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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 28 avril 1998, n° 97/17849

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Télécom (SA)

Défendeur :

Compagnie Générale Des Eaux (SNC), Art

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Conseillers :

M. Carre Pierrat, M. Le Dauphin

Avoués :

SCP Parmentier-Hardouin-Le Bousse, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Me Rosenfeld, Me Dupuis Toubol, Me Lombard, Me Simonel

CA Paris n° 97/17849

27 avril 1998

Après avoir, à l'audience publique du 24 Mars 1998, entendu le conseil des parties, les observations de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et du Ministère public ;

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui du recours ;

La cour est saisie du recours en annulation, subsidiairement en réformation, formé le 8 août 1997 par la société anonyme FRANCE TELECOM contre une décision de l'Autorité de régulation des télécommunications (l’A.R.T. ou l'Autorité) n° 97-210 du 10 juillet 1997 qui :

- article 1er : Après avoir admis sa compétence pour connaître du différend dont l'a saisie la Compagnie Générale de Vidéocommunication, déclare cette saisine recevable ;

- article 2 : Dit que FRANCE TELECOM proposera à la Compagnie Générale de Vidéocommunication une prestation permettant à cette dernière de fournir le service en ligne qu'elle propose d'offrir sur les réseaux câblés concernés par la saisine, la Compagnie Générale de Vidéocommunication étant propriétaire et assurant l'exploitation des routeurs câbles ;

- article 3 : Dit que les parties établiront d'un commun accord dans les quinze jours suivant la notification de la décision des descriptions détaillées des différentes prestations et fournitures nécessaires à la mise à niveau des réseaux câblés objets de la saisine et que, dans l'hypothèse où les parties ne pourraient parvenir à un accord sur ces descriptions, l'Autorité désignera un expert indépendant chargé d'établir celles-ci aux frais des parties ;

Dit que pour les prestations ou fournitures ne faisant l'objet d'aucun différend, ni sur le montant financier, ni sur le délai de réalisation ou d'approvisionnement, FRANCE TELECOM entamera sans attendre les actions permettant d'effectuer ces prestations ou fournitures dans les délais convenus.

Dit que pour les prestations ou fournitures faisant l'objet d'un différend soit sur le montant financier, soit sur les délais de réalisation ou d'approvisionnement, les parties disposeront d'un délai de quinze jours supplémentaires pour préparer en commun les cahiers des charges des marchés correspondants. Les délais de réalisation fixés dans ces cahiers des charges seront déterminés par la Compagnie Générale de Vidéocommunication, en association étroite avec FRANCE TELECOM. Les montants financiers résulteront des dépouillements des offres reçues à l'issue des appels d'offres correspondants. La Compagnie Générale de Vidéocommunication participera au comité de dépouillement des offres et le choix des prestataires ou des fournitures sera soumis à son accord.

Dit que FRANCE TELECOM passera les marchés ou les commandes nécessaires aux prestations et fournitures définies selon la procédure décrite ci-dessus au plus tard le 30 septembre 1997.

- article 4 : Dit qu'à défaut d'accord entre les parties sur les modalités de détermination d'un versement annuel, la Compagnie Générale de Vidéocommunication remboursera à FRANCE TELECOM les sommes versées pour la mise à niveau des réseaux câblés objets de la saisine au(x) prestataire(s) ou au(x) fournisseur(s) majorées de 10%, dans un délai de 30 jours après présentation par FRANCE TELECOM des justificatifs de paiement.

- article 5 : Dit que les frais annuels de la maintenance sont, à titre provisionnel, fixés à 5 % des frais de mise à niveau des réseaux câblés, et que ces montants seront révisés, à l'issue d'une période d'un an d'exploitation des réseaux mis à niveau, au des conclusions d'une expertise diligentée par l'Autorité de régulation des télécommunications aux frais des parties.

- article 6 : Dit que la rémunération annuelle R exprimée en francs due à FRANCE TELECOM par la Compagnie Générale de Vidéocommunication pour la mise à disposition de capacités supplémentaires est calculée comme suit (suit la formule de calcul).

- article 7 : Dit que les conditions financières déterminées par les articles 4 et 5 de la présente décision sont définies dans l'hypothèse où la Compagnie Générale de Vidéocommunication est le seul utilisateur des adaptations des réseaux câblés. Dans le cas où un prestataire que la Compagnie Générale de Vidéocommunication utiliserait ces adaptations, la Compagnie Générale de Vidéocommunication et FRANCE TELECOM adapteront ces conditions pour le réseau câblé concerné.

