Cass. com., 27 avril 1993, n° 91-10.867
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Ryziger, SCP Boré et Xavier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y... ont constitué la société civile immobilière La Vicomte (la SCI) en vue de la création d'un ensemble immobilier à usage d'hôtel et la société à responsabilité limitée Hôtel La Vicomte (la SARL) en vue de l'exploitation d'un hôtel dans les locaux de la SCI, M. Y... exerçant initialement les fonctions de gérant des deux sociétés ; que M. A... étant devenu associé de la SARL et des dissensions étant apparues au sein de celle-ci, M. Y... a, le 9 janvier 1988, cédé une partie de ses parts sociales à M. X... qui est devenu le gérant de la SARL ; que la SARL et la SCI ont été mises en redressement judiciaire ; que le Tribunal, après avoir joint les procédures, a arrêté un plan de redressement prévoyant, en ce qui concerne la SCI, la cession de ses actifs à une société civile immobilière La Vicomte II constituée entre MM. X..., A... et Z..., cette opération devant être financée par un crédit-bail, et en ce qui concerne la SARL, la continuation de l'entreprise avec une prise de participation de la société Holding Desseilles à l'occasion d'une augmentation de capital qui devait intervenir dans un certain délai ; qu'après avoir entendu à l'audience, MM. Y... et Z..., les premiers juges ont, en se fondant sur l'article 23 de la loi du 25 janvier 1985, prononcé l'incessibilité des parts sociales détenues par M. Y... et ont dit qu'elles seraient attribuées par priorité à la société Holding Desseilles suivant un prix fixé à dire d'expert ; qu'ils ont décidé que M. Z... devrait, dans les 2 mois de la signification du jugement, se porter caution personnelle de l'exécution du plan et des engagements de la SARL envers la SCI la Vicomte II laquelle devait lui consentir un nouveau bail commercial ; que M. Z... a fait appel de cette décision en soutenant qu'il s'était uniquement engagé à assurer, par des apports en compte courant réalisés au profit de la SCI La Vicomte II, le paiement des échéances du crédit-bail immobilier consenti à celle-ci au cas où la SARL ne réglerait pas en temps voulu ses propres loyers à sa bailleresse et que le Tribunal ne pouvait, dès lors, lui imposer un cautionnement qu'il n'avait pas entendu donner ; que M. Y... a également relevé appel en faisant valoir que les conditions d'application de l'article 23 de la loi du 25 janvier 1985 n'étaient pas réunies en l'espèce ;
Sur la recevabilité des pourvois : (sans intérêt) ;
Sur le pourvoi formé par M. Z... :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 62, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d'associés, ne peuvent, sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas en cause, se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation ;
Attendu que tout en relevant que le jugement avait mis à la charge de M. Z... des obligations excédant les engagements personnels précisés dans la proposition de plan et l'offre de rachat et que les procédures collectives de la SCI et de la SARL avaient été jointes, la proposition de continuation relative à la seconde étant indissociable de l'offre de rachat présentée pour la première, la cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel de M. Z... en retenant que celui-ci ne faisait pas partie des personnes admises en vertu de l'article 171 de la loi du 25 janvier 1985 à relever appel des décisions arrêtant le plan de continuation de la SARL et qu'il ne pouvait pas non plus interjeter appel en vertu de l'article 174 de la même loi dès lors que les charges supplémentaires qui lui avaient été imposées ne se rapportaient pas au plan de cession de la SCI et qu'il n'avait pas la qualité de cessionnaire de l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;
Sur le pourvoi formé par M. Y... :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 23 de la loi du 25 janvier 1985, selon lequel, lorsque la survie de l'entreprise le requiert, le Tribunal peut prononcer l'incessibilité des actions, parts sociales ou certificats de droit de vote détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non et décider que le droit de vote y attaché sera exercé pour une durée qu'il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet, les juges pouvant encore ordonner la cession de ces actions, ou parts sociales suivant un prix fixé à dire d'expert ;
Attendu qu'après avoir relevé qu'il n'était pas établi que la survie de l'entreprise requérait " l'éviction et l'expropriation " de M. Y... et que celui-ci n'était plus, depuis janvier 1988, gérant de la SARL dont il n'était pas non plus démontré qu'il aurait conservé la direction de fait, la cour d'appel, a déclaré l'appel irrecevable, en retenant qu'en vertu des dispositions des articles 171 et 174 de la loi du 25 janvier 1985, M. Y... était privé du droit de faire appel du jugement et que le jugement ne présentait pas de vice suffisamment grave pour justifier la formation d'un appel-nullité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.