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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 28 avril 1998, n° 97/17847

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Télécom (SA)

Défendeur :

Paris Tv Cable, Art

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Conseillers :

M. Carre Pierrat, M. Le Dauphin

Avoués :

SCP Parmentier-Hardouin-Le Bousse, SCP Valdelievre-Garnier

Avocats :

Me Rosenfeld, Me Lazarus, Me Lombard, Me Simonel

CA Paris n° 97/17847

27 avril 1998

Après avoir, à l'audience publique du 24 Mars 1998, entendu le conseil des parties, les observations de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et du Ministère public ;

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui du recours,

La cour est saisie du recours en annulation, subsidiairement en réformation, formé le 8 août 1997 par la société anonyme FRANCE TELECOM contre une décision de l'Autorité de régulation des télécommunications (l’A.R.T. ou l'Autorité) n° 97-209 du 10 juillet 1997 qui :

- article 1er : après avoir admis sa compétence pour connaître du différend dont l'a saisie Paris TV Câble, déclare cette saisine recevable.

- article 2 : dit que FRANCE TELECOM proposera à Paris TV Câble une prestation permettant à cette dernière de fournir le service Multicâble sur le réseau câblé de Paris, Paris TV Câble étant propriétaire et assurant l'exploitation des routeurs câbles.

- article 3 : Dit que les parties établiront d'un commun accord dans les quinze jours suivants la notification de la décision une description détaillée des différentes prestations et fournitures nécessaires à la mise à niveau du réseau câblé de Paris et que, dans l'hypothèse où les parties ne pourraient parvenir à un accord sur cette description, l'Autorité désignera un expert indépendant chargé d'établir celle-ci aux frais des parties ;

Dit que pour les prestations ou fournitures ne faisant l'objet d'aucun différend, ni sur le montant financier, ni sur le délai de réalisation ou d'approvisionnement, FRANCE TELECOM entamera sans attendre les actions permettant d'effectuer ces prestations ou fournitures dans les délais convenus.

Dit que pour les prestations ou fournitures faisant l'objet d'un différend soit sur le montant financier, soit sur les délais de réalisation ou d'approvisionnement, les parties disposeront d'un délai de quinze jours supplémentaires pour préparer en commun les cahiers des charges des marchés correspondants. Les délais de réalisation fixés dans ces cahiers des charges seront déterminés par Paris TV Câble, en association étroite avec FRANCE TELECOM. Les montants financiers résulteront des dépouillements des offres reçues à l'issue des appels d'offres correspondants. Paris TV Câble participera au comité de dépouillement des offres et le choix des prestataires ou des fournitures sera soumis à son accord.

Dit que FRANCE TELECOM passera les marchés ou les commandes nécessaires aux prestations et fournitures définies selon la procédure décrite ci-dessus au plus tard le 30 septembre 1997.

- article 4 : Dit qu'à défaut d'accord avant le 30 septembre 1997 entre les parties sur les modalités de détem1ination d'un versement annuel à FRANCE TELECOM pour la mise à niveau du réseau câblé, Paris TV Câble remboursera à FRANCE TELECOM les frais de mise à niveau du réseau câblé par un paiement unique, versé à l'achèvement de cette mise à niveau, égal au montant des frais encourus par FRANCE TELECOM, majoré de 10 %.

- article 5 : Dit que les frais annuels de la maintenance sont, à titre provisionnel, fixés à 5 % des frais de mise à niveau du réseau, avant application de la majoration de destinés à couvrir les frais administratifs et de supervision, et que ces montants seront révisés, à l'issue d'une période d'un an d'exploitation du réseau mis à niveau, au vu des conclusions d'une expertise diligentée par l'Autorité de régulation des télécommunications aux frais des parties.

- article 6 : Dit que la rémunération annuelle R exprimée en francs due à FRANCE TELECOM par Paris TV Câble pour la mise à disposition de capacités supplémentaires est calculée comme suit (suit la formule de calcul).