- article 8 : Dit que les parties mettront les conventions qu'elles ont conclu pour l'exploitation des différents réseaux câblés objets de la saisine en conformité avec la présente décision avant le 31 octobre 1997.

Il est fait référence à la décision de l’A.R.T. pour l'exposé des faits dont il suffit ici de rappeler les éléments essentiels.

FRANCE TELECOM, venue aux droits de l'Etat depuis 1990, date à laquelle cette ancienne administration de l'Etat a acquis une personnalité juridique propre, est propriétaire des infrastructures constituant les réseaux du Plan Câble,

La société en nom collectif COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ET CIE, qui exerce le commerce sous le nom de Compagnie Générale de Vidéocommunication (ci-après Compagnie Générale de Vidéocommunication), et/ou ses filiales pour le compte desquelles elle intervient, sont les exploitants commerciaux des réseaux Plan Câble de 18 villes, groupements de communes ou départements, en vertu des conventions initiales d'établissement et d'exploitation du réseau de vidéocommunications signées en 1986 et 1987 qui ont permis au câblo-opérateur de vendre au public des services de télévision et de radiodiffusion sonore.

Sur le fondement de l'article L.34-2 du Code des postes et télécommunications instituant la liberté de la fourniture au public des services de télécommunications autres que le service téléphonique, la Compagnie Générale de Vidéocommunication et ses filiales ont décidé de fournir au public, en utilisant les réseaux câblés qu'elles exploitent, un service d'accès à l'Internet.

FRANCE TELECOM, propriétaire du réseau, et la Compagnie Générale de Vidéocommunication ne sont pas parvenues à arrêter les conditions contractuelles selon lesquelles le câblo-opérateur pourra effectivement fournir ce nouveau service, et ce dernier a, par une lettre de saisine du 18 avril 1997, soumis le litige à l’A.R.T. qui a rendu la décision précitée.

Au soutien de son recours, FRANCE TELECOM prétend :

- aux fins d'annulation de la décision contestée :

  1. - que, dès lors que la convention d'exploitation de réseaux câblés conclue entre les parties n'exclut aucunement et ne restreint pas la prestation de services de télécommunications, I'A.R.T. n'était pas compétente pour statuer ;

- que, de plus, les services en ligne que la Compagnie Générale de Vidéocommunication souhaite proposer relèvent essentiellement de l'audiovisuel et ne constituent pas des services de télécommunications, de sorte que c'est encore à tort que l'Autorité s'est déclarée compétente.

      2- que l'Autorité a statué à l'issue d'une procédure irrégulière, puisqu'elle n'a pas respecté les dispositions de l'article 8 de son règlement intérieur ,

- que la procédure est encore irrégulière en ce que l'Autorité a méconnu le principe dispositif puisqu'il a été statué "ultra petita" en accordant à la Compagnie Générale de Vidéocommunication diverses prérogatives que cette société n'avait pas sollicitées,

- que l'Autorité a également violé le principe du contradictoire en s'abstenant notamment d'inviter les parties à présenter leurs observations sur certains moyens de droit qu'elle a jugé opportun de relever d'office et en faisant état de faits étrangers aux débats.

- aux fins de réformation de la décision en tant qu'elle a déclaré recevable la saisine de la Compagnie Générale de Vidéocommunication :

      1- que la décision ne pouvait faire droit à la demande de mise• en conforrnité qui lui était soumise que pour autant qu'elle émanait d'une personne ayant qualité pour se prévaloir de l'article L. 34-4 du Code des postes et télécommunications, ce qui n'était pas le cas,

     2- que les pollicitations par elle reçues émanaient de la Compagnie Générale de Vidéocommunication qui n'était pas habilitée à engager toutes les sociétés d'exploitation, de sorte que, dans la mesure où elle n'avait pas été au préalable valablement saisie d'une demande de mise en conformité, il ne pouvait exister de différend au sens de l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications.

- que, de même, il ne pouvait lui être imposé ni de conclure un avenant avec une personne morale qui n'était pas son cocontractant, ni de conclure une convention nulle car intervenant hors de l'objet social de ses cocontractants ;

- aux fins de réformation de la décision sur le fond :

      1- que l'Autorité s'est dépouillée irrégulièrement de ses pouvoirs en confiant à un expert la description des prestations de mise à niveau sur lesquelles les parties ne parviendraient pas à un accord.

