmé ces déclarations tandis que le directeur technique a indiqué que la société produisait et fabriquait les rupteurs de pont thermique longitudinaux et transversaux depuis 2005 ;

Ce dernier ajoutait que le rupteur longitudinal est un élément d'isolation thermique du plancher et se pose entre la poutrelle et le mur. Le rupteur transversal est un élément d'isolation thermique du plancher et se pose entre les deux poutrelles au niveau du mur. Les rupteurs longitudinaux et transversaux de la société DELTISOL sont sécables et adaptables à l'épaisseur du plancher ;

De ce constat d'huissier et des déclarations qui y sont contenues ainsi que du document saisi intitulé 'Fiche Technique Isolation RUPTEURS DELTIRUPTEURS'(pièce 80), il résulte que les éléments décrits constituent des dispositifs d'interruption thermique destinés à un plancher comprenant une dalle en béton coffrée sur une structure à poutrelles et entrevous prenant appui sur les murs d'un bâtiment comprenant, d'une part des éléments isolants longitudinaux destinés à être implantés chacun entre le plancher et un mur longitudinal en prenant appui sur ce mur longitudinal et sur une poutrelle, d'autre part des éléments isolants transversaux destinés à être implantés chacun entre le plancher et un mur transversal en prenant appui sur deux poutrelles voisines ;

La société DELTISOL soutient que la demande en contrefaçon ne saurait prospérer faute pour la société KP1 d'en administrer la preuve ;

Elle ajoute pour l'appréciation de la contrefaçon, que la portée de la revendication 1 est limitée à une configuration dans laquelle la face externe des rupteurs est strictement dans l'alignement de la face interne des murs longitudinaux et transversaux et qu'une configuration dans laquelle la face externe des rupteurs ne serait pas dans l'alignement exact de la face interne des murs longitudinaux et transversaux ne saurait être considérée comme contrefaisante ;

La société DELTISOL indique que le rupteur transversal de la documentation GEOXIA datée du 30 mars 2007 (pièce 15) a sa face extérieure disposée dans l'épaisseur du mur transversal et est donc en dehors du plan de la face intérieure du mur et que le rupteur est disposé dans l'épaisseur du mur transversal de sorte que c'est la face intérieure du rupteur et non pas sa face extérieure qui est disposée exactement dans le même plan que la face intérieure du mur ;

Le positionnement des éléments isolants composant le dispositif d'isolation thermique GEOXIA est illustré par les figures des documents intitulés respectivement 'Adaptation parasismique en pignon' pour l'élément isolant longitudinal et 'Plancher PT rupteur façade' pour l'élément isolant transversal ;

Les parties sont contraires sur le positionnement des rupteurs longitudinaux et transversaux GEOXIA, la société DELTISOL prétendant que la face intérieure du rupteur est dans le prolongement de la face intérieure du mur, tandis que la société KP1 soutient que seul le mur, à l'exclusion du parement interne doit être pris en considération et que les éléments isolants longitudinaux et transversaux GEOXIA sont sensiblement au droit du mur ;

Les revendications 1 et 2 prévoient que le jeu d'éléments isolants (46 longitudinal) et (48 transversal) est implanté dans l'épaisseur du plancher entre celui-ci et les murs (12 longitudinal) et (14 transversal) sensiblement au droit de ces murs lesquels ne comprennent pas les parements intérieurs ;

Selon les dispositions des articles L. 612-6 et R. 612-16 du code de la propriété intellectuelle, les revendications qui doivent être claires et concises définissent l'objet de la protection demandée en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention et la description ainsi que les dessins ne peuvent servir à interpréter les revendications que lorsqu'il s'agit de déterminer l'objet exact d'une revendication laquelle devrait par principe se suffire à elle-même ;

A partir de la description (page 10 lignes 16 à 18), l'expression 'sensiblement au droit du mur' signifiera pour l'homme du métier, spécialiste de l'isolation thermique des planchers d'habitation individuelle que la face extérieure (54) de l'élément isolant qui est généralement plane soit placée approximativement dans le même plan vertical que la face intérieure (38) du mur longitudinal (Figure 2) soit dans une configuration telle que la face extérieure des rupteurs soit dans l'alignement de la face intérieure des murs longitudinaux ;

Pour l'élément transversal (48), il s'agira d'une âme délimitée (78) par une face intérieure (80) sensiblement verticale, propre à être tournée du côté d'un entrevous (18) reposant sur deux poutrelles voisines (16) et, par une face extérieure opposée (82) sensiblement verticale, propre à être placée du côté d'un mur transversal (14) (page 13 lignes 7 à 14 et Figure 3) ;