- article 7 : Dit que les conditions financières déterminées par les articles 4 et 5 de la présente décision sont définies dans l'hypothèse où Paris TV Câble est le seul utilisateur des adaptations du réseau câblé. Dans le cas où un prestataire autre que Paris TV Câble utiliserait ces adaptations, Paris TV Câble et FRANCE TELECOM adapteront ces conditions.

- article 8 : Dit que les parties mettront les conventions qu'elles ont conclu pour l'exploitation du réseau câblé de Paris en conformité avec la présente décision avant le 31 octobre 1997.

Il est fait référence à la décision de l’A.R.T. pour l'exposé des faits dont il suffit ici de rappeler les éléments essentiels.

Paris TV Câble est une société d'économie mixte créée pour exploiter le réseau câblé parisien, lui-même réalisé, entre 1981 et 1986, dans le cadre du « Plan Câble ».

FRANCE TELECOM, venue aux droits de l'Etat depuis 1990, date à laquelle cette ancienne administration de l'Etat a acquis une personnalité juridique propre, est propriétaire des infrastructures constituant les réseaux du plan câble.

Paris TV Câble est l'exploitant commercial du réseau câblé parisien au titre de conventions passées initialement entre l'Etat et Paris TV Câble, le 18 novembre 1986, qui ont permis au câblo-opérateur de vendre au public des services de télévision et de radiodiffusion sonore.

Sur le fondement de l'article L.34-2 du Code des postes et télécommunications instituant la liberté de la fourniture au public des services de télécommunications autres que le service téléphonique, Paris TV Câble a décidé de fournir au public, en utilisant le réseau câblé qu'elle exploite, un service d'accès à l'Internet.

FRANCE TELECOM, propriétaire du réseau, et Paris Câble ne sont pas parvenues à arrêter les conditions contractuelles selon lesquelles le câblo-opérateur pourra effectivement fournir ce nouveau service, et ce dernier a soumis le litige à l’A.R.T. qui a rendu la décision précitée.

Au soutien de son recours, FRANCE TELECOM prétend :

- aux fins d'annulation de la décision contestée :

1- que, dès lors que la convention d'exploitation de réseaux câblés conclue entre les parties n'exclut aucunement et ne restreint pas la prestation de services de télécommunications, l ' A.R. T. n'était pas compétente pour statuer ;

-que, de plus, les services d'accès à l'Internet que Paris TV Câble souhaite proposer relèvent essentiellement de l'audiovisuel et ne constituent pas des services de télécommunications, de sorte que c'est encore à tort que l'Autorité s'est déclarée compétente.

2- que l'Autorité a statué à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe dispositif puisqu'il a été statué "ultra petita" en accordant à Paris TV Câble diverses prérogatives que cette société n'avait pas sollicitées,

- qu'elle a également violé le principe du contradictoire en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur certains moyens de droit qu'elle a jugé opportun de relever d'office et en faisant état de faits étrangers aux débats.

- aux fins de réformation de la décision .

1- que l'Autorité s'est dépouillée irrégulièrement de ses pouvoirs en confiant à un expert la description des prestations de mise à niveau sur lesquelles les parties ne parviendraient pas à un accord.

2- que la décision entreprise outrepasse la mission conférée à l'Autorité par l'article L.34.4 du code des postes et télécommunications, en imposant à FRANCE TELECOM une procédure, un calendrier et des modalités pratiques de mise à niveau technique du réseau.

3- que les délais impartis ne sont pas prévus par la loi et sont donc pareillement irréguliers.

4- que les prescriptions relatives aux modalités de passation des marchés et à l'intervention de Paris TV Câble dans le processus de réalisation des portent atteinte au droit de propriété de FRANCE TELECOM et à l'autonomie de la volonté des parties exprimée dans la convention de 1986.

5- que la disposition selon laquelle Paris TV Câble sera propriétaire et assurera l'exploitation des « routeurs câbles » repose sur des considérations factuelles inexactes et méconnaît gravement la volonté du législateur de maintenir la propriété de FRANCE TELECOM sur l'ensemble des éléments du réseau.