      2- que la décision entreprise outrepasse la mission conférée à l'Autorité par l'article L.34.4 du code des postes et télécommunications, en lui imposant une procédure, un calendrier et des modalités pratiques de mise à niveau technique du réseau.

     3- que les prescriptions relatives aux modalités de passation des marchés et à l'intervention de la Compagnie Générale de Vidéocommunication dans le processus de réalisation des travaux portent atteinte au droit de propriété de FRANCE TELECOM et à l'autonomie de la volonté des parties exprimée dans les conventions initiales.

     4- que les délais impartis ne sont pas prévus par la loi et sont donc irréguliers.

     5- que la disposition selon laquelle la Compagnie Générale de Vidéocommunication sera propriétaire et assurera l'exploitation des "routeurs câbles " repose sur des considérations factuelles inexactes et méconnait gravement la volonté du législateur de maintenir la propriété de FRANCE TELECOM sur l'ensemble des éléments du réseau.

Par une annexe à son recours, déposée le 11 août 1997, la société FRANCE TELECOM soutient par ailleurs que la décision attaquée est erronée en droit comme en fait, dans la mesure où l'article L.34-4 du Code des Postes et Télécommunications ne se prononce nullement sur la prise en compte des revenus futurs générés par un service nouveau et demande à la cour de dire que la rémunération proportionnelle prévue par les conventions Plan Câble s'applique de plein droit à l'Internet.

Le 8 septembre 1997, FRANCE TELECOM a produit des conclusions additionnelles, développant les moyens précédemment articulés et critiquant en outre la fixation faite par l’A.R.T. de la redevance annuelle à elle due par la Compagnie Générale de Vidéocommunication, en ce qu'elle méconnait son droit à une juste rémunération institué par l'article L.34-4 du Code des postes et télécommunications. Elle demande en conséquence à la cour de dire que dans la formule de prix de la redevance annuelle la valeur de « P » incluera, outre la valeur théorique de construction, pour un usage de télédistribution, de 1.700 francs par prise, les frais réels exposés par elle, en ce compris les charges de trésorerie, pour l'adaptation du réseau aux services litigieux, que la formule sera indexée selon les modalités prévues dans les conventions  d'exploitation et qu'au terme fixe résultant de la formule s'ajoutera un terme proportionnel déterminé conformément aux dispositions des conventions d'exploitation, soit 3,70% hors taxes du chiffre d'affaires hors taxes, et enfin que les frais annuels de la maintenance comporteront, outre un montant de 5% des frais de mise à niveau des réseaux câblés tel que prévu dans l'article 5, le paiement des frais d'exploitation du réseau existant pour la fourniture des nouveaux services calculés selon la même logique que la redevance d'usage, c'est-à-dire au prorata des capacités du réseau.

La Compagnie Générale de Vidéocommunication, auteur de la saisine  de l'Autorité, appelée à faire valoir ses observations, par application de l'article R 11-5 du décret no 97-264 du 19 mars 1997, demande à la cour de dire le recours, pour ce qui concerne la réformation de la partie de la décision ayant fixé la rémunération de FRANCE TELECOM, irrecevable comme tardif, de rejeter tous les autres moyens d'annulation et de réformation et de condamner la société FRANCE TELECOM au paiement d'une somme de 200.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'Autorité, usant de la faculté qui lui est offerte par le texte précité, a déposé des observations écrites visant également au rejet du recours, en soulevant l'irrecevabilité des demandes et moyens non contenus dans la déclaration de recours.

La société requérante a répliqué à l'ensemble des observations déposées.

Le ministère public a présenté, à l'audience, des observations orales tendant à la recevabilité du recours, à la réformation de la décision sur la seule disposition prévoyant la désignation d'un expert, et au rejet du recours en ce qui concerne les autres prétentions.

SUR QUOI LA COUR

I - Sur la recevabilité des demandes et moyens contenus dans l'annexe au recours déposée le 11 août 1997 et des écritures additionnelles déposées le 8 septembre 1997

Considérant qu'aux termes de l'article R 11-3 du décret n° 97-264 du 19 mars 1997, relatif à la procédure suivie devant l'Autorité de régulation des télécommunications et la cour d'appel de Paris en cas de différend mentionné à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications, « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration de recours précise l'objet  du recours et contient un exposé sommaire des moyens. L'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration » ; qu'il en résulte que le requérant est irrecevable à invoquer des moyens qui n'auraient pas été soulevés, au moins sommairement, dans sa déclaration de recours ;