Il résulte de ce qui précède que seules les faces extérieures des éléments isolants transversaux et longitudinaux viennent se positionner par rapport à la face intérieure des murs transversaux et longitudinaux et se trouvent par conséquent sensiblement au droit des murs ;

Ainsi, à la vue des figures des documents GEOXIA versés aux débats et à la lecture des deux attestations de Hervé Brault lequel indique que les correcteurs de pont thermique longitudinaux étaient 'pour leur plus large part dans l'épaisseur du mur' et pour les correcteurs de pont thermique transversaux implantés 'intégralement dans le mur', il apparaît que les éléments isolants longitudinaux et transversaux représentés dans les documents susvisés ne sont pas positionnés 'sensiblement au droit du mur' ;

Les figures du document 'Adaptation Parasismique en Pignon - Parasismique Rupteur'qui concernent les rupteurs longitudinaux placent ces derniers à cheval sur le parpaing de telle sorte que la face intérieure de l'élément isolant vient au contact de la face intérieure du mur, le parpaing représenté de profil formant l'intégralité du mur de soutien sur lequel viennent s'appuyer les éléments isolants, le trait vertical gris foncé faisant, contrairement à ce que soutient la société KP1, partie du parpaing ;

S'agissant des rupteurs transversaux représentés dans le document 'Lot de Soubassement - Plancher PT Rupteur Façade-1', il apparaît que l'élément isolant se trouve en appui sur l'arête du mur en parpaing brut et que la face intérieure du rupteur se trouve dans le prolongement de la face intérieure du mur ;

Ainsi, tant les rupteurs longitudinaux que les rupteurs transversaux ne se trouvent pas sensiblement au droit du mur au sens que l'homme du métier tel qu'il a été ci-dessus défini donnera à la revendication 1 ;

La société KP1 ne peut également retenir les déclarations faites par les personnes interrogées par l'huissier de justice lors des opérations de saisie-contrefaçon ;

En effet, les déclarations du PDG de la société DELTISOL qui indique 'Pour les rupteurs transversaux, ces derniers reposent par leurs rebords sur deux poutrelles adjacentes et s'étendent le long d'un mur. Pour les rupteurs longitudinaux, ils s'appuient d'un côté sur le mur et de l'autre côté sur les poutrelles' et celles du directeur technique qui précise 'Le rupteur longitudinal est un élément d'isolation thermique du plancher et se pose entre la poutrelle et le mur. Le rupteur longitudinal est un élément d'isolation thermique du plancher et se pose entre les deux poutrelles au niveau du mur. Les rupteurs longitudinaux et transversaux de la société Deltisol sont sécables et adaptables à l'épaisseur du plancher' ne contiennent, contrairement à ce que soutient la société KP1, aucun élément permettant de conclure que les isolants transversaux et longitudinaux sont sensiblement au droit du mur ;

La société KP1 sera donc déboutée de sa demande en contrefaçon des revendications 1 et 2 et le jugement déféré sera infirmé de ces chefs ;

' Sur les revendications 3 et 4 :

La revendication 3 se lit comme suit :

'Dispositif d'interruption thermique selon la revendication 2, caractérisé en ce que chacun des éléments isolants longitudinaux (46) comprend une âme (50) délimitée par une face intérieure (52) propre à être tournée du côté d'une poutrelle (16), par une face extérieure (54) propre à être placée du côté d'un mur longitudinal (12), par une face supérieure (56) et par une face inférieure (58)' ;

La société KP1 soutient que les éléments isolants longitudinaux faisant partie des dispositifs d'interruption thermique Deltirupteurs et Geoxia constituent la contrefaçon de la revendication 3 ;

Mais la partie caractérisante de la revendication 3 du dispositif d'interruption thermique étant dépendant de la revendication 2 laquelle n'est pas contrefaite, il en résulte que la revendication 3 ne peut également pas être contrefaite ;

La revendication 4 se lit comme suit :

'Dispositif selon la revendication 3, caractérisé en ce que la face intérieure (52) d'un élément isolant longitudinal (46) comprend des rebords intérieurs d'appui (60) formés en saillie et propres à venir chacun en appui sur une poutrelle (16), tandis que la face extérieure (54) comprend des rebords extérieurs d'appui (62) formés en saillie et propres à venir chacun en appui sur un mur longitudinal (12)' ;

Mais la partie caractérisante de la revendication 4 du dispositif d'interruption thermique étant dépendant de la revendication 3 laquelle n'est pas contrefaite, il en résulte que la revendication 4 ne peut également pas être contrefaite ;

' Sur les revendications 10 et 11 :

Les revendications 10 et 11 se lisent respectivement comme suit :