Par une annexe à son recours, déposée le Il août 1997, la société FRANCE TELECOM soutient par ailleurs que la décision attaquée est erronée en droit comme en fait, dans la mesure où l'article L.34-4 du Code des Postes et Télécommunications ne se prononce nullement sur la prise en compte des revenus futurs générés par un service nouveau et demande à la cour de dire que la rémunération proportionnelle prévue par les conventions Plan Câble s'applique de plein droit à l'Internet.

Le 8 septembre 1997, FRANCE TELECOM a produit des conclusions ampliatives, développant les moyens précédemment articulés et critiquant en outre la fixation faite par I'A.R.T. de la redevance annuelle à elle due par Paris TV Câble pour la mise à disposition de capacités supplémentaires, en ce qu'elle n'a pas pris en compte, dans le coût de construction de la prise, l'intégralité des dépenses engagées pour adapter le réseau aux services requis, en ce qu'elle a retenu que la capacité totale disponible du réseau est de 594 Mhz alors que cette capacité s'élève à 510 Mhz, et en ce qu'elle a méconnu son droit à une juste rémunération institué par l'article L.34-4 du Code des postes et télécommunications. Elle demande en conséquence à la cour de réformer de ce chef la décision déférée et de statuer à nouveau sur la formule de prix de la redevance annuelle pour mise à disposition de nouvelles capacités.

La société Paris TV Câble, auteur de la saisine de l'Autorité, appelée à faire valoir ses observations, par application de l'article R 11-5 du décret n° 97-264 du 19 mars 1997, demande à la cour de dire irrecevables comme tardifs le moyen d'annulation tiré de la violation du principe du contradictoire et les moyens de réformation tenant, d'une part, à la modification de l'assiette de la redevance (coût de prise), d'autre part de la modification de la capacité disponible, « encore, dans la distinction, pour le calcul de la redevance d'usage, des voies descendante et remontante, enfin, la modification du calcul des frais de maintenance », de rejeter tous les autres moyens d'annulation et de réformation et de condamner la société FRANCE TELECOM au paiement d'une somme de 200.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'Autorité, usant de la faculté qui lui est offerte par le texte précité, a déposé des observations écrites visant également au rejet du recours, en soulevant l’irrecevabilité des demandes et moyens soulevés non contenus dans la déclaration initiale.

La société requérante a répliqué à l'ensemble des observations déposées.

Le ministère public a présenté, à l'audience, des observations orales tendant à la recevabilité du recours, à la réformation de la décision sur la seule disposition prévoyant la désignation d'un expert, et au rejet du recours en ce qui concerne les autres prétentions.

SUR QUOI LA COUR

I - Sur la recevabilité des demandes et moyens contenus dans l'annexe au recours déposée du 11 août 1997 et dans le mémoire ampliatif déposé le 8  septembre 1997

Considérant qu'aux termes de l'article R 11-3 du décret n° 97-264 du 19 mars 1997, relatif à la procédure suivie devant l'Autorité de régulation des télécommunications et la cour d'appel de Paris en cas de différend mentionné à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration de recours précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens. L’exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe le mois qui suit le dépôt de la déclaration » ; qu'il en résulte que le requérant est irrecevable à invoquer des moyens qui n'auraient pas été soulevés, au moins sommairement, dans sa déclaration de recours ;

Considérant que FRANCE TELECOM a déposé le 11 août 1997 une « annexe au recours sommaire », puis le 8 septembre 1997 des conclusions dites « ampliatives » qui contiennent, outre le développement des moyens de nullité et de réformation invoqués dans sa déclaration initiale, des contestations et des prétentions relatives à l'absence de proportionnalité de la rémunération, telle que prévue par la convention de 1986, à l'assiette de la redevance d'usage, à la formule de prix et aux frais de maintenance qui ne figuraient pas, même de façon sommaire, dans la déclaration de recours du 8 août 1997 ;