Considérant que FRANCE TELECOM a déposé le 11 août 1997 une « annexe au recours sommaire » puis le 8 septembre 1997 des conclusions dites « additionnelles » qui contiennent des contestations et des prétentions relatives à l'application de la rémunération proportionnelle prévue par les conventions plan câble, puis à l'assiette de la redevance d'usage, à la formule de prix et aux frais de maintenance ;

Considérant que l'argumentation de la requérante, fondée sur une comparaison avec les articles 56 et 306 du nouveau Code de procédure civile, relatifs le premier à l'assignation en justice, et le second à l'inscription de faux incident, ainsi qu'avec l'article R 77 (en réalité 87) du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui se rapporte à la requête introductive d'instance, est inopérante, dès lors que l'article R 11-2 du décret du 19 mars 1997, stipule que, « par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du nouveau Code de procédure civile, les recours contre les décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications prévues à l’article L. 36-8 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions suivantes », et par suite à celles de l'article R 11-3 ci-dessus rappelé ;

Qu'il s'ensuit que les moyens de réformation, relatifs à l'application de la rémunération proportionnelle prévue par les conventions Plan Câble, ainsi qu'à la méconnaissance du droit de FRANCE TELECOM à une juste rémunération par une détermination inexacte de l'assiette de la redevance d'usage, de la formule de prix et des frais de maintenance doivent être, d'office, déclarés irrecevables ;

II - Sur le recours en annulation

a - Sur la compétence

 Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.34-4 du Code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, « les conventions en vigueur qui contiennent des clauses excluant la fourniture de services de télécommunications sur les réseaux établis ou exploités en application de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ou lui apportant des restrictions de nature juridique ou technique, devront être mises en conformité, avant le 1er janvier 1998, avec les dispositions du présent article. Ces mêmes conventions garantissent, au titre de ces services, une juste rémunération du propriétaire de ces réseaux, assurant la couverture par le fournisseur de services du coût des prestations fournies et des investissements nécessaires à cette fin. Elle précisent les modalités de mise à disposition des capacités supplémentaires nécessaires ainsi que les conditions techniques d'utilisation de ces réseaux. En cas de litige, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8 » ;

Que l'article L. 36-8 prévoit qu’ « en cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur Za conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties » ;

Considérant que l'Etat, auquel a succédé FRANCE TELECOM, et la Compagnie Générale de Vidéocommunication, agissant tant pour son compte que pour celui de ses filiales ont passé diverses conventions qui permettent à la Compagnie Générale de Vidéocommunication d'utiliser les réseaux câblés dont FRANCE TELECOM est propriétaire, pour proposer des services de télévision, mais qui ne contiennent aucune clause relative à la possibilité pour le câblo-opérateur d'offrir des services de télécommunications sur ces réseaux ; que cette lacune s'analyse en une restriction au sens de l'article L. 34-4 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, alors que la technique rend possible l'utilisation des réseaux câblés dans les deux sens :

- le sens descendant, qui transporte des signaux depuis la tête de réseau jusqu'à l'abonné,

- le sens remontant, qui transporte des signaux depuis l'abonné jusqu'à la tête de réseau et au-delà, comme dans le cas d'Internet, réseau mondial d'ordinateurs connectés entre eux qui rend possible la communication entre ses utilisateurs et donne accès à des bases de données,

la Compagnie Générale de Télécommunication, après le lancement à titre expérimental sur le réseau concessif de Nice d'un service d'accès pour les services en ligne, a souhaité fournir au public, en utilisant l'ensemble des réseaux câblés exploités par ses filiales, un service d'accès à l’Internet ; que les négociations ouvertes en juin 1996 n'ayant pas abouti à la signature d'un  avenant aux conventions d'origine, elle a saisi l'Autorité pour lui demander, en application des dispositions légales précitées, de vider le litige existant ;

Considérant que dans la directive de la Commission des Communautés Européennes sur la libération totale des télécommunications et dans les directives communautaires relatives à la fourniture d'un réseau ouvert, les services de télécommunications sont définis comme des services dont la fourniture consiste, en tout ou en partie, en la transmission et/ou l'acheminement de signaux par des réseaux de télécommunications, ces derniers s'entendant des systèmes de transmission et, le cas échéant, de l'équipement de commutation et des autres ressources qui permettent le transport de signaux entre des points de terminaison définis, par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ; que le service d'accès à l'Internet entre bien dans le cadre de cette définition ;