'Dispositif selon la revendication 2, caractérisé en ce que chacun des éléments isolants transversaux (48) comprend une âme (78) délimitée par une face intérieure (80) propre à être tournée du côté d'un entrevous (18) reposant sur deux poutrelles voisines (16), par une face extérieure (82) propre à être placée du côté d'un mur transversal (14, par une face supérieure (84) par une face inférieure (86) et par deux faces latérales (88,90) conformées pour former des rebords d'appui (92, 94) propres à venir reposer sur les deux poutrelles voisines (16) ;

' Dispositif selon la revendication 10, caractérisé en ce que les deux faces latérales (88, 90) sont conformées pour venir en appui sur deux talons (22) appartenant respectivement aux deux poutrelles (16) ;

Fig 3

- 80 = face intérieure - 82 = face extérieure

- 84 = face supérieure - 86 = face inférieure

- 88 = face latérale - 90 = face latérale

Si la société KP1 a développé dans le corps de ses écritures (pages 42 et 43) des arguments de fait destinés à convaincre la cour que la société DELTISOL a commis des actes de contrefaçon des revendications 10 et 11 du brevet FR 0112 985, elle ne formule en revanche dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de cette nature ;

La cour ne statuant, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif, cette demande sera par conséquent rejetée ;

Les revendications 16 à 18 se lisent respectivement comme suit :

'Dispositif selon l'une des revendications 1 à 15 caractérisé en ce que les éléments isolants (46, 48) ont une hauteur (H) choisie adaptée à l'épaisseur du plancher (10) à fabriquer' ;

'Dispositif selon l'une des revendications 1 à 13 caractérisé en ce qu'il est réalisé en une matière isolante, en particulier en polystyrène expansé' ;

'Plancher en béton, du type comprenant une dalle en béton (32) coffrée sur une structure à poutrelles (16) et entrevous (18) prenant appui sur des murs (12, 14) d'un bâtiment, caractérisé en ce qu'il est muni en périphérie d'un dispositif d'interruption thermique (46, 48) selon l'une des revendications 1 à 17" ;

Mais la partie caractérisante des revendications 16, 17 et 18 du dispositif d'interruption thermique et du plancher en béton étant dépendant respectivement des revendications 1 à 15, 1 à 16 et 1 à 17 lesquelles ne sont pas contrefaites, il en résulte que les revendication 16, 17 et 18 ne peuvent également pas être contrefaites ;

Conclusions :

La société KP1 sera déboutée de sa demande en contrefaçon des revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet FR 0 112 985 ;

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les autres demandes :

La société KP1 demande à la cour de préciser que la condamnation portera sur l'ensemble des éléments isolants longitudinaux et transversaux composant les gammes Deltirupteurs et Geoxia, en particulier :

- les rupteurs RUPLONG 160, RUPLONG 16X, RUPLONG 200, RUPLONG 200M1, RUPTRANS49, RUPTRANS51, RUPTRANS60, RUPTRANS60M1, RUPTRANS63, RUPTRANS70 faisant partie de la gamme Deltirupteurs,

- les rupteurs RUPLONGGEO, RUPLONGGEOM, RUPTRAN7GEO, RUPTRAN8GEO et RUPTRANS8GEOM faisant partie de la gamme Geoxia ;

Ayant été déboutée de da demande en contrefaçon, cette demande sera rejetée ;

La société DELTISOL demande la condamnation de la société KP1 à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Elle fait grief à la société KP 1 d'avoir diligenté une procédure judiciaire sans la faire précéder d'une mise en demeure et dans le seul but d'obtenir des informations, notamment des statistiques de vente des articles litigieux alors qu'elle connaissait les objections quant à la validité du brevet émis par la Division d'Examen de l'Office européen des brevets ;

Mais toutes les critiques présentées par la société DELTISOL à l'encontre de la société KP1 ne sont pas en soi constitutives d'une faute de nature à entraîner sa condamnation à des dommages intérêts pour procédure abusive, la faiblesse alléguée du titre ou les observations émises par l'examinateur de l'OEB ne pouvant être considérées comme constituant un empêchement ou une interdiction pour faire valoir des droits de propriété intellectuelle ;

La demande formée par la société DELTISOL sera par conséquent rejetée ;

La société KP1 sera en revanche condamnée à payer à la société DELTISOL la somme de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La demande formée au même titre par la société DELTISOL sera rejetée ;

P A R C E S M O T I F S,

Infirme le jugement rendu le 17 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions,

Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en nullité des revendications1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet FR 0 112 985 formée par la société DELTISOL,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de contrefaçon des revendications 10 et 11 du brevet FR 0 112 985,

Déboute la société KP1 de sa demande en contrefaçon des revendications 1 à 4, 10, 11, 16 à 18 du brevet FR n° 0 112 985 formée à l'encontre de la société DELTISOL,

Déboute la société KP1 de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société KP1 à payer à la société DELTISOL la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société KP1 aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.