Considérant que l'argumentation de la requérante, fondée sur une comparaison avec les articles 56 et 306 du nouveau Code de procédure civile, relatifs le premier à l'assignation en justice, et le second à l'inscription de faux incident, ainsi qu'avec l'article R 77 (en réalité 87) du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui se rapporte à la requête introductive d'instance, est inopérante, dès lors que l'article R 11-2 du décret du 19 mars 1997, stipule que « par dérogation aux dispositions du titre du livre II du nouveau Code de procédure civile, les recours contre les décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications prévues à l’article L. 36-8 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions suivantes », et par suite à celles de l'article R 11-3 ci-dessus rappelé ;

Qu'il s'ensuit que les moyens de réformation, relatifs à l'application de la rémunération proportionnelle prévue par la convention Plan Câble, à la méconnaissance du droit de FRANCE TELECOM à une juste rémunération par une détermination inexacte de l'assiette de la redevance d'usage, de la formule de prix et par la non prise en compte des frais de maintenance doivent être, d'office, déclarés irrecevables ;

II - Sur le recours en annulation

a - Sur la compétence

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.34-4 du Code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, « les conventions en vigueur qui contiennent des clauses excluant la fourniture de services de télécommunications sur les réseaux établis ou exploités en application de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ou lui apportant des restrictions de nature juridique ou technique, devront être mises en conformité, avant le 1er janvier 1998, avec les dispositions du présent article. Ces mêmes conventions garantissent, au titre de ces services, une juste rémunération du propriétaire de ces réseaux, assurant la couverture par le fournisseur de services du coût des prestations fournies et des investissements nécessaires à cette fin. Elles précisent les modalités de mise à disposition des capacités supplémentaires nécessaires ainsi que les conditions techniques d'utilisation de ces réseaux. En cas de litige, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 36-8 » ;

Que ce dernier texte prévoit qu’en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties" ;

Considérant que l'Etat, auquel a succédé FRANCE TELECOM, et Paris TV Câble ont passé, le 18 novembre 1986, diverses conventions, notamment une convention de mise à disposition des capacités de transport et de distribution de signaux de radio-télévision par câble sur le réseau de Paris qui permet à la société Paris TV Câble d'utiliser le réseau câblé parisien, dont FRANCE TELECOM est propriétaire, pour proposer des services de télévision ;

Que selon l'article 2.3.11 de ce contrat, invoqué par la requérante, les autres services offerts, le cas échéant, sur le réseau pourront être exploités par tout prestataire dans le cadre d'une convention particulière avec les Télécommunications. Les Télécommunications informeront la société Paris TV Câble des possibilités techniques susceptibles d'être offertes par le réseau. Les fonctionnalités, les délais de mise en œuvre, et les conditions tarifai.res seront précisées à cette occasion. Les Télécommunications s'engagent à répondre avec diligence et bonne foi à toute demande d'exploitation du service présentée par la société si, dans le même temps ils donnent suite à une demande de même nature présentée par un tiers ;

Qu'il en résulte que cette convention comporte des clauses restrictives d'accès à la fourniture de services de télécommunication, l'engagement d'offrir de bonne foi à la société exploitante d'utiliser le réseau pour y rendre les services techniquement possibles dont se prévaut la société FRANCE TELECOM pour nier l'existence de telles clauses n'étant pris que dans l'éventualité qu'une suite favorable soit donnée à une demande de même nature présentée par un tiers ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, alors que la technique rend possible l'utilisation des réseaux câblés dans les deux sens :

- le sens descendant, qui transporte des signaux depuis la tête de réseau jusqu'à l'abonné,

- le sens remontant, qui transporte des signaux depuis l'abonné jusqu'à la tête de réseau et au-delà, comme dans le cas d'Internet, réseau mondial d'ordinateurs connectés entre eux qui rend possible la communication entre ses utilisateurs et donne accès à des bases de données,