Qu'il s'ensuit que la saisine par la Compagnie Générale de Vidéocommunication de l'Autorité était recevable et cette dernière compétente, dès lors que la convention en vigueur contenait des restrictions de nature juridique ou technique à la fourniture d'un service de télécommunication et ne permettait pas, en l'état, la fourniture de ce service de télécommunication qui constitue l'accès à l'Internet ;

Que les moyens tirés d'une prétendue incompétence de l'Autorité seront donc rejetés ;

b - Sur les irrégularités de procédure

Considérant, tout d'abord, que FRANCE TELECOM prétend que la décision attaquée encoure l’annulation dans la mesure où l’Autorité a méconnu les dispositions de l'article 8 de son règlement intérieur, en omettant de réclamer les pouvoirs justifiant de la qualité à agir de la Compagnie Générale de Vidéocommunication, aux lieu et place de ses filiales seules titulaires du droit de se prévaloir de l'article L. 34-4 du Code des postes et télécommunications, les statuts de ces sociétés d'exploitation, ainsi que le pouvoir donné à M. TRAME, directeur général de la société, signataire de l'acte de saisine ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la décision n° 97-57 du 26 mars 1997 portant règlement intérieur de l'Autorité, la saisine « indique également la qualité dg demandeur et notamment... si le demandeur est une personne morale : sa dénomination, sa forme, son siège social, l'organe qui la représente légalement et la qualité de la personne qui a signé la saisine. Les statuts sont joints à la saisine... Si la saisine ne satisfait aux règles mentionnées ci-dessus, l'Autorité met en demeure le demandeur par lettre recommandée avec avis de réception de la compléter. Le délai mentionné à l'article R 11-1 du Code des postes et télécommunications ne court qu'à réception des éléments manquants » ;

Qu'il s'ensuit que les règles de procédure ainsi définies ne sont prescrites ni à peine d'irrecevabilité ni à peine de nullité, la seule conséquence attachée au caractère incomplet du dossier de saisine étant, si l'Autorité entend user de son pouvoir de réclamer des éléments manquants, de ne pas faire courir le délai réglementaire dans lequel elle doit se prononcer sur le litige dont elle est saisie ;

Considérant, au demeurant, que cette inobservation d'une règle procédurale pouvait être régularisée à tout moment ;

Qu'en tout état de cause, elle a été couverte par la production devant la cour :

- du pouvoir, en date du 17 mars 1997, donné à Monsieur TRANIE par Monsieur Mallet, gérant de la Compagnie Générale de Vidéocommunication, aux fins, dans le cadre du projet d'accès à Internet sur les réseaux câblés, d'entamer toute procédure ou démarche nécessaires, et ce notamment auprès de I'A.R.T., dont rien ne permet de suspecter l'authenticité ;

- des mandats, en date du 4 avril 1997, donnés par les sociétés le Câble Béthunois, Câble 2000, Corse Téléservice, Nancy Téléservice, Téléservice Nimes, Téléservice Perpignan, Téléservice Grenoble, Téléservice Saint Etienne, Champagne Téléservice, Téléservice Lyon, Ouest Téléservice, Normandie Téléservice, Plein Câble 92, Versailles Plein Câble, Toulouse Téléservice, sociétés d'exploitation filiales de la Compagnie Générale de Vidéocommunication, à cette dernière pour signer avec FRANCE et/ou toute autre entreprise fournissant des équipements ou prestations nécessaires au lancement du service d'accès à l'Internet ou à sa bonne exploitation, étant au surplus observé que la Compagnie Générale de Vidéocommunication agissait également pour son propre compte et indiquait, dans son mémoire de saisine, que la convention à intervenir serait conclue tant en son nom et pour son compte que pour le compte de ses filiales exploitant les réseaux Plan Câble au niveau local ;

Considérant, ensuite, que FRANCE TELECOM soutient que l’Autorité n'aurait pas respecté le principe dispositif, en accordant à la Compagnie Générale de Vidéocommunication plus que ce qui était demandé ;

Qu'elle fait grief à la décision attaquée d'avoir décidé que l'exploitant participera au comité de dépouillement des appels d'offres lancés par FRANCE TELECOM, qu'il aura un droit de veto sur le choix des entrepreneurs et fournisseurs, et qu'il fixera lui-même les délais de réalisation ou de fourniture, alors que, selon elle, la Compagnie Générale de Vidéocommunication n'avait pas demandé que lui soient reconnues de telles prérogatives ;

