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Décisions

Cass. com., 29 mai 1972, n° 70-14.186

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guillot

Rapporteur :

M. Portemer

Avocat général :

M. Toubas

Avocat :

Me Ryziger

Paris, du 4 juill. 1970

4 juillet 1970

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE (PARIS,4 JUILLET 1970), D'AVOIR JUGE QUE LA DECISION PRISE LE 11 JANVIER 1967 PAR L'ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE DES PORTEURS DE PARTS DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ENTREPRISE X..., POUR MODIFIER A PARTIR DU 1ER JANVIER 1968 LES CONDITIONS DE NOMINATION DES GERANTS, ETAIT EN REALITE UNE REVOCATION DES FONCTIONS DE GERANT DE BERNARD X..., ET QUE CETTE MESURE ETAIT SANS CAUSE LEGITIME, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, LA COUR D'APPEL N'A PU, SANS DENATURER LA DECISION DU 11 JANVIER 1967, ET SANS TIRER LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES PROPRES CONSTATATIONS, ET SANS OMETTRE DE REPONDRE AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE X... ET AUTRES, DECIDER QUE LA REVOCATION DE BERNARD X... ETAIT LE FAIT DE LA DECISION DU 11 JANVIER 1967, QU'EN EFFET CETTE DECISION AVAIT SEULEMENT DECIDE QUE LA TACITE RECONDUCTION N'AURAIT PAS LIEU AUTOMATIQUEMENT LE 31 DECEMBRE 1967, MAIS N'AVAIT NULLEMENT EXCLU LA POSSIBILITE DE RECONDUIRE BERNARD X... LE 1ER JANVIER 1968, ET AVAIT PRECISE QUE, TANT QU'AUCUNE DESIGNATION NE SERAIT INTERVENUE, BERNARD X..., COMME SA SOEUR, RESTERAIT EN FONCTION, DE TELLE SORTE QUE C'EST BIEN A LA DATE DU 1ER JANVIER 1968, AINSI QUE LA SOCIETE X... ET AUTRES L'AVAIENT FAIT VALOIR DANS LEURS CONCLUSIONS, QU'IL Y AVAIT LIEU DE SE PLACER POUR APPRECIER LES DROITS DES PARTIES ET EN PARTICULIER L'EXISTENCE DE MOTIFS LLEGITIMES DE REVOCATION, ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA QUALITE D'ASSOCIE ET CELLE DE GERANT ASSOCIE SONT INDISSOCIABLES DANS UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, DE TELLE SORTE QUE LA COUR D'APPEL DEVAIT RECHERCHER SI L'ATTITUDE DE BERNARD X..., FUT-CE EN QUALITE D'ASSOCIE, ETAIT COMPATIBLE AVEC L'AFFECTIO SOCIETATIS QUI S'IMPOSAIT A LUI AUSSI BIEN COMME GERANT ASSOCIE QUE COMME ASSOCIE, QU'IL EN EST D'AUTANT PLUS AINSI QUE CONSTITUE UNE CAUSE LEGITIME DE REVOCATION TOUT FAIT TENANT A LA PERSONNE DU GERANT COMPROMETTANT LA REALISATION DE L'OBJET SOCIAL, ALORS, ENFIN, QUE LE TEMOIGNAGE EN FAVEUR D'UN EMPLOYE REVOQUE PAR SA COGERANTE N'A PU ETRE DONNE PAR BERNARD X... EN QUALITE DE GERANT, MAIS EN QUALITE D'ASSOCIE, ET QUE LA COUR D'APPEL AURAIT EN TOUT CAS DU S'EXPLIQUER SUR CE POINT ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET RETIENT QUE L'ASSEMBLEE GENERALE DU 31 OCTOBRE 1958 AVAIT NOMME CO-GERANTE BERNARD X... ET DAME Z..., SA SOEUR, POUR UNE DUREE DE TROIS ANNEES A COMPTER DU 1ER JANVIER 1959, RENOUVELABLE PAR TACITE RECONDUCTION FAUTE DE DENONCIATION DANS LES TROIS MOIS QUI PRECEDENT LA DERNIERE ANNEE EN COURS ;

QU'IL CONSTATE QU'UNE PERIODE DE TROIS ANS COMMENCEE LE 1ER JANVIER 1965 A PRIS FIN LE 31 DECEMBRE 1967, QUE, FAUTE D'UNE DENONCIATION PAR UNE ASSEMBLEE GENERALE DES PORTEURS DE PARTS ENTRE LE 1ER OCTOBRE ET LE 31 DECEMBRE 1966, UNE NOUVELLE PERIODE DE TROIS ANS A COMMENCE LE 1ER JANVIER 1968 ;