Paris Câble a souhaité fournir au public, en utilisant le réseau câblé qu'elle exploite, un service d'accès à l'Internet ; que les négociations ouvertes en février 1996 n'ayant pas abouti à la signature d'un avenant à la convention d'origine, cette société a, en avril 1997, saisi l'Autorité pour lui demander, en application des dispositions légales précitées, de vider le litige existant ;

Considérant que dans la directive de la Commission des Communautés Européennes sur la libération totale des télécommunications et dans les directives communautaires relatives à la fourniture d'un réseau ouvert, les services de télécommunications sont définis comme des services dont la fourniture consiste, en tout ou en partie, en la transmission et/ou l'acheminement de signaux par des réseaux de télécommunications, ces derniers s'entendant des systèmes de transmission et, le cas échéant, de l'équipement de commutation et des autres ressources qui permettent le transport de signaux entre des points de terminaison définis, par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ; que le service d'accès à l'Internet entre bien dans le cadre de cette définition ;

Qu'il s'ensuit que la saisine par la société Paris TV Câble de l'Autorité était recevable et cette dernière compétente, dès lors que la convention en vigueur contenait des restrictions de nature juridique ou technique à la fourniture de services de télécommunication et ne permettait pas, en l'état, la fourniture du service de télécommunications que constitue l'accès à l'Internet ;

Que les moyens tirés d'une prétendue incompétence de l'Autorité seront donc rejetés ;

b - Sur les irrégularités de procédure

Considérant, en premier lieu, que FRANCE TELECOM soutient que l'Autorité n'aurait pas respecté le principe dispositif en accordant à Paris TV Câble plus que ce qui était demandé ;

Qu'elle fait grief à la décision attaquée d'avoir décidé que Paris TV Câble participera au comité de dépouillement des appels d'offres lancés par FRANCE TELECOM, qu'elle aura un droit de veto sur le choix des entrepreneurs et fournisseurs, et qu'elle fixera elle-même les délais de réalisation ou de fourniture, alors que, selon elle, la défenderesse au recours n'avait pas demandé que lui soient reconnues de telles prérogatives ;

Mais considérant que dans son acte de saisine, Paris TV Câble demandait à l'Autorité d'être associée aux choix des offres des fournisseurs de matériels et des prestataires de services, à partir de l'examen des devis, ainsi qu'à la maîtrise des délais d'exécution de sorte que le moyen d'annulation invoqué manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que FRANCE TELECOM reproche à l'Autorité d'avoir méconnu le principe du contradictoire, en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle a relevé, tiré de ce que la valeur de la redevance pour mise à disposition de capacités supplémentaires ne pouvait être calculée en fonction de la rareté de la capacité sur la voie de retour dès lors que la loi imposait une évaluation en fonction des coûts, et en retenant, pour fixer la valeur de cette redevance, le taux qu'elle avait déjà fixé dans une autre affaire, se référant ainsi à des faits étrangers aux débats ;

Mais considérant qu'il n'est pas discuté que l'Autorité était saisie du litige en ce qu'il portait sur la fixation de la valeur de la redevance pour mise à disposition de capacités supplémentaires de sorte que les dispositions légales relatives à la rémunération du propriétaire du réseau étaient nécessairement dans le débat ;

Que rien ne s'opposait par ailleurs à ce que l'Autorité tranche le litige, après un examen précis et complet des circonstances de l'espèce ainsi que des propositions de chacune des parties et en restant dans la fourchette des taux proposés, au vu des éléments objectifs d'un acte administratif publié et particulièrement connu de FRANCE TELECOM, puisque relatif à l'approbation de son catalogue d'interconnexion ;

Que les moyens d'annulation soulevés doivent en conséquence être rejetés ;

III - Sur la réformation de la décision

a - sur la délégation de pouvoir à un expert

Considérant que FRANCE TELECOM reproche à l'Autorité d'avoir, en ses lieu et place, chargé un expert de déterminer de manière définitive et sans recours les prestations et fournitures nécessaires à la mise à niveau des réseaux ;