Mais considérant que, dans son acte de saisine, la Compagnie Générale de Vidéocommunication demandait à être partie prenante au processus de sélection des prestataires chargés des travaux de mise à niveau des réseaux et priait l'Autorité de fixer un calendrier pour la réalisation des travaux, de sorte que le moyen d'annulation invoqué manque en fait ;

Considérant, enfin, que FRANCE TELECOM reproche à l'Autorité d'avoir méconnu le principe du contradictoire, en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle a relevé, tiré de ce que la valeur de la redevance pour mise à disposition de capacités supplémentaires ne pouvait calculée en fonction de la rareté de la capacité sur la voie de retour dès lors que la loi imposait une évaluation en fonction des coûts, et en retenant, pour fixer la valeur de cette redevance, le taux qu'elle avait déjà fixé dans une autre affaire, se référant ainsi à des faits étrangers aux débats ;

Mais considérant qu'il n'est pas discuté que l'Autorité était saisie du litige en ce qu'il portait sur la fixation de la valeur de la redevance pour mise à disposition de capacités supplémentaires de sorte que les dispositions légales relatives à la rémunération du propriétaire du réseau étaient nécessairement dans le débat ,

Que rien ne s'opposait par ailleurs à ce que l'Autorité tranche le litige, après un examen précis et complet des circonstances de l'espèce ainsi que des propositions de chacune des parties et en restant dans la fourchette des taux proposés, au vu des éléments objectifs d'un acte administratif publié et particulièrement connu de FRANCE TELECOM, puisque relatif à l'approbation de son catalogue d'interconnexion ;

Qu'il résulte de ce qui précède que les moyens d'annulation soulevés doivent être rejetés ;

III - Sur la réformation de la décision

a - sur l'absence de qualité

Considérant que FRANCE TELECOM fait valoir que la décision attaquée ne pouvait faire droit à la demande de mise en conformité qui lui était soumise que pour autant qu'elle émanait d'une personne ayant qualité pour se prévaloir de l'article L.34-4 du Code des postes et télécommunications, ce qui, d'après elle, n'était pas le cas, en raison de l'absence de qualité de Monsieur TRANIE pour représenter la Compagnie Générale de Vidéocommunication devant l'Autorité, et à défaut par cette Compagnie d'être mandatée à cet effet par les sociétés d'exploitation, seules cocontractantes de FRANCE TELECOM ;

Considérant toutefois, ainsi que la cour l'a précédemment relevé, que tant le pouvoir donné à Monsieur TRANIE pour représenter la Compagnie Générale de Vidéocommunication devant l'Autorité, que les mandats émanant des sociétés d'exploitation ont été versés aux débats, de sorte que le moyen allégué manque en fait ;

Considérant que la requérante se prévaut ensuite d'une prétendue nullité de la convention imposée par l'Autorité, dans la mesure où la prestation de services de télécommunications n'entre ni dans les statuts des sociétés d'exploitation ni dans celui de la Compagnie Générale de Vidéocommunication ;

Que là encore l'argument est inopérant, l'activité de fournisseur de service d'accès à l'Internet entrant dans l'objet social de la Compagnie Générale de Vidéocommunication, défini comme « … la réalisation de tous réseaux de transmission de I 'information par ondes hertziennes et par câbles, la gestion par exploitation directe... de tels réseaux, les prestations de services diverses concernant de tels réseaux » et de celui, similaire, de ses filiales ;

b - sur l'absence de différend

Considérant que la société FRANCE TELECOM prétend qu'il ne pouvait y avoir de différend au sens de l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications, les pollicitations, préalables à la saisine de l’A.R.T., reçues par elle émanant de la Compagnie Générale de Vidéocommunication qui n'était pas habilitée à engager les sociétés d'exploitation, à la seule exception d'Ouest Service, de Plein Câble 92, de Sète Téléservice, de Sud Téléservice, de Teleriviera Multimedia, de Téléservice Grenoble, de Téléservice Languedoc Roussillon, de Téléservice Lyon, de Téléservice Perpignan, de Téléservice Saint Etienne et de Versailles Plein Câble ;

Qu'elle critique également la décision pour lui avoir imposer de proposer une prestation à une société qui ne pouvait en être le bénéficiaire légal ;

Mais considérant que le premier grief est infondé, la requérante reconnaissant que, pour les sociétés d'exploitation qu'elle énumère, la Compagnie Générale de Vidéocommunication, dûment habilitée, l'avait saisie de demandes sur lesquelles aucun accord n'était intervenu ;

