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Décisions

Cass. 1re civ., 9 février 2012, n° 09-69.594

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

Me Spinosi, SCP de Chaisemartin et Courjon

Grenoble, du 23 juin 2009

23 juin 2009


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 14 mars 2005, la Société pour la perception de la rémunération équitable (la SPRE) a assigné la SARL Le César, ainsi que M. X..., son gérant, afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement d'une somme représentant le montant de la rémunération équitable due au titre de l'exploitation du fonds de commerce de discothèque de la société, pour la période comprise entre le 1er octobre 1988 et le 31 juillet 1999 ; que se prévalant, la première des dispositions de l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le second des dispositions de l'article L. 223-23 du code de commerce, la société Le César et M. X... ont invoqué la prescription de l'action de la SPRE ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Le César fait grief à l'arrêt attaqué de dire recevable à son égard l'action de la société civile SPRE et de la condamner in solidum avec M. X... à lui payer la somme de 79 184,82 euros, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil, en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, fait obstacle à la demande d'une société civile chargée de collecter la rémunération équitable prévue par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que cette société dispose des éléments lui permettant de calculer sa créance, peu important que ces éléments ne lui aient pas été communiqués par son débiteur ; qu'en retenant que l'action en paiement introduite par assignation du 14 mars 2005 n'était pas prescrite, après avoir pourtant constaté que la SPRE avait, dès le 19 août 1999, calculé le montant de sa créance à l'égard de la société Le César sur la base des chiffres fournis par l'administration fiscale et des chiffres d'affaires publiés, ce dont il résultait nécessairement que la prescription de l'article 2277 du code civil était opposable à la SPRE au plus tard à compter de cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement retenu que la prescription prévue par l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, après avoir énoncé que le système déclaratif instauré par les articles L. 214-1 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle oblige les exploitants de discothèques à fournir à la SPRE tout justificatif comptable et fiscal des éléments nécessaires au calcul de la rémunération équitable, a constaté que c'est seulement les 16 mars et 11 avril 2000 que la société Le César lui avait communiqué ses comptes de résultats relatifs aux exercices 1993 à 1999 et son chiffre d'affaires réalisé de 1990 à 1999, en a, à bon droit, déduit qu'introduite le 14 mars 2005, l'action de la SPRE, dont la créance n'avait été évaluée qu'à titre provisionnel, était recevable à l'encontre de la société Le César ; que le grief n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du moyen, après avis de la chambre commerciale :

Vu l'article L. 223-23 du code de commerce ;

Attendu que la prescription triennale prévue par ce texte est applicable à l'action exercée par un tiers contre le gérant d'une SARL à qui il est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ;

Attendu que pour déclarer recevable la demande de la SPRE dirigée contre M. X..., l'arrêt retient que la prescription de trois ans édictée par l'article L. 223-23 du code de commerce ne concerne, par renvoi à l'article L. 223-22, que la violation des statuts de la SARL, les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires et les fautes commises par les gérants dans l'exercice de leur gestion, lesquelles sont distinctes des fautes détachables de la fonction de gérant qui relèvent des dispositions de l'article 1382 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société civile SPRE dirigée contre M. X... et a condamné celui-ci, in solidum avec la société Le César, à payer à la société SPRE la somme de 79 184,82 euros, outre les intérêts, l'arrêt rendu le 23 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.