Mais considérant que Paris TV Câble indique, sans être démentie, qu'à la date du recours, il était acquis que la description commune des prestations et fournitures nécessaires à la mise à niveau des réseaux avait été réalisée sans qu'un recours à l'expertise s'avère nécessaire de sorte que la requérante n'a pas, comme le souligne avec justesse la société d'exploitation, d'intérêt à poursuivre ce grief ;

b- sur la procédure de passation des marchés

Considérant que FRANCE TELECOM prétend que l'Autorité aurait outrepassé ses pouvoirs en « imaginant une procédure devant conduire les parties de sa décision à la signature de la convention de mise en conformité » ; que, d'après elle, s'il appartient à l'Autorité de compléter ou d'adapter les conventions existantes de telle sorte qu'elles assurent la possibilité effective aux câblo-opérateurs de rendre sur les réseaux qu'ils exploitent des services de télécommunications, elle ne peut en revanche prescrire les modalités pratiques selon lesquelles le propriétaire du réseau devra réaliser la mise à niveau technique des réseaux ;

Mais considérant que, selon l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications, la décision de l'Autorité précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial à un service de télécommunication doivent être assurés ; qu'il appartient à l'Autorité de trancher, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8, les litiges relatifs à la mise en conformité des conventions visées à l'article L. 34-4 ;

Qu'il s'ensuit que l'Autorité est investie du pouvoir d'émettre des prescriptions, voire de prononcer des injonctions de faire ou de ne pas faire, de manière à rendre effective la réalisation des travaux et des prestations nécessaires pour assurer la liberté d'accès au service de télécommunication ;

c - sur l'atteinte à l'autonomie de la volonté et au droit de propriété de FRANCE TELECOM

Considérant que la société requérante reproche encore à la décision attaquée de porter atteinte à son droit de propriété et à ses prérogatives contractuelles ;

Considérant toutefois que la première allégation est contraire aux faits de l'espèce puisque FRANCE TELECOM reste propriétaire de son réseau et perçoit une redevance pour l'utilisation de celui-ci ;

Que, s'agissant de ses prérogatives contractuelles, les restrictions qui y sont apportées, ont été voulues par le législateur qui, pour des motifs d'ordre public économique, a confié à l'Autorité de régulation, dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, la mission d'imposer aux parties qui la saisissent, des décisions exécutoires tranchant leurs litiges sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunication ;

d - sur le calendrier

Considérant que FRANCE TELECOM soutient que l'Autorité ne pouvait ni lui prescrire d'autoriser l'utilisation de ses réseaux plans-câble à des fins de télécommunications à une date antérieure au 1er janvier 1998, ou de mettre en conformité la convention avant cette même date, ni lui imposer des délais pour le lancement et la réalisation des travaux ;

Mais considérant que l'objet de la loi de régulation des télécommunications est de rendre possible la fourniture des nouveaux services de télécommunications, avant le 1er janvier 1998, la mise en conformité des conventions devant être effectuée avant cette date, et non pour cette date ;

Que c'est dès lors, dans le respect des dispositions légales que l'Autorité a pu imposer à FRANCE TELECOM de mettre les conventions par elle conclues avec Paris TV Câble en conformité avec sa décision avant le 31 octobre 1997 ;

Considérant de même que l'Autorité de régulation a pu valablement fixer un calendrier pour la réalisation des travaux et prestations nécessaires à l'exploitation du service d'accès à Internet dont la fourniture au public est d'ores et déjà libre, conformément à la directive communautaire du 28 juin 1990 relative à la libéralisation des services de télécommunications autres que la téléphonie vocale ;

e - sur la propriété des « routeurs câble »