Que le second argument est tout aussi infondé, la Compagnie Générale de Vidéocommunication justifiant de ce que les parties avaient pour habitude de procéder par voie d'accord cadre conclu entre FRANCE TELECOM et la Compagnie Générale de Vidéocommunication chaque fois qu'elles décidaient de nouvelles modalités contractuelles applicables aux 18 réseaux Plan Câble concernés ;

Qu'au demeurant FRANCE TELECOM n'a jamais soulevé la moindre difficulté ou fait une quelconque réserve sur la qualité ou l'intérêt à agir de la Compagnie Générale de Vidéocommunication, que ce soit au cours de la période de négociations, ou devant I'A.R.T. ;

c - sur la délégation de pouvoir à un expert

Considérant que FRANCE TELECOM reproche à l'Autorité d'avoir, en ses lieu et place, chargé un expert de déterminer de manière définitive et sans recours les prestations et fournitures nécessaires à la mise à niveau des réseaux ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré en l'état que le recours à l'expertise a été effectif de sorte que la requérante n'a pas d'intérêt à poursuivre ce grief ;

d - sur la procédure de passation des marchés

Considérant que FRANCE TELECOM prétend que l'Autorité aurait outrepassé ses pouvoirs en « imaginant une procédure devant conduire les parties de sa décision à la signature de la convention de mise en conformité » ; que, d'après elle, s'il appartient à l'Autorité de compléter ou d'adapter les conventions existantes de telle sorte qu'elles assurent la possibilité effective aux câblo-opérateurs de rendre sur les réseaux qu'ils exploitent des services de télécommunications, elle ne peut en revanche prescrire les modalités pratiques selon lesquelles le propriétaire du réseau devra réaliser la mise à niveau technique des réseaux ;

Mais considérant que, selon l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications, la décision de l'Autorité précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial à un réseau de télécommunications doivent être assurés ; qu'il appartient à l'Autorité de trancher, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8, les litiges relatifs à la mise en conformité des conventions visées à l'article L. 34-4 ;

Qu'il s'ensuit que l'Autorité est investie du pouvoir d'émettre des prescriptions, voire de prononcer des injonctions de faire ou de ne pas faire, de manière à rendre effective la réalisation des travaux et des prestations nécessaires pour assurer la liberté d'accès au service de télécommunications ;

e - sur l'atteinte à l'autonomie de la volonté et au droit de propriété de FRANCE TELECOM

Considérant que la société requérante reproche encore à la décision attaquée de porter atteinte à son droit de propriété et à ses prérogatives contractuelles ;

Considérant toutefois que la première allégation est contraire aux faits de l'espèce puisque FRANCE TELECOM reste propriétaire de ses réseaux et perçoit une redevance pour l'utilisation de ceux-ci ;

Que, s'agissant de ses prérogatives contractuelles, les restrictions qui y sont apportées, ont été voulues par le législateur qui, pour des motifs d'ordre public économique, a confié à l'Autorité de régulation, dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, la mission d'imposer aux parties qui la saisissent, des décisions exécutoires tranchant leurs litiges sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunication ;

f - sur le calendrier

Considérant que FRANCE TELECOM soutient que l'Autorité ne pouvait ni lui prescrire d'autoriser l'utilisation de ses réseaux plans-câble à des fins de télécommunications à une date antérieure au 1er janvier 1998, ou de mettre en conformité la convention avant cette même date, ni lui imposer des délais pour le lancement et la réalisation des travaux ;

Mais considérant que l'objet de la loi de régulation des télécommunications est de rendre possible la fourniture des nouveaux services de télécommunications, avant le Ier janvier 1998, la mise en conformité des conventions devant être effectuée avant cette date, et non pour cette date ;

Que c'est dès lors, dans le respect des dispositions légales que l'Autorité a pu imposer à FRANCE TELECOM de mettre les conventions par elle conclues avec la Compagnie Générale de Vidéocommunication en conformité avec sa décision avant le 31 octobre 1997 ;

Considérant de même que l'Autorité de régulation a pu valablement fixer un calendrier pour la réalisation des et prestations nécessaires à l'exploitation du service d'accès à l'Internet dont la fourniture au public est d'ores et déjà libre, conformément à la directive communautaire du 28 juin 1990 relative à la libéralisation des services de télécommunications autres que la téléphonie vocale ;

g - sur la propriété des « routeurs câble »