QU'IL DECLARE QUE SI LA DECISION ADOPTEE PAR LA MAJORITE DES ASSOCIES (SA MERE, VEUVE X..., ET SA SOEUR) LE 11 JANVIER 1967 S'IMPOSAIT A BERNARD X... PRIS COMME PORTEUR DE PARTS, IL N''EN EST PAS DE MEME DES DROITS DECOULANT DE SA QUALITE DE GERANT, QUE LA MAJORITE DES ASSOCIES NE POUVAIT, SANS SON CONSENTEMENT, MODIFIER EN COURS D'EXECUTION, LES CLAUSES DU CONTRAT DE MANDAT QUE LA SOCIETE AVAIT CONCLU AVEC LUI, NI EN REDUIRE LA DUREE, ET QU'AINSI LA DECISION LITIGIEUSE ETAIT EN REALITE UNE REVOCATION DES FONCTIONS DE GERANT DE BERNARD X... ;

QU'IL RELEVE LES INCIDENTS QUI ONT PRECEDE CETTE REVOCATION (CONGEDIEMENT, A L'INSU DE BERNARD X..., DU PRINCIPAL EMPLOYE DE LA SOCIETE, ELIMINATION PROGRESSIVE DE BERNARD X... DE SES FONCTIONS DE GERANT) ET QUI MONTRENT QUE VEUVE X... ET DAME Z... AVAIENT MANIFESTEMENT VOULU ENLEVER A LEUR FILS ET FRERE TOUTE PARTICIPATION DANS LA GESTION SOCIALE ;

QU'IL ENONCE QUE LE CHANGEMENT DE MAJORITE AU SEIN D'UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ET LE DESIR DES NOUVEAUX ASSOCIES DE NOMMER UN GERANT DE LEUR CHOIX N'ETAIENT PAS UNE CAUSE LEGITIME DE REVOCATION DU GERANT EN EXERCICE, ET QUE LES FAITS ALLEGUES PAR LA SOCIETE ET LES CONSORTS X... POUR PROUVER QUE LA DECISION DE LA MAJORITE N'ETAIT PAS ABUSIVE SONT POSTERIEURS A CETTE REVOCATION, ET QUE, DES LORS, ILS NE PEUVENT LA JUSTIFIER ;

QUE PAR CES MOTIFS, REPONDANT AUX CONCLUSIONS DONT ELLE ETAIT SAISIE, ET DEDUISANT LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES CONSTATATIONS, LA COUR D'APPEL A PU, SANS LA DENATURER, RESTITUER A LA DECISION LITIGIEUSE SA VERITABLE QUALIFICATION ET JUGER QUE CETTE REVOCATION N'AVAIT PAS DE CAUSE LEGITIME ;

QU'AINSI LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET DEFERE D'AVOIR ELEVE LE MONTANT DES DOMMAGES ET INTERETS ALLOUES A BERNARD X... EN REPARATION DU PREJUDICE QUE SA REVOCATION LUI A CAUSE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LES JUGES DU FOND DOIVENT MOTIVER LEUR DECISION ET METTRE LA COUR DE CASSATION EN MESURE D'EXERCER SON CONTROLE SUR LE LIEN DIRECT DE CAUSALITE EXISTANT ENTRE LA FAUTE RELEVEE COMME ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DES AUTEURS D'UNE FAUTE, ET LE PREJUDICE SUBI PAR LA PRETENDUE VICTIME DE CELLE-CI, ET LUI PERMETTRE DE S'ASSURER QUE LE MEME PREJUDICE N'EST PAS REPARE DEUX FOIS ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET RETIENT QUE LE PREJUDICE SUBI PAR BERNARD X... RESULTE NON SEULEMENT DE LA PERTE DE LA REMUNERATION DE TROIS ANNEES A LAQUELLE IL POUVAIT LEGITIMEMENT PRETENDRE COMME GERANT DE LA SOCIETE, MAIS ENCORE DES CONDITIONS DANS LESQUELLES LA REVOCATION EST INTERVENUE ET DU FAIT QUE BERNARD X... AVAIT TRAVAILLE PLUSIEURS ANNEES DANS L'ENTREPRISE QUAND ELLE APPARTENAIT A SON PERE, PUIS DANS CELLE DE LA SOCIETE QUAND SON PERE LA CONSTITUA, AVANT DE DEVENIR, EN 1951, LE CO-GERANT CHARGE SEUL DE L'EXPLOITATION ET DE LA REPRESENTATION DE LA SOCIETE VIS-A-VIS DES TIERS ;

QUE POUR FIXER, TOUTES CAUSES CONFONDUES, LE MONTANT DU PREJUDICE AINSI DEFINI, L'ARRET DECLARE, COMPTE TENU DES DOCUMENTS PRODUITS, DISPOSER D'ELEMENTS SUFFISANTS D'APPRECIATION ;

QUE, PAR CES MOTIFS LA COUR D'APPEL A MIS LA COUR DE CASSATION EN MESURE D'EXERCER SON CONTROLE SUR LE LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE RELEVEE A LA CHARGE DE SES AUTEURS ET LE PREJUDICE SUBI PAR LEUR VICTIME ET DE S'ASSURER QUE LE MEME PREJUDICE N'OBTIENT QU'UNE SEULE REPARATION ;

QUE LE MOYEN DOIT DONC ETRE ECARTE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU, LE 4 JUILLET 1970, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.