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Décisions

Cass. soc., 3 octobre 2001, n° 99-43.472

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carmet

Rapporteur :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocat général :

M. Lyon-Caen

Avocat :

SCP Gatineau

Versailles, 5e ch., sect. B, du 8 avr. 1…

8 avril 1999

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... a été engagé par la société MG transports le 6 août 1982 en qualité de chauffeur poids lourd, puis licencié le 25 avril 1997 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la société MG transports fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 1999) d'avoir fait droit aux demandes du salarié, alors, selon le moyen :

1 / que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'il appartient au juge de former en tout état de cause sa conviction sur la réalité des faits invoqués par l'employeur, au besoin en ordonnant lui-même une mesure d'instruction ; qu'en se bornant à écarter des débats les attestations produites par la société MG transports pour juger le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse sans ordonner la moindre mesure d'instruction de nature à l'éclairer sur la réalité des griefs formulés, et notamment la nature des propos proférés par le salarié lors de l'incartade avec son supérieur hiérarchique, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse exclusivement sur l'employeur, en violation de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

2 / que l'attestation dont l'auteur ne précise pas qu'elle est destinée à être produite en justice en méconnaissance des règles de forme prescrites par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile ne prive pas pour autant ce moyen de preuve de sa force probante ; qu'en l'espèce, pour écarter les attestations produites par la société, la cour d'appel s'est fondée sur la non-conformité des témoignages aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile après avoir relevé que les salariées avaient mentionné leur souhait de ne pas être citées par peur de représailles ; qu'en se fondant sur une telle constatation, impropre à remettre en cause la véracité des déclarations des salariées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que, pour juger que les propos tenus par M. X... envers son supérieur hiérarchique ne justifiaient pas le prononcé du licenciement du salarié, la cour d'appel s'est uniquement attachée à la nature des propos tenus en relevant que leur vulgarité n'excédait pas les limites de ce qui est admissible dans l'univers professionnel des chauffeurs routiers, sans tenir compte des circonstances dans lesquelles ils avaient été proférés ni de la répétition du comportement du salarié ;

qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait renouvelé pour M. X... de hurler à l'intention de son supérieur hiérarchique qu'il n'était pas là "pour faire la pute" en présence des autres salariés de son service ne constituait pas un comportement outrageant de nature à humilier son supérieur et à discréditer l'autorité hiérarchique de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que lorsqu'une attestation n'est pas établie conformément à l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement si une telle attestation présente ou non des garanties suffisantes pour emporter leur conviction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les témoignages produits ne pouvaient pas être retenus ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner une mesure d'instruction, a décidé, par une décision motivée et sans inverser la charge de la preuve, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que les griefs invoqués à l'encontre du salarié n'étaient pas suffisamment sérieux pour justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.