Considérant que FRANCE TELECOM soutient que les « routeurs câble », c'est-à-dire les modems permettant la mise en forme des messages et leur transmission dans le réseau aux adresses Internet Protocol des abonnés au service d'accès à l'Internet, remplissent par nature des fonctions de réseau et, faisant ainsi partie du réseau, appartiennent nécessairement à celui-ci, cette analyse technique excluant toute autre considération et imposant que la propriété des routeurs lui soit laissée, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe une indissociabilité entre les «routeurs câble» et les modems câble ; qu'elle ajoute que le législateur a entendu, de la manière la plus générale, maintenir la propriété du réseau sur la tête de FRANCE TELECOM et qu'en conséquence tous les organes remplissant une fonction de transmission entre les extrémités que sont, en aval les abonnés, et en amont les accès sur l'extérieur, appartiennent par définition au réseau ;

Que, reprochant à la décision attaquée d'être entachée d'une erreur à la fois de droit et de fait, puisque, d'après elle, rien n'autorisait l'Autorité à déterminer qui doit gérer un équipement de réseau ou en être propriétaire, elle demande à la cour de la réformer en ce qu'elle a dit que les «routeurs câble» seraient la propriété de la Compagnie Générale de Vidéocommunication qui les exploiterait ;

Mais considérant que les «routeurs câble» n'existaient pas, à la date de la décision, sur les réseaux câblés, lesquels ont été développés techniquement sans eux, puisque ces routeurs n'ont pas d'autre objet que de permettre l'accès à l'Internet ; qu'il n'est donc pas démontré que ces matériels spécifiques appartiennent par nature au réseau ;

Que l'Autorité, saisie du litige opposant FRANCE TELECOM et la Compagnie Générale de Vidéocommunication quant à la fourniture du nouveau service d'accès à l'Internet par les réseaux câblés, devait se prononcer sur les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès aux réseaux devait être assuré, ce qui implique qu'elle puisse décider, en l'absence d'accord des parties, sur le régime applicable à des équipements nouveaux, distincts de ce réseau, mais indispensables pour assurer d'une manière effective la fourniture du service de télécommunications ;

Que, alors qu'il n'est pas contesté par les parties que le modem câble, équipement terminal qui assure chez l'utilisateur les fonctions de transmission et de réception, est extérieur au réseau câblé et que sa propriété revient au câblo-opérateur ou à l'usager, l'Autorité a relevé d'une part que les choix du modem terminal et du routeur câble étaient indissociables, les interfaces logiques entre routeurs et modems étant spécifiques à chaque constructeur, d'autre part qu'il n'existait pas d'obstacle technique à la dissociation de cette prestation de la fourniture de capacité supplémentaire sur le réseau câblé, enfin que la concentration des routeurs câble sur un site unique en tête de réseau, préconisée par la Compagnie Générale de Vidéocommunication, avait l'avantage de la simplification de l'exploitation et de la maintenance, et que cette solution offrait la meilleure clarté et transparence quant au partage des responsabilités ;

Qu'elle a ainsi justifié sa décision relative à la propriété des « routeurs câble » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours de la société FRANCE TELECOM aux fins de réformation, visant l'absence de qualité, l'absence de différend, la nullité de la convention intervenant hors de l'objet social des cocontractants, la délégation de ses pouvoirs par l'Autorité, les modalités de passation des marchés, l'atteinte à l'autonomie de la volonté et au droit de propriété de FRANCE TELECOM, les délais de réalisation, ainsi que la propriété des « routeurs câble », n'est pas fondé ; qu'il doit en conséquence être rejeté ;

IV - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à la Compagnie Générale de Vidéocommunication une somme de 50.000 francs par application des dispositions du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les moyens de réformation, relatifs à l'application de la rémunération proportionnelle prévue par les conventions Plan Câble, ainsi que ceux concernant la méconnaissance du droit de FRANCE TELECOM à une juste rémunération par une détermination inexacte de l'assiette de la redevance d'usage, de la formule de prix et des frais de maintenance ;

Rejette le recours formé par la société FRANCE TELECOM contre la décision de l'Autorité de régulation des télécommunications n° 97-210 du 10 juillet 1997 se prononçant sur un différend entre la Compagnie Générale de Vidéocommunication et FRANCE TELECOM ;

Condamne la société FRANCE TELECOM à payer à la Compagnie Générale de Vidéocommunication la somme de 50.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la requérante aux dépens.