Considérant que FRANCE TELECOM soutient que les « routeurs câble », c'est-à-dire les modems permettant la mise en forme des messages et leur transmission dans le réseau aux adresses Internet Protocol des abonnés au service d'accès à l'Internet, remplissent par nature des fonctions de réseau et, faisant ainsi partie du réseau, appartiennent nécessairement à celui-ci, cette analyse technique excluant toute autre considération et imposant que la propriété des routeurs lui soit laissée, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe une indissociabilité entre les routeurs câble et les modems câble ; qu'elle ajoute que le législateur a entendu, de la manière la plus générale, maintenir la propriété du réseau sur la tête de FRANCE TELECOM et qu'en conséquence tous les organes remplissant une fonction de transmission entre les extrémités que sont, en aval les abonnés, et en amont les accès sur l'extérieur, appartiennent par définition au réseau ;

Que, reprochant à la décision attaquée d'être entachée d'une erreur à la fois de droit et de fait, puisque, d'après elle, rien n'autorisait l'Autorité à déterminer qui doit gérer un équipement de réseau ou en être propriétaire, elle demande à la cour de la réformer en ce qu'elle a dit que les « routeurs câble » seraient la propriété de Paris TV Câble qui les exploiterait ;

Mais considérant que les "routeurs câble" n'existaient pas, à la date de la décision, sur les réseaux câblés, lesquels ont été développés techniquement sans eux, puisque ces routeurs n'ont pas d'autre objet que de permettre l'accès à l'Internet ; qu'il n'est donc pas démontré que ces matériels spécifiques appartiennent par nature au réseau ;

Que l'Autorité, saisie du litige opposant FRANCE TELECOM et Paris TV Câble quant à la fourniture du nouveau service d'accès à Internet parle réseau câblé, devait se prononcer sur les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès au réseau devait être assuré, ce qui implique qu'elle puisse décider, en l'absence d'accord des parties, sur le régime applicable à des équipements nouveaux, distincts de ce réseau, mais indispensables pour assurer d'une manière effective la fourniture du service de télécommunications ;

Que, alors qu'il n'est pas contesté par les parties que le modem câble, équipement terminal qui assure chez l'utilisateur les fonctions de transmission et de réception, est extérieur au réseau câblé et que sa propriété revient au câblo-opérateur ou à l'usager, l'Autorité a relevé d'une part que les choix du modem terminal et du routeur câble étaient indissociables, les interfaces logiques entre routeurs et modems étant spécifiques à chaque constructeur, d'autre part qu'il n'existait pas d'obstacle technique à la dissociation de cette prestation de la fourniture de capacité supplémentaire sur le réseau câblé, enfin que la concentration des "routeurs câble" sur un site unique en tête de réseau, préconisée par Paris TV Câble, avait l'avantage de la simplification de l'exploitation et de la maintenance, et que cette solution offrait la meilleure clarté et transparence quant au partage des responsabilités ;

Qu'elle a ainsi justifié sa décision relative à la propriété des « routeurs câble » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours de la société FRANCE TELECOM aux fins de réformation, visant la délégation de ses pouvoirs par l'Autorité, les modalités de passation des marchés, l'atteinte à l'autonomie de la volonté et au droit de propriété de FRANCE TELECOM, les délais de réalisation et la propriété des "routeurs câble" n'est pas fondé; qu'il doit en conséquence être rejeté ;

IV - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Paris TV Câble une somme de 50.000 francs par application des dispositions du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les moyens de réformation, relatifs à I 'application de la rémunération proportionnelle prévue par la convention Plan Câble, ainsi que ceux concernant la méconnaissance du droit de FRANCE TELECOM à une juste rémunération par une détermination inexacte de l'assiette de la redevance d'usage, de la formule de prix et par la non prise en compte des frais de maintenance ;

Rejette le recours formé par la société FRANCE TELECOM contre la décision de l'Autorité de régulation des télécommunications n° 97-209 du 10 juillet 1997 se prononçant sur un différend entre Paris TV Câble et FRANCE TELECOM ;

Condamne la société FRANCE TELECOM à payer à la société Paris

TV Câble la somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la requérante aux dépens.