Cass. com., 12 octobre 1999, n° 96-22.901
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Aubert
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Balat, Me Cossa
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 25 septembre 1996), que pour garantir l'échelonnement de la dette de la société concessionnaire CIPLA dont il était le gérant, envers la société concédante Man camions et bus (société Man), M. X..., ainsi que son épouse, se sont constitués cautions hypothécaires et se sont engagés à ne pas aliéner, ni louer les biens hypothéqués ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de M. X..., le Tribunal a arrêté le plan de cession des actifs de son entreprise incluant les immeubles hypothéqués ; que la société Man a assigné les époux X... en paiement de la somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts pour non-respect de leur engagement de ne pas aliéner ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Man fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si l'avoué de la société Man n'avait pas, antérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture, soit le 14 août 1996, sollicité, par lettre adressée au conseiller de la mise en état, le report de cette ordonnance ; qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 783, 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que les juges du fond, qui doivent faire respecter le principe de la contradiction, doivent rechercher, au regard des circonstances de l'espèce, si chacune des parties a effectivement été en mesure de répondre à son adversaire ; que la cour d'appel devait donc rechercher si la société Man, dont le siège est en région parisienne et dont l'avocat était domicilié à Strasbourg, disposait du temps nécessaire pour répondre avant le lundi 19 août à des conclusions de dix pages signifiées à Riom le lundi 12 août ; qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 16, 783 et 910 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Man a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 19 août 1996 par des conclusions du 3 septembre 1996 sans alléguer une cause grave et retient qu'entre les conclusions des époux X... et l'ordonnance de clôture, sept jours se sont écoulés, pendant lesquels elle a eu le loisir de prendre toutes dispositions ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a fait la recherche qui lui était demandée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Man fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la perte d'une chance constitue un préjudice indemnisable ; que la cour d'appel a relevé qu'en l'absence de cession, il existait une possibilité pour la société Man de percevoir des fonds si les immeubles avaient été négociés librement ; qu'ayant ainsi caractérisé la perte d'une chance de gain, elle a, en refusant de la réparer, violé l'article 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'inexécution d'une obligation par le débiteur ouvre droit, au profit du créancier, au paiement de dommages-intérêts, sauf si l'inexécution provient d'une force majeure ou d'un cas fortuit, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de la part du débiteur ; que la cour d'appel ne pouvait débouter la société Man de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre des époux X..., sans caractériser, pour exonérer ces derniers, une force majeure ou un cas fortuit ; qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1148 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, loin de constater la perte d'une chance de gain, la cour d'appel a relevé que la société Man ne prouvait pas l'existence d'un préjudice, rien ne démontrant qu'elle aurait pu percevoir quelque somme que ce soit si elle avait été en mesure de faire vendre des biens en exécution des garanties dont elle bénéficiait ;
Attendu, d'autre part, qu'au vu du rapport de l'administrateur, le Tribunal ordonne la cession de l'entreprise qui a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ;
qu'ayant retenu que la cession des biens hypothéqués compris dans le plan de redressement n'était pas une vente consentie par les propriétaires, auxquels ne pouvait, dès lors, être reproché d'avoir méconnu l'interdiction d'aliéner ces biens, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen manque en fait en sa première branche et n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.