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Décisions

Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-19.177

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

Me Vuitton

Orléans, ch. civ., 2e sect., du 28 mai 1…

28 mai 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 mai 1996), que la société Laboratoires de l'Aerocid (société l'Aerocid) assurait pour le compte de la société Eurexpan Labo (société Eurexpan), la fabrication et le conditionnement d'un produit commercialisé par celle-ci ; que M. X... gérant de la société l'Aerocid a cédé la totalité des parts sociales aux consorts Y... ; qu'antérieurement à cette cession, les dernières fabrications et livraisons effectuées par la société Aerocid pour la société Eurexpan ont été facturées à cette dernière par une société CIP, dirigée par le fils de M. X...; que la société Aerocid a, par la suite assigné M. X... et la société Eurexpan en paiement du prix ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Eurexpan reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une certaine somme, en tant que débiteur principal, ainsi qu'aux intérêts de droit alors, selon le pourvoi, d'une part, que le paiement fait entre les mains d'un tiers désigné par le créancier est libératoire ; qu'ainsi, libéré le débiteur le paiement effectué entre les mains du tiers désigné par le représentant légal de la personne morale créancière ; qu'en l'espèce, les constatations de l'arrêt attaqué font apparaître que M. X..., dirigeant de droit de la société l'Aerocid lui avait indiqué d'avoir à payer entre les mains de la société CIP puisque, selon les propres constatations de l'arrêt, il s'est abstenu de facturer les prestations au nom de la société l'Aerocid, pour les faire facturer par la société CIP ; qu'en statuant comme ils l'ont fait les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 1239 et 1240 du Code civil ; alors, d'autre part, que si l'imprudence éventuelle du débiteur peut être prise en compte dans le cadre d'une action en responsabilité, visant à l'octroi de dommages-intérêts, elle est étrangère au point de savoir si le paiement fait entre les mains d'un tiers désigné par le créancier est libératoire ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1239, 1240 et 1147 du Code civil et alors, enfin, qu'un céancier ne peut demander au débiteur de payer la dette une seconde fois, si par son comportement il a provoqué le paiement entre les mains d'un tiers ; qu'ayant relevé, en l'espèce, que le créancier, par le truchement de M. X..., son dirigeant de droit, avait été à l'origine du paiement de la dette entre les mains de la société CIP, les juges du fond qui ont de nouveau refusé de tirer les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 1239 et 1240 du Code civil ;

Mais attendu, que l'arrêt relève que la société Eurexpan a, sur le simple reçu d'une facture d'une société étrangère aux relations contractuelles la liant à son sous-traitant, la société Aerocid, par deux fois payé la société CIP au lieu de cette dernière et ne fournit aucune explication sur les raisons d'une telle erreur, ni ne rapporte la preuve de ce que par des manoeuvres frauduleuses ou par imprudence, elle aurait été induite en erreur par la société Aerocid sur la personnalité de son véritable créancier ; qu'ayant par là même fait ressortir que le tiers entre les mains duquel elle avait effectué le paiement, n'avait pas été désigné par le créancier, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Eurexpan reproche à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable, comme prescrite, son action en garantie à l'encontre de M. X... portant sur la facture de 97 685,32 francs alors, selon le pourvoi, d'une part, que la prescription de trois ans prévue à l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966, ne concerne que les actions engagées par la société à l'encontre de son dirigeant ; qu'elle n'a pas vocation à régir l'action engagée par un tiers, tel un client de la société, à l'encontre du dirigeant; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé, par fausse application l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966, et par refus d'application l'article 2262 du Code civil et alors, d'autre part, que le fait dommageable, s'agissant d'une action en garantie exercée contre un tiers, apparait le jour où une demande est formée à l'encontre de la partie qui forme l'appel en garantie ; qu'en refusant de prendre en considération la date de la demande formée par la société l'Aerocid à son encontre, pour rechercher si dans le délai de trois ans à compter de cette date, une demande avait été formée contre M. X..., les juges du fond ont, en tout état de cause, violé l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu, d'une part, que la prescription de l'article 53 de la loi du 24 juillet 1966, s'applique aussi bien à des actions engagées par des tiers qu'à des actions sociales dirigées contre le gérant à raison des fautes commises dans sa gestion ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société Eurexpan ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elle fait valoir au soutien de la seconde branche de son moyen ; que celui-ci est par conséquent nouveau et qu'il est mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, est mal fondé en la première ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.